Please note that the following document, although believed to be correct at the time of issue, may not represent the current position of the CRA.
Prenez note que ce document, bien qu'exact au moment émis, peut ne pas représenter la position actuelle de l'ARC.
Principales Questions: (1) Est-ce qu'un contribuable peut utiliser la méthode d'exercice mentionnée au paragraphe 8 du IT-95R pour déterminer ses pertes sur change étranger relatives à des contrats de change acquis afin de couvrir les opérations courantes de l'entreprise? (2) Dans l'affirmative, est-ce que cette perte sur change non matérialisée sera déductible compte tenu de l'alinéa 18(1)e)?
Position Adoptée: (1) Oui, dans la mesure où cette méthode est conforme aux PCGR et qu'il s'agit d'opérations afférentes au revenu. (2) La perte sur change non matérialisée déterminée conformément à la méthode d'exercice mentionnée au paragraphe 8 du IT-95R sera déductible dans la mesure où il s'agit d'une dépense "engagée" au sens de 18(1)a) et qu'il ne s'agit pas d'un montant au titre d'une éventualité au sens de 18(1)e).
Raisons: (1) Bulletins d'interprétation IT-95R et IT-346R et opinions de Finance XXXXXXXXXX . (2) Jurisprudence et positions antérieures.
XXXXXXXXXX 2003-002889
Éric Allard-Pouliot
Le 28 janvier 2004
Monsieur,
Objet: Demande d'interprétation technique : Perte sur change étranger relative à des contrats de change
La présente fait suite à votre lettre du 7 juillet 2003 concernant le sujet mentionné en titre. Plus particulièrement, vous avez requis notre opinion relativement à la méthode pouvant être utilisée pour déterminer de telles pertes lors d'opérations afférentes au revenu et la déductibilité de telles pertes en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu (la " Loi ").
Faits
Les faits énoncés dans votre demande et à l'égard desquels vous avez requis notre opinion s'établissent comme suit :
- Une société a procédé à l'acquisition de plusieurs contrats de change étranger selon des échéances et taux de conversion différents afin de couvrir les opérations courantes de l'entreprise, à savoir la vente de produits alimentaires aux États-Unis.
- Les contrats de change ont tous des échéances se terminant au cours de l'exercice financier de la société suivant celui au cours duquel ils ont été acquis et ne peuvent être réalisés avant leur échéance. Ces contrats ne peuvent donc être réalisés qu'au cours des mois suivant la fin d'exercice financier de la société au cours duquel ils ont été acquis.
- Compte tenu de la différence entre le taux de conversion moyen prévu à ces contrats de change (i.e. 1.35) et celui du dollar canadien par rapport au dollar américain à la fin de l'exercice de la société au cours duquel lesdits contrats ont été acquis (i.e. 1.55), la société avait à la fin de cet exercice financier une perte sur change non matérialisée de l'ordre de XXXXXXXXXX $.
- Aux états financiers de la société pour son exercice financier au cours duquel ces contrats de change ont été acquis, une perte de XXXXXXXXXX $ a été comptabilisée et imputée aux résultats de l'année. Vous mentionnez que cette méthode est conforme aux principes comptables généralement reconnus (les " PCGR ") et respecte la notion de conservatisme. Il s'agissait du premier exercice financier de la société ou un gain ou une perte sur change était comptabilisée, l'utilisation de contrats de change par la société n'ayant débutée qu'au cours de l'année précédente (le gain ou la perte sur change relative à cet exercice étant négligeable, l'écart n'avait alors pas été comptabilisé).
- Les pertes effectivement réalisées par la société dans le cadre du règlement des contrats de change dans les mois suivants la fin de son exercice financier au cours duquel ils ont été acquis sont de l'ordre de XXXXXXXXXX $.
Questions
À la lumière des faits énumérés ci-haut, vous désirez savoir si la société est en droit d'utiliser la méthode d'exercice à laquelle il est fait référence au paragraphe 8 du Bulletin d'interprétation IT-95R pour déterminer ses gains ou pertes sur change étranger relatifs aux contrats de change. Dans l'affirmative, vous désirez également savoir s'il doit être tenu compte de l'alinéa 18(1)e) de la Loi afin de déterminer si la perte sur change non matérialisée comptabilisée par la société peut ou non être déduite dans le calcul de son revenu pour l'année d'imposition au cours de laquelle les contrats de change ont été acquis.
Commentaires
La situation que vous avez indiquée dans votre lettre semble être liée à une situation de fait qui concerne un contribuable précis. Comme il est expliqué dans la circulaire d'information 70-6R5, la Direction n'a pas comme pratique de faire des commentaires sur des opérations envisagées qui concernent des contribuables précis autrement que sous la forme d'une décision anticipée en matière d'impôt. Si votre situation concerne un contribuable précis et une opération effectuée, vous devez transmettre tous les faits et les documents pertinents au bureau des services fiscaux approprié pour obtenir son point de vue. Nous sommes cependant disposés à fournir les commentaires généraux suivants, lesquels vous seront peut-être utiles.
La méthode utilisée par la société afin de déterminer sa perte sur change étranger relative aux contrats de change acquis par elle est conforme à la position de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (l'" ADRC ") énoncée au paragraphe 14 du Bulletin d'interprétation IT-346R et aux paragraphes 7 et 8 du Bulletin d'interprétation IT-95R. Les paragraphes 7 et 8 du Bulletin d'interprétation IT-95R, auquel renvoie le paragraphe 14 du Bulletin d'interprétation IT-346R en regard des gains ou pertes sur change étranger résultant d'opérations à terme en monnaie étrangère lorsque ces opérations font partie de l'exploitation commerciale du contribuable, se lisent comme suit :
" 7. Le Ministère acceptera toute méthode utilisée pour déterminer les gains ou pertes sur change étranger lors d'opérations afférentes au revenu, pourvu que cette méthode soit, dans les circonstances, conforme aux principes comptables généralement reconnus. En outre, la méthode utilisée doit être la même pour les états financiers et l'impôt sur le revenu. [...] Quelques-unes des méthodes comptables appropriées, selon les circonstances, pour déterminer les gains et les pertes sur change étranger lors de transactions afférentes au revenu sont résumées aux numéros 8 et 9 ci-après.
8. Les transactions afférentes au revenu sont ordinairement inscrites dans les livres du contribuable selon leur équivalent en dollars canadiens, conformément au taux de change en vigueur à la date de la transaction. Si le règlement total ou partiel d'un compte (c'est-à-dire la réception ou le versement de dollars canadiens) a lieu dans une année d'imposition, tout gain ou perte sur change étranger figure dans le revenu de cette année d'imposition. Selon la pratique courante, le contribuable rajuste à la fin de l'année tous ses comptes courants en dollars canadiens pour tenir compte du taux de change en vigueur à ce moment-là et pour inclure les gains ou les pertes sur change étranger dans le revenu de l'année (taux courant ou méthode d'exercice). Si un contribuable a comme pratique constante d'attendre qu'un compte soit totalement ou partiellement réglé avant d'inscrire un gain ou une perte sur change étranger dans ses livres, sans faire de rajustement pour gains ou pertes courus à la fin de l'année, cette méthode est aussi acceptée (taux d'origine ou méthode de règlement). "
Il ressort donc de ce qui précède que la méthode utilisée par la société pour déterminer ses gains ou pertes sur change étranger est conforme à la position adoptée par l'ADRC au terme des bulletins d'interprétation mentionnés ci-haut.
Toutefois, la perte sur change étranger non matérialisée comptabilisée par la société dans la situation soumise dans votre demande ne pourra être déduite dans le calcul de son revenu pour les fins de la Loi que dans la mesure où il s'agit d'une dépense " engagée " au sens de l'alinéa 18(1)a) de la Loi et qu'il ne s'agit pas d'un montant au titre d'une éventualité au sens de l'alinéa 18(1)e).
Selon la jurisprudence, une dépense n'est " engagée " au sens de l'alinéa 18(1)a) de la Loi que lorsqu'il y a une obligation de payer une somme d'argent. À cet égard, le juge Pratte de la Cour d'appel fédérale s'exprimait comme suit dans l'affaire The Queen v. Burnco Industries Ltd. et al., 84 DTC 6348, aux pages 6348-9 :
" In our opinion, an expense, within the meaning of paragraph 18(1)a) of the Income Tax Act, is an obligation to pay a sum of money. An expense cannot be said to be incurred by a taxpayer who is under no obligation to pay money to anyone. Contrary to what was decided by the Trial Judge [82 DTC 6001], an obligation to do something which may in the future entail the necessity of paying money is not an expense. "
La Cour d'appel fédérale réitérera et précisera cette interprétation dans l'affaire Wawang Forest Products Ltd. et al. v. The Queen, 2001 DTC 5212 (" Wawang "), à la page 5215 :
" Generally, a taxpayer incurs an expense when it has a legal obligation to pay a sum of money. In most situations, the legal obligation exists upon the fulfillment of the contractual obligations to which the payment relates. Whether the payment of the obligation is required at that moment or in a subsequent year is irrelevant. For example, in most cases the obligation to pay rent is an expense incurred in the year in which the tenant has the right to occupy the rented premises, whether the rental agreement says that payment of the rent is due during that year or at some later date. "
Compte tenu de ce qui précède, il importe donc en l'espèce de déterminer à quel moment a pris ou prendra naissance l'obligation pour la société de verser une somme d'argent au terme des contrats de change. Ainsi, dans la mesure où cette obligation ne devait prendre naissance qu'une fois l'obligation de l'autre partie au contrat acquittée (par exemple, par la livraison des devises), alors la dépense ne saurait être considérée comme ayant été " engagée " au sens de l'alinéa 18(1)a) de la Loi qu'à compter de ce moment (voir, par exemple, les interprétations techniques E 7710 et E C2302, de même que la décision rendue par la Cour fédérale, division de première instance, dans l'affaire The Queen v. Jawl Industries Ltd., 74 DTC 6133). Une telle détermination nécessite donc l'examen des contrats de change conclus par la société. En l'absence de ces documents il nous est donc impossible de nous prononcer quant à l'application de l'alinéa 18(1)a) de la Loi en l'espèce.
Tel que mentionné précédemment, la déductibilité de cette perte est également tributaire de la non-application de l'alinéa 18(1)e) de la Loi, laquelle disposition a pour effet d'empêcher, entre autres, la déduction d'un montant au titre d'une éventualité. Le juge Sharlow de la Cour d'appel fédérale s'exprimait comme suit dans l'affaire Wawang, précitée, en regard de la détermination de ce que constitue une éventualité pour les fins de l'alinéa 18(1)e) de la Loi :
" The generally accepted test for determining whether a liability is contingent comes from Winter and Others (Executors of Sir Arthur Monro Sutherland (deceased)) v. Inland Revenue Commissioners, [1963] A.C. 235 (H.L.), in which Lord Guest said this (at page 262):
I should define a contingency as an event which may or may not occur and a contingent liability as a liability which depends for its existence upon an event which may or may not happen.
[...]
Returning to the Winter test, the correct question to ask, in determining whether a legal obligation is contingent at a particular point in time, is whether the legal obligation has come into existence at that time, or whether no obligation will come into existence until the occurrence of an event that may not occur. " [aux pages 5215-6]
Cette disposition a de nouveau été analysée par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Fédération des Caisses Populaires Desjardins de Montréal et de l'Ouest du Québec c. La Reine, 2001 DTC 5173. Dans cette affaire, le juge Desjardins s'exprimait comme suit à la page 5184 :
" Mon interprétation rejoint celle qu'adopte l'intimée elle-même eu égard aux indemnités de vacances. L'intimée accepte, en effet, qu'en l'espèce, les indemnités de vacances qui ont toutes été accumulées par les employés de l'appelante au cours de l'année 1992 constituaient, en 1992, une dette envers ces employés même si cette dette n'est pas encore liquidée. Le premier juge endossait également cette proposition puisqu'elle affirme au paragraphe 53 de ses motifs :
[...] C'est pourquoi ces indemnités de vacances, même si elles sont estimées, ne constituent pas une provision au sens de l'alinéa 18(1)(e). Elles ne constituent pas une obligation potentielle de l'employeur. Il s'agit d'une obligation juridique réelle qui existe au cours de l'année de référence mais qui sera payée dans une année future. On peut donc dire que la dépense reliée à ces indemnités de vacances a été engagée au cours de l'année de référence et est donc déductible dans le calcul du bénéfice pour l'année aux termes de l'article 9 et de l'alinéa 18(1)a) de la Loi.
[Je souligne]
Les contributions patronales constituent une obligation réelle, une obligation existante et non une obligation potentielle. Cette obligation est à ce point existante et réelle que si l'employé, au lieu de prendre ses vacances au moment voulu, démissionne ou est congédié, ou qu'il décède, l'indemnité (gagnée) devient payable parce que la dette est juridiquement née. [...]
La contribution patronale est une obligation à terme en ce qu'elle ne deviendra payable qu'au moment de la prise des vacances, ou au moment de la démission, du congédiement ou du décès de l'employé. Mais elle n'est pas une obligation conditionnelle suspensive. "
À la page 5185, le juge Desjardins ajoute ce qui suit :
" Dans le cas de l'appelante, son obligation de payer les contributions patronales est réelle, mais à terme indéterminé. Ainsi, l'obligation de payer est suspendue jusqu'au paiement des vacances. À cet égard, le juge Beaudoin explique, dans son même livre (p. 454, par. 575) :
Le terme n'affecte en rien la création de l'obligation, il ne fait qu'en différer l'exigibilité. Contrairement à l'obligation sous condition suspensive, et tout comme l'obligation sous condition résolutoire, l'obligation à terme prend donc naissance immédiatement, de la même façon que l'obligation pure et simple, et a donc une vie juridique véritable pendant toute la période allant de sa création à l'échéance.
[Je souligne] "
La position adoptée par les tribunaux en regard de l'alinéa 18(1)e) de la Loi est conforme à celle énoncée par l'ADRC au paragraphe 9 du Bulletin d'interprétation IT-215R et au paragraphe 15.e) du Bulletin d'interprétation IT-109R2, lequel se lit comme suit :
" e) Somme impayée par opposition à réserve
L'alinéa 18(1)e) stipule qu'aucune déduction ne peut être permise à l'égard d'un montant au titre d'une provision, d'une éventualité ou d'un fonds d'amortissement, à moins qu'elle ne soit expressément permise par la Loi. Pour qu'une dépense qui demeure impayée à la fin d'une année d'imposition puisse être déductible aux fins de l'impôt, elle doit constituer une obligation véritable du contribuable. Si la somme impayée en cause ne constitue pas une obligation véritable, aucune déduction n'est admise. Pour qu'il existe une véritable obligation, il doit y avoir une réclamation exécutoire par le créancier et il doit sembler raisonnablement probable que la dette sera réellement payée par le débiteur. "
Dans le cas d'une obligation à terme il y a donc certitude quant au paiement de la dette dont seul le moment du paiement est différé. Il s'agit cependant d'une dette réelle et exécutoire et donc d'une obligation véritable au sens des bulletins d'interprétation et des décisions précités (à titre d'exemple d'une telle obligation dans un contexte de perte sur change étranger, voir la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Canadian General Electric Co. Ltd. v. M.N.R., 61 DTC 1300). À contrario, lorsqu'il existe une incertitude quant au paiement de la dette, il s'agit alors d'une obligation contingente ou d'une éventualité à l'égard de laquelle aucune somme ne peut être déduite compte tenu de l'alinéa 18(1)e) de la Loi. Il nous est toutefois impossible de procéder à une telle détermination en l'espèce sans avoir pu examiner les contrats de change conclus par la société.
Bien que les commentaires énoncés aux termes de la présente ne constituent pas une décision anticipée en matière d'impôt sur le revenu ayant pour effet de lier l'ADRC, nous espérons qu'ils sauront vous être utiles.
Veuillez agréer, Monsieur, mes salutations distinguées
Alain Godin
Gestionnaire de section
pour le directeur de la Division
Division des opérations internationales et des fiducies
Direction des décisions en impôt
Direction générale de la politique et de la planification
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