DUMOULIN, J.:—Cette cause fut entendue à Montréal le 24 mai 1956.
L’appelant interjette appel d’une décision de la Commission d’appel de l’impôt sur le revenu, rendue le 19 janvier 1951, 3 Tax A.B.C. 333, qui maintenait l’imposition sur ses revenus taxables pour l’année 1948, d’une somme de $509.31.
En 1948, M. Francois-Albert Angers avait à sa charge quatre (4) enfants dont les ages s’échelonnaient de 11 à 2 ans.
“Volontairement, et par respect de ses principes, écrit l’appelant à l’article 2 de l’avis d’appel (Les Faits), il omit d’inscrire ou enregistrer ses quatre enfants . . . sous le régime de la Loi de 1944 sur les allocations familiales et aucune allocation familiale n’a jamais, été réclamée ou perçue de leur chef . . .”?
A l’article 3, nous lisons que ‘‘dans la déclaration de son revenu imposable pour l’année 1948, aux fins de la Loi de l’impôt de guerre sur le revenu, 1 appelant déduisit la somme de $1,200 correspondant dans l'espèce à à l’exemption statutaire de $300 pour chaque enfant âgé de moins de 18 ans et entièrement à la charge du ontribuable: et sur cette base il établit et paya son impôt pour ladite année en la somme de $349.31.”
Il s’ensuivit des tractations entre M. Angers et le département qui, finalement, fixa à $509.31 l’impôt dû pour l’année 1948, avec supplément de $167.34 à titre d’intérêts et de pénalité.
Lors de l’audition, l’appelant a déclaré que le motif de sa contestation en était un d ordre moral bien plus que d’ordre pratique.
Cette contestation peut se diviser comme ci-après :
1—En ma qualité de chef de famille, soutient l'appelant, je refuse les prestations mensuelles prévues par la Loi de 1944 sur les allocations familiales, la tenant pour attentatoire aux attributions législatives des provinces en matière de droits civils et de puissance paternelle ; ;
2— Je réclame, par ailleurs, l’exemption de $300 que la Loi de l’impôt de guerre sur le revenu accorde—en certains cas— pour chacun des enfants à charge;
3— Enfin, je tiens pour invalide la partie amendée de l’article 5 de la loi précitée limitant l’exemption à $100 “si l’enfant . . . était qualifié aux fins des allocations familiales”, parce que pareille restriction rendrait coercitive la mesure permissive des allocations familiales.
D’où ces conclusions :
‘Que la loi de 1944 sur les allocations familiales est ultra vires du Parlement fédéral, inconstitutionnelle et nulle ;
Et, tout particulièrement, que les dispositions contenues dans les articles 2(1) (a) et 5(1) (d) de la Loi de l’impôt de guerre sur le revenu ayant pour effet de pénaliser, en réduisant l’exemption normale, le contribuable dont l’enfant âgé de moins de 16 ans et à sa charge n’est pas inscrit sous le régime de la Loi des allocations familiales, sont irrégulières, inconstitutionnelles et nulles. ’ ’
L’étude à faire se scinde done en deux parties, portant sur :
(A) La légalité de la Loi des allocations familiales en ses textes applicables à l’espèce, ceux du statut fédéral de 1944-45 (8-9 Geo. VI, c. 40) et de l’amendement apporté en 1946 (10 Geo. VI, c. 50) ;
(B) La légalité des dispositions fiscales contenues dans les articles 2(1)(a) et 5(1)(d) de la Loi de l’impôt de guerre sur le revenu (S.R.C. 1927, c. 97 et les amendements applicables 2‘1 l’année d’imposition 1948, ceux, notamment, apportés en 1947 par le statut 11 Geo. VI, c. 63).
(A) LA LOI DES ALLOCATION FAMILIALES
Citons dès maintenant les principales dispositions que l’appelant argue d’illégalité.
S.R.C. 1944-45, 8-9 Geo. VI, c. 40
“3. A compter du premier jour de juillet mil neuf cent quarante-cing et sous réserve des dispositions de la présente loi et des règlements d’exécution, il peut être versé . . . à l’égard de chaque enfant résidant au Canada et entretenu par un parent, l’allocation mensuelle suivante (cédule des prestations).”
Quant 2‘1 la définition de l’expression “parent”, nous la lisons au sous-paragraphe (f) de l’article 2:
“ (f) ‘parent’ désigne un père, un beau-père (stepfather), un
père adoptif, un père nourricier, une mère, une belle- mère (stepmother), une mère adoptive, une mère nourricière ou toute autre personne qui entretient un enfant ou en a la garde, mais ne comprend pas une institution.
4. L’allocation n’est payable qu’après l’enregistrement de l’enfant ; . . . elle doit être versée 2‘1 une parent en conformité des règlements (édictés par le gouverneur en conseil conformément 2‘1 la présente loi: 2-h), ou à l’autre personne autorisée à la recevoir sous le régime ou en vertu des règlements.
5. La personne qui reçoit l’allocation doit l’affecter exclusivement 2‘1 l’entretien, au soin, 2‘1 la formation, 2‘1 l’instruction et 2‘1 l’avancement de l’enfant, et, si le Ministre, ou le fonctionnaire que les règlements autorisent à cet égard, est convaincu que l’allocation n’est pas ainsi affectée, le versement en doit être discontinué ou fait à quelque autre personne ou organisme. ’ ’
S.R.C. 1946, 10 Geo. VI, c. 50
°4. (2)(a) L’allocation cesse d’être payable si l’enfant ne fréquente pas assidûment l’école selon les prescriptions des lois de la province où il réside, on ne reçoit pas la formation qui, de l’avis de l’autorité compétente en matière d’enseignement désignée par cette province . . . constitue une formation équi- valente à celle qu’il recevrait s’il fréquentait l’école ; toutefois, lorsque l’autorité compétente de la province en matière d’enseignement ne fournit pas les renseignements qui peuvent être demandés sur la fréquentation scolaire ou la formation équivalente, le gouverneur en conseil peut prescrire la manière d’obtenir lesdits renseignements.”
Les griefs de l’appelant à l’égard de ces dispositions législatives sont résumés à l’article 6 de l’avis d’appel; je pense qu’il suffira de reproduire ce raccourci pour en donner une idée juste :
‘ 66. En somme, fait-il, la Loi des allocations familiales tend à établir la fréquentation scolaire obligatoire, jusqu’à l’âge de 16 ans [4(2) (c) de 1946, c. 50]; s’assure la direction, ou du moins depuis 1946 la surveillance, de la formation des enfants qui ne fréquentent pas l’école; modifie les principes du droit civil relativement à la puissance paternelle, et transforme le droit familial de la province.”
Est-il besoin d’ajouter que la pièce précitée fait allusion au paragraphe 13 de l’article 92 de l’Acte de l’ Amérique Britannique du Nord, édictant le monopole législatif des provinces à l’endroit de la propriété et des droits civils, et l’article 93 qui confère aux états provinciaux une action exclusive en fait de législation éducationnelle.
Il arrive que l’ardeur des convictions projette des reflets qui imprécisent le sens coutumier des expressions, laissant pressentir des conséquences où la cause même fait défaut. Plus simplement, que de fois, et sans intention préconçue, n’impose-t-on pas aux vocables de tous les jours un langage qui leur est étranger! Et que de fois encore, ne prend-on pas pour établir précisément ce qu’il fallait démontrer. En plein Conseil d’Etat, Bonaparte reprochait aux juristes de faire témoigner les mots et non les faits.
Cette réserve dûment posée, recherchons premièrement si la Loi des allocations familiales, dans son essence, substantivement, est une mesure éducative.
A moins de nier à l’autorité centrale toute initiative sauf celles de taxer, d’administrer, d’assurer la défense du pays, il faut bien lui reconnaître, en thèse générale, la faculté d’affecter certaines sommes d’argent à des nécessités sociales, ‘‘relativement à toutes les matières ne tombant pas dans les catégories de sujets exclusivement assignés aux législatures des provinces’’, selon l’avertissement de la constitution.
À ce point, une question primordiale surgit: qu’est-ce qu’une loi scolaire? quels en doivent être les traits spécifiques et individualisants ?
Sans prétendre à une définition, laissons plutôt à l’expérience usuelle le soin de répondre. Serait une loi scolaire, celle qui, sur un territoire donné, tracerait les cadres organiques de l’instruction, arrêterait les qualifications du corps enseignant, désignerait les éléments du programme, graduerait l’ordre diversifié des études, déterminerait les attestations officielles : immatriculation, baccalauréat et les conditions de réussite, qui, enfin, décréterait l’âge et la nature de la fréquentation scolaire, telle, par exemple, la Loi de l’Instruction publique de la Province de Québec. Il importe ensuite de ne pas confondre la sanction d’une loi impérative (mandatory law) avec la condition d’une mesure facultative d’assistance (directory law), comme il en va de la Loi des allocations familiales. La première astreint sous peine de . .., la seconde offre pourvu que . . . Cette approximation, je l’ose croire, semble assez juste.
Le Parlement canadien, que rien n’oblige à ce faire, porte cependant une loi pour aider ‘‘à l’entretien, au soin, à la formation, à l’instruction et à l’avancement de l’enfant . . .” Rien de bien étrange à ce que l’autorité, qui dispensera mensuellement ces deniers publics, veuille le faire à bon escient, recherche un récipiendaire convenable, écartant les parents indignes ou imprévoyants, comme le sort veut qu’il s’en rencontre parfois. On n’attente point pour autant au droit familial; la puissance paternelle et l’indignité sont des réalités antinomiques, exclusives l’une de l’autre. Le législateur estime aussi que l’enfant de mois de 16 ans, sain de corps et d’esprit, qui n’irait pas à l’école, en serait un dont ‘‘le soin, la formation et l’avancement” accuseraient d’inquiétantes lacunes. Qui pourrait y contredire? Avons-nous ici une stipulation coercitive de scolarité obligatoire ou simple déclaration que la loi entend souscrire à la formation des adolescents quand formation sérieuse il y a.
Puis, quelle est l’école dont la fréquentation constituera, au regard de la loi, la norme d’appréciation d’une formation adéquate? Nous l’avons vu, ce sera l’école régie ‘‘selon les prescription des lois de la province où l’enfant réside.’’. Est-ce là porter atteinte à l’autorité exclusive des provinces en matières scolaires ? ou, plutôt, ne serait-ce point la reconnaissance explicite et tangible de cette unicité législative ?
Advenant que l’enfant n’irait pas à l’école, le “parent” touchera quand même les allocations à une condition près. Quelle condition ? Que le “moins de seize ans’’ reçoive, par ailleurs, une formation qui “de l’avis de l’autorité compétente en matière d’enseignement désignée par cette province . . . constitue une formation équivalente à celle qu’il recevrait s’il fréquentait l’école . . .” [S.R.C. 1936, 10 Geo. VI, ce. 50, art. 4(2) (a)].
Notons bien la réitération presque redondante, emphatique en tout cas, que le régime des allocations familiales sera conditionné par l’absolue reconnaissance des prescriptions provinciales quant au degré d’assiduité à l’école où il faudra s’inscrire, à l’intégralité de fond et de forme de l’instruction dispensée, enfin, quant à la désignation du fonctionnaire compétent à décider, le cas échéant, de l’équivalence d’une éducation extra-scolaire.
L ‘article 4(2) (a) dit encore:
- . . toutefois, lorsque l’autorité compétente de la province en matière d’enseignement ne fournit pas les renseignements qui peuvent être demandés sur la fréquentation scolaire ou la formation équivalente, le gouverneur en conseil peut prescrire la manière d’obtenir lesdits renseignements.”
Quelles raisons “l’autorité provinciale compétente en matière d’enseignement” pourrait-elle avoir de taire ces informations au sujet de l’assiduité des enfants ou de ce qui constituerait une formation équivalente à l’enseignement régulier ? Aucune raison, assurément, au sujet de l’équivalence de l’instruction. Affaire de discrétion peut-être dans le cas de la présence à l’école, mais de solution facile.
Cependant, avec ou sans motif, le fonctionnaire provincial demeure libre comme l’air de fournir ou de refuser ces précisions. Donc aucune entreprise d’un pouvoir sur l’autre.
La seule sanction de communications défavorables entrainerait le tarissement des mensualités versées par le trésor fédéral, mais elle ne saurait influer sur les lois scolaires des provinces 111 sur les dispositions des parents.
Enfin, on formule ce reproche que
“‘ . . même après 1946 la loi fédérale n’en continue pas moins à confier au gouvernement fédéral la haute surveillance de la fréquentation scolaire et le droit d’apprécier la formation équivalente, en lui permettant d’intervenir directement à la place de l’autorité provinciale compétente, pour se renseigner et porter Jugement en matières purement éducationnelles.’’
Reprenons patiemment chacun des griefs articulés en fonction de l’ultime disposition incluse dans le paragraphe 2(a) de la loi de 1946 (10 Geo. VI, c. 50) et dont la teneur suit :
2.(a) . . . lorsque l’autorité compétente de la province en matière d’enseignement ne fournit pas les renseignements qui peuvent être demandés sur la fréquentation scolaire ou la formation équivalente, le gouverneur en conseil peut prescrire la manière d’obtenir lesdits renseignements.”
Or que peut-on ainsi prescrire, par suite du refus préalable de l’autorité provinciale à renseigner sur des faits de nature aussi peu secrète que les indices de fréquentation scolaire ou les programmes d’études? Rien d’autre chose, d’abord que de rechercher si tel enfant suit avec une suffisante assiduité l’école “selon les prescriptions des lois de la province où il réside”. Il semblerait que des précisions de pareil ordre soient objets de statistiques, accessibles au grand public comme aux institutions scientifiques américaines, l’Institut Rockefeller, entre autres, qui, nul ne l’ignore, proportionne ses subventions au nombre des inscriptions universitaires. On ne m’a pas fait voir que le gouvernement du Canada dût être sur un pied de défaveur à cet égard et moins bien traité que tel organisme du New Jersey ou du Michigan, ni que l’Institut Rockefeller exerçât pour autant “la haute surveillance de la fréquentation scolaire’’.
Et que faut-il entendre par “le droit d’apprécier la formation équivalente” sinon l’expression “droit”, en fonction de la loi attaquée, n’est assurément pas usitée selon son acception technique et signifie tout simplement cette libre faculté à qui veut en user de comparer entre eux les systèmes éducationnels des provinces.
Supposé que, dans l’opinion de ce problématique fonctionnaire fédéral, l’éducation extra-curriculum de l’enfant n’équivaille point à celle des écoles provinciales, quelle sanction appliquera- t-on? Voici la pierre de touche. Le gouvernement fédéral voudra- t-il insinuer, en tierce partie, entre le programme officiel de la province et le choix, médiocre ou mauvais, des parents, son propre système? La loi n’indique rien de tel; elle ne prévoit d’autre conséquence que l’interruption de l’aide mensuelle. Intéressé à la formation adéquate et saine des générations croissantes, le gouvernement du pays engage les chefs de famille à respecter les directives de l’autorité provinciale pour tout ce qui relève de la scolarité. Et s’il en va de la sorte, le gouvernement central se déclare prêt à aider pécuniairement, sinon l’aide, devenue inopérante, sera discontinuée. Une fois encore, le moyen de diagnostiquer en tout ceci une initiative d’ordre scolaire? Au surplus on n’a déféré à mon examen aucun fait attentatoire à l’autorité des parents ni à la répartition constitutionnelle des attributions législatives. Que, par la suite, des irrégularités ou certaines manoeuvres abusives, viennent à se produire, la chose reste possible. Les juges du temps en décideront. En ce qui me concerne, je ne puis préjuger l’avenir et, je le répète, aucun incident repréhensible ne me fut relaté en preuve.
A l’égard de cette première proposition, la conclusion sera que la Loi des allocations familiales, mesure de bienfaisance nationale, qui s’assimile aux exigences du bon gouvernement du Canada” (Acte de l’Amérique Britannique du Nord, art. 91), ne tend pas à établir la fréquentation scolaire obligataire, ne s’arroge point la surveillance ni la formation de l’enfance étudiante, et ne modifie, en aucune manière, les bases de la puissance paternelle ou le droit familial de la Province de Québec.
Joignez que ce premier point n’en était pas uniquement un de droit, mais requérait la corroboration d’incidences de fait. On n’attente pas à des principes fondamentaux comme ceux de la puissance paternelle, du droit familial; on ne modifie point le système scolaire de l’Etat, sans creuser pour autant des traces perceptibles. Or, aucune preuve ne fut tentée, nul exemple concret ne fut rapporté.
(B) LA LOI DE L’IMPOT DE GUERRE SUR LE REVENU
S.R.C., 1927, c. 97 et ses amendements applicables à l’année d’imposition 1948, notamment la loi 11 Geo. VI (1947), c. 63, articles 2(1) (a) et 5(1) (d).
En fonction de cette seconde proposition de droit, l’appelant demande :
“Subsidiairement, que toute disposition législative tendant à rendre ou ayant pour effet de rendre obligatoire l’application de la loi de 1944 sur les allocations familiales est ultra vires du Parlement fédéral, inconstitutionnelle et nulle.”
Cette conclusion s’étaye sur des prémisses dont l’inclusion partielle est nécessaire à la compréhension de l’argument.
L’on soumet que:
*‘8. . . . dans l’hypothèse que la Loi des allocations familiales, qui elle-même n’impose pas son application, serait considérée valide dans sa forme permissive, l’appelant soutient que l’intervention d’une autre loi fédérale pour la rendre obligatoire constitue une combinaison irrégulière et inconstitutionnelle.
. . . Aux termes de l’article 5(1) (d), en effet, le contribuable n’a droit qu’à une exemption de $100 par enfant dit ‘qualifié aux fins des allocations familiales’, alors que tout autre enfant âgé de moins de 18 ans et à sa charge lui donne droit à une exemption de $300.
10. Il résulte done de ces dispositions de la Loi de l’impôt de guerre sur le revenu que l’enfant âgé de moins de 16 ans qui n’est pas inscrit sous le régime de la Loi des allocations familiales et ne bénéficie pas d’allocations, tels les 4 enfants susnommés de l’appelant, est censé, contre toute vérité, avoir été ainsi inscrit et avoir bénéficié d’allocations. L’impôt sur le revenu, décrété par la loi fiscale, grève un revenu qui, de son propre aveu, n’existe pas. Et la perte d’exemption infligée au contribuable le pénalise d’avoir éludé une loi familiale qui ne l’obligeait pas.”
Reproduisons maintenant les textes de loi incriminés, savoir les articles 2(1) (a) et 5(1) (d) du Statut de 1947, 11 Geo. VI, chapitre 63.
“2. (a) l’expression ‘enfant qualifié aux fins des allocations familiales’ signifie un enfant qui, dans le dernier mois de l’année d’imposition à l’égard de laquelle s’applique l’expression, était qualifié ou aurait pu l’être par l’enregistrement sous le régime de la Loi de 1944 sur les allocations familiales, de sorte qu’une allocation en vertu de cette loi était ou aurait pu être payable à l’égard de ce mois ou du mois suivant.
5. (1)(d) pour chaque enfant ou petit-fils ou petite-fille du contribuable, lequel était, pendant l’année d’imposition, entièrement à la charge de ce dernier pour son soutien, et était
(i) âgé de moins de dix-huit ans,
[ce contribuable aura droit à une exemption de]
cent dollars si l’enfant ou le petit-fils ou la petite-fille était un enfant qualifié aux fins des allocations familiales et trois cents dollars si l’enfant ou le petit-fils ou la petite-fille n’était pas un tel enfant.’’
L’appelant, on le sait, a refusé les prestations mensuelles, déférant en cela à ses opinions, pour s’en tenir aux déductions statutaires de $300 par tête, consenties, dans les hypothèses prévues, aux contribuables dont les enfants ne sont plus ‘‘qualifiés aux fins des allocations familiales’’.
L’article 91 de la constitution de 1867 édicte que:
‘ ‘. . . l’autorité législative exclusive du Parlement du Canada l’étend à toutes les matières tombant dans les catégories de sujets ci-dessous énumérés . ..
3. Le prélèvement de deniers par tous modes ou systèmes de taxation.”
Ce rappel d’une disposition législative aussi généralement connue n’avait d’autre objet que de souligner l’autonomie absolue du Parlement canadien dans les mesures fiseales de son ressort.
Du reste cette souveraineté même ne fait, que je sache, l’objet d’aucune attaque; seul est incriminé le facteur subsidiaire et incident d’une exemption, $300, qui rendrait obligatoire l’acceptation de la. Loi des allocations familiales.
En tout ceci, il se glisse une part de confusion. Si le législateur, et l’avis contraire paraît insoutenable, est maître chez lui en l’occurrence, et qu’il faille le reconnaître pour seul arbitre de sa volonté, il importe non moins d’admettre comme de la plus intime essence de toute législation budgétaire le pouvoir de dresser, en regard des impôts, la cédule des dégrèvements appropriés. Raisonner autrement serait amputer cette prérogative d’un indispensable attribut. Pour tout dire, une loi générale de taxation serait-elle concevable ou élémentairement possible, sans ce complexe mécanisme de contrepoids que sont l’ensemble des déductions. Je ne puis me rallier à une opinion différente. Le Parlement du Canada, dans l’exercice de la responsabilité administrative, définit quelles seront les exemptions. La détaxe ressortit à son autorité au même titre que la taxe, avec une égale liberté de choix. Qui peut imposer peut aussi exempter. En pareil domaine une étanchéité absolue existe, déjouant toute interdépendance des lois, quels que soient, du reste, l’indice. l’assiette, la norme, de la détaxe. Le principe de causalité manquant, aucun pont ne relie une loi à l’autre.
Quand donc l’impôt de guerre sur le revenu, par référence littérale ou nominative à tel autre statut, gradue un prélèvement, diversement onéreux selon les éventualités, il ne modifie pour autant ou n’informe en rien ce statut, mais il agit dans les strictes limites de son évolution propre.
Je ne saurais accueillir pour fondée en droit l’allégation que les dispositions précitées de la Loi de l’impôt de guerre sur le revenu aient le sens et l’effet que l’avis d’appel leur suppose erronément.
Cet avis réfère à trois causes. Celle du Procureur général du Manitoba et du Procureur général du Canada, [1929] A.C. 267, 268, où le Conseil privé a déclaré inconstitutionnelle une loi à l’aide de laquelle cette province prétendait soumettre à l’autorisation préalable de la Commission des utilités publiques la vente de titres et valeurs par des compagnies possédant l’incorporation fédérale.
Celle ensuite qui, par voie de référence à la Cour suprême puis au Conseil privé, attaquait la validité de la Loi de l’assurance- chômage, avec le résultat que cet acte de lévislation fédérale fut infirmé, comme dérogeant à la prérogative provinciale en fait de propriété et de droits civils’’, [1937] A.C. 355, à 367.
La dernière référence traite encore d’un litige constitutionnel mû entre la Province de l’Alberta et le Procureur général du Canada, [1939] A.C. 117, à 130. L’Alberta fut empêchée de frapper de droits le commerce de banque, pareille faculté relevant de la législation fédérale seulement.
L’autorité des décisions rendues en dernière instance et, l’on me permettra de l’ajouter, mon intime conviction, font que j’adhère bien volontiers au principe énoncé en ces trois causes. En effet, il demeure interdit aux législatures fédérale ou provinciales de rechercher, par voies latérales, ce que la constitution soustrait à leur atteinte directe. Au surplus, ce n’était pas la innover. Mais avais-je une difficulté de cette nature à trancher, quant à savoir si le Loi des allocations familiales empiète ou pas sur l’initiative et le contrôle exclusif des provinces en matière d’éducation ?
Dans l’instance présente, l’examen des textes, l’analyse des faits, m’induisent à proclamer la constitutionnalité de la Loi des allocations familiales, celle aussi, et en tous ses articles, de la Loi de l’impôt de guerre sur le revenu, toutes deux de la compétence du Parlement canadien.
Par les motifs qui précèdent, l’appel est rejeté; l’intimé aura droit à tous ses honoraires taxables.
Jugement en conséquence.