BOULANGER,
J.—Par
son
action,
signifiée
le
7
octobre
1942.
le
demandeur
réclame
à
la
défenderesse
une
somme
de
$191.55,
comme
solde
des
taxes
de
vente
que
la
défenderesse
devrait
percevoir
et
verser
durant
une
certaine
période
de
temps.
Considérant
que
durant
la
période
de
temps
spécifiée
dans
l’action,
la
défenderesse,
vendeur
au
détail
dans
la
province
de
biens
mobiliers
pour
fin
de
consommation
ou
d’usage,
devait
percevoir
de
chaque
acheteur
desdits
biens,
et
remettre
au
bureau
du
Revenu
de
la
province,
la
taxe
imposée
par
la
Loi
de
l’impôt
sur
la
vente
en
détail
(S.R.Q.
1941,
ch.
88)
et
par
un
règlement
de
la
cité
de
Québec
au
même
effet.
La
défenderesse
devait
faire
cette
perception
et
cette
remise
comme
mandataire
du
trésorier
de
la
province,
moyennant
une
indemnité.
Cette
taxe
est
une
taxe
directe
de
consommation
et,
bien
qu'elle
soit
perçue
par
le
vendeur
comme
agent
du
fise,
elle
est
calculée
séparément
sur
chaque
achat
et
est
payable
par
l’acheteur
sur
livraison.
Le
vendeur
doit
rendre
compte
au
fise
tous
les
deux
mois
de
]
’impôt
perçu
avec
un
rapport
en
la
forme
prescrite.
Les
vérificateurs
du
gouvernement
peuvent
examiner
les
livres
du
vendeur,
afin
de
contrôler
l’exactitude
de
ses
rapports,
et,
dans
le
cas
d’absence
de
rapport
ou
de
rapport
inexact,
établir
la
quantité
des
biens
mobiliers
vendus
et
le
montant
de
l’impôt
à
être
perçu
ou
payé
(art.
14).
L’art.
23
de
la
Loi
édicte
:
23.
Dans
le
but
de
faciliter
la
perception
et
la
remise
de
l’impôt
établi
ar
la
présente
loi,
ou
de
prévenir
le
double
payement
de
cet
impôt
sur
le
même
bien
mobilier,
le
ministre
peut
faire
avec
un
vendeur
telles
conventions
qu’il
jugera
à
propos
et
telles
conventions
seront
sujettes
à
la
présente
loi.
Le
vendeur
qui,
comme
agent
du
fisc,
ne
perçoit
pas
ou
ne
remet
pas
l’impôt,
est
passible
d’une
amende,
<<
en
sus
de
l’obligation
de
faire
remise
de
l’impôt
».
Le
gouvernement
doit
poursuivre
en
Cour
civile
de
juridiction
compétente
«le
payement
de
l’impôt».
Il
a
droit
d’exiger
un
intérêt
de
5%
par
année
sur
les
remises
en
retard.
Il
peut
poursuivre
le
recouvrement
de
l’impôt
dû
à
la
cité
de
Québec.
La
défenderesse
<<
faisait
>>
un
genre
de
commerce
tout
à
fait
spécial.
Elle
vendait
surtout
des
habits
à
crédit
avec
réserve
du
droit
de
propriété,
et
très
souvent
au
domicile
même
des
acheteurs,
par
l’entremise
de
ses
agents
et
percepteurs.
Pour
chaque
vente,
la
défenderesse
préparait
une
carte
sur
laquelle
était
inscrit
le
numéro
d’ordre
de
la
vente;
le
nom
et
l’adresse
de
l’acheteur
:
les
conditions
du
payement;
la
date
de
la
vente;
le
numéro,
la
description
et
le
prix
de
la
marchandise:
le
retour
ou
l’échange
de
la
marchandise
ou
le
rabais
accordé
sur
le
prix;
le
montant
net
de
la
dette
de
l’acheteur;
la
date
et
le
montant
de
chaque
versement
avec
indication
du
solde
restant
du.
Le
fisc
exige
done
la
taxe
sur
tout
le
montant
brut
des
ventes
apparaissant
aux
livres
de
la
défenderesse,
sans
avoir
établi
le
montant
net
des
ventes
réelles
et
définitives
suivant
l’art.
14
de
la
loi.
A
l’audience,
le
demandeur,
se
fondant
sur
la
définition
du
mot
«
vente
>>
dans
l’art.
2
de
la
loi,
a
soutenu
que
la
taxe
est
due
dès
que
la
vente
est
parfaite
par
l’accord
des
volontés
et
avant
même
que
le
prix
ne
soit
payé.
Autrement
dit,
c’est
le
vendeur
qui
est
tenu
de
payer
la
taxe
;
le
payement
du
prix
est
sans
conséquence
;
le
vendeur
doit
la
taxe,
qu’il
perçoive
le
prix
ou
ne
le
perçoive
point.
Cette
prétention
est
insoutenable.
Si
elle
était
vraie,
elle
transformerait
en
taxe
indirecte,
suivant
la
définition
de
John
Stuart
Mill,
adoptée
par
le
Conseil
privé,
la
taxe
directe
que
la
loi
a
voulu
établir
et
elle
ferait
du
vendeur,
non
plus
l’agent
de
perception
de
la
taxe,
mais
le
débiteur
même
de
cette
taxe.
Voir
Parsons
v.
Court
of
Sessions
of
the
Peace
(1940)
78
C.
S.
377.
Appel
rejeté
(1941)
70
B.
R.
101.
Requête
pour
permission
d’appeler
à
la
Cour
suprême
retirée.
Voir
Atlantic
Smoke
Shop
Ltd.
v.
Conlon
et
A.-G.
for
N.B.
(1940-41)
15
M.
P.
R.
278
conf.
par
la
Cour
suprême
[1941]
4
D.
L.
R.
129,
S.
C.
R.
670.
Modifié
par
le
Conseil
privé
[1943]
Canada
Tax
Cases
297.
La
province
n’a
pas
le
pouvoir
d’imposer
une
taxe
indirecte
et,
pour
la
Loi
de
l’impôt,
sur
la
vente
en
détail,
elle
n’a
pas
voulu
imposer
une
taxe
indirecte.
La
taxe
que
cette
loi
impose
est
une
taxe
directe
de
consommation
payable
directement
par
le
consommateur
et
elle
est
percevable
quand
le
prix
de
l’article
vendu
est
effectivement
payé.
D'où
il
suit
que,
quand
le
prix
n’est
pas
payé,
il
n
’y
a
pas
de
taxe
à
percevoir
;
il
n
’y
en
a
pas
plus
à
percevoir
quand
l’article
vendu
est
retourné
et
que
le
vendeur
donne
crédit
à
l’acheteur
pour
le
prix
et
la
taxe.
Les
comptables
de
la
trésorerie
provinciale,
qui
ont
été
entendus,
admettent
qu’en
pratique
on
permet
aux
vendeurs
de
déduire
de
leurs
remises
les
taxes
qu'ils
ont
dû
rembourser
ou
créditer
à
des
acheteurs
sur
marchandises
retournées
ou
réduites
de
prix;
on
permet
même
aux
vendeurs
de
compenser
dans
un
rapport
subséquent
les
taxes
qu
’ils
ont
dû
rembourser
ou
créditer
sur
retour
de
marchandises
après
avoir
fait
remise
de
ces
taxes
au
gouvernement.
Cette
procédure
est
autorisée
par
l’art.
23
de
la
loi
et
a
pour
but
de
prévenir
le
payement
de
la
taxe
sur
des
ventes
qui
n’ont
pas
eu
de
suite,
qui
ont
été
annulées
et
au
sujet
desquelles
le
vendeur,
en
réalité,
n’a
perçu
ni
prix
ni
taxe.
L’objection
de
la
trésorerie
à
suivre
cette
procédure
dans
le
cas
de
la
défenderesse,
c’est
que
les
inscriptions
en
rouge
dans
les
livres
de
la
défenderesse,
à
raison
de
ventes
annulées,
n’auraient
pas
été
suffisamment
complètes
et
détaillées
pour
permettre
d’isoler,
d’identifier,
de
retracer,
de
relever
et
de
suivre
chaque
vente
individuelle.
Evidemment,
la
comptabilité
de
la
défenderesse
pourrait
être
plus
informative,
mais,
telle
qu’elle
est,
avec
de
la
patience
et
de
la
bonne
volonté
on
s’y
retrouve.
Le
Tribunal
est
d’avis,
après
avoir
entendu
la
preuve,
que
la
défenderesse
avait
le
droit
de
déduire
de
la
somme
à
remettre
au
trésor
provincial,
d’après
ses
ventes
totales,
un
montant
représentant
des
taxes
qu
’elle
11
’a
pas
réellement
perçues,
parce
que
les
ventes
s’y
rapportant
ont
été
annulées.
Elle
avait
droit
au
crédit
de
ce
montant
et
le
trésor
a
eu
tort
de
lui
refuser
ce
crédit.
Quant
au
montant
réclamé
pour
impôt
sur
des
achats
effectués
par
la
défenderesse
de
Tracy
Ltd.,
la
chose
a
été
expliquée
clairement.
Quand
la
défenderesse
s’est
vu
retirer
sa
patente,
elle
a
dû
cesser
commerce.
Elle
a
alors
vendu
son
fonds
de
commerce
à
Tracy
Ltd.
Au
moment
où
elle
cessait
de
faire
affaires,
la
défenderesse
avait
certaines
marchandises
qu’elle
avait
dû
reprendre,
parce
que
les
acheteurs
ne
payaient
pas
suivant
les
conventions.
Après
la
fermeture
du
magasin
de
la
défenderesse,
certains
de
ces
acheteurs
sont
venus
payer
leurs
arrérages
et
ont
demandé
leurs
effets,
et,
pour
les
leur
donner,
la
défenderesse
a
dû
les
racheter
de
Tracy
Ltd.
La
taxe
de
vente
sur
ces
effets
avait
déjà
été
payée
et
remise
au
fisc
lors
de
la
vente
originale
au
client.
La
loi
n’autorise
pas
le
fisc
à
percevoir
double
taxe
pour
la
même
vente,
à
se
faire
payer
double
impôt
sur
le
même
bein
mobilier.
Pour
les
raisons
ci-dessus
exposées,
le
Tribunal
trouve
done
la
défense
bien
fondée.
Il
n’est
pas
nécessaire
de
rappeler
qu’on
doit
interpréter
strictement
les
lois
qui
imposent
des
taxes
et
qu'on
doit
donner
le
bénéfice
du
doute
au
contribuable.
Par
ces
motifs,
le
Tribunal
accueille
la
défenderesse
dans
ses
conclusions;
déclare
valables,
suffisantes
et
libératoires
les
offres
de
la
défenderesse
et
déboute
le
demandeur
de
son
action,
en
lui
recommandant
de
payer
les
frais
de
la
défenderesse.
Silver
Bros
Ltd.
v.
A.-G.
for
Quebec
et
A.-G.
for
Canada
(1927)
43
B.
KR.
234,
inf.
par
[1929]
S.
C.
R.
557
et
rétabli
par
le
Conseil
privé
[1932]
A.
C.
514,
(1932)
53
B.
R.
418;
Billard
v.
Sénécal
et
Proc.
gén.
de
la
P.
Q.
(1929)
67
C.S.
367;
Minister
of
Customs
v.
Molsons
Brewery
(1925)
63
C.S.
436
;
Barthe
v.
Alleyn-Sharpless
(1920)
60
8.
C.
KR.
1,
conf.
par
[1922]
1
A.
C.
215;
Cotton
v.
Regem
[1914]
A.
C.
176,
(1914)
83
L.
J.
P.
C.
105
ou
(1914)
15
D.
L.
R.
283;
Kennedy
et
Wells,
Law
of
Taxing
Power
in
Canada
(1931)
pp.
49-65;
pp.
150-155;
Kennedy,
The
Constitution
of
Canada
(1938)
2e
éd.,
pp.
435-438.