[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]
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Date : 20030130
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Dossiers : 2002‑238(EI)
2002‑239(CPP)
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ENTRE :
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BEAVER HOME IMPROVEMENTS LTD.,
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appelante,
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et
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LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,
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intimé,
et
KEVIN PATRICK O'FLYNN,
intervenant.
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MOTIFS DU JUGEMENT
Le juge
suppléant Rowe, C.C.I.
[1] L’appelante, Beaver Home Improvements Ltd.,
(l’entreprise Beaver), interjette appel à l’encontre des décisions toutes deux
datées du 9 novembre 2002 qu’a rendues le ministre du Revenu national
(le « ministre ») selon lesquelles il a décidé que l’emploi
qu’exerçait Kevin Patrick O’Flynn (le travailleur ou l’intervenant)
pendant la période du 14 mai 2000 au 20 avril 2001 était un
emploi assurable et ouvrant droit à pension en vertu des dispositions de la Loi
sur l’assurance-emploi (la « Loi ») et du Régime de
pensions du Canada (le « Régime ») respectivement. Toutes
les parties ont consenti à ce que les appels soient entendus ensemble.
[2] Warren Orsted a témoigné qu’il est
gestionnaire de l’exploitation de la société appelante et qu’il était engagé à
ce titre pendant la période pertinente. Il a travaillé avec l’intervenant
pendant quatre années et demi, soit depuis que l’entreprise a fait
l’acquisition de la Crown Roofing à Vernon, en Colombie-Britannique.
M. O’Flynn a été un employé de cette entreprise et a conservé son poste
après que l’entreprise Beaver a pris le contrôle de l’entreprise pour laquelle
il travaillait. M. Orsted a déclaré que M. O’Flynn l’avait approché
et lui avait indiqué qu’il souhaitait fournir ses services à
l’entreprise Beaver, à la condition qu’il soit considéré comme un
entrepreneur indépendant lorsqu’il fournirait des services continus
d’installation de couvertures. M. Orsted a déclaré que, conformément à
cette requête, M. O’Flynn avait signé un document intitulé [traduction] « accord de sous‑traitance »
dans lequel il acceptait de travailler pour l’appelante à titre d’entrepreneur
et d’être responsable de verser son propre impôt sur le revenu, des cotisations
au Régime de pensions du Canada, la Taxe sur les produits et services et les
droits exigibles pour une licence d’exploitation de commerce ainsi que de
prendre en charge toutes les autres dépenses liées à l’exploitation de son
entreprise qu’il pouvait engager en fournissant ses services à l’entreprise
Beaver. Ce document de une page portant la mention [traduction] « À qui de droit » a été déposé en
preuve sous la cote A‑1. Une note prise dans la partie supérieure de la
page indique que cet accord s’appliquait à [traduction]
« notre exercice du 1er septembre 1999 au
31 août 2000 », mais une autre écriture qui figure dans le coin
inférieur gauche de la page indique que la date du 12 mai 2000 est la
[traduction] « date de
début ». M. Orsted a renvoyé la Cour à un autre formulaire
(pièce A‑2) daté du 26 mai 2000 que M. O’Flynn a
signé, comme l’exigeait l’entreprise Beaver, aux fins de paiement et qui
indique que la demande de changement pour le statut de sous‑traitant
prend effet le 13 mai 2000. M. Orsted a déclaré que M. O’Flynn possédait un
camion et quelques outils et équipement. Il a expliqué que, dans l’industrie de
la toiture, la plupart des couvreurs possèdent des échelles, des marteaux
cloueurs, un compresseur ainsi que leurs propres outils à main. Pendant la
période du mois d’octobre 1999 au 13 mai 2000, soit pendant
laquelle M. O’Flynn était considéré comme un employé, l’appelante
fournissait le compresseur et les marteaux cloueurs.
[3] Lorsque l’avocate
de l’intimé l’a contre‑interrogé, Warren Orsted a déclaré qu’il n’était pas inhabituel qu’un
travailleur change son statut d’employé pour celui de sous-traitant et que cela
s’était produit à trois ou quatre reprises parce que certains couvreurs
voulaient être libres de fournir leurs services à d’autres entreprises dans la
même industrie. Selon ce que M. Orsted a pu se rappeler, M. O’Flynn, en
tant que sous-traitant, n’avait exécuté qu’un seul contrat pour le bureau de
l’entreprise Beaver à Kelowna, en Colombie‑Britannique, avant qu’il ne
soit déménagé dans la région de Penticton.
[4] L’intervenant n’a
pas contre‑interrogé le témoin.
[5] John Kitsch a témoigné qu’il était
gestionnaire de l’exploitation de l’entreprise Beaver à Penticton, en Colombie‑Britannique,
et qu’il occupait cette fonction depuis neuf années et demi. Il a déclaré que
M. O’Flynn avait été engagé pour fournir ses services à l’appelante en
tant que sous-traitant et qu’après avoir terminé le travail, il soumettait des
factures du montant dû, y compris la TPS appropriée. Un paquet de factures a
été déposé en preuve sous la cote A‑3, et l’une d’elles indique qu’une
déduction au montant de 144,04 $ avait été prélevée prétendument pour des
dommages qu’avait causés M. O’Flynn à la résidence d’un client. Les coûts
de la main-d’œuvre engagés pour des stagiaires étaient déduits du calcul de la
somme due à M. O’Flynn pour l’exécution d’un contrat de travail, parce que
l’entreprise Beaver avait engagé des travailleurs non qualifiés comme dans le
cadre d’un certain programme d’apprenti. Le coût pour l’installation d’une
toiture est calculé soit à la toise, soit au pied carré. M. Kitsch a
déclaré qu’il ne supervisait pas le travail qu’accomplissait M. O’Flynn et
se rendait sur un chantier uniquement à la demande du propriétaire. Il a fait
remarquer que l’intervenant n’était pas tenu de se présenter sur le lieu
d’affaire de l’entreprise Beaver tous les jours et qu’il soumettait une facture
après l’achèvement des travaux puis se renseignait sur la possibilité
d’éventuels contrats. À un certain moment donné, M. O’Flynn a quitté la
région de Penticton et a fourni ses services à d’autres clients habitant
d’autres régions en Colombie‑Britannique, et, du point de vue de
l’appelante, l’intervenant a toujours conservé son droit de refuser un contrat
pour l’installation de toiture.
[6] Lorsque l’avocate
de l’intimé l’a contre‑interrogé, John Kitsch a déclaré qu’un tarif fixe est
composé du coût par toise ou par pied carré que l’entreprise Beaver est
disposée à verser à un entrepreneur. Quelquefois, un entrepreneur négociait un
tarif plus élevé si un contrat était particulièrement difficile, mais
M. Kitsch n’a pu se rappeler si cela s’était déjà produit relativement à
un contrat qu’avait exécuté l’intervenant. La déduction qui figure sur les
factures contenues dans la pièce A‑3, à titre de [traduction] « main‑d’œuvre » se rapportait à
une ou à plusieurs personnes qu’avait engagées l’entreprise Beaver et qui
étaient rémunérées selon un taux horaire. L’entreprise Beaver assignait des travailleurs à un
contrat qu’exécutait M. O’Flynn et fournissait tout l’équipement
qu’utilisaient ces travailleurs. Au besoin, l’entreprise Beaver fournissait
l’échafaudage nécessaire aux travaux qu’exécutait l’intervenant et envoyait un
camion à benne sur le chantier pour ramasser les débris provenant d’un plus
grand projet. Les divers contrats pouvaient durer jusqu’à une semaine, mais la
plupart était terminé en une journée ou deux. La déduction au montant de
144,04 $ d’un paiement dû à M. O’Flynn était une somme qu’avait exigé
le bureau de l’entreprise Beaver à Kelowna en vue de rembourser un client pour
certains dommages qu’avait causés M. O’Flynn, et il avait été convenu que
ce montant serait versé sous forme de trois déductions distinctes de 48 $
des chèques à venir. L’entreprise Beaver consistait en une entreprise de
construction de nouvelles maisons, de rénovation résidentielle, de vente et
d’installation de toiture, de parement et de revêtement isolant. Soit
l’appelante faisait livrer les matériaux au chantier, soit le fournisseur
fournissait ce service. Les chèques à verser à M. O’Flynn pour ses
services lui étaient émis toutes les deux semaines.
[7] L’intervenant n’a
pas contre-interrogé le témoin.
[8] Lorsque R. G.
Allen, le représentant de l’appelante, l’a réinterrogé, M. Kitsch a déclaré que M. O’Flynn avait
exécuté de nombreux contrats et que l’entreprise Beaver n’y avait assigné aucun
travailleur. Pendant la période pertinente, le bureau de l’entreprise Beaver
faisait appel aux services de sept sous‑traitants. Lorsque l’intervenant
quittait la région pendant un certain temps, M. Kitsch ne savait pas très
bien si M. O’Flynn avait demandé un congé ou s’il avait seulement
mentionné qu’il prendrait quelques jours de congé.
[9] Brian Beliveau a témoigné qu’il est le
directeur général et le président de la société appelante. Pendant la période
pertinente, environ 30 personnes travaillaient comme installateurs;
certains d’entre eux étaient des employés de l’appelante, y compris les
travailleurs qui étaient responsables de la construction de solariums
résidentiels ou de l’installation de gouttières, de panneaux de toit et de
couvertures de patio. Le rapport relativement à l’installation de toitures et
de parement était de 60 p. 100 pour les sous‑traitants et de
40 p. 100 pour les employés de l’entreprise Beaver. On a renvoyé
M. Beliveau à une feuille de calcul (pièce A‑4) qu’a produite
le service de comptabilité de l’appelante et qui indique que des paiements ont
été versés à 16 sous‑traitants, à compter du mois de
septembre 1999 et y compris la période pertinente qui concerne
l’intervenant. À la page 2 de ladite feuille de calcul, on constate une
divergence pendant la période du mois de janvier au mois de mars 2001
parce que M. O’Flynn n’a accepté aucun contrat pendant ces mois et, par
conséquent, il n’a soumis aucune facture à l’entreprise Beaver. M. Beliveau
a déclaré que, selon lui, M. O’Flynn était parti à Calgary pendant cette
période pour fournir ses services à un autre particulier. M. Beliveau a
reconnu le questionnaire (pièce A‑5) qu’il avait rempli et renvoyé à
l’Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC). Il était au courant que
M. O’Flynn avait signé un formulaire demandant à ce que son statut
d’employé soit changé pour celui de sous‑traitant et qu’il avait ajouté
la TPS au montant des factures qui indiquaient son numéro d’inscription aux
fins de la TPS. Le secteur fonctionnel des activités commerciales de
l’entreprise Beaver s’étendait de Osoyoos à la limite de Enderby. Les prix
étaient fixés en fonction de la nature du contrat, en tenant compte de facteurs
tels que la pente du toit, l’étendue des couches de matériel à retirer et
d’autres questions pertinentes, tel que l’emplacement du site. Aucune heure de
travail n’était établie, et un sous‑traitant acceptait un contrat puis
procédait à l’exécution des travaux. La direction de l’entreprise Beaver revoyait
ce sous‑traitant lorsque ce dernier soumettait la facture appropriée au
bureau. Pour des raisons d’efficacité administrative, l’entreprise Beaver a
décidé que les sous‑traitants seraient payés toutes les deux semaines. Il
y a eu la mise en œuvre d’un projet à Summerland dont l’exécution des travaux a
pris plus de un mois. Lorsque certains stagiaires ont été engagés, l’entreprise
Beaver a obtenu des conseils légaux et comptables selon lesquels ces
travailleurs devaient être traités à titre d’employés. Conséquemment, lorsqu’un
stagiaire ou plus étaient affectés à un contrat qu’exécutait M. O’Flynn,
le montant de la valeur de leur main‑d’œuvre était calculé puis déduit de
la somme versée à M. O’Flynn. Les stagiaires ou travailleurs étaient
rémunérés par chèque que leur émettait l’entreprise Beaver, conformément aux
calculs habituels de la feuille de paye. Une pénurie d’installateurs au sein de
l’industrie, a forcé la direction de l’entreprise Beaver à recruter et à former
d’autres travailleurs de manière à former une autre équipe qualifiée. Les
stagiaires qui ont notamment travaillé avec l’intervenant avaient été
recommandés à l’entreprise Beaver par ce dernier. Différents tarifs étaient en
vigueur, en fonction des différents sous‑traitants, et M. O’Flynn fournissait
ses propres outils et équipement ainsi qu’un camion. M. Beliveau a déclaré
que, lorsque l’intervenant avait fait savoir qu’il voulait changer son statut
d’employé pour celui d’entrepreneur indépendant, les circonstances relatives à
la prestation de ses services à l’entreprise Beaver répondaient, à son avis,
aux critères établis en vertu de la jurisprudence applicable.
[10] Lorsque l’avocate de
l’intimé l’a contre-interrogé, M. Brian
Beliveau a admis que les clients éventuels composaient le numéro d’entreprise
de l’entreprise Beaver figurant dans les pages jaunes ou étaient sollicités par
le personnel vendeur qui vérifiait les permis de construction aux bureaux
municipaux. Le coût de chaque contrat était établi conformément au devis, y
compris la main‑d’œuvre nécessaire à l’installation. Dans l’éventualité où
un client omettait de payer l’entreprise Beaver, celle‑ci payait tout de
même le sous-traitant, sauf si le refus de payer était lié à la qualité des
travaux. L’avocate a renvoyé M. Beliveau à une feuille (pièce R‑1)
qui dresse la liste des tarifs versés aux installateurs. M. Beliveau a
déclaré que ces montants se rapportaient à certains sous‑traitants, y
compris M. O’Flynn. Il arrive quelquefois qu’un paiement additionnel soit
versé après l’exécution des travaux si un projet en particulier s’est avéré
plus difficile que prévu. M. Beliveau a également déclaré qu’il ne
traitait pas quotidiennement avec les installateurs ou les opérateurs. Même si
certains travailleurs étaient des sous‑traitants, l’entreprise Beaver
payait toutes les cotisations à la Workers’ Compensation Board of British
Columbia en vue de couvrir toutes les personnes présentes sur un chantier, peu
importe leur statut. Lorsque l’installation d’une toiture ou d’autres travaux
sont exécutés, la politique de la compagnie exige qu’un panneau affichant
clairement le nom de l’entreprise Beaver soit installé sur le chantier. Dans le
cadre de certains contrats qu’avait exécutés l’intervenant, M. Beliveau a
déclaré que l’entreprise avait fourni des outils et de l’équipement plus qu’à
l’habitude en raison de la présence de un ou de plusieurs stagiaires sur le
chantier. L’entreprise Beaver possédait une assurance de responsabilité civile
générale pour se couvrir si des problèmes survenaient au cours de
l’installation, mais la garantie à l’égard des matériaux utilisés à l’exécution
de tous les contrats était fournie par le fabricant, et ce, en vue de réduire
considérablement les risques auxquels pouvait être exposée l’entreprise Beaver.
La méthode de calcul de la rémunération pour un travail accompli était la même
avant et après le changement de statut d’employé de M. O’Flynn pour celui
de sous-traitant. Lorsque M. O’Flynn a travaillé pendant tout un mois sur
un chantier à Summerland, il était encore rémunéré toutes les deux semaines
selon une facture qu’il avait soumise pour du travail accompli jusqu’alors.
[11] L’intervenant n’a
pas contre-interrogé le témoin.
[12] Kevin O’Flynn, en sa qualité
d’intervenant, a témoigné qu’il vit à Vernon, en Colombie-Britannique, et qu’il
possède trente années d’expérience comme couvreur. Il a déclaré qu’avant la
période pertinente, il avait commencé à travailler comme employé pour
l’entreprise Beaver, à Vernon, mais il s’est avéré qu’il consacrait de nombreuses
heures de travail à partir de la région de Penticton. Par la suite, son épouse
a été transférée à Penticton en raison de son emploi et, pendant cette période
de transition, certains membres de la direction de l’entreprise Beaver se
sont entretenus avec plusieurs installateurs pour les informer que la compagnie
préférerait traiter avec eux conformément à une entente selon laquelle ils
fourniraient leurs services en tant que sous-traitants et non en tant
qu’employés. M. O’Flynn a discuté avec John Kitsch, et il a convenu
de changer son statut d’emploi. Puisqu’il avait toujours possédé ses propres
outils de travail au cours de sa carrière, il lui semblait que les choses
n’étaient pas différentes de ce qu’elles avaient été en ce sens qu’avant le
14 mai 2000, il était rémunéré à la pièce, soit à la toise, et que
les mêmes taux ont par la suite été appliqués. Il a déclaré que s’il n’était
pas sur le lieu d’affaire de l’entreprise Beaver à 7 h 30, son
épouse recevait un appel pour savoir où il était. Avant d’accepter un contrat,
on lui remettait une feuille décrivant la nature des travaux à exécuter et le
taux de paiement offert. M. O’Flynn a déclaré qu’en janvier 2001,
M. Kitsch l’avait informé qu’il y aurait une pénurie de travail pendant
environ deux mois et, après qu’un mois s’était écoulé, il s’était rendu à
Calgary en compagnie de Larry Rae, un autre couvreur figurant dans la
liste des sous‑traitants déposée en preuve sous la cote A‑4,
et il avait travaillé sur deux chantiers d’où il a tiré un revenu d’environ
1 100 $. Pendant toute cette période il est resté en contact avec
M. Kitsch avec l’entente qu’il reviendrait à Penticton dès qu’il y aurait
du travail. Lorsque M. O’Flynn entreprenait l’installation de toiture pour
l’entreprise Beaver, il travaillait de 7 h 30 à
16 h 30, cinq jours par semaine. Pendant la période pertinente, tous
les contrats d’installation de toiture ont été exécutés pour le compte de
l’entreprise Beaver, sauf les contrats qu’il a exécutés à Calgary ou au
cours de deux voyages à Quesnel, pendant la fin de semaine, pour donner un coup
de main à son frère et, à une autre occasion, pour aider son beau‑père à
installer une toiture. En ce qui concerne la rémunération, M. O’Flynn a
déclaré qu’il était rémunéré par chèque toutes les deux semaines et qu’il
pouvait recevoir un paiement additionnel à l’exécution d’un contrat après avoir
discuté de la question avec M. Kitsch et lui avoir expliqué le motif de sa
requête. Les factures étaient soumises le vendredi, et un chèque était émis le
vendredi suivant de la période applicable, de la même manière que lorsqu’il
était employé. Sur les chantiers, l’entreprise Beaver faisait installer un
panneau à un endroit visible et pendant la période où M. O’Flynn était
un employé, le travail était accompli par une équipe de quatre hommes composée
de M. O’Flynn, de son beau‑frère, Joe Aspinall, un couvreur
qualifié, ainsi que de Michelle (Missy) et de Sam qui étaient relativement
de nouveaux travailleurs dans ce métier. Après la mi‑mai 2000, Missy
et Sam sont demeurés des employés de l’entreprise Beaver, parce que la
direction avait décidé qu’ils relevaient de la catégorie des stagiaires ou des
aides, tandis que M. O’Flynn et M. Aspinall ont décidé de devenir des
sous‑traitants. Il pouvait arriver quelquefois qu’un évaluateur, engagé
par l’entreprise Beaver, visite le chantier afin de s’assurer que les
travaux exécutés correspondaient aux spécifications du bon de travail, mais
aucune inspection de la qualité des travaux n’a jamais été effectuée. En ce qui
concerne la saison 2000, M. O’Flynn a déclaré que
l’entreprise Beaver lui avait décerné le prix de l’entrepreneur de
l’année. En ce qui concerne les outils et l’équipement, l’entreprise Beaver
fournissait, au besoin, un camion à benne ou une caisse et un chariot‑palan
pour soulever les bardeaux sur le toit ainsi qu’un compresseur, des pistolets
goujonneurs, une échelle et un échafaudage. Ses outils personnels comprenaient
une scie à chaîne, des pilles, une cisaille de ferblantier, une échelle, une
ceinture de sécurité et un camion qui valaient tous moins de 1 000 $.
Plus tard, il a acheté un camion plus gros pour pouvoir transporter l’équipe de
quatre travailleurs et se rendre au travail, mais ce véhicule n’était requis
que pour se rendre au travail et y en revenir. Personnellement, il aurait tout
aussi bien pu utiliser le chariot‑palan que fournissait l’entreprise
Beaver pour se rendre au chantier. M. O’Flynn ne s’est pas souvenu d’avoir
été obligé de retourner sur un chantier pour corriger un défaut, mais il s’est
rappelé qu’un propriétaire, à Vernon, s’était plaint que certains dispositifs
d’éclairage situés le long de l’entrée avaient été endommagés, que
l’entreprise Beaver avait insisté pour qu’il assume la responsabilité des
dommages et qu’il avait accepté, quoique avec réticence, même s’il croyait que
les dispositifs d’éclairage avaient été endommagés par des employés de
l’entreprise Beaver. Une fois sur le chantier, il était impossible d’accroître
les revenus, et il était payé pour son travail même si le propriétaire de la
résidence omettait de payer à l’entreprise Beaver les coûts d’installation.
[13] Lorsque le
représentant de l’appelante l’a contre-interrogé, M. O’Flynn a déclaré que même après avoir
quitté Vernon pour effectuer des travaux d’installation de couverture à
Summerland, en Colombie‑Britannique, il était encore considéré comme un
employé. Le 13 mai 2000 ou vers cette date, il a reçu un avis de sa
mise à pied en tant qu’employé et le jour suivant, s’est rendu au travail pour
fournir les mêmes services, seulement qu’il était dorénavant un sous‑traitant.
M. O’Flynn a déclaré que les aides assignés à l’équipe, soit Missy et Sam,
n’avaient pas beaucoup d’expérience et il a émis le commentaire selon lequel il
faut acquérir au moins deux ou trois années d’expérience dans le métier pour
devenir un couvreur qualifié. Après avoir changé son statut, M. Kitsch l’a
informé qu’il devait obtenir un numéro d’inscription aux fins de la TPS pour
pouvoir facturer les travaux accomplis à l’entreprise Beaver. Il a demandé
des renseignements au bureau de l’ADRC, et étant donné qu’il facturerait plus
de 30 000 $ par année à l’entreprise Beaver, il a décidé de
s’enregistrer à titre de fournisseur. Par la suite, sa méthode d’obtenir le
paiement d’un contrat est demeurée inchangée, à l’exception de l’ajout de la
TPS calculée sur la somme due. Les heures de travail, outre les arrêts des
travaux à cause de la pluie, de la neige ou du vent, étaient assez stables et
étaient calculées selon un horaire de huit ou de neuf heures par jour,
cinq jours par semaine. Il était quelquefois nécessaire de faire des heures
supplémentaires afin de pouvoir respecter les délais d’exécution d’un certain
contrat. Lorsqu’ils entreprenaient l’exécution des travaux pour un contrat en
particulier, M. O’Flynn et son beau‑frère, M. Aspinall, se
partageaient le revenu qu’ils généraient selon un pourcentage de
60 p. 100 à M. O’Flynn et de 40 p. 100 à
M. Aspinall. En septembre 2000, il a facturé la somme totale de
5 860,50 $ à l’entreprise Beaver pour des services que lui‑même
et M. Aspinall avaient fournis. Ensuite, lorsqu’il recevait le paiement de
l’entreprise Beaver, il en versait 40 p. 100 à M. Aspinall.
Sinon, pour chaque contrat, la facture dressait la liste des travaux effectués
et indiquait la somme due avec l’écriture indiquant que des montants distincts
seraient payables par l’entreprise Beaver à M. O’Flynn et à
M. Aspinall, calculés selon la répartition du revenu à 60 p. 100
et à 40 p. 100. M. O’Flynn a déclaré qu’après le mois de mai 2000, il n’avait
pas acheté d’outils supplémentaires et qu’il n’avait payé que la somme de
1 000 $ pour la camionnette d’une demi‑tonne utilisée aux fins
de son transport et de celui de l’équipe aux chantiers. Lorsqu’il s’agissait de
contrats spéciaux, l’entreprise Beaver fournissait les outils requis, mais
90 p. 100 du temps, les travaux étaient ordinaires et il pouvait,
pour sa part, installer 20 toises par jour. M. O’Flynn a admis que
son expérience et son efficacité lui ont permis d’accroître le revenu généré.
L’entreprise Beaver obtenait les contrats et les vendeurs ou les
évaluateurs se rendaient quelquefois sur le chantier, mais en bout de ligne,
c’est le propriétaire qui approuvait la qualité de l’installation.
Warren Orsted, gestionnaire de l’exploitation pour l’entreprise Beaver,
prenait des mesures pour s’assurer que tous les couvreurs portaient une
ceinture de sécurité conformément aux règlements de la CSPAAT. John Kitsch
structurait les contrats et fournissait les directives nécessaires se rapportant
à des questions précises relatives à un projet en particulier.
L’entreprise Beaver remboursait à M. O’Flynn et aux autres membres de
son équipe les frais d’hébergement et de repas lorsqu’ils devaient exécuter un
contrat à l’extérieur de la ville, mais cela ne s’est produit qu’une seule fois
après le mois de mai 2000, lorsqu’il était nécessaire de séjourner dans un
motel pendant quatre ou cinq jours en vue de terminer les travaux qui étaient
retardés en raison d’une mauvaise température. En ce qui concerne les travaux
effectués pour Larry Rae à Calgary, en mars 2001, l’intervenant ne
lui a pas soumis de facture, mais il a été payé sous forme d’un dépôt direct
dans son compte bancaire. Il y avait du travail en janvier et février 2001,
mais en quantité insuffisante pour assurer du travail à la réserve de
couvreurs. M. O’Flynn a déclaré qu’en janvier 2001, il avait déposé une
demande de prestations d’assurance‑emploi (a.‑e.) et qu’il avait
fourni le relevé d’emploi (RE) qu’on lui avait délivré le 12 mai 2000
lorsqu’il avait été mis à pied en tant qu’employé. Il a également déclaré qu’au
cours de la procédure de changement de son statut pour celui de sous‑traitant,
il avait demandé des renseignements au sujet de la façon de fonctionner des
couvreurs et que d’autres entreprises d’installation de couverture de la région
mettaient en application, et qu’il avait découvert que la plupart d’entre eux
fonctionnait selon le principe que les travailleurs étaient des sous-traitants
plutôt que des employés, ce qui semblait correspondre aux renseignements que
lui avait transmis M. Kitsch, au nom de l’entreprise Beaver. Il a
ajouté que cela l’avait aidé à prendre la décision d’abandonner son statut
d’employé. M. O’Flynn a déclaré que, vers la fin de 2001, il était tombé
malade, qu’il avait voulu demander des prestations d’a.‑e. et qu’il avait
demandé à M. Kitsch de lui délivrer un RE. Cependant,
l’entreprise Beaver a refusé de lui fournir ce document, mais des
prestations d’a.‑e. pour cause d’invalidité médicale ont été perçues à
compter de juillet 2001, probablement en raison des périodes précédentes
d’emploi assurable.
[14] L’intimé n’a produit
aucun témoin.
[15] Le représentant de
l’appelante a soutenu que les circonstances de la relation de travail entre
l’entreprise Beaver et M. O’Flynn
étaient directement pertinentes à celles analysées dans une décision récente
qu’a rendue la Cour d’appel fédérale et, par conséquent, la présente Cour
devrait tenir compte de tous les faits pertinents et parvenir à la même
conclusion, notamment, celle selon laquelle le couvreur en l’espèce, soit
M. O’Flynn, était un entrepreneur indépendant pendant la période en
question.
[16] L’avocate de
l’intimé a soutenu que la relation de travail en l’espèce comportait de
nombreuses différences, notamment le fait que M. O'Flynn n’a pas engagé ses propres aides. De plus,
aucun changement important n’est survenu relativement aux procédures
quotidiennes après le prétendu changement de l’ancien statut d’employé de
l’entreprise Beaver reconnu comme tel à celui d’entrepreneur indépendant.
[17] L’intervenant a
souscrit aux prétentions de l’avocate.
[18] La Cour suprême du Canada, dans un arrêt récent intitulé 671122 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc., [2001] 2 R.C.S. 983 (Sagaz) s’est penchée sur une question
de responsabilité du fait d’autrui et, dans l’analyse de diverses questions
pertinentes, la Cour a également dû se pencher sur la question de savoir ce qui
constitue un entrepreneur indépendant. Le jugement de la Cour a été rendu par
le juge Major, qui a étudié l’évolution de la jurisprudence en ce qui concerne
l’importance qu’elle accorde à la différence entre un employé et un
entrepreneur indépendant relativement à la responsabilité du fait d’autrui.
Après avoir cité les motifs du juge d’appel MacGuigan dans l’arrêt Wiebe
Door Services Ltd. c. M.R.N., [1986] 3 C.F. 553 ([1986] 2
C.T.C. 200) et le renvoi qu’il y fait au critère de l’organisation de lord
Denning, ainsi que la synthèse du juge Cooke dans l’affaire Market
Investigations, Ltd. v. Minister of Social Security, [1968] 3 All
E.R. 732, le juge Major, aux paragraphes 45 à 48 inclusivement
de ses motifs, affirme ce qui suit :
Enfin, un critère se rapportant à
l’entreprise elle-même est apparu. Flannigan ([…] [« Entreprise control:
The servant‑independant contractor distinction » (1987), 37 U.T.L.J.
25, p. 29)], p. 30, énonce le [traduction] « critère de l’entreprise » selon lequel
l’employeur doit être tenu responsable du fait d’autrui pour les raisons
suivantes : (1) il contrôle les activités du travailleur, (2) il est en
mesure de réduire les risques de perte, (3) il tire profit des activités du
travailleur, (4) le coût véritable d’un bien ou d’un service devrait être
assumé par l’entreprise qui l’offre. Pour Flannigan, chaque justification a trait
à la régulation du risque pris par l’employeur, et le contrôle est donc
toujours l’élément crucial puisque c’est la capacité de contrôler l’entreprise
qui permet à l’employeur de prendre des risques. Le juge La Forest a lui aussi
formulé un « critère du risque de l’entreprise » dans l’opinion
dissidente qu’il a exposée relativement au pourvoi incident dans l’arrêt London
Drugs. Il a écrit, à la p. 339, que « [l]a
responsabilité du fait d’autrui a pour fonction plus générale de transférer à
l’entreprise elle-même les risques créés par l’activité à laquelle se livrent
ses mandataires. »
À mon avis, aucun critère universel ne
permet de déterminer, de façon concluante, si une personne est un employé ou un
entrepreneur indépendant. Lord Denning a affirmé, dans l’arrêt Stevenson Jordan,
[…] [(1952] 1 The Times L.R. 101), qu’il peut être impossible d’établir
une définition précise de la distinction (p. 111) et, de la même façon, Fleming
signale que [traduction] « devant les nombreuses variables des
relations de travail en constante mutation, aucun critère ne semble permettre
d’apporter une réponse toujours claire et acceptable » (p. 416). Je
partage en outre l’opinion du juge MacGuigan lorsqu’il affirme – en citant Atiyah,
[…] [Vicarious Liability in the Law of Torts, Londres, Butterworths,
1967] p. 38, dans l’arrêt Wiebe Door, p. 563 – qu’il faut toujours
déterminer quelle relation globale les parties entretiennent entre elles :
[traduction] [N]ous doutons fortement qu’il soit encore
utile de chercher à établir un critère unique permettant d’identifier les
contrats de louage de services […] La meilleure chose à faire est d’étudier
tous les facteurs qui ont été considérés dans ces causes comme des facteurs
influant sur la nature du lien unissant les parties. De toute évidence, ces
facteurs ne s’appliquent pas dans tous les cas et n’ont pas toujours la même
importance. De la même façon, il n’est pas possible de trouver une formule
magique permettant de déterminer quels facteurs devraient être tenus pour déterminants
dans une situation donnée.
Bien qu’aucun critère universel ne permette
de déterminer si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant, je
conviens avec le juge MacGuigan que la démarche suivie par le
juge Cooke dans la décision Market Investigations, précitée, est
convaincante. La question centrale est de savoir si la personne qui a été
engagée pour fournir les services les fournit en tant que personne travaillant
à son compte. Pour répondre à cette question, il faut toujours prendre en
considération le degré de contrôle que l’employeur exerce sur les activités du
travailleur. Cependant, il faut aussi se demander, notamment, si le travailleur
fournit son propre outillage, s’il engage lui-même ses assistants, quelle est
l’étendue de ses risques financiers, jusqu’à quel point il est responsable des
mises de fonds et de la gestion et jusqu’à quel point il peut tirer profit de
l’exécution de ses tâches.
Ces facteurs, il est bon de le répéter, ne
sont pas exhaustifs et il n’y a pas de manière préétablie de les appliquer.
Leur importance relative respective dépend des circonstances et des faits
particuliers de l’affaire.
[19] J’analyserai maintenant les faits en
fonction des critères énoncés par le juge Major dans l’arrêt Sagaz.
Degré de contrôle
[20] La preuve a révélé
que l’intervenant et son équipe n’étaient pas supervisés et que la seule visite
sur le chantier d’un représentant de l’entreprise Beaver était celle du
vendeur ou d’un évaluateur pour s’assurer que les travaux étaient exécutés
conformément aux demandes du client. L’entreprise Beaver offrait du travail à un chantier en
particulier, à un taux établi, et M. O’Flynn était libre d’accepter ou de
refuser le contrat. Il était un couvreur qualifié, et son compagnon de travail
également couvreur était aussi très versé dans le métier. Les deux autres
membres de l’équipe qui étaient moins qualifiés étaient en fait des employés de
l’entreprise Beaver, mais qui, de toute évidence, suivaient les directives
que leur transmettait M. O’Flynn au cours de la journée. De son propre chef, il
tenait à jour son horaire de travail régulier organisé en fonction d’une
journée normal de travail de huit ou de neuf heures, cinq jours
par semaine et y apportait les rajustements nécessaires s’il y avait des
retards causés par les conditions climatiques. Il a déclaré que, s’il n’était
pas sur un chantier à 7 h 30, le bureau de l’entreprise Beaver
téléphonait chez lui pour demander où il était, mais cela résulte tant de son
propre horaire régulier que du désir de l’entreprise Beaver d’exercer un
contrôle sur son heure d’arrivée au travail.
Fourniture de l’équipement et embauche d’aides
[21] La plupart du temps,
soit jusqu’à 90 p. 100 du temps, les contrats étaient assez
ordinaires et pouvaient être exécutés en utilisant des outils manuels
personnels et d’autre équipement que possédait l’intervenant. Lorsqu’un
équipement spécialisé était requis, tel qu’un chariot‑palan, un camion à
benne, la mise en place d’un conteneur à débris ou des compresseurs spécialisés
et des marteaux cloueurs, ces articles étaient fournis par
l’entreprise Beaver sans
qu’aucun coût ne soit imputé à M. O’Flynn. Tout véhicule qu’utilisait
M. O’Flynn servait à son transport pour se rendre au travail et en revenir
et ne faisait pas partie intégrante de la prestation de services en soi.
Cependant, il a acheté un camion pouvant transporter quatre passagers afin
qu’il puisse assurer son propre transport et celui du reste de l’équipe et se
déplacer d’un chantier à l’autre, et ce, pour des raisons de commodité. L’autre
couvreur qualifié, soit Joe Aspinall, a été engagé par M. O’Flynn, et
les deux autres aides ont déjà travaillé avec lui comme employés de
l’entreprise Beaver dans le cadre d’un programme pour apprentis qui avait été élaboré
en vue de produire d’autres travailleurs dans l’industrie de la toiture. La
valeur du travail qu’accomplissaient les aides sur un chantier en particulier
était calculée puis déduite de la somme due à M. O’Flynn étant donné
qu’ils seraient rémunérés par l’entreprise Beaver selon un taux horaire. Celle‑ci
fournissait également à ces aides des outils et un équipement.
Étendue des risques financiers et responsabilité des mises
de fonds et de la gestion
[22] Le travail
qu’accomplissait l’intervenant ne comportait de risque financier important. Il
possédait ses propres outils et équipement et n’a rien ajouté à l’ensemble des
actifs pendant la période pertinente. Son véhicule valait environ
1 000 $. Il percevait un paiement, peu importait si le propriétaire
de la maison payait à l’entreprise Beaver les coûts liés à l’installation de la
toiture. Il n’avait aucune
responsabilité relativement à la rémunération des aides puisqu’ils étaient
employés de l’entreprise Beaver. Toutefois, M. O’Flynn partageait son
revenu avec son compagnon de travail aussi couvreur, M. Aspinall, selon un
pourcentage de 60 p. 100 et de 40 p. 100. Pendant
ces périodes où l’entreprise Beaver payait la totalité de la somme
facturée directement à M. O’Flynn pour des contrats qu’ils avaient tous
deux exécutés, ce dernier avait la responsabilité de verser à M. Aspinall
sa part de 40 p. 100 des sommes perçues, conformément à leur entente
de partage du revenu. La question concernant des dommages ayant été causés à la
propriété d’un client n’a été soulevée qu’à une seule occasion, et il semble
que l’intervenant ait accepté de respecter la décision de l’entreprise Beaver
de lui exiger une indemnisation de 144,04 $, et ce, en vue de calmer le
propriétaire qui s’était plaint. En aucun autre temps pendant la période
pertinente, l’intervenant a dû retourner à un chantier pour refaire
l’installation de qualité inférieure ou inadéquate d’une toiture. À une ou à
deux reprises, lorsque le contrat exigeait de voyager à l’extérieur de la ville
et de séjourner dans des hôtels ou des motels pendant la nuit, ces coûts
étaient imputés à l’entreprise Beaver au titre d’un décaissement et un
paiement était versé en conséquence.
Possibilité de tirer un profit dans l’exécution des
tâches
[23] La relation de
travail qui existait entre l’entreprise Beaver et l’intervenant est un peu
inhabituelle. Il est admis qu’il a été un employé de l’entreprise Beaver
du mois de septembre 1999 (lorsque l’entreprise Beaver a racheté
l’entreprise Crown Roofing)
jusqu’à la mi‑mai 2000. Un prétendu changement de statut pour celui
de sous-traitant s’est effectué le 12 mai 2001 ou vers cette date et,
bien que les témoignages soient conflictuels quant à savoir si M. O'Flynn
a entamé des discussions au sujet de ce changement de stature ou, plus probablement,
s’il a tout simplement répondu affirmativement à une proposition qu’a soumise
la direction de l’entreprise Beaver, les parties à cette entente devaient
dorénavant traiter entre elles en ce sens. La méthode et le taux de
rémunération sont demeurés tels qu’ils étaient avant que
l’entreprise Beaver ne mette M. O’Flynn à pied, ce qu’atteste
d’ailleurs un relevé d’emploi, et qu’il ne retourne au travail un ou deux jours
plus tard portant dorénavant, pour employer une image, son nouveau casque de
sous‑traitant. Toutefois, il y avait une différence considérable puisque
les quatre travailleurs de l’équipe précédente avaient tous été des employés de
l’entreprise Beaver. Plus tard, M. O’Flynn et M. Aspinall ont décidé de travailler ensemble
et de se partager les revenus selon des parts de 60 p. 100 et de
40 p. 100, tandis que les deux aides ont conservé leur statut
d’employés de l’entreprise Beaver. De toute évidence, M. O’Flynn a pu
tirer un profit du travail qu’accomplissait M. Aspinall, lequel était
aussi rémunéré à la pièce. D’où le principe fondamental de la libre entreprise,
notamment cette capacité de tirer un profit du travail qu’accomplissent les
autres en fournissant en échange une personnalité comptable ou une
infrastructure pour y parvenir. Le véhicule que M. O’Flynn utilisait pour
transporter l’équipe jusqu’au travail lui appartenait. Il pouvait décider
d’accepter un contrat ou négocier un paiement additionnel si le projet s’était
avéré plus difficile que prévu. Il était l’administrateur de sa propre
entreprise qui avait été inscrite aux fins de la TPS et il était responsable de
facturer ses services à l’entreprise Beaver puis, le cas échéant, de
verser, à M. Aspinall, sa part des revenus. À de nombreuses reprises,
M. O’Flynn a calculé la part de 40 p. 100 de M. Aspinall
directement sur la facture, et l’entreprise Beaver a émis un chèque à
M. Aspinall correspondant à ce montant. M. O’Flynn était très qualifié et il était un
couvreur compétent. Il pouvait accroître son propre revenu quotidien en fonctionnant
de façon efficace et en exerçant un rôle de supervision sur le chantier afin de
s’assurer que l’équipe exécutait les travaux selon les règles de l’art. Pendant
le mois de septembre 2000, le montant des revenus qu’avaient générés
M. O’Flynn et M. Aspinall s’élevait à 5 860,50 $.
L’entreprise Beaver a versé cette somme à M. O’Flynn qui, à son tour,
a versé à M. Aspinall sa part de 40 p. 100, ce qui totalise
2 344 $, et a prélevé sa part de 60 p. 100, soit
3 516 $. Au cours de ce même mois, l’entente de partage des revenus
qu’avaient conclue M. O’Flynn et M. Aspinall lui a permis de réaliser
un profit de 1 172 $ pour lequel il a certainement engagé certaines
dépenses, sans compter le temps et les efforts consacrés à négocier avec l’entreprise Beaver,
à effectuer ses opérations bancaires et à tenir à jour des livres aux fins
d’impôt sur le revenu ainsi qu’à verser le montant de TPS adéquat, tel que cela
était exigé. Pendant la période de ralentissement des activités, sois pendant
les trois premiers mois de 2001, M. O’Flynn a décidé de se rendre à
Calgary (c’était en mars) et de travailler à un projet. Il a généré un revenu
de 1 100 $, et Larry Rae a déposé ladite somme dans le compte
bancaire de M. O’Flynn. Il a également décidé de prendre un congé pour se
rendre dans d’autres villes de la Colombie-Britannique pour aider des membres
de sa famille à installer des toitures.
[24] Le représentant de
l’appelante s’est appuyé sur une décision récente qu’a rendue la Cour d’appel
fédérale dans l’affaire Precision
Gutters Ltd. c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), [2002] A.C.F. no 771. Dans
cette affaire, la Cour a soutenu que la propriété des outils que possédaient
les installateurs de gouttières était un facteur important dont il fallait
tenir compte, même si l’outil le plus dispendieux, soit une machine spécialisée
de mise en forme de gouttière montée sur un camion, appartenait à l’entreprise
payeuse. Dans l’affaire Precision, précitée, chaque installateur
utilisait son propre jugement pour décider à quel moment travailler et pour
accepter ou refuser un contrat en particulier. Comme c’est le cas dans les
présents appels, les installateurs étaient libres de travailler pour d’autres
installateurs et pouvaient quelquefois négocier avec l’entreprise en vue
d’obtenir un taux de rémunération plus élevé. Les installateurs de gouttière
pouvaient choisir de travailler seul ou d’employer d’autres travailleurs pour
leur donner un coup de main. De plus, le juge d’appel Sexton, écrivant au nom
de la Cour, a considéré que, si les installateurs travaillaient davantage, ils
pouvaient générer un revenu supplémentaire. De même, le juge d’appel Sexton a
tenu compte du fait qu’il n’y avait aucune garantie de travail d’un jour à
l’autre, qu’aucun taux de rémunération minimum n’était applicable, qu’il n’y
avait aucun avantage social et que les installateurs étaient responsables de
corriger, à leur frais, tous les défauts liés à la qualité de l’exécution.
Toujours dans l’affaire Precision, tout comme dans les présents appels, l’entreprise
négociait les contrats avec les clients puis engageait des installateurs pour
exécuter les travaux. En tirant la conclusion selon laquelle les installateurs
de gouttière étaient des travailleurs indépendants – le juge d’appel Sexton a
conclu que deux entreprises distinctes étaient exploitées, soit celle de la
Precision Gutters et celle des installateurs. L’une de ces entreprises
consistait en la fabrication de gouttières et l’autre en l’installation du
matériel. Le juge d’appel Sexton n’a pas abordé l’infrastructure opérationnelle
élaborée de la Precision Gutters puisqu’il avait été établi qu’il s’agissait
d’une entreprise distincte dont l’étendue et le niveau des responsabilités et
le lien financier avec l’utilisateur final se distinguaient de l’aspect
commercial du processus d’installation, au sens strict, tel qu’il s’appliquait
aux installateurs. Tout comme la situation dans l’affaire Precision,
dans les présents appels, c’est l’entreprise Beaver qui sollicitait les
clients, qui commandait les matériaux nécessaires qu’elle livrait ou qu’elle
faisait livrer au chantier, qui fournissait l’équipement spécialisé, au besoin,
et qui fournissait en permanence deux employés à titre d’aides à
M. O’Flynn et à M. Aspinall. L’entreprise Beaver offrait un contrat
en particulier à un certain taux qu’elle était disposée à verser, et
M. O’Flynn ainsi que l’autre installateur pouvaient accepter ou refuser.
Les couvreurs, au même titre que les installateurs de gouttière, percevaient un
paiement, qu’un client de l’entreprise Beaver ait omis ou non de payer. De
toute évidence, seule l’entreprise Beaver subissait une perte en cas de non‑paiement,
si l’on peut conclure que deux entreprises distinctes étaient exploitées dans
le cadre d’une relation de travail quelque peu particulière qui existait entre
l’entreprise Beaver et M. O’Flynn.
[25] Dans l’affaire Ministre du Revenu national c. Emily
Standing, [1992] A.C.F. no
890, le juge d’appel Stone a déclaré ceci :
[...] Rien dans la jurisprudence ne permet d’avancer l’existence
d’une telle relation du simple fait que les parties ont choisi de la définir
ainsi sans égards aux circonstances entourantes appréciées en fonction du
critère de l’arrêt Wiebe Door [...]
[26] La déclaration
unilatérale d’un prétendu statut (pièce A‑1) portant la mention [traduction] « À qui de droit », contrairement à un contrat conclu entre les
parties et qu’a signé un représentant de la direction de l’entreprise Beaver concernant des questions pertinentes
portant sur la structure de la relation de travail, n’a aucune incidence
importante sur l’analyse dans son ensemble. En ce qui concerne les parties, ce
mécanisme abrégé a pu s’avérer suffisant, mais il ne peut lier le ministre.
Cependant, on peut examiner la conduite des parties après la prétendue
déclaration de statut afin de s’assurer qu’elle est raisonnablement conforme à
l’intention des parties dans le cadre de leur entente. La preuve a révélé que
M. O’Flynn travaillait sans supervision et a pris les démarches pour
inscrire son entreprise à propriétaire unique à titre de fournisseur aux fins
de la TPS. Après l’inscription, il facturait la TPS sur chaque facture soumise
à l’entreprise Beaver. Il a accepté un prix de l’entrepreneur ou peut‑être
du sous‑traitant de l’année 2000 qui l’entreprise Beaver lui avait
décerné. Cet honneur doit être mis en contraste avec l’autre genre de
reconnaissance que l’on peut recevoir à titre d’employé de l’année.
M. O’Flynn a agi en tant qu’entrepreneur de différentes façons, notamment
dans le cadre de sa relation avec M. Aspinall fondée sur le partage des
revenus.
[27] Tout cela nous amène
à la question centrale dont est saisie la Cour. Ainsi, M. O'Flynn fournissait‑il ses services à
l’entreprise Beaver en tant que personne exploitant une entreprise à son propre
compte ou les fournissait-il en sa qualité d’employé? Dans l’affaire en
l’espèce, il ne fait aucun doute qu’au début, il a été un employé de
l’entreprise Beaver et, par la suite, les deux parties ont convenu que la
nature de la relation de travail devait changer pour devenir une relation qui
lie deux entités qui chacune se livre à une activité particulière dans le
contexte d’une industrie globale. On doit se rappeler que
l’entreprise Beaver avait également ses propres employés qui étaient installateurs,
hormis les stagiaires qui faisaient partie de l’équipe de M. O’Flynn. En
fait, au lieu d’offrir ces contrats à la réserve de couvreurs, l’entreprise
Beaver assignait environ 40 p. 100 des contrats d’installation de
toiture et de parement à ses employés. L’entreprise Beaver entreprenait aussi
des projets de construction de nouvelles résidences, de rénovation, de
construction de terrasse, de patio et de verrières et fournissait des services
d’installation de parement. Tous les travaux, à l’exception de l’installation
de toiture et de parement, étaient exécutés par des travailleurs ayant
indéniablement le statut d’employés. Ces activités commerciales de fourniture
de matériaux et de prestation de services constituaient l’entreprise Beaver,
tandis que l’entreprise de M. O’Flynn consistait à fournir des services
d’installation de matériaux précis d’une manière satisfaisante et, ce faisant,
à avoir le droit de percevoir un montant convenu dont il devait rendre compte à
son partenaire, M. Aspinall, aux fins du partage des revenus à
40 p. 100 attribuable à l’ensemble des travaux effectués. En un sens,
M. O’Flynn, M. Aspinall et l’entreprise Beaver étaient mandataires
communs puisque l’entreprise Beaver a engagé des dépenses en vue de verser les
salaires aux deux aides et de leur fournir des outils et un équipement.
Conformément à cette entente de travail, M. O’Flynn et M. Aspinall ont
alors été en mesure de se partager la rémunération attribuable à un contrat
sans avoir à la partager avec d’autres travailleurs ou partenaires qui
exigeraient probablement une rémunération plus élevée pour leurs services que
celle que versait l’entreprise Beaver aux aides qui étaient simplement des
stagiaires.
[28] Très souvent, dans
ce genre d’affaire, une variation des faits apparemment mineure peut mener à
une conclusion différente. Si cela n’avait pas été de la décision qu’a rendue
la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Precision, j’aurais eu tendance à être d’avis que de nombreux faits menaient à
la conclusion selon laquelle M. O’Flynn était toujours un employé, en
dépit de ce que lui-même et l’entreprise Beaver ont prétendu faire concernant
son statut d’emploi. Cependant, la situation de fait, dans l’affaire Precision,
comporte trop de similarités avec celle dans les présents appels et les
différences, notamment le fait de ne pas avoir engagé ses propres aides ou le
fait qu’il pouvait négocier ses propres tarifs aussi souvent que le faisaient
les installateurs de gouttières, ne constituent pas un contrepoids suffisamment
convaincant pour faire pencher la balance en faveur d’une conclusion selon
laquelle M. O’Flynn doit être considéré comme un employé. On doit aussi
tenir compte du fait que le désir qu’a manifesté M. O’Flynn de reprendre son
ancien statut d’employé pour des services qu’il a fournis à l’entreprise Beaver
pendant la période pertinente était motivé par son intention d’obtenir des
prestations en raison d’une invalidité médicale. Comme il a pu le constater, on
ne peut obtenir des prestations d’assurance-emploi que si l’on est un employé.
La nécessité d’y renoncer, ce qui, a-t-on précédemment admis, a été fait, donne
souvent lieu à un témoignage qui, bien qu’involontairement, est sélectif en ce
sens qu’avec le recul et un peu de recherche, il comporte une nouvelle
perspective puis se transforme de manière à appuyer le seul statut d’emploi
capable de produire le résultat souhaité. Dans les présents appels, le fardeau
de la preuve dans son ensemble incombait à l’appelante. Ce fardeau a été
acquitté parce que l’appelante a pu démontrer que la conclusion adéquate à
tirer, selon l’ensemble de la relation de travail, était que l’intervenant
fournissait ses services en tant que personne exploitant une entreprise à son
compte.
[29] Les appels sont
admis et les décisions du ministre sont modifiées de manière à conclure que
M. O’Flynn n’exerçait pas
un emploi assurable ou ouvrant droit à pension auprès de l’appelante,
l’entreprise Beaver Home Improvements Ltd., pendant la période pertinente pour
le motif qu’il était un entrepreneur indépendant.
Signé à
Sidney (Colombie-Britannique), ce 30e jour de janvier 2003.
J.S.C.C.I.
Traduction certifiée conforme
ce 8e jour de mars 2004.
Nancy Bouchard, traductrice