FOURNIER,
J.:—Dans
cette
affaire,
il
s’agit
d’un
appel
d’une
décision
du
Ministre
du
Revenu
national
confirmant
une
cotisation
pour
fins
de
droits
successoreaux
par
laquelle
le
produit
total
d’une
police
d’assurance-dotation
émise
sur
la
vie
de
Lucien
Frégeau
fut
ajouté
à
sa
succession.
L’appelante
était
l’épouse
en
communauté
de
biens
de
l’assuré,
Lucien
Frégeau,
décédé
le
4
juin
1953,
aucun
contrat
de
mariage
n’ayant
été
passé
entre
eux.
Le
23
août
1945,
la
Compagnie
d’Assurance
“La
Laurentienne’’
émit
une
police
d’assurance-
dotation
sur
la
vie
de
l’assuré,
pour
un
montant
de
$30,000,
payable
à
lui-même
le
23
août
1969,
ou,
au
cas
de
décès
antérieur,
à
ses
exécuteurs
testamentaires,
administrateurs
ou
ayants
droit.
Le
30
décembre
1949,
l’assuré
fit
un
testament
sous
forme
authentique
par
lequel
il
léguait
tous
ses
biens
à
son
épouse,
y
compris
ses
assurances.
La
clause
du
dit
testament
qui
fait
la
base
du
présent
litige
se
lit
comme
suit
:
“Je
donne
et
lègue
tous
mes
biens
meubles
et
immeubles,
ainsi
que
mes
polices
d’assurance
sur
ma
vie,
à
mon
épouse
Yvette
Bernier,
laquelle
je
nomme
mon
exécutrice
testamentaire,
la
rendant
indépendente
de
tout
tuteur
qui
serait
nommé
à
mes
enfants.
’
’
La
succession
du
dit
Lucien
Frégeau
s’ouvrit
à
son
décès,
le
4
juin
1953.
Le
10
août
1953,
l’appelante,
à
titre
d’exécutrice
testamentaire,
fit
la
déclaration,
tel
qu’exigé
par
la
loi,
des
biens
laissés
par
son
époux,
entre
autres,
le
produit
de
la
police
d’assurance
de
la
Compagnie
d’Assurance
“La
Laurentienne”
au
montant
net
de
$26,658.52,
mois
la
moitié,
soit
$13,329.26,
sa
part
de
la
communauté,
et
ajouta
l’autre
moitié,
soit
$13,329.26
à
la
succession.
Les
droits
de
succession
furent
payés
sur
ce
dernier
montant.
Le
permis
de
disposer
fut
émis
par
le
département
et
la
Compagnie
paya
le
produit
total
de
la
police
à
l’appelante.
Subséquemment,
le
19
mars
1954,
le
département
fit
des
ajustements
d’évaluation
des
biens
de
la
succession
et
ajouta
a
la
succession,
entre
autres,
la
somme
de
$13,329.26,
que
l’appelante
avait
retenue
comme
sa
part
de
l’assurance
comprise
dans
la
communauté
de
biens,
et
réclama
les
droits
de
succession
sur
le
montant
total
du
produit
de
la
police
d’assurance.
Cette
cotisation
fut
confirmée
par
l’intimé,
d’où
le
présent
appel.
Les
questions
à
déterminer
sont
de
savoir
si
dans
le
cas
de
communauté
légale
le
produit
d’une
police
d’assurance
sur
la
vie,
payable,
à
sa
face
même,
à
ses
exécuteurs,
administrateurs
ou
ayants
cause,
est
un
bien
de
communauté;
et,
dans
l’affirmative,
la
clause
testamentaire:
‘‘Je
donne
et
lègue
tous
mes
biens,
meubles
et
immeubles
ainsi
que
mes
polices
d’assurances
sur
ma
vie
à
mon
épouse
.
.
.’’
suffit-elle
à
faire
du
produit
de
l’assurance
qui
nous
intéresse
un
bien
spécifiquement
attribué
à
l’épouse
et
hors
communauté
?
La
réponse
à
ces
deux
questions
permettra
de
décider
si
le
total
ou
seulement
la
moitié
du
produit
de
la
police
d’assurance
est
imposable
en
vertu
des
termes
de
l’article
3(1)
(h)
de
la
Loi
fédérale
sur
les
droits
successoraux,
S.R.C.,
1952,
c.
89.
L’appelante
soumet
qu’une
police
d’assurance
sur
la
vie
d’un
époux
commun
en
biens
dont
les
primes
sont
payées
par
la
communauté
et
dont
le
produit
est
payable
à
l’assuré
lui-même
à
une
date
déterminée
ou
à
ses
exécuteurs
testamentaires,
administrateurs
ou
ayants
cause
au
cas
de
décès
antérieur
à
cette
époque,
est
un
contrat
d’assurance
régi
par
les
articles
2585
et
suivants
du
Code
Civil
et
constitue
une
créance
qui
est
“bien
de
communauté”.
Cette
police
ne
peut
devenir
une
assurance
sur
la
vie
des
maris
et
des
parents
tant
et
aussi
longtemps
que
les
formalités
prescrites
par
cette
loi
concernant
l’application
de
la
police
n’auront
pas
été
remplies.
Dans
le
présent
cas
ces
formalités
n’ont
pas
été
observées.
Au
décès
de
l’assuré,
le
produit
de
l’assurance
était
un
‘‘bien
de
communauté”
et
l’épouse
en
sa
qualité
de
commune
en
biens
avait
droit
à
la
moitié
du
produit
et
comme
légataire
universelle
elle
héritait
de
l’autre
moitié.
Par
conséquent,
les
droits
successoraux
n’étaient
imposables
que
sur
la
partie
lui
revenant
à
titre
de
légataire
universelle.
L’intimé
soumet
que
Lucien
Frégeau,
époux
commun
en
biens,
pouvait
ou
assurer
sa
vie
au
profit
et
au
bénéfice
de
son
épouse
ou
étant
le
détenteur
d’une
police
d’assurance
régie
par
les
dispositions
du
Code
Civil,
il
pouvait
l’attribuer
à
son
épouse
par
testament.
Cette
application
de
la
police
la
faisait
tomber
sous
l’empire
de
la
Loi
de
l’assurance
sur
la
vie
des
maris
et
des
parents.
Le
produit
ainsi
attribué
n’était
pas
censé
provenir
de
la
communauté
de
biens
qui
avait
existée
entre
les
époux
et
n’était
non
plus
censé
provenir
de
la
succession
de
l’assuré
aux
termes
de
l’article
31
de
la
dite
loi.
Toutefois,
le
produit
de
cette
assurance
ainsi
exclu
de
la
communauté
et
de
la
succession
de
l’assuré
était
censé
faire
partie
de
sa
succession
et
imposable
pour
les
droits
de
succession
aux
termes
de
la
Loi
fédérale
sur
les
droit
successoraux.
Lucien
Frégeau
était,
de
fait,
détenteur
d’une
police
d’assurance
sur
sa
vie
émise
en
vertu
des
dispositions
du
Code
Civil
et
en
fit
subséquemment
l’attribution
à
son
épouse
par
son
testament,
avec
le
résultat
que
le
produit
en
devint
‘‘bien
hors
communauté’’
et
imposable
pour
droits
de
succession.
La
réponse
à
la
première
question
ne
me
semble
pas
présenter
de
grandes
difficultés.
La
police
d’assurance
émise
sur
la
vie
de
Lucien
Frégeau,
marié
sous
le
régime
de
la
communauté
de
biens,
l’a
été
en
vertu
des
articles
2585
et
suivants
du
Code
Civil.
Le
montant
en
était
payable
à
l’assuré
à
une
époque
déterminée,
et,
au
cas
de
son
décès
antérieur
à
la
date
fixée,
à
ses
exécuteurs,
administrateurs
ou
ayants
droit.
Pendant
l’existence
de
la
communauté,
le
mari
administre
seul
les
biens
de
la
communauté:
art.
1292
c.c.
Tous
les
contrats
faits
par
le
mari
qui
affectent
les
biens
de
la
communauté
sont
faits
pour
le
bénéfice
de
la
communauté.
C’est
pendant
la
communauté
que
Lucien
Frégeau,
avec
les
biens
de
la
communauté,
a
passé
un
contrat
d’assurance
sur
sa
vie
à
son
bénéfice
et
au
bénéfice
de
ses
exécuteurs,
etc.
Après
l’exécution
du
contrat
et
par
le
paiement
des
primes
avec
les
biens
communs,
il
devint
acquéreur
d’une
créance
conditionnelle
de
$30,000.
La
somme
stipulée
était
d’abord
payable
à
lui-même
et
ensuite
à
ses
exécuteurs,
etc.,
s’il
décédait
avant
une
époque
déterminée.
Je
n’ai
aucun
doute
que
cette
créance
était
4
‘bien
de
la
communauté”:
article
2589
c.c.
S’il
avait
vécu
à
l’époque
déterminée
la
somme
stipulée
lui
aurait
été
versée,
il
l’aurait
reçue
comme
époux
commun
en
biens
et
le
montant
serait
devenu
‘‘biens
de
la
communauté”.
L’actif
de
la
communauté
se
compose,
entre
autres,
des
biens
mobiliers
que
les
époux
possèdent
le
jour
de
la
célébration
du
mariage
et
aussi
de
tout
le
mobilier
qu’ils
acquièrent
ou
qui
leur
échoit
pendant
le
mariage:
article
1272
c.c.
L’assuré
avait
une
créance,
‘‘bien
de
la
communauté’’,
dont
l’exigibilité
était
soumise
à
une
condition:
sa
survie
à
une
époque
fixe
ou
son
décès.
Je
suis
d’opinion
que
dans
le
présent
cas
le
capital
de
la
police
d’assurance
sur
la
vie
de
Lucien
Frégeau,
époux
commun
en
biens
de
l’appelante,
payable
à
lui-même,
sous
une
certain
condition,
ou
à
ses
exécuteurs
testamentaires,
etc.,
à
son
décès,
est
une
créance
qui
fait
partie
des
biens
de
la
communauté.
Quelques
decisions
à
cet
effet
ont
été
citées
à
la
Cour.
Dans
la
cause
de
Lob
elle
et
Dame
Emma
Barbeau
(1888),
20
R.L.
607,
la
Cour
supérieure
(confirmée
par
la
Cour
d’Appel)
a
Jugé
:
“Que
le
capital
d’une
police
d’assurance
sur
la
vie
de
l’un
des
époux
mariés
en
communauté
de
biens,
payable,
à
son
décès,
à
ses
exécuteurs,
administrateurs
ou
ayants
cause,
tombe
dans
la
communauté
de
biens,
et
doit
être
partagé
également
entre
le
survivant
et
les
héritiers
de
l’époux
prédécédé.”
Dans
la
cause
de
Scott
v.
Sun
Life
Assurance
Co.
of
Canada
et
Dame
de
Liska
Bourassa
(1932),
38
R.
de
J.
18,
l’honorable
juge
Greenshields
exprima
la
même
opinion
(p.
19)
:
“Thomas
Scott
was
insured
in
the
Company
defendant,
for
the
sum
of
$5,000.
By
the
terms
of
the
policy
itself,
it
was
payable
to
his
legal
heirs.
While
the
policy
was
in
force,
he
made
his
last
will
and
testament,
by
which
he
made
special
legacies,
first
to
his
wife,
secondly
to
his
son,
the
plaintiff,
he
constituting
his
five
children
his
universal
the
sum
of
$2,500,
to
which
he
added
the
sum
of
residuary
legatees.
He
was
married
under
‘le
régime
de
la
communauté
de
biens’.
His
widow
claimed
and
demanded
payment
of
one-half
of
the
amount
of
the
insurance,
viz.,
$2,500,
basing
her
claim
upon
the
statement,
that
the
insurance
forms
part
of
the
assets
of
the
community
which
existed
between
herself
and
her
deceased
husband.
The
plaintiff
had
claimed
the
whole
amount
of
the
policy
on
the
ground
that
it
was
comprised
in
the
insured’s
succession.”
Plus
loin,
le
savant
juge
ajoute
(p.
32):
‘Upon
the
whole
I
have
reached
the
conclusion
that
this
policy
fell
into
the
community
existing
between
the
deceased
and
his
widow.
.
.
.77
Ayant
décidé
que
la
police
d’assurance
qui
nous
intéresse
était
une
créance,
un
bien
mobilier
de
la
communauté,
il
est
logique
de
conclure
qu’elle
devait
demeurer
telle
tant
et
aussi
longtemps
que
l’assuré
n’en
aurait
pas
fait
l’attribution
ou
application.
D’où
le
deuxième
problème
à
résoudre,
à
savoir,
si
le
testament
constitue
une
attribution
du
produit
de
la
police
suffisante
pour
la
sortir
du
patrimoine
de
la
communauté
et
en
faire
une
police
payable
à
l’épouse
aux
termes
du
chapitre
301
des
Statuts
Refondus
de
la
Province
de
Quebec,
1941
(Loi
concernant
l’assurance
sur
la
vie
des
maris
et
des
parents).
Les
parties
admettent
que
la
police
telle
qu’émise
était
régie
par
les
articles
du
code
civil
relatifs
à
l’assurance
sur
la
vie
en
général.
L’article
2591
se
lit
comme
suit:
“Art.
2591.
Une
police
d’assurance
sur
la
vie
ou
la
santé
peut
passer
par
cession,
testament
ou
succession
a
toute
personne
quelconque,
soit
qu’elle
ait
ou
non
un
intérêt
susceptible
d’assurance
dans
la
vie
de
la
personne
assurée.”
11
n’y
a
pas
de
doute
que
l’assuré
pouvait
passer
ou
transmettre
par
testament
le
produit
ou
l’intérêt
qu’il
avait
dans
cette
police.
Mais
là
n’est
pas
le
débat.
Il
est
évident
que
le
testament
est
valide
et
que
l’épouse
a
légalement
reçu
le
produit
de
la
police.
La
question
est
ed
savoir
si
le
testament
a
eu
pour
effet
de
changer
la
nature
de
la
police
et
d’en
faire
une
police
tombant
sous
la
Loi
concernant
l’assurance
sur
la
vie
des
maris
et
des
parents.
Avant
de
considérer
les
dispositions
de
cette
loi,
il
est
bon
de
noter
qu'elle
fait
exception
à
la
loi
générale.
Le
Code
Civil,
à
l’article
1265,
dit:
“Art.
1265.
Après
le
mariage,
il
ne
peut
être
fait
aux
conventions
matrimoniales
contenues
au
contrat,
aucun
changement.
.
.
.”
Toutefois,
le
législateur,
le
10
juillet
1878,
a
ajouté
un
second
alinéa
à
cet
article.
Il
se
lit
ainsi:
“Les
époux
ne
peuvent
non
plus
s’avantager
entre
vifs
si
ce
n’est
pas
conformément
aux
dispositions
de
la
loi
qui
permettent
au
mari,
sous
certaines
restrictions
et
conditions,
d’assurer
sa
vie
pour
le
bénéfice
de
la
femme
et
de
ses
enfants.”
Ceci
veut
dire
qu’un
époux
peut
avantager
entre
vifs
son
épouse
en
assurant
sa
vie
pour
le
bénéfice
de
cette
dernière,
s’il
se
conforme
aux
dispositions
d’une
loi
spéciale
qui
contient
certaines
restrictions
et
conditions.
Cette
loi
est
celle
de
l’assurance
des
maris
et
des
parents
(S.R.Q.,
1941,
chap.
301)
qui
a
été
passée
et
promulgée
en
vertu
du
dit
alinéa.
Elle
ne
s’applique
qu’aux
assurances
visées
par
l’article
3
de
la
loi.
Comme
il
ne
s’agit
dans
le
présent
cas
que
de
l’épouse,
je
ne
citerai
que
cette
partie
de
la
disposition
qui
est
pertinente.
“3.
Un
mari
peut
assurer
sa
vie
ou
attribuer,
s’il
en
est
le
détenteur,
toute
police
d’assurance
sur
sa
vie
au
profit
et
au
bénéfice—
De
sa
femme;
.
.
.”
La
police
émise
sur
la
vie
de
l’assuré
n’était
pas
une
assurance
au
profit
et
au
bénéfice
de
sa
femme
ou
d’autres
personnes
mentionnées
à
l’article
3
précité,
puisque
le
produit
en
était
payable
à
ses
exécuteurs
et
ayants
cause
à
son
décès.
Pour
tomber
sous
l’empire
de
cette
loi
spéciale
et
de
droit
strict,
il
fallait
que
l’assuré
en
fit
l’application
ou
l’attribution
spécifique
prévue
à
l’article
3.
Cette
attribution
spécifique
se
fait
suivant
les
dispositions
de
l’article
6.
“6.
L’application
de
la
police
d’assurance
mentionnée
dans
l’article
3
se
fait
au
moyen
d’une
déclaration
écrite
au
dos
de
la
police
ou
y
annexée
et
s’y
référant.
Un
double
de
la
déclaration
est
déposé
entre
les
mains
de
la
compagnie
qui
a
émis
la
police,
et
une
note
de
ce
dépôt
est
endossée
par
cette
compagnie
sur
la
police
ou
sur
la
déclaration.”
Cet
article
est
bien
explicite
et
Je
ne
crois
pas
faire
erreur
en
l’interprétant
comme
voulant
dire
qu’un
assuré
qui
est
détenteur
d’une
police
d’assurance
dont
l’application
n’est
pas
spécifiquement
attribuée,
comme,
par
exemple,
‘‘payable
à
ses
exécuteurs,
etc.”
peut
attribuer
une
telle
police
à
son
épouse
ou
à
ses
enfants
en
se
conformant
aux
dispositions
de
cet
article,
s’il
désire
la
convertir
en
une
police
régie
par
la
Loi
concernant
l’assurance
sur
la
vie
des
maris
et
des
parents.
Les
mots
‘‘sous
certaines
restrictions
et
conditions’’
mentionnés
au
second
alinéa
de
l’article
1265
c.c.
avaient
en
vue
des
conditions
similaires
à
celles
de
l’article
6.
Même
en
admettant
que
l’article
6
a
été
incorporé
pour
le
bénéfice
de
l’assureur,
cela
n’exclurait
pas
le
fait
que
c’est
le
seul
mode
indiqué
dans
la
loi
permettant
de
faire
l’attribution
ou
l’application
de
la
police
à
l’épouse
et
aux
enfants,
si
l’assuré
désire
la
faire
tomber
sous
l’effet
de
cette
loi
spéciale.
Pour
bénéficier
des
dispositions
d’une
loi
spéciale,
tout
comme
d’une
loi
fiscale,
il
faut
établir
clairement
que
celui
qui
en
réclame
le
bénéfice
rencontre
toutes
les
exigences
de
cette
loi.
Il
a
été
soumis
que
l’application
ou
attribution
de
la
police
pouvait
se
faire
par
testament
et
l’on
a
référé
la
Cour
aux
articles
12
et
13
de
la
Loi
se
rapportant
à
la
révocation
du
bénéfice
conféré.
L’article
12
vise
une
police
émise
ou
attribuée
suivant
les
dispositions
d’une
loi
spéciale.
La
loi
envisage
le
cas
où
un
assuré
a
favorisé
ainsi
sa
femme
ou
ses
enfants,
c’est-à-dire
qui
a
déjà
désigné
spécifiquement
sa
femme
lors
de
l’émission
ou
l’attribution
de
la
police;
il
lui
est
loisible,
non
pas
de
changer
la
nature
de
la
police
ou
de
la
soustraire
aux
dispositions
de
la
loi
spéciale,
mais
de
révoquer
en
tout
temps
le
ou
les
bénéficiaires
nommément
désignés
et
d’en
désigner
d’autres,
choisis
parmi
les
personnes
mentionnées
à
l’article
3.
Cette
révocation
peut
se
faire
par
la
même
procédure
que
l’attribution
ou
par
testament.
Si
la
révocation
se
fait
par
testament,
il
faut
qu’il
y
ait
déjà
des
bénéficiaires
;
il
est
impossible
de
révoquer
un
bénéfice
qui
n
’a
pas
été
appliqué
ou
attribué
à
une
ou
des
personnes
désignées,
mais
simplement
aux
exécuteurs,
etc.
Il
est
indubitable
qu’une
police
d’assurance
sur
la
vie
peut
passer
par
cession,
testament
ou
succession,
mais
il
faut
que
la
transmission
se
fasse
suivant
les
lois
qui
s’appliquent
aux
cessions,
testaments
et
successions.
Je
crois
qu’il
ne
faut
pas
perdre
de
vue
le
fait
que
la
police
d’assurance
qui
nous
occupe
avait
été
émise
sous
l’empire
des
dispositions
du
Code
Civil.
C’était
uve
police
émise
sur
la
vie
d’un
époux
commun
en
biens,
dont
les
primes
étaient
payées
par
la
communauté
et
constituaient
un
bien
de
la
communauté.
Le
testament
est
un
document
qui
n’a
d’effet
qu’après
la
mort
du
testateur.
Si
le
mari
a
l’administration
des
biens
de
la
communauté
pendant
sa
vie
et
des
pouvoirs
quasi
illimités
de
disposition
pendant
que
la
communauté
existe,
à
son
décès
ces
biens
sont
divisés
en
parts
égales
et
l’épouse
a
droit
à
sa
part.
44
Art.
1293.
L’un
des
époux
ne
peut,
au
préjudice
de
l’autre,
léguer
plus
que
sa
part
dans
la
communauté.”
J’en
suis
venu
à
la
conclusion
qu’en
absence
des
formalités
requises
par
la
Loi
des
maris
et
des
parents
une
police
d’assurance
sur
la
vie
d’un
époux
marié
en
communauté
de
biens,
payable,
à
sa
face
même,
aux
exécuteurs,
est
un
bien
de
communauté
régi
par
les
articles
2589
et
suivants
du
Code
Civil
et
que
le
legs
de
cette
assurance
au
conjoint
survivant
n’affecte
que
la
moitié
du
produit
de
la
police
en
question,
dont
l’époux
pouvait
disposer
par
testament.
L’autre
moitié
appartenait
au
conjoint
survivant
en
vertu
de
la
communauté
de
biens.
Dans
le
présent
cas
l’épouse
a
touché
la
partie
du
produit
de
l'assurance
qui
est
tombé
dans
la
succession
de
l’assuré,
non
à
titre
de
bénéficiaire
désignée
de
la
police
mais
en
sa
qualité
de
légataire
universelle
de
l’assuré.
Dans
la
cause
de
Labelle
et
al.
et
Dame
Barbeau
(ubi
supra),
il
a
été
jugé
que
‘‘lorsque
l’assuré
était
commun
en
biens,
en
l’absence
de
désignation
de
bénéficiaire
de
la
police
d’assurance
la
moitié
seulement
du
produit
de
cette
police
est
comprise
dans
la
succession.”
Dans
la
cause
de
Scott
v.
Sun
Life
Assurance
Co.
of
Canada
et
Dame
de
Liska
Bourassa
(ubi
supra),
le
juge
Greenshields
a
jugé
44
qu’une
police
d’assurance
payable
aux
héritiers
légaux
et
non
attribuée
par
un
mari
suivant
l’article
3
de
la
Loi
concernant
l’assurance
sur
la
vie
des
maris
et
des
parents
n’est
pas
une
police
au
sens
de
cette
loi
et
que
le
fait
par
un
assuré
de
laisser
par
son
testament
ses
enfants
comme
légataires
universels
n’est
pas
une
attribution
suivant
la
vraie
interprétation
de
la
loi.”
Sur
ce
point
le
jugement
rendu
par
l’honorable
juge
Green-
shields
a
été
confirmé
par
la
Cour
d’Appel.
Ce
jugement
est
contraire
à
une
décision
antérieure
rendue
en
1901
par
le
juge
Langelier
dans
la
cause
de
Dame
Henriette
Hardy
v.
Patrick
Shannon
ès
quai,
et
al.
(1901),
19
R.C.S.
325.
Le
jugé
se
lit
comme
suit
(p.
325)
:
“1.
L’assignation
d’une
police
d’assurance
sous
les
articles
5581
et
5584
S.R.P.Q.,
peut
être
faite
par
testament.
2.
Il
n
’est
pas
nécessaire,
à
peine
de
nullité,
que
le
testament
soit
annexé
à
la
police;
il
suffit
qu’il
indique
d’une
manière
incontestable.”
Subséquemment
les
tribunaux
ont
décidé
que
les
dispositions
de
cette
loi
spéciale
sont
impératives
et
que
les
règlements
d’une
société
de
secours
mutuels
ne
peuvent
prévaloir
sur
la
loi.
Vide
:
Blondin
et
al.
v.
Supreme
Council
of
the
Royal
Arcanum
et
al.
(1937),
4
Ins.
Law
Rep.
389,
et
Dame
Rioux
et
al.
v.
La
Société
des
Artisans
Canadiens-Français
(1939),
6
Ins.
Law
Rep.
204.
L’intimé,
par
ses
procureurs,
a
référé
la
Cour
à
la
cause
de
I
sa'z'e
Adam,
appelant,
et
Dame
Marie-Blanche
Ouellette,
Intimée,
et
Metropolitan
Life
Insurance,
mise-en-cause,
[1947]
S.C.R.
283.
Les
faits
dans
cette
cause
étaient
les
suivants.
La
Metropolitan
Life,
en
1914,
a
émis
une
police
d’assurance
à
la
demande
conjointe
de
l’appelant
et
de
son
fils
Ovila
Adam.
Aux
termes
mêmes
de
la
police
il
est
mentionné
que
le
fils
est
l’assuré
et
que
le
père
sera
bénéficiaire
dans
le
cas
de
survie.
L’une
des
clauses
les
plus
importantes
de
cette
police
est
à
l’effet
que
le
fils,
avec
le
consentement
du
père,
s’est
réservé
le
droit
de
changer
de
bénéficiaire
à
son
gré
et
de
déterminer,
par
conséquent,
toute
autre
personne
de
son
choix
comme
devant
recevoir
à
sa
mort
le
produit
de
la
police.
Les
conditions
relatives
au
changement
de
bénéficiaire
sont
les
suivantes
:
“Changement
de
bénéficiaire—Lorsqu’on
s’est
réservé
le
droit
de
révocation,
l’assuré
pourra,
pendant
que
la
police
est
en
vigueur,
s’il
n’a
été
fait
aucun
transfert
de
la
police
tel
que
stipulé
ci-après,
désigner
un
nouveau
bénéficiaire
avec
ou
sans
droit
réservé
de
révocation,
en
déposant
un
avis
par
écrit
au
bureau
central
de
la
Compagnie,
accompagné
da
la
police
pour
être
endossée
en
bonne
et
due
forme.
Un
tel
changement
prendra
effet
sur
l’endossement
dudit
avis
sur
la
police
par
la
Compagnie.
Si
un
bénéficiaire
quelconque,
sous
une
désignation
soit
révocable
ou
irrévocable,
meurt
avant
l’assuré,
l’intérêt
de
ce
bénéficiaire
reviendra
à
l’assuré.”
En
1940,
le
fils
est
décédé
après
avoir
fait
un
testament
léguant
tous
ses
biens,
y
compris
ses
assurances,
à
son
épouse,
dame
Ouellette.
Le
père
réclamait
le
produit
de
la
police
comme
bénéficiaire
aux
termes
de
la
police;
l’épouse,
à
titre
de
légataire
en
vertu
du
testament.
Il
s’agissait
de
savoir
si
le
père,
bénéficiaire
original,
pouvait
être
révoqué.
Le
bénéficiaire
et
l’assuré
avaient
tous
deux
con-
venu
que
la
révocation
pourrait
s’opérer
par
l’unique
volonté
du
fils.
La
Cour
suprême
a
décidé
que
la
révocation
du
bénéficiaire
et
la
désignation
d’un
nouveau
bénéficiaire
pouvaient
se
faire
par
testament.
Cette
police
était
régie
par
les
règles
générales
du
Code
Civil
relatives
aux
assurances
sur
la
vie
et
la
santé:
articles
2585
et
suivantes;
or
l’article
2591
autorise
un
assure
à
passer
(transmettre,
léguer)
ses
polices
d’assurance
à
toute
personne
quelconque.
Comme
le
père
avait
convenu
que
le
fils
pouvait
sans
son
consentement
révoquer
le
bénéfice
qu’il
lui
avait
conféré
et
le
léguer
à
une
autre
personne,
il
ne
peut
pas
soutenir
que
le
Code
Civil
n’a
pas
d’application
dans
ce
cas.
Parce
que
la
Cour
suprême
a
décidé
qu’un
assuré,
qui
avait
un
droit
de
révocation
du
bénéficiaire
d’une
police
d’assurance
basé
sur
l’assentiment
du
bénéficiaire
lui-même,
pouvait
par
son
testament
faire
la
révocation
et
le
legs
de
la
police
à
une
autre
personne,
faut-il
conclure
qu’il
est
permis
par
testament
de
la
changer
en
une
assurance
régie
par
les
dispositions
d’une
loi
spéciale
d’exception
et
de
droit
strict.
Cette
interprétation,
à
mon
avis,
ne
serait
pas
conforme
aux
principes
qui
s’appliquent
au
droit
statutaire.
Ici
il
s’agit
de
déterminer
si
un
testament
équivaut
à
une
déclaration
que
des
biens
appartenant
au
conjoint
survivant
d’une
communauté
de
biens
seront
hors
communauté.
J’ai
déjà
dit
et
Je
répète
que
je
ne
crois
pas
que
dans
le
présent
litige
le
testament
a
eu
pour
effet
de
changer
la
nature
du
contrat
et
d’enlever
à
l’épouse
son
droit
de
toucher
la
moitié
des
biens
communs
à
la
dissolution
de
la
communauté.
Dans
ce
cas,
la
police
ne
peut
être
considérée
comme
bien
hors
communauté
et
ne
fait
partie
de
la
succession
de
l’assuré
que
pour
le
quantum
de
l’intérêt
de
l’assuré
dans
la
police
et
ne
serait
pas
imposable
sur
le
produit
total
d’icelle.
Voyons
quels
sont
les
termes
de
cette
disposition
de
la
loi
(R.S.C.,
1952,
chap.
89).
“3.
(1)
A
‘succession’
shall
be
deemed
to
include
the
following
dispositions
of
property
and
the
beneficiary
and
the
deceased
shall
be
deemed
to
be
the
‘successor’
and
‘
predecessor’
respectively
in
relation
to
such
property
:
(h)
money
received
or
receivable
under
a
policy
of
insurance
effected
by
any
person
on
his
life,
or
effected
on
his
life
by
a
personal
corporation,
whether
or
not
such
insurance
is
payable
to
or
in
favour
of
a
preferred
beneficiary
within
the
meaning
of
any
statute
of
any
province
relating
to
insurance,
where
the
policy
is
wholly
kept
up
by
him
or
by
such
personal
corporation
for
the
benefit
of
any
existing
or
future
donee,
whether
nominee
or
assignee,
or
for
any
person
who
may
become
a
donee,
or
a
part
of
such
money
in
proportion
to
the
premiums
paid
by
him
or
by
such
personal
corporation,
where
the
policy
is
partially
kept
up
by
him
or
by
such
personal
corporation
for
such
benefit;”
Dans
la
cause
qui
nous
est
soumise
il
a
été
établi
que
le
testateur
a
assuré
sa
propre
vie.
Il
a
payé
les
primes
avec
les
biens
de
la
communauté,
qui
appartenaient
à
parts
égales
aux
époux.
Par
son
testament,
il
a
légué
ses
assurances
à
son
épouse.
La
disposition
devrait
être
interprétée
en
la
dépouillant
de
tout
ce
qui
est
étranger
au
problème
à
résoudre.
En
remplacant
les
mots
“personal
corporation”
par
les
mots
‘‘his
wife’’,
elle
pourrait
être
paraphrasée
comme
suit:
“Money
received
or
receivable
under
a
policy
effected
by
any
person
on
his
life,
or
a
part
of
such
money
in
proportion
to
the
premium
paid
by
him,
where
the
policy
is
partially
kept
up
by
him
and
another
person
for
the
benefit
of
any
person
who
may
become
a
donee
or
legatee
will
be
deemed
to
be
included
in
a
succession’.”
Je
comprendrais,
si
la
police
d’assurance
sous
considération
était
une
police
d’assurance
régie
par
le
chapitre
301
(Loi
d’assurance
sur
la
vie
des
maris
et
des
parents)
qui
contient
une
disposition
déclarant
les
polices
de
cette
nature
bien
hors
communauté,
qu’elle
pourrait
peut-être
être
imposable
comme
partie
de
la
succession
de
l’assuré,
vu
que
les
primes
seraient
censées
avoir
été
payées
par
l’assuré
avec
ses
propres
biens.
Mais
pour
toutes
les
raisons
contenues
dans
mes
remarques
je
suis
d’opinion
et
j’ai
décidé
qu’elle
n’appartient
pas
à
cette
catégorie
d’assurance
sur
la
vie;
elle
est
“bien
de
communauté”?
et
est
régie
par
les
dispositions
du
Code
Civil.
La
Cour
permet
l’appel,
annule
la
cotisation
et
ordonne
que
le
tout
soit
référé
au
Ministre
afin
qu’une
nouvelle
cotisation
soit
faite
en
déduisant
de
la
valeur
de
la
succession
la
somme
de
$13,329.26,
étant
la
moitié
du
produit
net
de
la
police
d’assurance
qui
appartient
de
droit
à
l’appelante
en
sa
qualité
d’épouse
commune
en
biens,
le
tout
avec
dépens.
Jugement
en
conséquence.