Dossier : T‑1130‑17
Référence :
2017 CF 1108
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Ottawa (Ontario), le 5 décembre 2017
En
présence de monsieur le juge Martineau
ENTRE :
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EVERLIGHT
ELECTRONICS CO., LTD
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demanderesse
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et
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LE PROCUREUR
GÉNÉRAL DU CANADA
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répondeur
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JUGEMENT ET MOTIFS
[1]
La demanderesse, Everlight Electronics Co., Ltd
[Everlight], cherche à modifier une inscription dans les dossiers du Bureau des
brevets. La demande – qui n’est pas contestée – est accueillie par la Cour.
[2]
Everlight est un producteur d’optoélectronique à
l'échelle mondiale constitué selon les lois de Taiwan. Le
23 janvier 2002, Gentex Corporation [Gentex], une entreprise
américaine de l’industrie de l’automobile a déposé une demande de brevet au
niveau international en vertu du Traité de coopération en matière de brevets pour
des « appareils émetteurs de rayonnement et les
méthodes de fabrication de ces appareils ». La demande de brevet a
fait son entrée au niveau national au Canada le 5 juin 2003. Le Bureau
des brevets canadien a émis des lettres patentes numéro CA 2,3430,747 [Brevet]
le 20 mai 2008. Suite à une transaction à l’échelle mondiale entre
Gentex et Everlight, la propriété de plusieurs brevets a été transférée à la
demanderesse, dont, entre autres, une entente de cession : « Contrat No A03 16070001 Everlight
Legal » [cession]. Le 13 octobre 2016, le responsable des
brevets de la demanderesse a déposé, par inadvertance, le document complet de la
cession au Bureau des brevets comme preuve du transfert de propriété du Brevet.
Or, Gentex et Everlight ont toujours eu l’intention de ne soumettre qu’une
annexe plus limitée (ci-jointe en tant que pièce C de l’affidavit de
Hsien-Chia Lin) au lieu de la transaction entière, afin de protéger leurs
renseignements confidentiels. L’inscription de la cession au nom de la
demanderesse a été confirmée par le Bureau des brevets le
17 octobre 2016. La demanderesse a déposé la présente demande après
avoir remarqué cette erreur.
[3]
L’article 52 de la Loi sur les brevets,
L.R.C. 1985, ch. P-4 [Loi] confère une vaste compétence à la Cour
fédérale « pour ordonner que toute inscription
dans les registres du Bureau des brevets concernant le titre à un brevet soit
modifiée ou radiée », sur la demande de toute personne intéressée. Cela
inclut le propriétaire du brevet et son commissaire (voir Micromass UK Ltd.
c Canada (Commissaire aux brevets), 2006 CF 117 au paragraphe 14
[Micromass] et Novartis AG c Canada (Procureur Général), 2016
CF 229 au paragraphe 2 [Novartis]). Tandis que l’article 52
de la Loi est silencieux quant au critère qui doit être utilisé pour décider
s’il faut ou non exercer la compétence (voir Qualcomm Incorporated c Canada
(Commissionnaire aux brevets), 2016 CF 1092, au
paragraphe 11), le mot « titre »
a été interprété dans un sens plus large par notre Cour pour englober
différentes questions qui concernent le titre originaire (voir Micromass
au paragraphe 13).
[4]
La Loi et les Règles sur les brevets,
DORS/96-423, n’ont pas d’exigences en ce qui concerne le contenu des cessions –
autre que les preuves de la cession des droits elle-même. Dans Love c
Claveau (1989), [1990] 1 CF 64, 29 FTR 188 (CFPI), la
Cour a statué que sa compétence s’étend à la radiation d’une entente de cession
qui n’a pas été déposée de la manière conforme. Dans Gray Manufacturing
Company Inc c Canada (Procureur général), 2016 CF 55, un brevet avait
été déposé par inadvertance sous le mauvais nom d’entreprise, et la Cour a
utilisé son pouvoir, en application de l’article 52 de la Loi, pour rendre
une ordonnance enjoignant au commissaire aux brevets de modifier l’inscription.
Les facteurs pris en considération étaient que l’erreur n’était pas
intentionnelle, qu’elle a été faite de bonne foi et qu’elle ne constituait pas
une tentative délibérée d’induire en erreur ou de retarder l’instance. Dans
Micromass, la Cour a mentionné que le changement ordonné serait sans
conséquence pour le public. Dans Novartis, la Cour a également examiné le fait
que des tiers ne seraient pas touchés.
[5]
En me fondant sur les preuves de l’affidavit et les
déclarations de la demanderesse, je suis convaincu que la Cour doit accepter de
modifier l’inscription aux registres au sujet du Brevet. Le dépôt de la cession
était réellement une erreur commise de bonne foi de la part du responsable des
brevets. La modification proposée ne causera aucun dommage à des tiers, étant
donné qu’aucune personne de l’extérieur ne réclame un intérêt quelconque en ce
qui concerne le Brevet, il n’y a pas d’affaire de contrefaçon en cours, et le
reste de la cession est sans conséquence pour le public. En l’espèce,
l’objectif visant à protéger la confidentialité peut être atteint en modifiant
le registre actuel, en expurgeant les renseignements confidentiels dans la
cession. Une copie de la cession dont les renseignements confidentiels susmentionnés
ont été expurgés est jointe en tant que pièce B de l’affidavit de
Hsien-Chia Lin (reproduite en tant qu’annexe A du présent jugement).