Please note that the following document, although believed to be correct at the time of issue, may not represent the current position of the CRA.
Prenez note que ce document, bien qu'exact au moment émis, peut ne pas représenter la position actuelle de l'ARC.
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Principales Questions: Déterminer si un " salaire différé " français est imposable au Canada.
Position Adoptée: Le paiement d'un " salaire différé " français constitue, pour les fins de la Loi de l'impôt sur le revenu, une disposition d'un droit de créance pouvant donner lieu à un gain ou à une perte en capital.
Raisons POUR POSITION ADOPTÉE: Le droit au " salaire différé " français constitue un droit de créance dont le règlement constitue une disposition de bien donnant lieu à un gain ou à une perte en capital. Le " salaire différé " français ne peut, pour les fins de la Loi de l'impôt sur le revenu, être assimilé à un revenu d'emploi, à une donation, à un paiement en vertu d'une entente d'échelonnement du traitement ou à un paiement à titre de pension.
XXXXXXXXXX 2001-006626
Éric Allard-Pouliot
Le 23 février 2001
Monsieur,
Objet : Demande d'interprétation technique
Un salaire différé français est-il taxable au Canada
La présente fait suite à votre demande d'interprétation technique concernant le sujet mentionné en titre dont nous avons reçu copie le 17 janvier dernier de la Direction de l'impôt international.
Dans votre demande, vous mentionnez être un citoyen français résidant de façon permanente au Canada depuis XXXXXXXXXX. Vous indiquez également que de XXXXXXXXXX vous avez participé à l'exploitation de la ferme familiale en France et que, pour vous remercier de ces sept années de contribution, votre père serait disposé à vous remettre une somme de XXXXXXXXXX $ à titre de " salaire différé ", laquelle somme ne serait pas imposable en France. Vous désirez savoir si cette somme sera imposable au Canada.
Les circonstances particulières mentionnées dans votre demande et à propos desquelles vous nous avez demandé notre opinion constituent une situation de fait touchant un contribuable précis. Comme l'explique la Circulaire d'information 70-6R4, la présente Direction a comme pratique de ne pas fournir d'observations sur des opérations envisagées concernant des contribuables précis autrement que sous la forme d'une décision anticipée en matière d'impôt sur le revenu. Toutefois, nous sommes en mesure de faire les observations générales suivantes qui pourraient vous être utiles.
Compte tenu que le concept de " salaire différé " prévu par le Code rural français est inexistant en droit canadien, il nous faut déterminer si un paiement effectué à titre de " salaire différé " s'apparente à l'un des éléments devant être inclus dans le calcul du revenu d'un contribuable pour les fins de la Loi de l'impôt sur le revenu (la " Loi ").
Ces éléments auxquels le concept de " salaire différé " est susceptible de s'apparenter sont le revenu d'emploi, le paiement à titre de pension, le paiement effectué en vertu d'une entente d'échelonnement du traitement (une " EET ") et le gain en capital. Nous examinerons également la possibilité qu'un paiement effectué à titre de " salaire différé " puisse constituer une donation pour les fins de la Loi.
Le concept de " salaire différé " est issu du Décret-loi du 29 juillet 1939 (le " Décret "), lequel a par la suite été modifié par la loi d'orientation agricole n. 80-502 du 4 juillet 1980 puis intégré au Code rural. Le premier alinéa de l'article 63 du Décret introduit ce concept comme suit :
" ART. 63 - Les descendants d'un exploitant agricole, qui, âgés de plus de 18 ans, participent directement et effectivement à l'exploitation, sans être associés aux bénéfices ni aux pertes, et qui ne reçoivent pas de salaire en argent en contrepartie de leur collaboration, sont réputés légalement bénéficiaires d'un contrat de travail à salaire différé sans que la prise en compte de ce salaire pour la détermination des parts successorales puisse donner lieu au paiement d'une soulte à la charge des cohéritiers. [...] "
L'article 64 du Décret prévoit que le " bénéfice du contrat de travail à salaire différé constitue pour le descendant de l'exploitant agricole un bien propre ". Quant à la façon dont le bénéficiaire d'un tel contrat peut exercer son droit de créance, l'article 67 du Décret stipule ce qui suit :
" ART. 67 - Le bénéficiaire d'un contrat de travail à salaire différé exerce son droit de créance après le décès de l'exploitant et au cours du règlement de la succession; cependant l'exploitant peut de son vivant remplir le bénéficiaire de ses droits de créance, notamment lors de la donation-partage à laquelle il procéderait.
Toutefois, le bénéficiaire des dispositions de la présente section, qui ne serait pas désintéressé par l'exploitant lors de la donation-partage comprenant la majeure partie des biens, et alors que ceux non distribués ne seraient plus suffisants pour le couvrir de ses droits, peut lors du partage exiger des donataires le paiement de son salaire. [...] "
Malgré sa dénomination, le contrat de travail à salaire différé ne constitue pas réellement un contrat de travail.1 Ainsi, l'article 72 du Décret établit clairement cette distinction :
" ART. 72 - Les règles spéciales régissant le contrat de travail, ainsi que toutes les dispositions de la législation du travail, ne sont pas applicables dans les cas prévus par la présente section. "
Finalement, les articles 64, 67 et 72 du Décret, de même que les articles 81-3º, 157-4º, 793-1-6º et 1037 du Code général des impôts français, stipulent clairement que le
" salaire différé " n'est pas assujetti aux droits de mutation par décès et d'enregistrement et est exempté de l'impôt sur les traitements et salaires et de l'impôt général sur le revenu.
Compte tenu des caractéristiques afférentes au " salaire différé ", peut-on, pour les fins de la Loi, de même que pour les fins de la Convention fiscale Canada-France (la " Convention "), assimiler un paiement effectué à ce titre à un revenu d'emploi, à un paiement à titre de pension, à un paiement effectué en vertu d'une EET, à une donation ou au produit de disposition d'un bien donnant ouverture à un gain ou une perte en capital?
L'expression EET est définie au paragraphe 248(1) de la Loi. Cette définition prévoit entre autres que l'un des principaux objets d'une telle entente doit être de reporter l'impôt payable en vertu de la Loi. Le contrat de travail à salaire différé est une création purement juridique issue des articles 63 et suivants du Décret. Ainsi, un tel contrat ne découle pas d'une entente consensuelle entre deux parties mais découle plutôt de la loi. Selon les auteurs français, le concept de " salaire différé " fut introduit par le législateur dans un but d'équité, à savoir dédommager celui ou celle qui a contribué sans contrepartie à l'enrichissement du groupe familial et amoindrir le coût global du transfert de propriété en faveur du fils ou de la fille demeuré sur le fonds parental.2 Un contrat de travail à salaire différé ne saurait donc constituer une entente dont l'un des principaux objectifs est de reporter l'impôt payable en vertu de la Loi et, par conséquent, un tel contrat ne saurait être assimilé à une EET au sens du paragraphe 248(1) de la Loi.
Compte tenu de l'article 72 du Décret qui établit clairement que le contrat de travail à salaire différé n'est assujetti ni aux règles spéciales régissant le contrat de travail ni aux dispositions de la législation du travail, il nous apparaît difficile de prétendre qu'un paiement effectué à titre de " salaire différé " puisse constituer un revenu d'emploi pour les fins de la Loi, de même que pour les fins de la Convention dont le paragraphe 1 de l'Article XV fait référence aux " salaires, traitements et autres rémunérations similaires qu'un résident d'un État contractant reçoit au titre d'un emploi salarié ". Le fait qu'il n'y ait ni contrat de travail ni lien de subordination liant le créancier du " salaire différé " à son débiteur appuie une telle conclusion, de même que l'article 63 du Décret qui stipule que l'absence de salaire constitue l'une des conditions devant être rencontrées afin de donner ouverture à un contrat de travail à salaire différé.
Notons également qu'il ressort des décisions rendues par la Cour canadienne de l'impôt dans les affaires Savard v. M.N.R.3 et Vosko v. The Queen4 que le paiement d'une prestation compensatoire en vertu des articles 427 et suivants du Code civil du Québec (le " CcQ ") constitue un paiement de nature capitale et non pas un revenu. Or, le concept de prestation compensatoire s'apparente à celui de " salaire différé " en ce qu'il prévoit lui aussi la compensation monétaire d'une personne ayant contribué gratuitement à l'enrichissement du patrimoine d'une autre personne. Cette analogie entre la prestation compensatoire prévue aux articles 427 et suivants du CcQ et le " salaire différé " découlant des articles 63 et suivants du Décret, laisse entendre que le paiement d'un " salaire différé " devrait également être considéré comme un paiement de nature capitale et non pas comme un revenu. Pour l'ensemble de ces motifs, il nous apparaît donc qu'un " salaire différé " ne devrait pas constituer un revenu d'emploi pour les fins de la Loi et de la Convention.
Le terme " pension " n'est pas défini dans la Loi ou la Convention. Cependant, le paragraphe 1 de l'Article XVIII de la Convention, qui traite des pensions et des rentes, fait référence aux " pensions et autres allocations similaires [...] versées au titre d'un emploi antérieur ". Or, tel que mentionné au paragraphe précédent, l'article 72 du Décret et l'absence de contrat de travail ou de lien de subordination semblent indiquer que la relation entre le créancier et le débiteur du " salaire différé " ne constitue pas une relation employeur-employé. Par conséquent, il nous apparaît qu'un paiement effectué à titre de " salaire différé " ne devrait pas être considéré comme un paiement à titre de pension pour les fins de la Loi et de la Convention.
Quant à savoir si le versement d'un " salaire différé " peut constituer une donation pour les fins de la Loi, notons tout d'abord que l'acte par lequel le débiteur du " salaire différé " peut, de son vivant, remplir son créancier de ses droits de créance est qualifié de donation-partage aux articles 67 et 68 du Décret. Cependant, il nous apparaît que l'un des éléments essentiels à l'existence d'une donation, à savoir le caractère volontaire du transfert, n'est pas présent en ce qui a trait au paiement d'un " salaire différé ".5 En effet, un tel paiement ne saurait être qualifié de volontaire puisqu'il est imposé par les articles 63 et suivants du Décret. Par conséquent, nous sommes d'avis qu'un paiement effectué à titre de " salaire différé " ne saurait être qualifié de donation pour les fins de la Loi.
À notre avis, le droit au " salaire différé " devrait plutôt être considéré comme un droit de créance pour les fins de la Loi et de la Convention. C'est d'ailleurs de cette façon qu'il est désigné aux articles 63, 67, 68 et 73 du Décret. Ce dernier article se lit comme suit :
" ART. 73 - Les droits de créance résultant du contrat de salaire différé sont garantis sur la généralité des meubles par le privilège inscrit à l'article 2101 (4°) du Code civil, sur la généralité des immeubles par le privilège inscrit à l'article 2104 (2°) du Code civil et sur les immeubles par une hypothèque légale. "
[notre soulignement]
Notons également que l'article 64 du Décret stipule que le " bénéfice du contrat de travail à salaire différé constitue pour le descendant de l'exploitant agricole un bien propre ". Quant à l'article 67 du Décret, précité, il précise de quelle façon le bénéficiaire d'un contrat de salaire différé peut " exercer son droit de créance ".
Pour les fins de la Loi, un droit de créance constitue généralement une immobilisation, c'est-à-dire un bien dont la disposition se traduit par un gain ou une perte en capital.6 Le sous-alinéa b)(ii) de la définition de " disposition " prévue au paragraphe 248(1) de la Loi énonce que le règlement ou l'annulation d'une dette constitue une disposition pour les fins de la Loi. C'est d'ailleurs ce qui se produit lors du versement du " salaire différé " puisque ce paiement a pour effet de régler ou d'annuler les droits de créance du bénéficiaire du " salaire différé ". Par conséquent, il nous apparaît que le paiement d'un " salaire différé " constitue, pour les fins de la Loi, une disposition de bien pouvant donner lieu à un gain ou à une perte en capital. Tout gain en capital résultant du paiement d'un " salaire différé " sera imposable au Canada en vertu du paragraphe 4 de l'Article XIII de la Convention.
La disposition d'un tel bien donnera lieu à un gain en capital imposable au Canada lorsque le produit de disposition du bien, en l'espèce le montant du " salaire différé " versé par le débiteur de l'obligation, excède le coût du bien pour le cédant. Dans la présente situation, le coût du bien, soit les droits de créance résultant du contrat de salaire différé, correspondra à la juste valeur marchande de ces droits au moment où vous avez commencé à résider au Canada. Ce résultat découle des alinéas 128.1(1)b) et c) de la Loi, lesquels stipulent qu'un contribuable qui commence à résider au Canada est réputé avoir disposé de tous ses biens immédiatement avant ce moment pour un produit égal à leur juste valeur marchande au moment de la disposition et est réputé les avoir acquis de nouveau à cette même valeur.
Pour ce qui est de déterminer la date à laquelle un contribuable commence à résider au Canada pour les fins de la Loi et de la Convention, il s'agit essentiellement d'une question de fait. Pour de plus amples informations concernant la détermination du lieu de résidence d'un particulier, nous vous référons au Bulletin d'interprétation IT-221R2.
Bien que les commentaires énoncés aux termes de la présente ne constituent pas une décision anticipée en matière d'impôt sur le revenu ayant pour effet de lier l'Agence des douanes et du revenu du Canada, nous espérons qu'ils sauront vous être utiles.
Veuillez agréer, Monsieur, l'expression de nos salutations distinguées.
Alain Godin
Gestionnaire
Section des opérations internationales et des fiducies
Division des opérations internationales et des fiducies
Direction des décisions de l'impôt
Direction générale de la politique et de la législation
ENDNOTES
1 LORVELLEC, Louis, Droit rural, Collection Droit - Sciences Économiques, Masson, 1988, pages 56 à 59.
2 Idem. Voir également JALLAIS, A., Le contrat de travail à salaire différé, J.C.P. 81, éd. N, I, page 247.
3 90 DTC 1478 (C.C.I.), page 1480.
4 99 DTC 1012 (C.C.I.), pages 1017-8.
5 Bulletin d'interprétation IT-110R3, Dons et reçus officiels de dons, 20 juin 1997, paragraphe 3.
6 Voir l'alinéa b) de la définition d'" immobilisations " contenue à l'article 54, l'alinéa a) de la définition de " biens " contenue au paragraphe 248(1) et l'alinéa 39(1)a) de la Loi.
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