Denault,
J:—La
demanderesse
en
appelle
par
procès
de
novo
de
la
décision
rendue
par
le
commissaire
Taylor
de
la
Commission
de
Revision
de
l'impôt
le
7
août
1981.
Il
s’agit
essentiellement
de
déterminer
si
les
trois
compagnies
ci-après
décrites
sont
associées
ensemble
aux
termes
de
la
Loi
de
l'impôt
sur
le
revenu
pour
les
années
d'imposition
1974
à
1978
inclusivement
et
plus
particulièrement
à
la
lumière
des
dispositions
de
l’article
256(1)(e)
de
ladite
loi.
Pendant
les
années
en
litige,
les
actionnaires
de
la
demanderesse
et
les
deux
autres
compagnies
présumément
associées
étaient
les
personnes
suivantes:
Entreprises
de
Déblaiement
Général
(Montréal)
Inc
ci-après
appelée
“Entreprises”
Royal
Lefebvre
100
act
ord
(49.5%)
Wanda
Lefebvre
100
act
ord
(49.5%)
Jean-Claude
Ruel
1
act
ord
(1%)
Atomic
Truck
Cartage
Ltd,
ci-après
appelée
“Atomic”
Royal
Lefebvre
125
act
ord
(42%)
Clarence
Lefebvre
125
act
ord
(42%)
Aurèle
Lefebvre
50
act
ord
(16%)
Roclar
Leasing
Inc,
ci-après
appelée
“Roclar”
Marie-Rose
Lefebvre
99
act
ord
(49%)
Clarence
Lefebvre
99
act
ord
(49%)
Jean
Trudel
4
act
ord
(2%)
Royal,
Clarence
et
Aurèle
Lefebvre
sont
des
frères;
Wanda
Lefebvre
est
l'épouse
de
Clarence
Lefebvre
et
Marie-Rose
Lefebvre
est
l'épouse
de
Royal
Lefebvre.
Le
paragraphe
125(3)
de
la
Loi
de
l'impôt
sur
le
revenu
stipule
que
si
deux
ou
plus
de
deux
corporations
privées
dont
le
contrôle
est
canadien
sont
associées
au
sens
de
l’article
256,
alors
aucune
des
corporations
ne
peut
obtenir
la
déduction
du
paragraphe
125(1),
à
moins
de
répartir
la
déduction
entre
elles.
En
outre,
aucune
des
corporations
associées
ne
peut
obtenir
la
déduction
de
l’article
125
une
fois
que
le
revenu
des
compagnies
considérées
ensemble
a
atteint
le
plafond
global
des
affaires
défini
au
paragraphe
125(2).
Il
faut
donc
voir
si
ces
corporations
sont
associées,
et
à
cette
fin,
référer
aux
articles
256(1)(e)
et
256(2)
de
la
Loi
de
l'impôt
sur
le
revenu
qu'il
faut
lire
en
considérant
l’article
251(4)
de
la
loi.
L'effet
de
l'association
dans
l'espèce
est
d'empêcher
les
corporations
d'obtenir
les
avantages
de
l'article
125
de
la
Loi
de
l'impôt
sur
le
revenu.
L'article
256(1)
et
plus
particulièrement
son
sous-alinéa
(e)
se
lit
ainsi:
256.
(1)
Aux
fins
de
la
présente
loi,
une
corporation
est
associée
à
une
autre
dans
une
année
d’imposition
si,
à
une
date
quelconque
de
l’année,
.
.
.
e)
chacune
des
corporations
était
contrôlée
par
un
groupe
lié
et
chaque
membre
de
l’un
des
groupes
liés
était
lié
à
tous
les
membres
de
l’autre
groupe
lié,
et
si
l’un
des
deux
groupes
liés
était
propriétaire,
directement
ou
indirectement,
à
l’égard
de
chaque
corporation,
d’au
moins
10%
des
actions
émises
d’une
catégorie
quelconque
du
capital-actions
de
chaque
corporation.
La
définition
de
«groupe
lié»
se
retrouve
à
l’article
251
(4)(a)
de
la
loi:
(4)
Dans
la
présente
loi,
a)
«groupe
lié»
signifie
un
groupe
de
personnes
dont
chaque
membre
est
lié
à
chaque
autre
membre
du
groupe;
et
Comme
on
le
constate
à
la
lecture
de
l’article
256(1)(e),
pour
qu'il
y
ait
association
d'une
compagnie
à
une
autre,
il
faut
que
la
situation
de
fait
corresponde
aux
trois
conditions
énumérées
dans
ledit
sous-paragraphe
à
savoir:
1)
que
chacune
des
corporations
soit
contrôlée
par
un
groupe
lié;
2)
que
chacun
des
membres
d’un
des
groupes
liés
soit
relié
à
tous
les
autres
membres
de
l’autre
groupe
lié;
et
3)
qu’un
des
groupes
liés
possède
directement
ou
indirectement
en
regard
de
chacune
des
compagnies
pas
moins
de
10%
du
capital-actions
émis
de
toutes
classes
d’actions
de
celles-ci.
Si
les
trois
conditions
énumérées
à
l'alinéa
sont
remplies,
alors
les
corporations
seront
considérées
associées
aux
fins
de
l’article
125(3).
D'après
le
dossier
certifié
déposé
devant
la
Cour,
la
position
et
de
la
défenderesse
et
de
la
demanderesse
est
à
l'effet
que
la
compagnie
Entreprises
est
contrôlée
par
le
groupe
formé
de
Royal
Lefebvre
et
de
Wanda
Lefebvre;
que
la
compagnie
Atomic
est
contrôlée
par
le
groupe
formé
de
Royal
Lefebvre,
Clarence
Lefebvre
et
Aurèle
Lefebvre
et
que
la
compagnie
Roclar
est
contrôlée
par
le
groupe
formé
de
Clarence
Lefebvre
et
de
Marie-Rose
Lefebvre.
D'autre
part,
il
est
admis
de
part
et
d'autre
que
les
deux
premières
conditions
énoncées
dans
le
sous-paragraphe
e)
de
l'article
256
sont
respectées
et
qu'essentiellement,
le
litige
porte
sur
la
question
de
savoir
si
la
troisième
condition
qui
elle
aussi
doit
être
respectée
l'est
effectivement
dans
les
faits.
Selon
l'appelante,
la
troisième
condition
parle
de
la
détention
de
pas
moins
de
10%
des
actions
émises,
laquelle
détention
doit
être
faite
par
un
groupe
lié
d'une
des
compagnies
qu'on
veut
associer,
lequel
groupe
lié
doit
détenir
directement
ou
indirectement
lesdites
actions.
En
parlant
en
termes
de
groupe
lié,
lequel
est
défini
à
l’article
251(4)(a),
le
législateur
a
écarté
toute
ambiguïté
qui
aurait
pu
exister
quant
à
la
définition
de
ce
mot
puisqu'il
précise
qu'il
s'agissait
d'au
moins
deux
personnes,
le
terme
étant
employé
au
pluriel,
et
il
y
est
de
plus
question
de
chaque
membre,
démontrant
l’idée
de
pluralité.
Quant
à
la
défenderesse,
elle
prétend
que
l'économie
générale
de
la
Loi
de
l'impôt
sur
le
revenu
ne
prévoit
pas
la
consolidation
des
résultats
de
l'exploitation
de
corporations
distinctes
et
que
l’article
256
vise
à
limiter
la
déduction
pour
petites
entreprises
aux
corporations
qui
sont
membres
d'un
groupe
de
corporations
qui
utilisent
ou
qui
ont
utilisé
la
déduction
pour
petites
entreprises.
On
veut
empêcher
la
prolifération
de
corporations
qui
chercheraient
à
profiter
du
taux
réduit
d'imposition
prévu
à
l'article
125.
Ainsi
donc,
par
l'application
des
articles
251(2),
251(4),
251
(5)(a)
et
251(6)
de
la
Loi,
les
corporations
peuvent
être
associées
entre
elles
si
les
personnes
ou
les
groupes
qui
les
contrôlent
sont
liés
entre
eux.
Il
ne
semble
pas
faire
de
doute,
tant
par
l'analyse
du
texte
législatif
que
par
l'interprétation
qu'en
donnent
l'administration
et
la
jurisprudence,
que
l'expression
«groupe
de
personnes»
mentionnée
au
paragraphe
251(4)(a)
désigne
un
groupe
composé
de
deux
personnes
ou
plus.
En
effet,
le
sens
ordinaire
des
mots
utilisés
indique
une
idée
de
pluralité
de
personnes.
L'honorable
juge
Jackett
disait
d’ailleurs
dans
l’affaire
Buckerfield's
Ltd
et
al
v
MNR,
[1964]
CTC
504;
64
DTC
5301,
à
la
page
509
(DTC
5303):
«The
word
‘group'
in
its
ordinary
meaning,
as
I
understand
it,
can
refer
to
any
number
of
persons
from
two
to
infinity.»
Mais
il
faut
pousser
plus
avant
l'étude
de
cet
article.
Ainsi,
il
m'apparaît
qu'un
même
groupe
de
mots
utilisés
à
plusieurs
reprises
dans
une
même
phrase
doit
avoir
la
même
signification;
ainsi
on
ne
peut
donner
une
interprétation
différente
à
la
notion
de
groupe
lié
qu'on
retrouve
à
trois
reprises
dans
l’article
256(1
)(e).
Si
le
«groupe
lié»
doit
constituer
une
entité
à
la
première
occasion
où
on
l'utilise,
il
doit
en
être
ainsi
partout
où
l’on
utilise
dans
la
même
phrase
et
en
particulier
quand
on
exige
que
l’un
des
groupes
liés
soit
propriétaire
d'au
moins
10%
des
actions
émises
d'une
catégorie
quelconque
du
capital-actions
de
chaque
corporation.
L'intention
du
législateur
de
considérer
le
groupe
lié
comme
une
entité
est
d’autant
plus
apparente
que
dans
la
seconde
condition
imposée
par
l’article
256(1)(e),
on
traite
de
«chaque
membre
de
l’un
des
groupes
liés»,
ce
qui
indique
clairement
qu
lorsqu'on
a
voulu
distinguer
entre
le
groupe
constituant
une
entité
par
opposition
aux
individus
qui
la
composent,
on
l’a
précisé.
A
compter
du
moment
où
des
personnes
liées
au
sens
de
l’article
251(2)
forment
un
«groupe
lié»
au
sens
de
l’article
251(4),
il
me
semble
qu
ce
groupe
acquiert
comme
tel
une
individualité
qui
lui
est
propre
et
on
doit
dorénavant
le
considérer
comme
une
entité
distincte
des
individus
qui
le
composent;
lorsque
le
législateur
veut
tenir
compte
des
membres
d'un
groupe
lié,
il
l'indique
comme
il
l’a
fait
dans
une
partie
de
l’article
256(1
)(e).
Formulée
autrement,
la
proposition
revient
à
dire
qu'il
faut
plus
d'une
personne
pour
former
un
groupe
lié,
mais
lorsque
ainsi
formé,
ce
groupe
doit
être
traité
différemment
des
individus
qui
le
composent.
Les
tribunaux
ont
eu
l'occasion
d'interpréter
cette
question
récemment.
Dans
l'affaire
BB
Fast
&
Sons
Distributors
Ltd
v
MNR,
[1982]
CTC
2002;
82
DTC
1017,
le
juge
Tremblay
de
la
Commission
de
Revision
de
l'impôt
a
rejeté
l'appel
d'un
contribuable
mais
en
invoquant
la
solidarité
avec
ses
collègues.
Sur
le
fond
de
la
question,
il
était
cependant
en
complet
désaccord
avec
eux
et
il
considérait
plutôt
que
les
compagnies
n'étaient
pas
associées.
Cette
décision
a
été
portée
en
appel
devant
la
Cour
fédérale
([1984]
CTC
626;
84
DTC
6554)
et
l'honorable
juge
Muldoon
a
entériné
l'opinion
du
juge
Tremblay
sur
le
fond
de
la
question.
L'honorable
juge
a
conclu
dans
un
premier
temps
qu'un
groupe
signifie
tout
nombre
de
personnes
de
deux
ou
plus.
Il
ajoute
que
l'article
256(1
)(e)
se
réfère
à
des
groupes
liés
et
que
ce
terme
«groupe»
suppose
une
pluralité
de
personnes
et
non
pas
simplement
une
seule
personne.
Il
ajoute:
«But,
even
so,
on
any
basis
of
logic
one
unit
of
multiplicity
of
units
cannot
be
considered
to
be
totality
of
that
multiplicity,
nor
can
the
whole
be
subsumed
into
one
unit,
one
person
or
one
individual.»
Et
il
conclut
ainsi:
«For
the
foregoing
reasons
including
and
adopting
the
reasons
of
Judge
Tremblay
and
the
argument
of
the
plaintiff
in
these
proceedings,
this
action
by
way
of
appeal
must
succeed
and
be
allowed.
»
L’application
concrète,
dans
la
présente
cause,
de
l'interprétation
de
l'article
256(1)(e)
nous
amène
aux
constatations
suivantes.
Si
l'on
prend
un
des
groupes
liés,
il
faut
retrouver
le
fait
que
ce
groupe,
donc
au
moins
deux
personnes
sur
trois
puisque
groupe
suppose
au
moins
deux
personnes,
détient
10%
dans
une
autre
compagnie
associée.
Or
quand
on
examine
la
situation
de
la
demanderesse
par
rapport
aux
deux
autres,
soit
Atomic
par
rapport
à
Entreprises
ou
Roclar,
quelle
que
soit
la
combinaison
de
deux
personnes
sur
trois
dans
le
groupe
lié
qui
contrôle
Atomic,
nous
avons
au
plus
une
personne
de
ce
groupe
qui
détient
10%
dans
Entreprises
ou
Roclar;
ce
n'est
pas
le
groupe
lié
lui-même
qui
détient
ces
actions.
Or
ceci
ne
satisfait
pas
à
la
proposition
de
l'article
256(1)(e)
qui
exige
qu'un
des
groupes
liés
possède
pas
moins
de
10%
de
l’autre
compagnie
associée.
Le
même
raisonnement
peut
être
fait
en
regard
des
compagnies
Roclar
et
Entreprises
avec
la
même
conclusion.
En
fait,
aucune
combinaison
de
ces
compagnies
ne
nous
amène
à
conclure
qu'elles
sont
associées.
L'article
256(1)(e)
parle
en
termes
de
groupe
lié
et
non
pas
de
personnes
agissant
seules.
La
troisième
condition
dudit
article
précise
que
la
détention
d'au
moins
10%
du
capital-actions
dans
l’autre
compagnie
doit
être
faite
par
un
groupe
lié
et
non
pas
par
une
personne
ou
un
membre
du
premier
groupe
contrôlant
qui
est
lié.
Les
trois
conditions
qu'exige
l’article
256(1)(e)
ne
se
retrouvent
donc
pas
dans
la
présente
cause
et
la
demanderesse
n'est
pas
associée
aux
termes
des
dispositions
de
la
Loi
de
l'impôt
sur
le
revenu,
pour
les
années
d'imposition
en
cause,
avec
les
compagnies
Entreprises
et
Roclar.
En
conséquence,
l'appel
est
accueilli
avec
dépens
et
le
dossier
est
référé
aux
Ministre
du
Revenu
National
pour
nouvelle
cotisation.
Appeal
allowed.