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Janvier 1991 |
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BUREAU PRINCIPAL |
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Direction générale des |
Direction des décisions |
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Division des services |
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des renvois |
P. Bourgeois |
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957-8585A l'attention de M. Michel Carbonneau 8-9035418-903541 |
Objet: Décision défavorable de la Cour Canadienne de l'impôt Société d'investissement Desjardins c. MRN
En réponse à votre note de service du 10 décembre 1990, la présente a pour but de vous faire part de nos commentaires sur l'affaire mentionnée en rubrique.
SOMMAIRE
L'affaire Société d'investissement Desjardins c. MRN concerne la déductibilité des dividendes reçus sur des "actions privilégiées à terme" en vertu de l'article 112 de la Loi de l'impôt sur le revenu (ci-après la Loi). Précisément, le point en litige dans cette affaire est à savoir si des "actions privilégiées à terme" ont été acquises dans le cours normal de l'entreprise exploitée par la SID. LES FAITS
- Société d'investissement Desjardins (ci-après SID) est contrôlée par les Fédérations des caisses populaires d'économie Desjardins.
- SID est une "institution financière désignée" aux fins du paragraphe 112(2.1) de la Loi.
- La SID exploite une entreprise de capital de risque. Dans le cadre de cette entreprise elle a opéré une entreprise de prêts d'argent. Selon les prétentions de l'appelante, la SID aurait cessé d'exploiter l'entreprise de prêts d'argent à la fin de 1976. Cette position semble contredite à la page 27 du jugement; en effet, les faits semblent indiquer que la SID a continué d'exploiter cette entreprise jusqu'en 1978.
- Les transactions pertinentes entre la SID et SICO se détaillent comme suit:
- SID consent un prêt de 2 000 000 $ à SICO en 1975. SID obtient à ce moment un droit de premier refus à l'égard des actions de SICO.
- En mars 1977, la SID, en vertu du droit décrit ci-dessus acquiert 49,9% des actions participantes et votantes de SICO (499 000 actions de catégorie B).
- En juin 1978, aux termes du droit de premier refus, SICO émet en faveur de la SID 1 100 000 $ de débentures convertibles portant un taux d'intérêt de 10%. Ces débentures sont convertibles en 200 000 actions de catégorie C (actions non-votantes mais participantes). Ce droit de conversion pouvait être utilisé dans les douze mois précédant la date d'échéance des débentures (soit le 29 juin 1985).
- En décembre 1982, SICO apporte des modifications à son capital-actions ainsi qu'aux débentures convertibles comme suit:
i) les 200 000 actions de catégorie C seront convertibles comme suit:
- 100 000 sont convertibles le 22 décembre en 100 000 actions de catégorie A (actions privilégiées avec valeur nominale de 5,50 $ l'action, non votantes et rachetables le 31 décembre 1982 à 8 $ l'action).
- 100 000 sont convertibles en actions de catégorie B (actions ordinaires). La conversion aura lieu au même rythme que l'émission d'actions de catégorie B en faveur des employés de SICO dans le cadre d'une émission d'actions admissibles au régime d'épargne actions du Québec.
ii) Les débentures convertibles doivent être converties avant le 31 décembre 1982.
- Les débentures sont donc converties en 1982 et 100 000 des actions de catégorie C sont par la suite converties en action de catégorie A.
- Les actions de catégorie A sont des "actions privilégiées à terme" au sens du paragraphe 248(1) de la Loi.
- SICO rachète les actions de catégorie A pour une contrepartie de 8 $ l'action. En vertu du paragraphe 84(3) de la Loi un dividende présumé égal à 250 000 $ est réputé être reçu par la SID.
- En décembre 1985, la SID s'est départie de son placement dans SICO lorsque cette dernière a lancé un appel public à l'épargne. SICO a produit ses déclarations sur le revenu en prenant la position que les gains et pertes sur vente de titres sont afférents au capital.
- La conversion des débentures ci-dessus a été effectuée dans le cadre d'un plan pour faciliter la participation des employés de SICO à son capital-actions par le biais du régime d'épargne-actions du Québec.
POINT EN LITIGE
Le Ministère considère que le paragraphe 112(2.1) de la Loi s'applique au dividende présumé résultant du rachat des actions de catégorie A. L'appelante prétend que le paragraphe 112(2.1) de la Loi n'a pas d'application pour les raisons suivantes:
- les actions de catégorie A n'ont pas été acquises dans le cours normal d'une entreprise exploitée par la SID.
- A la fin du paragraphe 112(2.1), on utilise le mot "institution" plutôt que l'expression "institution financière désignée". Selon l'appelante, le mot "institution" désigne les actionnaires de la SID et puisque les actions de SICO n'ont pas été acquises dans le cours normal de l'entreprise des actionnaires de la SID, le paragraphe 112(2.1) ne peut s'appliquer.
L'honorable Juge Tremblay a donné raison au contribuable en s'appuyant sur le premier motif. L'argumentation de l'appelante concernant l'utilisation du mot "institution" n'a pas été retenue par la Cour.
Nos commentaires se limiteront à l'analyse du premier motif de l'appelante puisqu'il est peu probable que le deuxième motif soit renversé en appel.
ANALYSE
A- Introduction
Notre analyse comportera deux volets. Dans un premier temps nous discuterons de l'interprétation de l'expression "dans le cours normal de l'entreprise exploitée par l'institution" préconisée par la Direction des décisions. Enfin, nous analyserons les motifs invoqués par l'honorable Juge Tremblay dans son jugement.
B- Prises de position du Ministère
Notre interprétation de l'expression "acquise dans le cours normal de l'entreprise exploitée par l'institution" a été exposée à plusieurs reprises lors des tables rondes de Revenu Canada tenues lors des congrès annuels de l'Association canadienne d'études fiscales (ci-après ACEF), dont voici quelques extraits.
Question
Selon le paragraphe 112(2.1), une déduction pour des dividendes d'actions privilégiées à terme acquises dans le cours ordinaire des affaires n'est pas autorisée. Il n'est pas rare, à l'occasion de la réorganisation d'une corporation, qu'on ait recours à des actions privilégiées à échéance prédéterminée [sic] rapidement rachetables, ce qui donne lieu à un dividende réputé versé et touché. De telles actions seraient-elles acquises dans le cours normal des affaires?
Réponse
Les faits déterminent si une action privilégiée à échéance prédéterminée [sic] a été acquise par une institution financière désignée dans le cours normal des affaires. En général, lorsque les actions ont été acquises d'une corporation qui lui est liée dans le cadre de sa réorganisation et sont rapidement rachetées, elles ne sont pas considérées comme ayant été acquises dans le cours normal des affaires. (nos soulignés)
(Question 15, Table Ronde de Revenu Canada, Conference Report 1986, ACEF, page 51:51)
Question
Si une telle corporation [une institution financière désignée] achète d'une filiale des actions qui correspondent à la définition d'actions privilégiées à échéance prédéterminée [sic], ces actions seront-elles considérées comme ayant été acquises dans le cours normal des affaires? Quels facteurs sont pris en compte dans votre décision?
Réponse
Lorsqu'une institution financière désignée investit dans des actions privilégiées à échéance prédéterminée [sic] d'une corporation qui lui est liée, les actions seront habituellement considérées comme ayant été acquises dans le cours normal des affaires. Se reporter à la question 62 du rapport sur la conférence de 1984 pour connaître les facteurs qui ont été considérés pour déterminer si les actions ont été acquises ou non dans le cours normal des affaires.
(Question 15, Table Ronde de Revenu Canada, Conference Report 1986, ACEF, pages 51:51 et 51:52)
Les facteurs énoncés lors de la conférence annuelle de l'ACEF de 1984 sont les suivants (Traduction libre):
Il semble que la raison principale pour l'exception à l'application du paragraphe 112(2.1) pour des actions qui n'ont pas été acquises dans le cours normal de l'entreprise du détenteur, était de réduire au minimum le risque que les dividendes sur des actions internes du groupe (in-house) ne soient pas considérés déductibles en vertu du paragraphe 112(1) en raison du paragraphe 112(2.1) de la Loi. Les critères suivants ont servi à déterminer si une acquisition d'actions du capital-actions d'une corporation a ou n'a pas été effectuée dans le cours normal de l'exploitation de l'entreprise de l'institution:
1) la nature des activités du détenteur;
2) le nombre et la fréquence de ce genre d'acquisition par le détenteur;
3) si les fonds ont servi à titre de financement initial d'une nouvelle filiale ou à titre de financement additionnel d'une filiale, ceci étant indicatif d'un financement permanent;
4) les caractéristiques des actions acquises et leur statut d'actions privilégiées à terme, autrement qu'en vertu du contrôle de l'émetteur par l'institution financière désignée; et
5) si les actions ont été acquises en échange, lors de la vente d'une entreprise ou partie d'entreprise, lorsque l'entreprise du détenteur ne comprenait pas ce genre de transactions dans le passé.
(Question 62, Table Ronde de Revenu Canada, Conference Report 1984, ACEF, page 828).
En dernier lieu, le Ministère s'est prononcé comme suit, lors de la Conférence annuelle de 1981 de l'ACEF (Traduction libre):
Question
La majorité des groupes corporatifs importants ont au moins une "institution financière désignée" au sein du groupe, à la lumière de la jurisprudence qui semble favoriser l'interprétation que la plupart des activités d'une entité corporative constitue l'entreprise de celle-ci, le Ministère pourrait-il indiquer les critères qu'il considère pour déterminer si une "action privilégiée à terme" a été acquise dans le cours normal de l'entreprise.
Réponse
[...] Nous sommes d'avis que des actions émises lors de la constitution d'une filiale à part entière ne devraient pas de façon générale être considérées comme étant acquises dans le cours normal d'une entreprise exploitée.
(Question 23, Table Ronde de Revenu Canada, Conference Report 1980, ACEF, page 609)
A la lecture des prises de position publiques précitées, on constate que le Ministère a, de façon générale, interprété l'exception que l'on retrouve au paragraphe 112(2.1) de la Loi concernant les actions acquises autrement que dans le cours normal des affaires de l'entreprise, de façon restrictive. Un placement en "actions privilégiées à terme" pourrait être considéré acquis dans des circonstances autres que dans le cours normal d'une entreprise que si le placement a un caractère permanent ou comme contrepartie lors de la vente d'une entreprise ou une partie importante de celle-ci.
L'examen de plusieurs décisions anticipées en matière d'impôt sur le revenu rendues par le Ministère, nous confirme cette interprétation. La grande majorité des décisions concernant l'exclusion d'un dividende prévue au paragraphe 112(2.1) de la Loi en raison du fait que des "actions privilégiées à terme" n'ont pas été acquises dans le cours normal des affaires, était rendue dans des situations de fait où il était évident qu'un placement à long terme dans une filiale était effectué.
C- Analyse des principaux motifs du jugement
MOTIF
L'acquisition des "actions privilégiées à terme" par la SID n'est qu'une réponse à la conjoncture particulière résultant des pressions exercées par les employés de SICO Inc. sur le conseil d'administration de cette dernière. On peut donc conclure que l'acquisition d'actions privilégiées à terme ne puisse être considérée comme s'intégrant au cours normal des affaires de la SID. De plus, le fait que cette transaction soit isolée appuierait cette prétention (page 38 des Motifs du Jugement).
COMMENTAIRES
1. SID contrôlait SICO, elle a donc pu dans une certaine mesure, orchestrer les événements. Par exemple, la conversion des débentures aurait pu se faire en contrepartie d'actions autre que des "actions privilégiées à terme".
2. Le prêt initial qui conféra le droit de premier refus, lequel a donné lieu a l'achat des débentures convertibles, a été octroyé à la SID lorsque celle-ci exploitait son entreprise de prêts d'argent. On pourrait donc considérer que la conversion de la débenture et l'acquisition d'actions faisaient partie intégrante de l'entreprise de prêts d'argent.
3. La vocation avouée de la SID est d'exploiter une entreprise de capital de risque et une entreprise de prêts d'argent. Si on considère l'achat de la débenture suivi de la conversion comme une série de transactions qui font partie intégrante de l'entreprise de prêts d'argent le jugement serait alors mal fondé en droit.
4. Il semble que la SID cherchait à s'impliquer dans les entreprises dans lequelles elle avait un placement en actions. A cet effet nous citons, de la page 2 et de la page 4 du jugement, les extraits suivants:
"[...] [La SID cherche] des partenaires qui estiment qu'une société comme la nôtre peut leur apporter un support précieux dans la planification de leur développement, autant sur la plan stratégique que financier... Nous voulons être perçus, par l'entreprise en développement, comme l'associé financier le plus utile lors d'un premier recours à du capital extérieur." (page 2)
"Afin de remplir son rôle comme partenaire actif, la SID a concentré ses ressources en investissant dans un nombre limité d'entreprise. (page 4; nos soulignés)
Ces extraits nous démontrent qu'il serait possible d'argumenter qu'en raison du rôle actif joué par la SID, qu'elle exploitait véritablement une entreprise de capital de risque (voir nos commentaires sur la jurisprudence à cet effet ci-dessous). Une analyse plus approfondie des faits serait nécessaire pour appuyer une telle argumentation.
MOTIF
Cette disposition [le paragraphe 112(2.1) de la Loi] a clairement été édictée pour éviter l'usage abusif par les institution prêteuses d'actions assimilables à des prêts dont les dividendes étaient toutefois exempts d'impôt alors que les intérêts sur les sommes prêtées étaient imposables. Puisque la SID n'est pas une corporation de prêts d'argent, nous ne pouvons considérer que le malice visé par le paragraphe 112(2.1) est en cause dans cette affaire. (page 39 des Motifs du Jugement)
COMMENTAIRES
1. Le malice que vise le paragraphe 112(2.1) de la Loi est en partie la transformation d'un prêt d'une institution prêteuse, générateur de revenu d'intérêts, en dividendes non-imposables. Toutefois, l'article de Loi en question vise les dividendes reçus sur des "actions privilégiées à terme" lorsque ces actions ont été acquises dans le cours normal d'une entreprise exploitée par l'institution. Le paragraphe 112(2.1) de la Loi ne précise pas que l'entreprise doit être celle du prêt d'argent. Il est donc possible pour une "institution financière désignée" d'acquérir des actions dans le cadre d'une entreprise autre qu'une entreprise de prêt d'argent. Dans le cas présent, la SID exploite une entreprise de capital de risque. La Cour ne semble pas avoir considéré que l'achat et la vente d'actions par la SID puissent constituer une entreprise. Les faits cités dans le jugement ne peuvent nous permettre de commenter cet aspect de l'affaire. Toutefois, si l'achat et la vente d'actions constituaient une entreprise pour la SID, ceci pourrait appuyer la prétention de l'intimé que les "actions privilégiées à terme" ont été acquises dans le cadre d'une entreprise. Nous vous référons à D. Morgan Firestone c. La Reine, [1987] 2 CTC, (Cour fédérale d'appel) où il a été considéré que les activités d'une compagnie investissant dans du capital de risque, constituaient une entreprise. Il pourrait être aussi intéressant de prendre connaissance de l'affaire S.J. Becker c. la Reine [1983] 1 CTC 11, (Cour fédérale d'appel), où une transaction isolée qui consistait en un achat d'actions, a été considérée comme étant une affaire de caractère commercial même si la revente des actions avait été effectuée après une période de détention de treize (13) ans. L'arrêt Sissons [1969] CTC 184 (Cour suprême du Canada) pourrait aussi être pertinent à cet égard. Un argument pourrait cependant être soulevé par la SID à l'effet que, dans la mesure où les transactions qui entourent le dividende constituent une entreprise en raison du fait qu'elles sont "un projet comportant un risque ou une affaire de caractère commercial", l'acquisition des actions privilégiées ne constituerait pas une entreprise exploitée. (voir Tara Exploration c. MRN [1970] CTC 557, à la page 567 où le juge Jackett indiquait ce qui suit:
To carry on something involves continuity of time or operations such as involved in the ordinary sense of a "business". An adventure is an isolated happening. One has an adventure as opposed to carrying on a business.
Cependant, nous croyons que, dans le cas de la SID dont l'entreprise consiste à transiger du capital de risque, cet argument ne tiendrait pas.
D- Conclusion
Il nous semble que les arguments suivants pourraient être considérés dans cette affaire:
21(1)(b)
21(1)(b)
Nous espérons que nos commentaires vous seront utiles et nous vous retournons les documents que vous nous avez transmis.
Directeur intérimaireDivision des services bilingues et des industries d'exploitation des ressourcesDirection des décisions
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