Per
Curiam
:—En
1882,
la
Législature
de
cette
province
a
décrété,
‘‘dans
le
but
de
pourvoir
aux
besoins
du
service
public,”
l’imposition
de
certaines
taxes
sur
les
banques,
les
compagnies
d’assurance,
de
télégraphe,
de
chemin
de
fer,
ete.,
etc.
La
loi
votée
à
cette
fin
est
intitulée
:
‘‘
Acte
pour
imposer
certaines
taxes
directes
sur
certaines
corporations
commerciales/
9
(45
Vic.
ch.
22;)
et
ses
principales
dispositions,
en
autant
qu’elles
affectent
les
causes
maintenant
soumises
à
ce
tribunal,
peuvent
se
résumer
comme
suit:
L’article
1er
de
cette
loi
déclare
que
toute
compagnie
d’assurance,
acceptant
des
risques
et
faisant
des
affaires
d’assurance,
en
cette
province,
paiera
annuellement
les
diverses
taxes
mentionnées
en
l’article
3.
L’article
2
soumet
à
l’impôt,
les
compagnies
d’assurance
sur
la
vie,
contre
le
feu,
contre
les
risques
de
la
navigation
sur
les
eaux
intérieures
et
sur
la
mer,
de
garantie,
et
contre
les
accidents
;
mais
en
excepte
les
compagnies
d’assurance
mutuelle,
organisées
en
vertu
des
lois
de
cette
province.
L’article
3
répartit
l’impôt
comme
suit
:
Une
compagnie
d’assurance
sur
la
vie
seulement
$
500
Toute
autre
compagnie
d’assurance
n’ayant
qu’une
seule
branche
d’affaires
|
-
400
|
Pour
chaque
branche
d’affaires
en
sus,
y
compris
|
|
l’assurance
sur
la
vie
|
50
|
Pour
chaque
bureau,
a
Montréal
et
à
Québec
|
100
|
Pour
chaque
bureau
dans
toute
autre
localité
|
5
|
Enfin
par
les
articles
4,
5
et
6
il
est
statué
que
cet
impôt
sera
payable
le
premier
jour
juridique
du
mois
de
juillet
de
chaque
année,
à
l’inspecteur
des
licences
du
district
de
revenu
dans
lequel
la
compagnie
a
son
bureau
principal,
et
si
elle
n’a
pas
tel
bureau
principal
dans
la
province,
alors
à
l’Inspecteur
du
district
de
revenu
de
Québec;
et
ces
fonctionnaires
sont
autorisés
à
poursuivre,
en
leur
nom,
le
recouvrement
de
toute
somme
exigible
en
vertu
de
cette
loi.
La
défenderesse,
qui
est
une
compagnie
d’assurance
contre
le
feu
et
sur
la
vie
et
qui
a
un
bureau
d’affaires
à
Montréal,
tombe
done
sous
l’effet
de
cette
loi,
et
le
demandeur,
Inspecteur
des
licenses
pour
ce
district,
lui
réclame
sa
proportion
de
cette
taxe
s’élevant
à
une
somme
totale
de
$550.
La
compagnie
défenderesse
a
plaidé
à
cette
demande
par
deux
exceptions:
Par
la
Ire
elle
soutient
que
la
loi
invoquée
na
aucune
existence
légale
et
doit
être
considérée
comme
non
avenue
attendu
qu’elle
a
été
passée
au
nom
de
Sa
Majesté
la
Reine,
qui
ne
fait
pas
partie
de
la
Législature
de
Québec
et
n’a
aucun
pouvoir
législatif
en
cette
province.
Par
sa
21116
exception,
le
défenderesse
affirme
que
si
cett
loi
a
une
existence
légale
quelconque,
elle
est
inconstitutionnelle
et
ne
peut
affecter
cette
compagnie,
pour
diverses
raisons
que
nous
résumons
comme
suit:
lo
et
70
Parce
que
cette
compagnie
n’a
pas
été
incorporée
par
la
Législature
provinciale,
et
qu’elle
est
dûment
licensiée
pour
exercer
ses
droits
Comme
compagnie
d’assurance
par
le
gouvernement
féderal
en
vertu
des
statuts
fédéraux
de
1875
et
1877
relatifs
aux
assurances
;
0
Parce
que
la
taxe
réclamée
n’est
pas
une
taxe
directe;
30,
o,
50
Parce
que
cette
taxe
n’est
imposée
qu’a
certaines
classes
de
la
population;
qu’elle
ne
frappe
que
les
corporations
commerciales
et
non
les
biens;
et
qu
’elle
ne
tombe
dans
aucune
des
catégories
d’impôts
que
la
Législature
a
le
droit
de
décréter
;
60
Parce
que
cette
taxe
constitue
une
réglementation
du
commerce
;
80
Enfin
parceque
cette
tax
est
de
la
nature
d’une
licence.
Afin
de
presenter
avec
plus
de
concision
les
questions
que
soulève
réellement
ce
litige,
j’élague
de
suite
la
prétention
soulevée
par
la
première
exception
de
la
défenderesse,
que
la
loi
invoquée
n'a
pas
d’existence
légale
parce
qu’elle
a
été
passée
au
nom
de
Sa
Majesté,
qui
n’a
aucun
pouroir
législatif
en
cette
province.
M.
le
juge
Papineau,
dans
la
cause
de
Molson
v.
Chapleau,
rapportée
au
5e
vol
:
de
la
Thémis,
p.
75,
a
fait
justice
de
cette
prétention,
avec
une
vigueur
de
raisonnement
qui
me
dispense
de
rien
ajouter
à
ce
que
mon
honorable
collègue
a
dit
en
cette
circonstance.
Je
me
contenterai
de
référer
en
outre
à
l’ouvrage
de
Todd,
on
Parliamentary
government
in
the
British
Colonies,
pp.
329,
369,
392
et
398,—où
la
fausseté
de
cette
prétention
est
aussi
clairement
établie.
Arrivant
maintenant
aux
questions
soulevées
par
la
deuxiéme
exception
de
la
défenderesse,
je
les
réduis
à
deux
principales,
sur
lesquelles
les
avocats
des
parties
ont
surtout
insisté
et
qui
absorbent
virtuellement
toutes
les
autres,
savoir:
lo.
La
taxe
réclamée
est-elle
une
taxe
directe
ou
indirecte
?
20.
Si
c’est
une
taxe
directe,
constitue-t-elle
une
réglementation
du
commerce
?
C’est
à
la
lumière
des
art.
91
et
92
de
l’acte
constitutionnel
de
1867
que
ces
questions
doivent
être
étudiées,
et
elles
ne
sauraient
être
sainement
résolues
qu’en
déterminant
le
sens
et
la
portée
exacte
de
ces
deux
dispositions
du
statut
impérial.
Cette
étude,
qui
s’impose
ainsi
à
ce
tribunal,
constituerait
en
toute
circonstance
une
tâche
fort
difficile,
mais
cette
tâche
devient
bien
autrement
délicate
et
ardue
en
présence
des
opinions
si
diverses
exprimées
par
le
nombre
considérable
de
magistrats
éminents
et
de
jurisconsultes
distingués
qui
ont
déjà
eu
à
apprécier
ces
mêmes
dispositions.
Aussi
ne
suis-je
pas
tenté
d’agrandir
le
domaine
que
j’ai
à
parcourir
et
tout
m’invite,
au
contraire,
à
suivre
le
sage
conseil
que
nous
donnent
les
Lords
du
Conseil
Privé
dans
la
cause
de
Parsons
v.
The
Citizens
Insurance
Company,
lorsque
parlant
du
devoir
imposé
aux
tribunaux
d’interpréter
ces
deux
clauses
de
notre
acte
constitutionnel
et
d’en
harmoniser
les
dispositions,
ils
ajoutent:
"‘In
performing
this
difficult
duty,
it
will
be
a
wise
course
for
those
on
whom
it
is
thrown
to
decide
each
case
which
arises
as
best
they
can,
without
entering
more
largely
upon
an
interpretation
of
the
statute
than
is
necessary
for
the
decision
of
the
particular
question
in
hand.”
C’est
done
dans
ces
strictes
limites
que
j’apprécierai
les
questions
soulevées
dans
les
causes
qui
me
sont
maintenant
soumises.
lo
La
taxe
réclamée
est-elle
directe
ou
indirecte?
On
a
souvent
invoqué
sur
ce
premier
point
la
jurisprudence
des
tribunaux
des
Etats-Unis
comme
fixant
et
déterminant
le
sens
de
ces
mots
{axe
directe.
Malgré
le
respect
que
doivent
inspirer
partout
ces
décisions
remarquables,
nous
n’hésitons
cependant
pas
à
dire
qu’elles
sont
absolument
inapplicables
à
notre
état
de
choses.
Comment,
en
effet,
pourrions-nous
accepter
comme
règle
d’interprétation
de
notre
constitution,
cette
jurisprudence
interprétative
de
la
constitution
américaine,
lorsqu'il
suffit
de
mettre
en
regard
les
dispositions
respectives
des
deux
pactes
constitutionnels,
au
sujet
de
cette
taxe
directe,
pour
en
faire
ressortir
les
différences
essentielles
?
L’art.
92
du
Statut
Impérial
de
1867,
dit
purement
et
simplement
que
les
provinces
de
la
Confédération
canadienne
ont
le
droit
de
prélever
un
revenu
par
la
taxe
directe;
et
ce
sans
restrictions,
sans
limitation
dans
le
sens
absolu
de
ces
mots
:
taxe
directe.
Au
contraire,
si
nous
référons
à
la
Constitution
des
Etats-
Unis,
loin
d’y
trouver
une
disposition
aussis
simple
et
aussi
claire,
nous
constatons
que
la
taxe
directe
n’y
peut
être
établie,
par
le
gouvernement
fédéral,
qu’en
la
répartissant
entre
les
divers
Etats,
d’après
le
nombre
respectif
de
leurs
habitants;
et
que
ce
nombre
doit
être
déterminé
en
ajoutant
au
nombre
total
des
personnes
libres,
"‘y
compris
ceux
servant
pour
un
temps
limité
et
non
compris
les
Indiens
non
taxés,
trois
cinquièmes
de
toutes
autres
personnes.’’
Art.
1er,
sec.
2.
§
3.
et
sec.
9
§
4.
Or,
quel
est
le
sens
de
cette
disposition?
C’est
un
fait
reconnu
que
l’on
a
voulu,
par
là,
garantir
les
Etats
du
Sud,
qui
avaient
une
nombreuse
population
esclave,
contre
l’injustice
d’une
capitation
qui,
imposée
dans
des
conditions
d’uniformité,
aurait
pesé
sur
la
population
blanche
de
ces
Etats
dans
des
proportions
iniques.
Et
pour
y
arriver,
on
a
cru
devoir
affranchir
d’une
telle
taxe
les
⅖
de
la
population
esclave,
afin
d’équilibrer
ainsi
le
fardeau
qui
devait
peser
sur
la
population
blanche
de
tous
les
Etats.
Comment,
en
présence
de
telles
dispositions
les
tribunaux
américains
devaient-ils
interpréter
ces
mots:
taxe
directe?
Evidemment
dans
le
sens
restreint
qui
leur
était
donné,
dans
le
pacte
constitutionnel,
c’est-à-dire
qu’aucune
taxe
ne
devait
être
considérée
comme
directe,
à
moins
qu’elle
fût
répartie
sur
tous
les
Etats,
d’après
la
population
de
chacun
et
en
comptant
cette
population
de
la
manière
sus
indiquée,
c’est-à-dire
en
supprimant
les
⅖
de
la
population
esclave.
Aussi
le
juge
en
chef
Chase,
en
arrivait-il
à
dire
dans
la
cause
de
la
Veazie
Bank
v.
Fenno
(8
Wallace,
p.
553)
qu’il
ne
pouvait
y
avoir,
d’après
la
Constitution
américaine,
que
deux
taxes
directes
:
celle
sur
les
immeubles
et
la
capitation.
"
1
It
may
be
rightly
affirmed,
therefore,
that
in
the
practical
construction
of
the
Constitution
by
Congress,
direct
taxes
have
been
limited
to
taxes
on
land
and
appurtenances,
and
taxes
on
polls
or
capitation
taxes.’
Et
Cooley—On
Taxation,
fait
à
la
page
5,
note
2,
la
citation
suivante:
1
i
The
term
direct
taxes
is
employed
in
a
peculiar
sense
in
the
federal
constitution,
in
the
provision
requiring
such
taxes
to
be
apportioned
according
to
representation,
and
they
are
perhaps
limited
to
capitation
and
land
taxes/‘
Enfin
Kent,
tome
1er,
p.
255,
dit:
‘‘The
Constitution
contemplated
no
taxes
as
direct
taxes,
but
such
as
Congress
could
lay
in
proportion
to
the
census.’
Il
résulte
done
clairement
des
quelques
observations
qui
précédent,
qu’il
est
impossible
de
demander
à
cette
jurisprudence
américaine
établie
sous
l’empire
de
dispositions
spéciales
et
exceptionnelles
une
règle
d’interprétation
de
l’article
si
différent
que
contient
notre
propre
constitution.
L’article
92
du
Statut
de
1867,
comme
nous
l’avons
dit,
déclare
simplement
que
les
provinces
pourront
prélever
un
revenu
au
moyen
de
la
taxe
directe.
Ces
mots
sont
done
employés
ici
sans
conditions,
ni
restrictions,
et
dans
leur
sens
propre
et
absolu.
Et
pour
déterminer
ce
sens
il
suffit
de
recourir
aux
règles
que
nous
donnent
les
économistes
politiques
règles
parfaitement
acceptées
et
reconnues
au
moment
où
fut
arrêté
entre
les
provinces
et
sanctionné
par
la
métropole,
le
pacte
constitutionnel
que
nous
avons
aujourd’hui
à
interpréter.
Or,
tous
les
économistes
s’entendent
pour
diviser
l’impôt
en
directe
et
indirecte.
Il
est
vrai
que
la
même
unanimité
n’existe
pas
entre
eux
lorsqu'il
s’agit
de
donner
une
définition
précise
de
chacune
de
ces
deux
catégories
d’impôt
et
une
classification
rigoureuse
des
contributions
qui
doivent
rentrer
dans
l’une
ou
dans
l’autre
de
ces
catégories.
Néanmoins
nous
trouvons
dans
les
règles
générales,
acceptées
par
les
écrivains
les
plus
en
renom,
suffisamment
d’uniformité
et
d’harmonie
pour
en
tirer
la
solution
de
la
question
que
nous
examinons.
M.
Leroy-Beaulieu
dans
son
Traité
de
la
science
des
Finances,
Tome
1er,
p.
214,
après
avoir
démontré
que
la
définition
des
impôts
directs
et
indirectes,
donée
par
l'administration,
dans
différents
pays,
n’est
pas
toujours
exacte,
propose
la
suivante
comme.
étant
la
plus
scientifique
et
la
plus
satisfaisante
qu’il
ait
pu
trouver
:
"Par
l’impôt
direct
le
législateur
se
propose
d’atteindre
immédiatement,
du
premier
bond
et
proportionnellement
à
sa
fortune
ou
à
ses
revenus,
le
véritable
contribuable
:
il
supprime
donc
tout
intermédiaire
entre
lui
et
le
fisc,
et
il
cherche
une
proportionnalité
rigoureuse
de
l’impôt
à
la
fortune
ou
aux
facultés.
"‘Par
l’impôt
indirect
le
législateur
ne
vise
pas
immédiatement
le
véritable
contribuable
et
ne
cherche
pas
à
lui
imposer
une
charge
strictement
proportionnelle
à
ses
facultés:
il
ne
se
propose
d’atteindre
le
vrai
contribuable
que
par
ricochet,
par
contre-coup,
par
répercussion:
il
met
des
intermédiaires
entre
lui
et
le
fisc,
et
renonce
à
une
stricte
proportionnalité
de
l’impôt
dans
les
cas
particuliers,
se
contentant
d’une
proportionnalité
relative
en
général.’’
M.
Passy,
qui
a
fourni
au
Dictionnaire
de
l’Economie
Politique,
publié
par
MM.
Coquelin
et
Guillaumin,
l’article
traitant
de
l’impôt,
dit
aussi:
1
“C
’est
un
usage
recu
de
diviser
les
impôts
en
deux
catégories
distinctes.
On
appelle
directs
ceux
que
les
contribuables
acquittent
eux-mêmes
pour
leur
propre
compte;
on
appelle
indirects
ceux
dont
certains
d’entre
eux
ne
font
que
l’avance
et
dont
ils
obtiennent
le
remboursement
des
mains
d’autres
personnes.
‘
‘
Mill—Principles
of
Political
Economy,
Livre
5,
ch.
8,$
§
1,
nous
dit:
"‘Taxes
are
either
direct
or
indirect.
A
direct
tax
is
one
which
is
demanded
from
the
very
person
who
it
is
intended
or
desired
should
pay
it.
Indirect
taxes
are
those
which
are
demanded
from
one
person
in
the
expectation
and
intention
that
he
shall
indemnify
himself
at
the
expense
of
another:
such
are
the
excise
or
customs.
9f
Walker—Science
of
Wealth,
p.
338.
"‘A
direct
tax
is
demanded
of
the
person
who
it
is
intended
shall
pay
it.
Indirect
taxes
are
demanded
from
one
person,
in
the
expectation
that
he
will
indemnify
himself
at
the
expense
of
others.’’
Tel
est
le
système
qui
est
le
plus
généralement
adopté
aujourd
’hui.
On
peut
le
résumer
en
peu
de
mots
:
C’est
de
l’incidence
de
l’impôt
que
dépend
sa
classification.
Si
l’impôt
frappe
la
personne
même
qui
doit
le
supporter,
il
est
direct;
si,
au
contraire,
la
personne
qui
paye
la
taxe
doit
se
récupérer
sur
d’autres,
l’impôt
est
indirect.
Remarquons
cependant,
avant
d’aller
plus
loin,
dans
quelles
conditions
d’élasticité
pratique
est
énoncée
cette
règle
de
classification
des
impôts.
Les
économistes
ne
disent
pas
que
l’impôt
direct
est
uniquement
celui
que
le
contribuable
ne
pourra,
en
aucune
façon,
recouvrer
d’un
autre,
mais
simplement
celui
au
moyen
duquel
le
contribuable
est
atteint
immédiatement
et
sans
intermédiaire,
dit
Leroy-Beaulieu
;
4
"
One
which
is
demanded
from
the
very
persons
who,
it
is
intended
or
desired,
should
pay
it,"
dit
Mill.
Et
quand
même
le
contribuable
pourrait,
en
définitive,
se
récupérer
en
rejetant
l’impôt
sur
un
autre,
ceci
ne
changerait
pas
la
nature
de
la
taxe
qui
restera
toujours
ce
que
la
règle
acceptée
la
fait,
une
taxe
directe.
Ainsi
l’impôt
foncier,
l’impôt
sur
la
terre
est,
de
l’aveu
de
toute
le
monde,
et
même
au
point
de
vue
de
la
jurisprudence
américaine,
un
impôt
direct.
Néanmoins
il
peut
arriver
que
si
le
propriétaire
n’occupe
pas
lui-même
son
immeuble,
il
réussisse
à
rejeter
cette
taxe
sur
le
locataire.
De
même
les
droits
de
douane
doivent
nécessairement
être
rangés
dans
la
classe
des
impôts
indirects.
Cependant
si
le
consommateur
importe
lui-même
les
choses
dont
il
a
besoin,
il
est
évident
que
pour
lui
l’impôt
devient
direct,
puisqu’il
le
paie
sans
intermédiaire.
Néanmoins
ni
dans
l’un,
ni
dans
l’autre
cas,
pourrait-on
prétendre
changer
la
classification
acceptée,
puisque
ces
accidents
ne
sauraient
enlever
à
l’impôt
son
caractère
véritable
au
point
de
vue
de
la
législation
et
de
l’économie
politique.
Cette
bâse
établie,
voyons
maintenant
comment
les
économistes
procèdent
au
classement
des
divers
impôts
connus,
dans
chacune
de
ces
deux
catégories.
Tous
ne
nous
donnent
pas
sans
doute
une
classification
rigoureuse
et
uniforme,
et
la
raison
en
est
facile
à
comprendre.
Aux
Etats-Unis,
une
règle
spéciale
et
exceptionnelle
domine
;
en
France,
en
Angleterre
et
dans
les
autres
pays,
on
n’a
pas
encore
eu
l’idée
d’un
système
où
les
attributions
des
pouvoirs
publics
sont
divisés
et
ensuite
limités
comme
ils
le
sont
dans
notre
constitution.
La
nomenclature
n’y
présentait
donc
aucun
intérêt
et
il
suffisait
aux
économistes
de
poser
le
principe
servant
à
déterminer
ce
que
l’on
doit
entendre
par
taxe
directe
et
par
taxe
indirecte,
sans
entrer
dans
l’énumération
de
celles
qui
rentrent
dans
l’une
ou
dans
l’autre
de
ces
deux
catégories.
Quelques-uns
cependant,
parmi
les
économistes
français,
ont
fait
cette
énumération,
et
bien
que
les
écrivains
anglais
ne
soient
pas
entrés
dans
ce
détail,
comme
la
base
sur
laquelle
repose
la
division
est
acceptée
par
eux,
la
classification
des
économistes
français
doit
être
accueillie
comme
ayant
l’autorité
de
tous
les
écrivains
que
nous
avons
cités.
Passy,
dans
son
article
sur
l’impôt,
(Dictionnaire
d’économie
politique,)
dit:
Le
nombre
des
impôts,
classés
sous
le
titre
d
f
impôt
s
directs
est
assez
considérable.
Voici
ceux
qu’il
importe
de
mentionner:
lo.
Impôts
sur
les
personnes;
20.
sur
la
terre;
30.
sur
les
maisons
et
constructions;
40.
sur
l’exercice
des
professions;
00.
sur
les
revenus;
60.
sur
les
transmissions
par
voie
de
succession
et
de
donation;
70.
sur
les
transmissions
à
titre
onéreux
;
80.
l’impôt
du
timbre
sur
les
effets
de
commerce.
"‘Les
impôts
indirects
constituent
deux
catégories
distinctes.
La
première
se
compose
des
impôts
perçus
sur
les
produits
mêmes
du
pays
avant
le
moment
où
ils
arrivent
à
la
consommation,
et
prend
le
nom
d’excise;
la
seconde
se
compose
d’impôts
perçus
aux
frontières,
soit
sur
les
produits
étrangers
destinés
aux
marchés
intérieurs,
soit
sur
les
produits
nationaux
expédiés
au
dehors
et
prend
le
nom
de
douanes."
M.
Leroy-Beaulieu,
1er
vol.
nous
donne
également,
comme
impôts
directs,
ceux
sur:
lo.
Les
personnes
(p.
272);
20.
La
terre
(p.
288)
;
30.
Les
maisons
et
constructions
(p.
301,
336)
;
40.
L’exercice
des
professions,
pp.
373,
390,
395,
399)
;
50.
Les
loyers,
(p.
355)
;
60.
Le
revenu,
(p.
423).
Mais
il
range
parmi
les
contributions
indirectes,
l’impôt
sur
les
successions
ét
celui
du
timbre
(p.
480.)
Ainsi
ces
deux
autorités
s’accordent
à
dire
que
l’impôt
sur
l’exercice
des
professions
on
entend
non
seulement
la
taxation
l’exercice
des
professions
est
un
impôt
direct.
Et
par
impôt
sur
des
professions
libérales,
mais
encore
celle
des
bénéfices
industriels
et
commerciaux
de
quelque
nature
qu’ils
soient.
Or,
l’impôt
que
l’on
réclame
ici
de
la
compagnie
défenderesse
a
évidemment
cette
portée
et
ce
caractère.
L’art.
1er
de
la
loi
déclare
:
que
"toute
compagnie
d’assurance
acceptant
des
risques
et
faisant
des
affaires
d
9
assurance
dans
cette
province
.
.
.
paiera
annuellement
les
diverses
taxes
mentionnées
dans
l’art.
3.7’
La
taxe
réclamée
a
donc
été
imposée
à
raison
de
l’exercice
de
la
profession,
de
l’industrie
ou
du
commerce
de
la
compagnie
défenderesse.
Et
comme
cet
impôt
(que
l’on
appellerait
en
France:
impôt
des
patentes
et
aux
Etats-Unis:
taxe
d’affaires,
^business
tax,
"
)
est
demandé
directement
aux
compagnies
taxées,
que
l’intention
du
législateur
est
évidemment
d’atteindre
ces
compagnies
du
premier
bond,
immédiatement
et
sans
intermédiaire,
nous
devons
conclure,
d’après
les
règles
acceptées
par
les
économistes
politiques,
que
cette
taxe
est
incontestablement,
dans
le
sens
de
notre
constitution,
une
taxe
directe.
Car,
on
ne
saurait
contester
que
pour
arriver
à
une
saine
interprétation
de
notre
pacte
constitutionnel,
nous
devons
ici,
comme
dans
l’interprétation
des
contrats
ordinaires,
rechercher
surtout
le
sens
qui
a
dû
être
dans
l’intention
des
représentants
des
provinces
confédérées.
Or,
n’est-il
pas
évident
qu’en
se
servant
de
ces
termes
taxe
directe,
sans
aucune
restriction,
ni
limitation,
les
hommes
d’état
qui
ont
rédigé
notre
constitution
ont
entendu
leur
donner
le
sens
accepté
dans
tous
les
pays
ou
l’étude
de
l’économie
politique
s’impose
à
tous
ceux
qui
s’occupent
de
législation
et
de
gouvernement?
Sans
doute
qu’en
employant
ces
termes,
qu’en
se
servant
de
ces
expressions
les
rédacteurs
de
notre
constitution
ont
eu
l’intention
de
restreindre
le
pouvoir
des
législatures
provinciales
et
de
leur
imposer
un
frien
peut-étre
salutaire
pour
la
protection
des
administrés.
Tous
les
économistes
sont
d’accord,
en
effet,
pour
reconnaître
que
le
peuple
supporte
beaucoup
plus
facilement
les
taxes
indirectes
que
les
taxes
directes,
parce
qu’il
s’aperçoit
à
peine
des
premières,
tandis
que
les
secondes
sont
toujours
visibles
et
surtout
sensibles.
C’est
ce
qu’exprimait
spirituellement
Turgot
en
disant
que
la
taxe
indirecte
est
le
meilleur
moyen
‘‘de
plumer
la
dinde
sans
la
faire
crier.’’
Et
Mill,
ch.
6,
§
1er
exprime
la
même
pensée
dans
un
style
plus
grave
:
"Are
direct
or
indirect
taxes
the
most
eligible?
This
question,
at
all
times
interesting,
has
of
late
excited
a
considerable
amount
of
discussion.
In
England
there
is
a
popular
feeling,
of
old
standing,
in
favour
of
indirect
or
it
should
rather
be
said
in
opposition
to
direct
taxation.
The
feeling
is
not
grounded
on
the
merits
of
the
case,
and
is
of
a
puerile
kind.
An
Englishmman
dislikes,
not
so
much
the
payment
as
the
act
of
paying.
He
dislikes
seeing
the
face
of
the
tax-collecter,
and
being
subjected
to
his
peremptory
demand.
Perhaps,
too,
the
money
which
he
is
required
to
pay
directly
out
of
his
pocket
is
the
only
taxation
which
he
is
quite
sure
that
he
pays
at
all.”
I]
est
évident
pour
moi,
que
les
hommes
d’état
qui
ont
posé
les
bases
et
fixe
les
termes
de
notre
constitution
se
rendaient
parfaitement
compte
de
ce
sentiment
populaire
exprimé
par
Mill,
et
qu'ils
n’ont
pas
cru
devoir
chercher
de
moyen
plus
efficace
de
contrôler
les
pouvoir
provincial
que
de
le
réduire
à
la
taxe
directe,
persuadés
que
l’attention
du
peuple
étant
ainsi
attirée
sur
les
actes
de
ses
gouvernants
il
ne
leur
permettrait
d’imposer
que
les
taxes
qu’il
croirait
devoir
supporter.
Mais,
d’un
autre
côte,
il
me
parait
raisonnable
aussi
de
con-
_
elure
que
si
c’est
là
le
frein
que
l’on
a
cru
devoir
imposer
au
pouvoir
des
législatures
provinciales,
on
doit
au
moins
reconnaître
à
ce
pouvoir
toute
l’étendue
qu’il
comporte
légitimement
et
que
les
principes
les
moins
contestés
de
l’économie
politique
permettent
de
lui
donner.
Tout
concourt
done
à
démontrer
que
la
taxe
réclamée
de
la
compagnie
défenderesse
est
une
taxe
directe
et
que
la
législature
provinciale,
dans
l’exercice
légitime
de
ses
attributions,
pouvait
légalement
imposer.
20.
Cette
taxe
constitue-t-elle
une
réglementation
du
commerce
?
L’art.
91
du
statut
Impérial
de
1867
attribue
exclusivement
au
Parlement
fédéral
le
pouvoir
de
fare
des
lois
pour
la
réglementation
du
trafic
et
du
commerce.
Quelle
est
la
portée
de
cette
disposition
?
Si
nous
voulions
en
rechercher
l’interprétation
dans
la
jurisprudence
américaine,
il
nous
faudrait
encore
constater
tout
d’abord
que
les
dispositions
respectives
des
deux
constitutions
sur
cette
matière,
ne
sont
pas
identiques.
En
effet,
tandis
que
l’article
de
notre
statut
est
pur
et
simple,
celui
de
la
constitution
américaine
est
qualifié.
Ainsi
le
3e
§,
de
la
sec.
8
;
article
ler
de
la
constitution
des
Etats-Unis
dit
que
le
congrès
aura
le
pouvoir
de
régler
le
correrce
:
lo.
Avec
les
nations
étrangères
;
20.
entre
les
divers
Etats;
et
30.
avec
les
tribus
indiennes.
L’autorité
du
Congrès
est
done
formellement
déterminée;
aussi
les
jurisconsultes
américains
admettent-ils
que
les
Etats
ont
le
contrôle
complet
de
leur
commerce
intériezcr;
pourvu,
bien
entendu,
que
ce
contrôle
ne
s’exerce
pas
de
manière
à
se
trouver
en
conflit
avec
les
lois
fédérales
relatives
au
commerce
général.
(Burroughs,
on
Taxation,
p.
104).
Il
y
a
donc,
encore
ici,
une
différence
assez
marquée
entre
les
deux
pactes
constitutionnels
pour
que
nous
n’acceptions
pas,
sans
restrictions
les
opinions
des
jurisconsultes
et
des
économistes
américains
et
la
jurisprudence
de
leurs
tribunaux,
et
pour
nous
engager
à
chercher
ailleurs
le
sens
particulier
de
cette
disposition
de
notre
propre
constitution.
D'ailleurs
notre
tâche,
sur
ce
point,
est
singulièrement
facilitée
par
un
jugement
rendu
par
le
plus
haut
tribunal
de
l’Empire,
le
Conseil
Privé;
arrêt,
qui
bien
qu’il
ne
nous
donne
pas
encore
une
règle
absolue
et
définitive
pour
l’interprétation
de
cet
article
de
notre
statut
constitutionnel,
nous
indique
suffisamment
la
voie,
cependant,
pour
nous
permettre
de
nous
aider
de
son
autorité.
Dans
la
cause
Parsons
&
The
Citizens
Insurance
Co.
(1
Cartwright,
p.
277),
les
Lords
du
Conseil
Privé
se
sont
exprimés
comme
suit:
"The
words
‘‘regulation
of
trade
and
commerce/
f
in
their
unlimited
sense,
are
sufficiently
wide,
if
uncontrolled
by
the
context
of
other
parts
of
the
act,
to
include
every
regulation
of
trade
ranging
from
political
arrangements
in
regard
to
trade
with
foreign
governments,
requiring
the
sanction
of
Parliament,
down
to
minute
rules
for
regulating
particular
trades.
But
a
consideration
of
the
act
shows
that
the
words
were
not
used
in
this
unlimited
sense.
In
the
first
place
the
collocation
of
No.
2
with
classes
of
subjects
of
national.
and
general
concern
affords
an
indication
that
regulations
relating
to
general
trade
and
commerce
were
in
the
mind
of
the
Legislature
when
conferring
this
power
on
the
Dominion
Parliament.
If
the
words
had
been
intended
to
have
the
full
scope
of
which,
in
their
literal
meaning,
they
are
susceptible,
the
specific
mention
of
several
of
the
other
classes
of
subjects
enumerated
in
section
91,
would
have
been
unnecessary
;
as
15,
banking,
17,
weights
and
measures;
18,
bills
of
exchange
and
promissory
notes;
19,
interest;
and
even
21,
bankruptcy
and
insolvency.’’
^Regulation
of
trade
and
commerce"
may
have
been
used
in
some
such
sense
as
the
words
regulations
of
trade
in
the
Act
of
Union
between.
England
and
Scotland
(6
Anne,
ch.
II)
and
as
these
words
have
been
used
in
other
Acts
of
State.
Article
V
of
the
Act
of
Union
enacted
that
all
the
subjects
of
the
United
Kingdom
should
have
full
freedom
and
intercourse
of
trade
and
navigation
to
and
from
all
places
in
the
United
Kingdom
and
the
Colonies;
and
article
VI,
enacted
that
all
parts
of
the
United
Kingdom,
from
and
after
the
Union,
should
be
under
the
SAME
prohibitions,
restrictions,
and
REGULATIONS
OF
TRADE.
Parliament
has,
at
various
times
since
the
Union,
passed
laws
affecting
and
regulating
specific
trades
in
one
part
of
the
United
Kingdom
only,
without
it
being
supposed
that
it
thereby
infringed
the
articles
of
Union.
Thus
the
acts
for
regulating
the
sale
of
intoxicating
liquors
notoriously
vary
in
the
two
kingdoms.
So
with
regard
to
acts
relating
to
bankruptcy,
and
various
other
matters.’’
°
Construing
therefore
the
words
regulation
of
trade
and
commerce
by
the
various
aids
to
their
interpretation
above
suggested,
they
would
include
political
arrangements
in
regard
to
trade
requiring
the
sanction
of
Parliament,
regulation
of
trade
in
matters
of
inter
provincial
concern,
and
it
may
be
that
they
would
include
general
regulation
of
trade
affecting
the
whole
Dominion.
Their
Lordships
abstain
on
the
present
occasion
from
any
attempt
to
define-the
limits
of
the
Dominion
Parliament
in
this
direction.
It
is
enough
for
the
decision
of
the
present
case
to
say
that,
in
their
view,
its
authority
to
legislate
for
the
regulation
of
trade
and
commerce
does
not
comprehend
the
power
to
regulate
by
legislation
the
contracts
of
a
particular
business
or
trade,
such
as
the
business
of
fire
insurance,
in
a
single
Province,
and
therefore
that
its
legislative
authority
does
not,
in
the
present
case,
conflict
or
compete
with
the
power
over
property
and
civil
rights
assigned
to
the
Legislature
of
Ontario
by
No.
13
of
section
92.’’
Résumons
et
précisions
ces
observations.
Bien
que
le
sens
absolu
des
mots
"‘réglementation
du
trafic
et
du
commerce,’’
semble
attribuer
au
parlement
fédéral
une
autorité
entière
et
exclusive
sur
tout
ce
qui,
de
près
ou
de
loin,
peut
rentrer
dans
un
tel
sujet,
le
Conseil
Privé
n’hésite
pas
à
dire
qu’on
ne
saurait
donner
une
portée
aussi
étendue
à
cet
article
de
notre
constitution.
Et
traçant
la
limite,
qui
lui
paraît
avoir
été
dans
l’intention
du
législateur,
le
tribunal
suprême
déclare
que
la
juridiction
du
pouvoir
fédéral
s’étend
sans
doute
à
cette
réglementation
du
commerce
qui
est
la
conséquence
des
arrangements
politiques,
à
celle
relative
au
commerce
interprovincial,
et
peut-être
à
la
réglementation
du
commerce
en
général,
mais
qu’elle
ne
saurait
aller
plus
loin!
En
d’autres
termes,
que
toute
législation
réglementant
le
commerce
à
commerce
à
un
point
de
vue
national,
devrais-je
dire,
est
incontestablement
du
ressort
de
la
législature
fédérale,
mais
que
ce
serait
dépasser
le
but
que
de
renfermer
ensuite
les
législatures
provinciales
dans
un
cercle
de
fer
et
de
leur
interdire
toute
législation
pouvant
affecter,
même
accidentellement,
le
commerce
ou
les
commerçants
!
Où
conduirait,
en
effet,
une
interprétation
différente,
sinon
à
l’absorption
certaine,
inévitable
même,
de
toutes
les
attributions
législatives
par
l’autorité
centrale.
Car
le
commerce
c’est
l’élément
vivace
et
fécond
qui
est
à
la
base
même
des
sociétés
modernes
et
qui
pénètre,
envahit
et
domine
toutes
les
relations
des
individus.
Et
comme
le
dit
fort
bien
l’Honorable
juge
Fournier,
dans
cette
même
cause
de
Parsons
v.
The
Citizens
Ins.
Co.
(1
Cartwright.
p.
301)
:
"‘In
commerce,
contracts
of
sale,
of
exchange
and
hiring,
are
constantly
employed
and
executed.
Does
it
then
follow
that
any
legislation
in
reference
thereto,
must
be
considered
as
being
a
regulation
of
commerce?
If
this
be
so—if
everything
which
has
reference
to
commerce
ought
for
this
reason
to
come
under
the
exclusive
control
of
the
Federal
power,
the
greater
portion
of
the
powers
of
the
Provinces
would
thus
become
of
no
avail,
for
commerce
in
its
most
comprehensive
meaning
extends
to
everything.
It
is
as
defined
by
a
French
author:
Un
échange
de
produits
et
de
services.
C’est,
en
dernière
analyse,
le
fonds
même
de
la
société.’’
Et
c’est
ce
raisonnement
du
savant
juge
qui
a
été
adopté
et
sanctionné
par
le
Conseil
Privé
dans
la
cause
que
je
viens
de
citer.
N’est-il
pas
évident
d’ailleurs,
que
si
l’on
veut
le
maintien
de
la
constitution,
(et
les
tribunaux
ne
peuvent
pas
supposer
le
contraire)
il
est
indispensable
d’harmoniser
le
fonctionnement
de
ces
deux
autorités—fédérale
et
provinciale—dont
les
frontières
mal
définies
restent
indécises
et
incertaines
sur
tant
de
points?
Ne
faut-il
pas
reconnaître
aux
législatures
provinciales,
dans
la
sphère
qui
leur
est
attribuée,
leur
pleine
liberté
d’action,
avec
l’élasticité
nécessaire
au
fonctionnement
de
toutes
les
institutions
politiques?
Or,
le
2e
§
de
l’art.
92
du
statut
de
1867,
permet
aux
législatures
provinciales
de
recourir
à
la
taxe
directe,
dans
le
but
de
prélever
un
revenu
pour
des
objets
provinciaux.
Voilà
une
attribution
de
pouvoir
formelle
et
précise.
Que
deviendra-t-elle
s’il
faut
renoncer
à
l’appliquer
au
commerce
ou
aux
commerçants
?
Mais
la
capitation
elle-même,
la
plus
directe
de
toutes
les
taxes,
ne
pourrait
alors
atteindre
cette
caste
privilégiée
qui
ne
relèverait
que
de
l’autorité
fédérale.
Et
l’on
arriverait
à
cette
singulière
anomalie
que
tandis
que
de
l’aveu
de
tous,
l’autorité
municipale—créature
de
l’autorité
provinciale
—pourrait
taxer
le
commerce
en
taxant
les
commerçants
dans
l’exercice
de
leur
profession,
l’autorité
créatrice
serait
privée
d’exercer
pour
elle-même
ce
pouvoir
qu’elle
peut
conférer
à
une
simple
municipalité
!
Il
me
parait
impossible
de
raisonner
ainsi
et
de
trouver
la
justification
de
ce
raisonnement
dans
les
dispositions
sainement
interprétées
du
Statut
Impérial
de
1867.
Réglementer
le
commerce,
dans
le
sens
indiqué
par
la
constitution,
et
déterminé
par
le
tribunal
le
plus
élevé
dans
notre
hiérarchie
judicaire,
peut
vouloir
dire:
fixer
par
des
lois
générales
les
conditions
de
l’importation
ou
de
l’exportation
des
marchandises,
de
l’exploitation
des
pêcheries,
de
la
navigation,
des
rapports
commerciaux
des
provinces
entre
elles,
etc.,
ete.
Mais
on
ne
saurait
certainement
donner
une
telle
portée,
attribuer
un
tel
caractère
à
l’imposition
d’une
taxe
décrétée
dans
un
but
purement
provinciale,
par
le
seul
fait
que
cette
taxe
atteindrait
des
commerçants.
Nous
le
répétons,
ce
n’est
pas
là
le
sens
que
le
Conseil
Privé
attache
à
cet
article
du
statut,
et
ce
ne
peut
être
non
plus
celui
que
les
rédacteurs
de
la
constitution
avaient
en
vue.
La
législature
de
Québec
en
usant
du
pouvoir
qui
lui
est
formellement
attribué
et
en
décrétant,
pour
subvenir
aux
besoins
de
son
trésor,
une
taxe
directe
sur
certaines
institutions
faisant
des
affaires
dans
la
province
n’a
done
pas
outre
passé
ses
pouvoirs,
n’a
pas
légiféré
sur
une
matière
qui
n'était
pas
de
sa
compétence
et
n’a
pas
réglementé
le
commerce.
Mais
on
objecte
ici
que
si
l’on
permet
aux
législatures
provinciales
de
taxer
les
commerçants
on
arrivera
indirectement
à
affecter
sérieusement
le
commerce,
à
l’entraver
même
dans
certains
cas,
et
l’on
invoque
la
jurisprudence
américaine
qui
a
déclaré
inconstitutionnelle
une
taxe
imposée
par
les
Etats
sur
les
importateurs.
Aux
Etats-Unis,
les
tribunaux
seuls
ont
le
contrôle
des
pouvoirs
législatifs;
eux
seuls
ont
recu
de
la
constitution
elle-
même
la
juridiction
nécessaire
pour
maintenir
chaque
autorité
dans
ses
limites
constitutionnelles.
Toute
autre
est
notre
organisation
politique.
Ici
l’autorité
fédérale
elle-même
est
armée
d’un
pouvoir
presqu’absolu
de
veto
pour
réprimer
les
empiètements
que
les
législatures
provinciales
pourraient
tenter
à
son
détriment,
et
ce
n’est
qu’implicitement
et
par
une
conséquence
pour
ainsi
dire
nécessaire
de
notre
système
politique,
que
les
tribunaux
peuvent
être
appelés
à
prononcer
en
talles
matières.
Or,
n’est-il
pas
évident
que
lorsqu’il
s’agit,
comme
dans
l’espèce
actuelle,
de
l’imposition
d’une
taxe
qu’une
disposition
formelle
de
la
constitution
autorise
et
justifie;
d’une
taxe
contre
laquelle
la
seule
objection
plausible
aurait
pu
venir
du
gouvernement
intéressé,
savoir
du
gouvernement
fédéral,
s’il
avait
jugé
que
cette
taxe
était
antipathique
à
sa
législation;
n’est-il
pas
évident,
que
le
pouvoir
judiciaire
ne
saurait
se
substituer
au
pouvoir
fédéral,
usurper
sa
juridiction,
s’attribuer
ses
fonctions
et
imposer,
lui,
son
veto
à
cette
législation
que
l’autorité
intéressée
a
tacitement
approuvée,
puisqu’ayant
le
pouvoir
de
la
répudier,
elle
ne
l’a
pas
fait!
On
soutient,
il
est
vrai,
qu’il
serait
fort
impolitique
d’exiger
ainsi
l’exercice
de
ce
droit
de
veto
par
l’autorité
fédérale,
en
toute
circonstance,
et
qu’il
en
résulterait
bientôt
des
froissements
qui
mettraient
en
danger
l’existence
même
de
la
confédération.
Mais
serait-il
moins
impolitique
et
moins
dangereux
de
remettre
virtuellement,
l’exercice
de
ce
pouvoir
aux
tribunaux
qui
n’ont
pas,
eux,
les
avantages
des
tempéraments
diplomatiques,
et
qui
n’ont
d’autre
alternative
que
de
donner
une
interprétation
rigoureusement
légale?
Le
danger
serait
évidemment
plus
grand
dans
le
second
cas
que
dans
le
premier,
et
nous
n’hésitons
pas
à
croire
que
c’est
parce
que
les
auteurs
du
statut
de
1867
l’ont
prévu
ont
cru
préférable
d’accorder
ce
droit
de
veto
au
gouvernement
central.
Une
dernière
objection
de
la
défense
nous
reste
à
examiner
;
c’est
que
la
compagnie
défenderesse
n’ayant
pas
été
créée
par
la
législature
provinciale
et
ayant
été
dûment
licensiée
par
le
gouvernement
fédéral
pour
l’exercice
de
ses
droits,
elle
échappe
au
contrôle
de
l’autorité
provinciale.
On
n’a
pas
insisté,
dans
la
plaidoirie,
sur
cette
objection
et
j'avoue
qu’elle
me
paraît
peu
sérieuse.
Il
serait
en
effet
fort
singulier
que
le
pouvoir
fédéral
pût,
soit
en
la
créant
lui-même,
soit
en
lui
donnant
une
licence,
soustraire
une
corporation
privée
au
contrôle
de
l’autorité
locale
dans
une
province
quelconque.
Aux
Etats-Unis
où
l’on
a
si
souvent
été
chercher
des
exemples,
on
a
maintenu
que
les
Etats
ne
pouvaient
taxer
une
corporation
publique,
créée
par
le
pouvoir
fédéral
dans
un
but
national,
mais
on
n’a
jamais
été
plus
loin
et
c’est
en
effet,
croyons-nous,
la
seule
limite
raisonnable.
Je
conclus
donc,
sur
le
tout
:
lo.
Que
la
taxe
réclamée
est
une
taxe
directe
;
20.
Que
cette
taxe
a
été
imposée
par
la
législature
provinciale
dans
l’exercice
légitime
d’un
pouvoir
formellement
accordé
par
la
constitution
;
30.
Enfin
que
cette
taxe
ne
constitue
pas
une
réglementation
du
commerce
dans
le
sens
de
l’art.
91
du
statut
de
1867.
En
conséquence
les
exceptions
de
la
compagnie
défenderesse
sont
renvoyées
et
jugement
est
accordé
au
demandeur
és-qualité,
pour
la
somme
demandée.
N.B.—Le
même
jugement
est
prononcé
dans
les
autres
causes.
The
judgment
is
as
follows
:—
"La
cour,
etc.
"Attendu
que
par
l’acte
de
la
législature
provinciale
de
Québec,
45
Vict.
ch.
22,
intitulé
:
‘Acte
pour
imposer
certaines
taxes
directes
sur
certaines
corporations
commerciales,’
il
a
été
décrété
que
toute
compagnie
d’assurance
acceptant
des
risques
et
faisant
des
affaires
d’assurance,
en
cette
province,
paierait
annuellement,
pour
une
seule
branche
d’affaires,
une
somme
de
$400,
pour
toute
branche
additionnelle
d’affaires,
une
somme
de
$50,
et
pour
chaque
bureau,
à
Montréal
ou
à
Québec,
une
somme
de
$100;
et
que
ces
diverses
somes
seraient
payables
le
1er
jour
juridique
de
juillet
chaque
année,
à
à
l’Inspecteur
des
Licences
du
district
de
revenu
où
la
compagnie
aurait
son
bureau
;
‘‘Attendu
que
la
défenderesse
est
une
compagnie
d’assurance
ayant
un
bureau
en
la
cité
de
Montréal,
et
qu’elle
y
fait
des
affaires
sur
la
vie
et
contre
le
feu;
en
sorte
qu’elle
est
passible
des
diverses
sommes
sus-mentionnées
s’élevant
à
la
somme
totale
de
$550,
que
le
demandeur
ès
qualité
lui
réclame
comme
étant
due
et
payable
depuis
le
3
juillet
1882
;
"Attendu
que
la
défenderesse
plaide
à
cette
demande
par
deux
exceptions,
disant:
lo.
Que
la
loi
invoquée
n’a
aucune
existence
légale,
attendu
qu’elle
a
été
irrégulièrement
passée
au
nom
de
Sa
Majesté
qui
ne
fait
pas
partie
de
la
législature
provinciale
et
n’a
aucun
pouvoir
législatif
en
cette
province.
20.
Que
si
cette
loi
a
une
existence
quelconque
elle
est
dans
tous
les
cas
inconstitutionnelle
et
ne
peut
affecter
la
defén-
deresse.
(a)
Parceque
cette
compagnie
n’a
pas
été
créée
par
la
législature
provinciale,
et
qu’elle
est
duement
licenciée
par
le
pouvoir
fédéral,
pour
exercer
ses
droits;
(e)
Parceque
la
taxe
réclamée
n’est
pas
une
taxe
directe;
(i)
Parceque
cette
taxe
n’est
imposée
que
sur
certaines
classes
de
la
population;
qu’elle
ne
frappe
que
les
corporations
commerciales
et
non
les
biens;
et
qu’elle
ne
tombe
dans
aucune
des
catégories
d’impôts
que
la
législature
a
le
droit
de
décréter
;
(o)
Parceque
cette
taxe
constitue
une
réglementation
du
commerce
;
(u)
Enfin
parceque
cette
taxe
est
de
la
nature
d’une
licence.
""Considérant
que
Sa
Majesté,
personnification
de
l’autorité
souveraine
dans
toutes
les
provinces
de
l’Empire,
fait
essentiellement
partie
des
diverses
législatures
créées
pour
le
gouvernement
particulier
de
ces
provinces
et
que
les
lieutenant-gouverneurs
n’y
sont
que
ses
représentants
;
"Considérant
en
conséquence
que
la
loi
invoquée
a
été
valablement
passée
au
nom
de
Sa
Majesté;
"Considérant
que
toute
personne
ou
corporation
privée,
jouissant
de
droits
quelconques
dans
les
limites
da
la
province,
y
est
nécessairement
soumise
au
contrôle
de
la
législature
de
cette
province
et
aux
obligations
qu’elle
peut
imposer
pour
la
contribution
de
chacun
aux
charges
publiques;
et
qu’aucune
licence
du
pouvoir
fédéral
ne
saurait
soustraire
la
défenderesse
à
ces
obligations
;
4
"
Considérant
que
la
taxe
réclamée
frappe
les
corporations
imposées
directement,
et
sans
intermédiaire
entre
elles
et
le
fisc,
ce
qui
est
le
caractère
essentiel
et
principal
de
l’impôt
direct
;
"‘Considérant
que
la
répartition
de
l’impôt
sur
les
diverses
classes
de
citoyens
ne
saurait
être
mise
en
question
devant
les
tribunaux,
la
législature
étant
seule
juge
de
l’opportunité
de
la
répartition
par
elle
adoptée;
‘Considérant
que
rien
dans
l’acte
constitutionnel
de
1867
n’enlève
aux
législatures
provinciales
le
pouvoir
de
taxer
les
corporations
commerciales
ou
autres,
et
que
la
taxe
imposée
dans
l’espèce,
qui
est
de
la
nature
d’un
droit
de
patente
exigé
à
raison
de
l’exercice
d’une
profession
ou
d’un
négoce,
est
essentiellement
dans
les
attributions
de
l’autorité
législative
provinciale
;
Considérant
que
la
taxe
réclamée
ne
constitue
pas
une
réglementation
du
commerce
dans
le
sens
de
l’art.
91
du
statut
impérial
de
1867
:
"Considérant
en
conséquence
que
les
exceptions
et
défenses
de
la
défenderesse
sont
mal
fondées
;
"Les
renvoie
et
condamne
la
dite
défenderesse
à
payer
au
demandeur
ès
qualité
la
dite
somme
de
$550
courant
avec
intérêt
du
3
juillet
1882,
et
les
dépens
distraits,”
etc.
Judgment
for
the
plaintiff.