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Principales Questions: Le paragraphe 104(18) peut-il s'appliquer dans une situation donnée de liquidation successorale prolongée? / Whether subsection 104(18) can apply to a given situation of prolonged estate liquidation?
Position Adoptée: Possiblement. Question de fait. / Possibly. Question of fact.
Raisons: La question de savoir si un testament donné a pour effet de prolonger la liquidation de la succession est une question de fait et de droit. Si la liquidation de la succession est prolongée, le paragraphe 104(18) pourrait s'appliquer en autant que toutes ses conditions soient respectées. / The question of whether a given will has the effect of prolonging the liquidation of the estate is a question of fact and law. In a situation where the liquidation of an estate is prolonged, subsection 104(18) could apply provided all its condition are met.
TABLE RONDE SUR LA FISCALITÉ DES STRATÉGIES FINANCIÈRES ET DES INSTRUMENTS FINANCIERS DU 7 OCTOBRE 2021 APFF – CONGRÈS 2021
Question 6
Liquidation successorale prolongée et paragraphe 104(18) L.I.R.
Au Québec, mis à part la création d’une fiducie testamentaire qui respecte les conditions de l’article 1260 du Code civil du Québec (« C.c.Q. »), deux autres moyens permettent à un testateur de confier à un tiers l’administration des biens légués pendant une période déterminée, soit la prolongation des fonctions du liquidateur de la succession ci-après appelée « liquidation successorale prolongée » ou la constitution d’un régime autonome d’administration prolongée (footnote 1) . Dans beaucoup de dossiers, malgré les avantages indéniables de la fiducie testamentaire, l’administration prolongée par l’intermédiaire de l’un des deux mécanismes ci-dessus est souvent rencontrée en pratique et ce, pour diverses raisons (footnote 2) .
Dans le contexte de la présente question, nous nous interrogeons sur l’application du paragraphe 104(18) de la Loi de l’impôt sur le revenu (« L.I.R. ») lors de l’utilisation d’une « liquidation successorale prolongée » (footnote 3) de façon à imposer un héritier de moins de 21 ans lorsque les revenus générés sur sa part ne lui ont pas été payés et qu’il n’a pas le droit d’en exiger le paiement.
Prenons l’exemple suivant :
M. X, un résident du Québec, est décédé en laissant un dernier testament aux termes duquel il a légué l’ensemble de ses biens en parts égales, en pleine propriété, en faveur de ses deux enfants mineurs âgés respectivement de 10 et 15 ans. Si l’un de ses enfants le prédécède, il est alors prévu que la part de cet enfant accroîtra en faveur de son colégataire.
Une clause prolongeant la liquidation successorale a été incluse au testament et prévoit ce qui suit :
« Mon liquidateur devra conserver entre ses mains pour l’administrer la part de ceux qui pourront être avantagés par mon testament et qui, lors de l’ouverture de leur droit, seraient âgés de moins de 25 ans.
Ce régime d’administration prolongée est constitué afin d’assurer une meilleure transmission de mon patrimoine et de favoriser une meilleure gestion jusqu’à la remise de la part de mes légataires.
Cette administration prolongée aura pour effet d’étendre la liquidation de la succession au-delà de la date à laquelle elle doit normalement prendre fin au sens de la loi, jusqu’à la remise finale des biens légués entre les mains du dernier légataire. La présente clause d’administration prolongée ne devra, en aucun cas, être interprétée comme créant une fiducie ou une substitution.
Mon liquidateur utilisera à sa discrétion les revenus générés sur la part de chacun de mes enfants aux fins d’assurer son entretien, son éducation, son bien-être et ses autres besoins. Il pourra même empiéter sur le capital de leur part respective si cela s’avère nécessaire pour la réalisation de ces mêmes fins.
Mon liquidateur fera remise à chacun de mes légataires de leur part respective à l’âge de 25 ans.
Mon liquidateur devra tenir des comptes séparés pour chacun de mes légataires.
L’administration prendra fin, à l’égard de chacun de mes enfants, à l’époque de la remise finale du capital et des revenus accumulés.
Le décès de l’un de mes enfants mettra également fin à l’administration de mon liquidateur à son égard. »
Cette clause d’administration prolongée (footnote 4) a ainsi pour effet d’étendre la liquidation de la succession au-delà de la date à laquelle elle doit normalement prendre fin au sens du Code civil du Québec et ce, jusqu’à la remise finale des biens légués entre les mains du dernier légataire. Il est aussi entendu que le décès de l’un de ses enfants postérieurement au décès de M. X mettra fin à l’administration du liquidateur quant à la part de cet enfant, de sorte que la part de l’enfant décédé ferait alors partie de sa propre succession. En d’autres termes, cette part ne ferait plus partie de la succession initiale et n’accroîtrait pas en faveur du colégataire de l’enfant décédé. Par ailleurs, cette clause d’administration ne vient pas créer de fiducie en vertu du Code civil du Québec.
Tel qu’il est précisé dans l’interprétation technique 2011-0422471E5 (footnote 5) , étant donné que ce type de clause a pour effet de prolonger la saisine du liquidateur, la succession devra produire une déclaration de renseignements et de revenus des fiducies (Déclaration T3) afin de déclarer ses revenus pour chaque année d’imposition jusqu’à ce qu’elle cesse d’exister.
Durant une période maximale de 36 mois suivant la date du décès, les revenus qui n’auront pas été payés ou rendus payables en faveur des héritiers et qui seront par conséquent imposés dans la succession pourront bénéficier des taux progressifs pour autant que la succession respecte toutes les conditions énoncées à la définition de « succession assujettie à l’imposition à taux progressifs » du paragraphe 248(1) L.I.R. Cependant, une fois cette période de 36 mois terminée, les revenus de la succession qui n’auront pas été payés ou rendus payables en faveur des héritiers devront être imposés au taux d’imposition maximum dans la succession.
Les paragraphes 104(1) et 108(1) L.I.R. prévoient qu’une fiducie testamentaire comprend une succession. En vertu du paragraphe 104(6) L.I.R., une fiducie peut déduire de ses revenus les sommes qui sont payables à un bénéficiaire. Le bénéficiaire doit quant à lui s’imposer sur ces montants en vertu du paragraphe 104(13) L.I.R. Selon le paragraphe 104(24) L.I.R., une somme est « payable » à un bénéficiaire si elle est effectivement payée ou que le bénéficiaire a le droit d’en exiger le paiement dans l’année. Le paragraphe 104(18) L.I.R. constitue une exception à cette règle. En effet, si toutes les conditions énumérées à ce paragraphe sont respectées, les revenus pourront être considérés « payables », même si les revenus n’ont pas été effectivement payés et que le bénéficiaire n’est pas en droit d’en exiger le paiement. Ainsi, dans un tel cas, les revenus pourront être imposés au niveau d’un bénéficiaire âgé de moins 21 ans même si, en réalité, les revenus s’accumulent et sont conservés dans la fiducie.
Le paragraphe 104(18) L.I.R. s’applique à une fiducie résidente du Canada lorsque les conditions suivantes sont respectées :
1- La partie de montant n’est pas devenue payable au cours de l’année (alinéa 104(18)a) L.I.R.);
2- La partie de montant était détenue en fiducie pour le compte du particulier qui n’a pas atteint 21 ans avant la fin de l’année (alinéa 104(18)b) L.I.R.);
3- Le droit à la partie de montant est devenu acquis au particulier à la fin de l’année ou antérieurement, autrement qu’en raison de l’exercice ou de l’absence d’exercice, par une personne, d’un pouvoir discrétionnaire (alinéa 104(18)c) L.I.R.);
4- Le droit à la partie de montant n’est assujetti à aucune condition future, exception faite de celle de vivre jusqu’à un âge ne dépassant pas 40 ans (alinéa 104(18)d) L.I.R.).
Étant donné que la clause de liquidation successorale prolongée ci-dessus décrite fixe de façon précise la part de chacun des enfants dans la succession, que chacun des enfants possède un droit acquis à l’égard des revenus générés sur sa part, que le testament ne confère pas au liquidateur la discrétion d’établir la part des revenus ni du capital revenant à chaque enfant, mais lui permet uniquement de déterminer le moment du paiement avant l’atteinte de l’âge de remise finale du capital, les conditions du paragraphe 104(18) L.I.R. seraient donc respectées. Le cas échéant, cela permettrait d’imposer dans la déclaration de revenus personnelle de chacun des enfants de moins de 21 ans les revenus générés sur leur part respective dans la succession, et ce, bien que ces revenus ne leur seraient pas payés et qu’ils n’auraient pas le droit d’en exiger le paiement dans l’année.
Question à l’ARC
Est-ce que l’Agence du revenu du Canada (« ARC ») peut nous confirmer que toutes les conditions requises pour que le paragraphe 104(18) L.I.R. s’applique sont en effet respectées dans une telle situation?
Réponse de l’ARC
Le terme « fiducie » est défini au paragraphe 248(1) L.I.R. Selon cette définition, ce terme s’entend au sens du paragraphe 104(1) L.I.R. et, sauf indication contraire du contexte, comprend une succession. Tel qu’il est défini au paragraphe 248(1) L.I.R., le terme « succession » s’entend au sens du paragraphe 104(1) L.I.R. Le paragraphe 104(1) L.I.R. édicte que la mention d’une fiducie ou d’une succession dans la Loi de l’impôt sur le revenu vaut mention du fiduciaire, de l’exécuteur testamentaire, de l’administrateur successoral, du liquidateur de succession, de l’héritier ou d’un autre représentant légal ayant la propriété ou le contrôle des biens de la fiducie (ce qui comprend une succession).
Dans le cas d’une succession, l’ARC est généralement d’avis que tant et aussi longtemps qu’il existe une succession selon le droit privé applicable, cette succession est une fiducie aux fins de la Loi de l’impôt sur le revenu.
Dans la situation décrite, la qualification du régime créé en vertu de la clause d’administration prolongée incluse au testament pour les fins de la Loi de l’impôt sur le revenu est donc tributaire de sa qualification en vertu du droit civil. Ainsi, si aux fins du droit civil, ce régime prolonge effectivement la liquidation de la succession, il sera considéré comme une fiducie aux fins de la Loi de l’impôt sur le revenu. Une telle détermination est une question de fait et de droit à l’égard de laquelle l’ARC ne pourrait se prononcer que dans le cadre d’une vérification ou d’une demande de décisions anticipées (soumise conformément aux modalités prévues dans la Circulaire d’information IC 70-6R11 (footnote 6) ) à l’égard d’opérations projetées.
Nous sommes toutefois en mesure de fournir les commentaires généraux suivants, en prenant pour hypothèse que la clause d’administration prolongée incluse au testament dans la situation décrite entraîne une prolongation des fonctions et de la saisine du liquidateur au-delà de la fin « normale » de la liquidation de la succession, et ce, jusqu’à la délivrance des legs suivant les modalités testamentaires. Suivant cette hypothèse, une clause prévoyant la prolongation de la liquidation, et non un régime d’administration autonome non-fiduciaire, aurait pour effet que la succession continue d’exister et serait donc toujours considérée en tant que fiducie aux fins de la Loi de l’impôt sur le revenu.
Nos commentaires sont toutefois énoncés sous réserve de l’étude des dispositions du testament dans son ensemble et du droit applicable et pourraient ne pas s’appliquer intégralement dans une situation particulière donnée.
Le paragraphe 104(18) L.I.R. fait en sorte que le revenu d’une fiducie qui réside au Canada est réputé être devenu payable au cours d’une année d’imposition à un bénéficiaire âgé de moins de 21 ans à la fin de l’année lorsque toutes les conditions qui y sont énoncées sont réunies et ce, même si le revenu n’a pas été effectivement payé au bénéficiaire au cours de l’année et que le bénéficiaire n’avait pas le droit au cours de l’année d’en exiger le paiement.
Pour que le paragraphe 104(18) L.I.R. s’applique, il faut que le droit du bénéficiaire âgé de moins de 21 ans à sa part de revenu non payable soit acquis et que ce droit ne soit pas imputable, directement ou indirectement, à la discrétion d’une personne ou assujetti à aucune condition future, exception faite de celle de vivre jusqu’à un âge ne dépassant pas 40 ans. Dans le cas d’une succession, les conditions du paragraphe 104(18) L.I.R. peuvent être respectées même si le testament prévoit des dispositions conférant au liquidateur une discrétion quant au moment du paiement du revenu ou du capital à un bénéficiaire âgé de moins de 21 ans, pourvu que le liquidateur n’ait aucune discrétion quant à la détermination du montant de revenu auquel un tel bénéficiaire a droit.
Dans la situation décrite, il nous apparaît que le liquidateur aurait une discrétion quant au moment du paiement du revenu ou du capital à un bénéficiaire âgé de moins de 21 ans, ou à un tiers au profit d’un tel bénéficiaire, mais n’aurait aucune discrétion quant à la détermination du montant de revenu auquel un tel bénéficiaire a droit.
Par conséquent, sous réserve de l’étude des dispositions du testament dans son ensemble et du droit applicable, il se pourrait que les conditions du paragraphe 104(18) L.I.R. soient satisfaites à l’égard du (ou des) enfant(s) du défunt, bénéficiaire(s) de la succession, qui n’aurai(en)t pas atteint l’âge de 21 ans à la fin d’une année d’imposition donnée. L’application du paragraphe 104(18) L.I.R. ferait en sorte, pour toute année d’imposition où ce paragraphe serait applicable, que la partie de montant qui, n’eût été les paragraphes 104(6) et 104(12) L.I.R., représenterait le revenu de la succession pour l’année soit réputée, pour l’application des paragraphes 104(6) et 104(13) L.I.R., être devenue payable au cours de l’année au(x) bénéficiaire(s) concerné(s) à qui le droit à cette partie serait devenu acquis.
Chantale Bouchard et Isabelle Brulotte
Le 7 octobre 2021
2021-089606
FOOTNOTES
En raison des exigences de nos systèmes, les notes de bas de page contenues dans le document original sont reproduites ci-dessous :
1 Jacques Beaulne, « Étude de quatre “ions” incertains en droit des successions : donation, représentation, contribution et administration », 2010 (1) C.P. du N., 27-61.
2 « L’administration post mortem : qu’en est-il? », (Hiver 2021), vol. 25, no 4, Stratège, 12-15.
3 En ce qui a trait au régime autonome d’administration prolongée, une fois la succession réglée, le légataire doit inclure dans le calcul de son revenu tout revenu tiré des biens et ce, même s’il n’a pas accès aux sommes dont il est le propriétaire en raison des restrictions mentionnées dans le régime d’administration : AGENCE DU REVENU DU CANADA, interprétation technique 2014-0537691E5, 1er avril 2016.
4 Un jugement de la Cour d’appel du Québec a d’ailleurs reconnu la validité de ce type d’administration, voir Succession de Lorrain c. Lorrain, 2008 QCCA 1914, par. 22.
5 AGENCE DU REVENU DU CANADA, interprétation technique 2011-0422471E5, 26 mars 2012.
6 AGENCE DU REVENU DU CANADA, Circulaire d’information IC 70-6R11, « Décisions anticipées et interprétations techniques en impôt », 1er avril 2021.
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