Pratte, J:—L’appelante se pourvoit à l’encontre d’un jugement du juge Marceau de la Division de première instance qui a rejeté l’action qu’elle avait intentée pour contester ses cotisations d’impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1967, 1968 et 1969.
Ces cotisations ont été établies en prenant pour acquis que l’appelante et près de 30 autres compagnies avaient été associées pendant ces trois ans. Cela, parce que des directives avaient été émises en vertu du paragraphe 138A(2)* ordonnant que toutes ces compagnies soient considérées comme ayant été associées entre elles pendant ces années-là.
L’appelante prétend, comme elle l’a fait sans succès en premiere instance, qu’on a eu tort de la cotiser comme si elle avait été associée aux autres compagnies visées par les directives émises en vertu du paragraph 138A(2). Cela pour deux motifs: elle affirme d’abord que les directives étaient invalides et ne pouvaient, à cause de cela, être le fondement de cotisations valables; elle affirme ensuite que les directives étaient, en fait, injustifiées et devaient être infirmées en vertu du sous-alinéa 138A(3)(b)(ii):
138A. (3) Sur un appel d’une cotisation établie conformément à une directive aux termes du présent article, la commission d’appel de l’impôt ou la Cour de l’Echiquier peuvent
(b) infirmer la directive si,
(ii) dans la cas d’une directive prévue au paragraphe (2), elle précise qu’aucun des principaux motifs de l’existence distincte des deux corporations ou plus est de diminuer le montant de l’impôt qui autrement serait payable en vertu de la présente loi; ...
Le premier moyen de l’appelante, c’est donc que les directives émises en vertu du paragraphe 138A(2) étaient invalides et ne pouvaient en conséquence être la base de cotisations valables. Au soutien de ce premier moyen, l’avocat de l’appelante a invoqué trois arguments dont le premier seulement, semble-t-il, a été soumis au juge de première instance.
Ce premier argument est que les directives étaient irrégulières en ce qu’elles étaient fondées sur une erreur de droit. Suivant l’avocat de l’appelante, il appert de la preuve que les directives ont été émises parce que leur auteur a donné une mauvaise interprétation à la décision de la Cour de l’Echiquier dans Holt Metal Sales of Manitoba Ltd et al v MNR, [1970] CTC 144; 70 DTC 6108. Cette erreur d’interprétation aurait consisté a croire que la Cour avait décidé dans cette cause-là que, suivant la loi, le Ministre avant d’émettre une directive en vertu du paragraphe 138A(2) devait s’interroger sur les motifs de l’existence distincte des corporations concernées pendant l’année d'imposition en cause et non pas sur les motifs pour lesquels ces corporations avaient été créées. Il y a une réponse simple à cet argument.
Même si l’auteur des directives a pu se tromper en invoquant la décision Holt Metal Sales au soutien de son interprétation de la loi, il n’en demeure pas moins que cette interprétation est, comme l'a d’ailleurs reconnu l’avocat de l’appelante, juridiquement correcte. Il n’est certes pas possible d’annuler pour cause d’illégalité une directive qui est fondée sur une interprétation correcte de la loi.
Le second argument invoqué par l’avocat de l’appelante pour conclure à l’invalidité des directives est que rien dans la preuve documentaire produite n'établit que l’auteur des directives était convaincu, comme il devait l’être aux termes du paragraphe 138A(2), de l’existence des faits mentionnés aux alinéas (a) et (b) de cette disposition. Cet argument me paraît démuni de tout fondement. Le paragraphe 138A(2) exige bien que le Ministre, avant d’émettre une directive, soit convaincu de l’existence de certains faits; il n’exige pas, cependant, qu'il manifeste cette conviction par écrit ou en fasse état dans la directive qu'il émet.
Le troisième argument invoqué au soutien du premier moyen d’appel tient au fait que les directives dont il s’agit ici n’ont pas été émises par le Ministre lui-même, mais par un Sous-ministre adjoint du Revenu national pour l’impôt sans aucune intervention du Ministre. L’avocat de l’appelante ne conteste pas que le Sous-ministre adjoint ait été habilité à émettre les directives en question. Il est en effet constant que le paragraphe 900(1) du Règlement de l’impôt sur le revenu, édicté en vertu de l’alinéa 117(1 )(f) de la loi, autorisait le Sous-ministre adjoint du Revenu national pour l’impôt à “exercer tous les pouvoirs et remplir toutes les fonctions que la Loi attribue au Ministre”.f L’argument de l’appelante, c’est que si le Sous-ministre adjoint était bien autorisé à exercer le pouvoir que le paragraphe 138A(2) confère au Ministre d’émettre une directive, il n’était pas autorisé a se former une conviction au lieu et place du Ministre sur les sujets dont parlent les alinéas (a) et (b) de ce paragraphe. Suivant le paragraphe 138A(2), dit l’avocat de l’appelante, avant que le pouvoir d’émettre une directive puisse être exercé par le Ministre lui-même ou par une personne autorisée à agir pour lui, le Ministre doit d’abord être personnellement convaincu de l’existence des faits mentionnés aux alinéas (a) et (b). Comme il est constant que le Ministre, en l’espèce, n’était même pas au courant des faits ayant pu motiver les directives, il s’ensuit, d’après l’avocat de l’appelante, que les directives émises par le Sous- ministre adjoint sont nulles. On invoque à l’appui de cet argument l’arrêt de la Cour d’appel du Québec dans Procureur général du Canada v Marcotte, [1975] CA 570, et celui de la Cour d’appel de l’Alberta dans Medicine Hat Greenhouses et al v Her Majesty the Queen, [1980] CTC 114; 79 DTC 5091, concernant l’interprétation du paragraphe 244(4) de la Loi de l’impôt sur le revenu.
Ces arrêts n’ont, à mon avis, aucune application en l’espèce. Le paragraphe 138A(2) prescrit que le Ministre doit, avant d’émettre une directive, être convaincu de l’existence de certains faits. En d’autres mots, cette disposition en même temps qu’elle confère un pouvoir au Ministre lui impose un devoir dont l’exécution conditionne l’existence du pouvoir. Le problème a résoudre est celui de savoir si le paragraphe 900(1) du règlement autorise le Sous-ministre adjoint uniquement à exercer le pouvoir que le paragraphe 138A(2) confère au Ministre ou s’il l’autorise aussi à accomplir, au lieu et place du Ministre, le devoir préalable que ce paragraphe impose. Je n'ai aucune difficulté à répondre à cette question. Aux termes du paragraphe 900(1) du règlement, le Sous-ministre adjoint est autorisé à “exercer les pouvoirs et remplir les fonctions que la Loi attribue au Ministre”. Ce texte doit être interprété à la lumière de sa version anglaise: “may exercise all the powers and perform all the duties of the Minister under the Act”. Ce règlement, à mon avis, autorise le Sous-ministre adjoint non seulement à exercer les pouvoirs du Ministre mais aussi à remplir, au lieu et place du Ministre, les devoirs que la loi impose à ce dernier. A mon avis, le paragraphe 900(1) du règlement permet au Sous-ministre adjoint non seulement d’exercer le pouvoir du Ministre d’émettre une directive mais aussi d’exécuter le devoir préalable que la loi impose au Ministre d’être convaincu des faits mentionnés aux alinéas 138A(2)(a) et (b). En d’autres mots, pour remplir pleinement “les fonctions” du Ministre, comme l’y autorise la version française du règlement, il me paraît que le Sous-ministre adjoint doit pouvoir non seulement émettre une directive en vertu dy paragraphe 138A(2) mais aussi se former, à la place du Ministre, la conviction dont parle ce paragraphe. Je n’arriverais pas à une conclusion différente si le paragraphe 900(1) permettait seulement au Sous-ministre adjoint d’exercer les pouvoirs du Ministre sans parler de ses “fonctions” ou de ses “duties”. J’invoquerais alors la décision du Conseil Privé dans Mungoni v Attorney-General of Northern Rhodesia, [1960] AC 336, et dirais que le devoir dont il s’agit ici est en réalité une limite ou une condition posée par la loi au pouvoir d’émettre une directive et que cette limite ou condition doit être observée par celui qui exerce le pouvoir, que ce soit le Ministre lui-même ou son délégué.
Le premier moyen de l’appelante doit donc être rejeté: les directives sur lesquelles sont fondées les cotisations ne sont pas invalides.
Reste maintenant à considérer le second grief d’appel, savoir, que le premier juge aurait dû infirmer les directives parce que la preuve révélait qu’aucun des motifs principaux de l’existence des corporations dont il s’agit ici n'était de diminuer le montant de l’impôt qui aurait été autrement payable en vertu de la loi. A ce sujet, l’avocat de l’appelante a reconnu qu’il ne pouvait déceler aucune erreur importante dans les constatations de faits contenues dans le jugement du juge Marceau. Il a reconnu aussi qu’il ne pouvait découvrir aucune erreur de droit dans cette partie du jugement. Il a cependant soutenu que le juge aurait dû apprécier la preuve autrement qu’il ne l’a fait et qu’il aurait du, en particulier, attacher plus d’importance au fait que la plupart des compagnies dont il s’agit ici avaient été créées il y a longtemps dans un but autre que celui d’obtenir un avantage fiscal. Ce reproche ne me paraît pas fondé. Qu'il me suffise de dire sur ce point que la décision attaquée me paraît basée sur une appréciation judicieuse de la preuve.
Je rejetterais donc l’appel avec dépens.