Dossier : IMM-6000-19
Référence : 2020 CF 932
Ottawa, Ontario, le 24 septembre 2020
En présence de monsieur le juge Pamel
ENTRE :
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AMARA TASLIM TOURÉ
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demandeur
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et
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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défendeur
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JUGEMENT ET MOTIFS
I.
Aperçu
[1]
Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision d’un agent des visas [agent] refusant une demande de la part du demandeur, M. Amara Taslim Touré, pour un permis d’étude au Canada.
[2]
Pour les raisons qui suivent, je rejette la demande de M. Touré.
II.
Faits
[3]
M. Touré est un citoyen de la Guinée âgé de 25 ans. Après avoir était admis dans un programme d’étude du Collège communautaire du Nouveau-Brunswick, M. Touré a fait une demande de permis d'étude à l’Ambassade du Canada à Dakar.
[4]
Le 6 août 2019, sa demande a été rejetée par l’agent. M. Touré ne l’aurait pas convaincu qu’il possédait les ressources financières suffisantes et disponibles pour payer ses frais de scolarité sans travailler au Canada. L’agent a conclu que la prise en charge par un tiers était insatisfaisante; il aurait douté de la pérennité de la prise en charge de M. Touré par le garant, car le lien de parenté ou de pérennité n’aurait pas été formellement établi.
[5]
M. Touré demande le contrôle judiciaire de cette décision.
III.
Question en litige
[6]
Est-ce que la conclusion de l’agent voulant que le lien de parenté ou de pérennité entre M. Touré et son potentiel garant n’a pas été formellement établi est raisonnable?
IV.
Droit applicable
[7]
La catégorie des étudiants est une catégorie de personnes qui peuvent devenir résidents temporaires du Canada suivant l’article 210 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, SOR/2002-227 [RIPR].
[8]
La délivrance d’un visa de résident temporaire relève du pouvoir discrétionnaire de l’agent des visas conformément à l’article 11 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR].
[9]
C’est à l’étranger de démontrer qu’il remplit les conditions prévues à la LIPR et au RIPR (Solopova c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 690 au para 22 [Solopova]; Ali c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2018 CF 702 au para 11; Tabari c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1046 au para 24; Patel c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 570 au para 12).
[10]
L’étranger doit notamment démontrer qu’il dispose des ressources financières suffisantes pour acquitter ses frais de scolarité, subvenir à ses besoins et acquitter ses frais de transport pour venir au Canada et en repartir, et ce, sans qu’il lui soit nécessaire d’exercer un emploi au Canada, conformément à l’article 220 du RIPR.
[11]
De plus, l’agent jouit d’un vaste pouvoir discrétionnaire dans son appréciation de la preuve et la prise de sa décision (Zhang c Canada (Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CF 1493 au para 7; Solopova au para 11). Son obligation de motiver sa décision est minime (Solopova au para 32). Le décideur sera présumé avoir pesé et considéré toutes les preuves qui lui ont été présentées, à moins que le contraire ne soit démontré (Florea c Canada (ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (CAF), [1993] ACF no 598 au para 1).
V.
Norme de contrôle
[12]
La norme de contrôle d’une décision relative aux capacités financières d’un étranger souhaitant obtenir un permis d’étude est celle de la décision raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 au para 23 [Vavilov]; Kamguia Kouam c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 858 au para 11].
VI.
Analyse
[13]
M. Touré reproche surtout à l’agent de ne pas avoir pris en compte certains éléments de preuve concernant la prise en charge du demandeur par son garant potentiel, son oncle maternel, M. Mamady Kaba. Ces preuves seraient principalement des actes de naissance qui établiraient un lien de parenté entre M. Touré et M. Kaba.
[14]
Le défendeur soutient que les motifs de l’agent démontrent qu’il a considéré la preuve au dossier, mais qu’il a jugé que celle-ci était insuffisante et qu’elle ne permettait pas d’établir le lien entre le garant et le demandeur.
[15]
Je suis d’accord avec le défendeur. En effet, les documents présentés dans le cadre de la demande de permis d’étude pouvaient raisonnablement créer une confusion dans l’esprit de l’agent quant au lien familial unissant M. Touré et M. Kaba.
[16]
Dans le document « Plan et lettre de motivation d’études au Canada » soumit par M. Touré au soutien de sa demande de permis, ce dernier indique qu’il serait soutenu financièrement par son oncle maternel, M. Kaba, son potentiel garant, dans l’éventualité où sa demande de permis était acceptée. De plus, les actes de naissance au dossier nous indiquent que M. Kaba serait véritablement l’oncle de M. Touré. En effet, selon ces documents, la mère de M. Touré, Kaba Djéné, aurait les mêmes parents que M. Kaba, soit Kaba Snassy (ou Sanassy) et Bérété Djéné, nés respectivement le 22 mars 1939 et le 18 janvier 1950.
[17]
Cependant, dans sa lettre d'engagement à soutenir M. Touré, M. Kaba a identifié ce dernier comme étant son frère et non comme son neveu.
[18]
Il est possible, bien que regrettable, que cette qualification par M. Kaba, ait été faite au sens général de l’expression frère, comme on qualifierait un ami (ou un neveu) de frère. Toutefois, la possibilité de confusion chez l’agent était sérieuse et, compte tenu de la preuve dont celui-ci disposait, je ne peux pas dire que sa décision était déraisonnable.
[19]
L’avocat de M. Touré lui-même a soumis son mémoire selon la prémisse que M. Kaba était le frère du demandeur, pour ensuite soutenir devant moi que M. Kaba était en réalité l’oncle de M. Touré. Même si ce fait n’était pas devant l’agent et que je ne peux donc pas le considérer pour rendre ma décision, il illustre bien la confusion que peut causer le dossier de M. Touré.
[20]
Ainsi, considérant les éléments de preuve contradictoires sur cette question, la conclusion selon laquelle M. Touré ne s’est pas déchargé de son fardeau d’établir un lien de parenté ou de pérennité avec son potentiel garant appartient au domaine des résultats pouvant se justifier au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur était assujetti (Vavilov au para 85).
VII.
Conclusion
[21]
Pour les motifs qui précèdent, je suis d’avis de rejeter la demande de contrôle judiciaire.