Denault, J:—Il s'agit d'un appel sous l’article 24 de la Loi sur la Cour fédérale a l'encontre d'une décision de la Cour canadienne de l’impôt.
Les faits à l’origine du présent litige sont simples et ne sont pas contestés. L’appelante a gagné pendant l’année d'imposition de 1980 un salaire brut de $4,495. Elle a réclamé dans sa déclaration d'impôt sur le revenu une déduction de 20% de ce salaire, soit $899.00 à titre de contribution versée à un régime enregistré d'épargne-retraite. Elle a aussi déduit la somme de $134.85 pour des dépenses afférentes à un emploi et $60.68 pour des primes versées au régime d'assurance-chômage. Le Ministère du Revenu n’a pas accepté la déduction de $899 pour les contributions au REER et a substitué la somme de $860 correspondant à 20% du salaire net de l’appelante, c'est- a-dire son salaire diminué des déductions pour les dépenses afférentes à un emploi et pour les contributions à l'assurance-chômage. Le Ministère du Revenu a appliqué la proportion de 20% sur $4,299 (salaire net) plutôt que sur $4,495 (salaire brut), ce qui explique la différence entre la déduction demandée ($899) et a déduction accordée ($860). C'est sur cette différence dans le calcul de la déduction relative au régime enregistré d’épargne- retraite que porte le litige.
ll s’agit de déterminer si la déduction admissible correspond à 20% du salaire brut (prétention de l’appelante) ou du salaire net (prétention de l’intimée) soit après les déductions pour les dépenses afférentes à un emploi et les contributions à l’assurance-chômage.
L’appelante prétend, comme elle l’avait fait devant la Cour canadienne de l’impôt, que l’interprétation du Ministère du Revenu national relative au “traitement ou salaire” qu’on retrouve aux articles 146(5), 147(8) et 153(1) de la Loi de l'impôt devrait nous amener à croire qu’on parle alors de montant brut. Elle prétend aussi que l’article 8(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu permet mais n’oblige pas un contribuable à déduire certains montants de son revenu afin de déterminer son revenu imposable; en fait, nous ne devrions pas tenir compte de cet élément même si un contribuable a réclamé les déductions de l’article 8(1). L’appelante prétend enfin que la définition de «traitement ou salaire» qu’on retrouve à l’article 248(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu n’a qu’un caractère interprétatif et non obligatoire.
L’intimée prétend au contraire que rien ne permet d’affirmer que l’intention du législateur a été de considérer le «traitement ou salaire» brut à l’article 146(1)(c) mais qu’au contraire plusieurs éléments confirment l’intention du législateur de considérer le montant net du «traitement ou salaire».
La partie pertinente du jugement de la Cour canadienne de l’impôt se lit ainsi:
Finalement, le litige porte donc sur la définition de l’expression «revenu gagné», que l’on trouve à l’alinéa (1)(c) de la Loi. Il suffit seulement de citer le début de l’alinéa pour régler le litige:
146 (1)(c) «revenu gagné» signifie le total (1) du traitement ou salaire,
Je ne trouve aucun élément dans cet alinéa qui puisse m’amener à conclure que le montant brut n’est pas le seul montant qui corresponde au «traitement ou salaire».
L’appel est rejeté.
Bref, le savant juge a décidé qu'il s’agissait du «traitement ou salaire» brut. En conséquence, l’appel devait être accueilli et non rejeté. Il s’agit manifestement d’une erreur car la conclusion est contraire à ce qu’annonce la prémisse, d’où le présent appel.
Il faut comprendre que dans les circonstances, on ne peut reprocher à l’intimée de ne pas en avoir appelé puisque la conclusion du jugement lui était favorable, même si elle n’endossait pas l’opinion du juge qui l’avait émise. Le présent tribunal est cependant saisi du litige comme s'il s’agissait d’un procès de novo, et il est dès lors inutile de se demander si la conclusion du jugement de la Cour canadienne de l’impôt résulte ou non d’une erreur cléricale puisque la Cour a toute la compétence requise pour trancher le litige entre les parties.
La Loi de l'impôt sur le revenu, dès ses premiers articles, lève un impôt général sur le revenu imposable des personnes assujetties, à savoir les individus et corporations. A l’article 8, on permet cependant au contribuable de déduire lors du calcul de son revenu les dépenses identifiées dans cet article dont celles afférentes à un emploi (8(1)(a)) et les primes d’assurance- chômage (8(1)(k) ).
Quant aux articles 60(i) et 146(5) de la Loi, ils déterminent les règles applicables au régime enregistré d'épargne-retraite (REER). Ils permettent de déduire, dans le calcul du revenu, le montant d'un paiement en vertu d'un régime enregistré d'épargne-retraite, jusqu'à concurrence de $5,500 ou 20% du revenu gagné, selon le moins élevé des deux. On trouve la définition du revenu gagné à l'article 146(1 )(c) où il est dit:
146(1 )(c) «revenu gagné» signifie le total
(i) du traitement ou salaire, ... des sommes incluses dans le calcul du revenu du contribuable en vertu du présent article ... .
Pour comprendre la portée de l'expression «traitement ou salaire», il faut référer à l’article 248(1) qui exprime ce qui suit:
«traitement ou salaire» — «traitement ou salaire» signifie, sauf aux articles 5 et 63 et dans la définition de « prestation consécutive au décès» dans le présent paragraphe,
le revenu que tire un contribuable d'une charge ou d'un emploi calculé d'après la sous-section à de la section B de la Partie I, (les soulignés sont de moi) et comprend tous les honoraires touchés par le contribuable pour des services qu’il n’a pas fournis au cours de l’exercice de son activité, mais exclut les prestations de retraite ou d’autres pensions, ainsi que les allocations de retraite. [Emphasis added.]
Evidemment, on ne définit pas le mot «revenu» mais dans le texte même de l’article on déclare comment celui-ci doit être calculé, soit en référant aux articles 5 à 8 de la Loi qui constituent de fait cette «sous-section a) de la section B de la Partie I».
En réalité, ce que dit le législateur, c'est que pour les fins de l'article 146(5), le contribuable autonome qui désire déduire dans le calcul de son revenu la prime versée à un REER pourra le faire jusqu'à concurrence de 20% de son revenu, n'excédant pas $5,500, ledit revenu devant tenir compte des éléments déductibles prévus à l’article 8, s’il décide de s'en prévaloir. En l'occurrence, l’appelante a réclamé deux de ces éléments déductibles prévus à l’article 8, soit la somme de $134.85 pour des dépenses afférentes à un emploi et un montant de $60.68 représentant des primes versées au régime d'assurance-chômage, bien que rien ne l'obligeât à le faire. Son revenu est ainsi passé de $4,495 à $4,300 à partir duquel on a calculé la prime admissible versée à son REER. Cette interpétation est d’ailleurs conforme à celle qu'expriment les auteurs de la collection The Canadian Tax Reporter où ils s'expriment ainsi dans le volume 3 page 20317 rubrique numéro 21253:
It should be noted that “salary and wages” as defined in subsection 248(1)
(28,257) means employment income net of the deductions allowed under section 8 such as the employment expense deduction, unemployment insurance premiums paid and Canada or Quebec Pension Plan contributions although such contributions are added back in computing “earned income’’).
Il m'apparaît ailleurs que le bulletin d’interprétation IT-124R4, joint à la formule T-2097 applicable spécifiquement au calcul de la somme déductible à titre de contribution à un régime enregistré d'épargne-retraite sont clairs et limpides en autant qu'ils peuvent l'être. Quant aux articles 147(8) et 153(1) de la Loi, ils traitent respectivement de la participation différée aux bénéfices et du paiement de l'impôt et on doit éviter de procéder à une étude comparative avec l’article 146(5) de la Loi de l'impôt sur le revenu qui traite d'un suject essentiellement différent.
Pour tous ces motifs, l’appel est rejeté avec dépens et l’avis de cotisation du Ministère du Revenu est maintenu.
Appeal dismissed.