DUMOULIN,
J.:—
Exposé
des
faits.
Le
Ministre
du
Revenu
national
interjette
appel
devant
cette
Cour
d’une
décision
de
la
Commission
d’appel
de
l’Impôt
sur
le
revenu,
27
Tax
A.B.C.
52,
qui
annulait
la
cotisation
supplémentaire
émise,
le
9
décembre
1958,
par
le
Ministre
du
Revenu
national,
et
ajoutait
un
montant
de
$12,000
au
revenu
de
l’intimé
pour
l’année
d’imposition
1956.
Le
15
mai
1957,
M.
Thibault
produisit
une
déclaration
d’impôt
pour
l’année
1956,
comportant
un
revenu
réel
de
$1,724.75
qui,
conformément
aux
exemptions
statutaires,
échappait
à
toute
imposition.
Consignons
de
suite
que
le
Ministère
du
Revenu
national
avait
autorisé
ce
contribuable
à
computer
son
revenu
annuel
selon
la
méthode
dite:
d’augmentation
de
capital.
Pour
l’exercice
fiscal
terminé
le
31
décembre
1956,
le
capital
déclaré
de
l’intimé
s’était
accrû
d’une
somme
de
$44,000,
comme
il
appert
aux
états
financiers
annexés
à
la
déclaration
réglementaire.
Cet
accroissement
provenait,
était-il-dit,
du
profit
réalisé
sur
la
vente
d’un
immeuble
situé
dans
la
ville
de
Port-Alfred.
Les
parties
admettent
que
le
prix
coûtant
de
cette
construction
fut
de
$36,000,
et
le
prix
apparent
de
sa
revente
de
$68,000.
Cette
dernière
transaction,
conclue
le
19
juin
1956,
entre
Richard
Gagnon
de
Jonquière,
en
qualité
d’acquéreur,
et
l’intimé,
comme
vendeur,
fut
consignée
dans
un
acte
authentique
devant
le
notaire
Jules
Gauthier,
à
Jonquière,
P.Q.
La
complication
provient
de
ce
que
le
bénéfice
réel
de
cette
mutation
de
propriété
ne
pouvait
dépasser
le
chiffre
de
$32,000,
si
l’on
s’en
rapporte
à
l’acte
authentique
de
vente,
laissant
de
la
sorte
un
excédent
inexpliqué
de
$12,000
entre
le
coût
originel
de
$36,000,
un
prix
vendant
de
$68,000
et
une
totalisation
déclarée
de
$80,000.
Le
débat
ici
engagé
a
porté
uniquement
sur
des
questions
de
droit,
la
transcription
des
témoignages
devant
la
Commission
d’Appel
de
l’impôt
étant
versée
de
consentement
au
dossier.
Il
est
également
admis
que
l’appel
devra
être
rejeté
si
la
preuve
orale
soumise
par
l’intimé
justifie
sa
prétention
que
le
montant
controversé
de
$12,000
lui
fut
payé
en
billets
de
banque
par
l’acheteur
Gagnon,
en
présence
du
notaire
Gauthier,
lors
de
la
conclusion
de
la
vente,
dont
le
prix
véritable
serait
alors,
non
pas
de
$68,000,
mais
bien
de
$80,000.
A
l’appui
de
cette
prétention,
l’intimé
s’est
efforcé
d’accréditer,
au
moyen
de
son
témoignage
et
par
l’audition
de
quelques
témoins,
l’existence
d’une
entente
préalable
selon
laquelle
l’acheteur
lui
verserait
au
comptant
une
somme
de
$12,000,
ce
qui
aurait
été
effectué,
comme
susdit,
chez
le
notaire
Gauthier,
le
19
juin
1956.
Par
contre,
Richard
Gagnon,
l’acquéreur,
niera
catégoriquement
cette
allégation
et
s’en
tiendra
au
prix
stipulé
dans
l’acte.
La
preuve
verbale
selon
transcription.
Abordons
maintenant
l’examen
critique
de
cette
preuve
formellement
contradictoire.
Le
notaire
Jules
Gauthier,
exerçant
en
la
ville
de
Jonquière,
figure
en
tête
de
liste
des
témoins.
Le
savant
commissaire
de
l’Impôt,
Me
Maurice
Boisvert,
c.r.,
après
avoir
permis
sous
réserve
la
preuve
orale,
objection
qui
sera
traitée
plus
loin,
demande
au
notaire
s’il
se
souvient
qu’au
moment
de
la
signature
de
l’acte,
une
enveloppe
ou
un
paquet
contenant
de
l’argent
aurait
été
remis
par
l’acheteur,
Richard
Gagnon,
au
vendeur,
Albani
Thibault,
en
sus
de
la
somme
de
$68,000,
stipulée
au
contrat.
A
quoi
le
notaire
répond:
‘Je
crois
que
oui.
Actuellement,
je
ne
m’en
souviens
pas,
mais
je
crois
que
oui.”
Autres
questions
posées
par
Me
Fradette,
c.r.,
procureur
de
l’intimé
(cf.
transcription
des
témoignages,
à
la
page
47)
:
“D.
Est-ce
que
le
contenu
de
l’enveloppe
a
été
vide?
R.
Non.
D.
Vous
savez
qu’une
enveloppe
a
été
remise?
R.
Oui.
D.
Est-ce
qu’elle
était
volumineuse
?
R.
Je
ne
le
sais
pas.”
Puis,
à
la
page
49,
nous
lisons
que
l’avocat
de
l’appelant,
Me
Paquin,
c.r.,
contre-interrogeant
Me
Gauthier,
lui
demande:
“D,
Vous
avez
répondu
tantôt
à
une
question
que
vous
croyiez
qu’une
enveloppe
ou
un
paquet
.
.
.
R.
Je
croyais,
oui;
sur
le
moment
je
ne
m’en
souvenais
pas.
Mais
quand
je
suis
venu
à
penser
à
tout
ça,
je
crois
qu’il
y
a
eu
quelque
chose
comme
ça.”
Me
Fradette
revient
à
la
charge
(à
la
page
90)
:
“D.
Vous
avez
remis
à
monsieur
Thibault
une
enveloppe?
R.
Oui,
à
monsieur
Thibault.”
Par
Me
Paquin,
encore
(aux
pages
56
et
57)
:
“D.
Pouvez-vous
jurer
que
vous
avez
eu
une
enveloppe?
R.
Ecoutez
.
..
Je
ne
voudrais
pas
.
.
.
Je
sais
qu’il
y
a
eu
quelque
chose;
je
ne
voudrais
pas
dans
ce
sens-là
.
.
.
Quand
on
fait
un
acte
de
cette
importance-là,
à
présent,
il
y
a
des
choses,
des
accessoires
qu’on
ne
regarde
pas.
Je
suis
certain
que
s’il
m’a
remis
de
l’argent,
je
l’ai
compté
et
je
l’ai
remis
à
mon
comptable
;
c’est-à-dire,
je
ne
compte
pas
l’argent,
j’ai
un
homme
pour
ça.
D.
Vous
supposez
qu’il
y
a
eu
une
enveloppe
mais
vous
ne
savez
pas
ce
qu’il
y
avait
dedans
?
R.
Je
l’ignore
complètement.
D.
A
votre
connaissance
personnelle,
il
y
a
eu
une
autre
considération
que
celle
indiquée
au
contrat
que
vous
avez
recu?
R.
Je
m’en
tiens
à
mon
acte.’’
L’impression
que
dégage
cette
hésitante
relation
du
notaire,
qui
ne
se
souvient
pas,
qui
pense,
croit,
suppose,
en
est
une
de
complète
imprécision.
Me
Gauthier
estime
effectivement
avoir
remis
à
Thibault
une
enveloppe,
dont
il
ignore
complètement
le
contenu,
n’ayant
pas
ouvert
ce
pli
en
présence
des
parties.
Le
notaire,
en
définitive,
s’en
tient
à
son
acte
(pièce
A-1),
attitude
prudente,
vu
ses
vacillations
de
mémoire
et
la
contradiction
que
lui
oppose
l’agent
d’immeubles,
Jean-Paul
Mongrain,
mandataire
de
Thibault
pour
cette
transaction.
Mongrain,
on
le
constatera,
à
l’instant,
est
très
catégorique
quant
à
la
production
par
le
notaire
du
contenu
de
ce
qui,
pour
le
premier,
était
une
enveloppe,
et
pour
le
second,
un
sac.
A
la
page
54
de
la
transcription
officielle,
nous
trouvons
la
réponse
ci-après
à
une
question
du
savant
commissaire,
Me
Boisvert.
Mongrain
soutient
que:
“R.
.
.
.
le
notaire
a
apporté
un
sac
et
puis,
évidemment,
11
fallait
voir
ce
qu’il
y
avait
dans
le
sac,
et
il
a
jeté
le
sac
sur
son
bureau.
D.
Qu’est-ce
qui
a
été
sorti
du
sac?
R.
Il
y
avait
plusieurs
liasses
de
billets
de
banque;
il
était
supposé
y
avoir
$12,000.”
Le
témoin
réitère
cette
assertion
à
Me
Fradette,
qui
lui
demande
(à
la
page
59)
:
‘D.
Et
il
a
vidé
le
contenu
sur
le
bureau?
R.
Oui,
pour
constater
que
c’était
de
l’argent
là-dedans.
D.
C’était
en
paquets?
R.
En
liasses.’’
J’éprouve
une
certaine
difficulté
à
concilier
ces
témoignages
divergeants,
on
en
conviendra,
du
notaire
Gauthier,
et
du
courtier
en
immeubles,
Mongrain,
que
l’éthique
professionnelle
ne
semble
pas
étouffer,
puisqu’il
reconnaît
avoir
coupé
l’herbe
assez
rase
sous
le
pied
de
son
confrère,
Gaston
Girard,
détenteur
depuis
le
29
mars
1956
d’un
mandat
écrit
de
négocier
la
vente
éventuelle
de
l’immeuble.
Cette
procuration
dûment
signée
par
Albani
Thibault
porte
la
cote
A-3.
Jean-Paul
Mongrain
relate
que
les
pourparlers
préliminaires,
puis
la
conclusion
des
conditions
de
vente,
eurent
lieu
au
camp
de
pêche
de
Thibault,
hôte,
à
ce
moment-là,
de
Gagnon
et
du
témoin.
Cet
agent
d’immeubles
n’est
guère
plus
précis
dans
son
témoignage
que
ne
le
fût
le
notaire
Gauthier
et,
à
mon
sens
du
moins,
n’élimine
pas
l’incertitude,
qui
plane
toujours
sur
la
supposée
promesse
qu’aurait
engagée
Gagnon
de
verser
$12,000
à
son
vendeur,
outre
le
prix
indiqué
au
contrat.
Mais
voyons
plutôt,
à
la
page
53,
par
Me
Fradette
:
“D.
A
quel
prix
aviez-vous
convenu
de
vendre
l’immeuble
à
Richard
Gagnon
?
R.
Il
y
a
eu
une
discussion
à
ce
sujet-là,
je
crois,
je
ne
suis
pas
positif
exactement
de
ce
qui
est
arrivé,
mais
ils
se
sont
entendus,
monsieur
Thibault
et
monsieur
Gagnon,
par
la
suite.
La
vente
a
dû
se
faire
pour
environ
$80,000.”
A
la
page
56,
Mongrain
encore
répond
au
savant
membre
de
la
Commission
d’Appeal,
qui
lui
demande:
“D.
Etiez-vous
présent
quand
il
y
a
eu
entente
pour
le
prix
de
vente
?
R.
‘Entente
.
.
.’.
J’ai
dit
ce
qui
était
arrivé
chez
le
notaire;
ca
veut
dire
que
c’est
la
fin
de
l’affaire.
Il
y
a
bien
des
discussions
qui
se
sont
passées.
Je
ne
me
rappelle
plus
exactement
de
ce
qui
s’est
dit;
ça
fait
assez
longtemps.”
A
la
page
65,
c’est
toujours
Me
Boisvert,
¢.r.,
qui
interroge
Mongrain
:
“D.
A-t-il
été
question,
devant
vous,
au
camp
là-bas,
que
le
prix
serait
de
douze
mille
piastres
de
plus
que
$68,000?
R.
Il
a
été,
devant
moi,
du
côté
de
monsieur
Thibault,
il
a
toujours
été
décidé
que
l’immeuble
ne
se
vendrait
pas
à
moins
de
$80,000,
et
je
connaissais
monsieur
Thibault.
Je
n’ai
même
pas
essayé
de
le
faire
changer
d’idée
parce
que
je
les
ai
laissé
se
débattre.
D.
Son
prix
minimum
était
toujours
d’au
moins
$80,000,
devant
vous?
R.
Oui;
au
moins
$80,000.
D.
Maintenant,
a-t-il
été
question
entre
eux,
devant
vous,
qu’un
montant
serait
payé
et
que
ce
montant
ne
figurerait
pas
dans
l’acte
authentique
qui
devait
être
signé
devant
le
notaire
?
KR.
Peut-être
que
ç’a
été
dit
devant
moi
ou
que
je
l’aurais
entendu
dire,
mais
je
ne
me
rappelle
pas
exactement
qui
me
l’a
dit.
D.
Est-ce
un
des
deux?
R.
Oui,
certainement
un
des
deux,
mais
je
ne
sais
pas
lequel
parce
que
je
ne
peux
pas
me
rappeler.
D.
Le
pourquoi
de
cette
opération-là,
est-ce
qu’il
en
a
été
question
devant
vous?
R.
Non.’’
Il
ne
paraît
exagéré
de
tenir
qu’une
narration
aussi
vague
ne
tende
à
établir
que
l’une
des
deux
conjectures
suivantes:
Mon-
grain
n’a
eu
connaissance
de
rien
autre
que
de
la
seule
vente
de
l’immeuble,
ou
il
évite
de
rapporter,
avec
suffisante
clarté,
ce
qu’il
pourrait
savoir.
Bien
que
l’indice
régulier
de
sa
commission,
comme
agent
vendeur,
fut
de
5%,
Mongrain
se
contenta
d’une
rémunération
de
$1,000
parce
qu’un
autre
courtage
dut
être
payé
à
un
premier
agent,
Gaston
Girard,
déjà
détenteur
du
mandat
de
Thibault.
Un
dernier
incident,
digne
de
mention,
dissipe
le
médiocre
degré
de
créance
qu’auraient
pu
m’inspirer
encore
les
dires
de
Mongrain.
Quand
les
choses
commencèrent
à
tourner
à
l’aigre
avec
les
fonctionnaires
de
l’impôt
fédéral,
Mongrain
fut
instamment
requis
par
Albani
Thibault
d’assermenter
un
affidavit,
daté
le
31
août
1957
(pièce
I-1),
dont
voici
les
deux
paragraphes
pertinents
:
“1.
Vers
le
20
juillet
1957
j’ai
assisté
à
la
signature
d’un
acte
de
vente
par
M.
Albani
Thibault
4
M.
Richard
Gagnon
d’un
immeuble
situé
à
Port-Alfred
au
coin
de
la
lére
rue
et
de
l’avenue
du
Port.
2.
J’ai
vu
alors
le
notaire
Jules
Gauthier
de
Jonquière,
où
s’est
signé
le
contrat,
remettre
à
M.
Albani
Thibault
un
sac
en
papier
contenant
une
somme
de
$12,000
en
billets
de
banque
du
Canada,
laquelle
somme
a
été
vérifiée
sur
place.”
Cette
solennelle
attestation
incita
le
savant
procurer
de
l’appelant,
Me
Paquin,
à
contre-interroger
Mongrain
et
à
lui
poser
entre
autre
certaines
questions
relativement
à
la
vérification
du
contenu
du
sac-enveloppe.
Lecture
faite
du
2e
paragraphe
de
l’affidavit
ci-haut
relaté,
et
à
la
page
67
de
la
transcription
des
témoignages,
l’avocat
de
l’intimé
ajoute:
“D.
.
.
.
Est-ce
que
ç’a
été
vérifié?
R.
On
ne
vérifiait
pas
billet
par
billet,
mais
on
pouvait
être
certain
qu’il
n’y
avait
pas
une
grosse
différence.
D.
Tantôt
vous
avez
dit
que
vous
ne
vous
souveniez
pas
combien
il
y
avait
dans
le
sac?
R.
Si
j’avais
compté
les
billets,
billet
par
billet,
évidemment
que
j’aurais
été
plus
affirmatif.
D.
A
la
demande
de
qui
avez-vous
signé
cet
affidavit
?
R.
De
Monsieur
Thibault.
D.
Est-ce
que
vous
êtes
déjà
allé
avec
monsieur
Thibault
au
bureau
de
l’impôt
à
Québec?
R.
Oui,
j’y
suis
déjà
allé.
D.
Relativement
à
cette
affaire
?
R.
Oui.
D.
N’est-il
pas
vrai
que,
à
ce
moment-là,
vous
refusiez
de
signer
un
affidavit?
R.
J’ai
toujours
refusé
jusqu’à
un
certain
moment,
oui.
D.
Pour
quelle
raison?
R.
La
raison
.
.
.
Je
n’aime
pas
bien
cette
affaire-la.’’
Nous
lisons
enfin
à
la
page
68,
par
Me
Paquin
:
“D.
Est-ce
que
vous
auriez
demandé
de
l’argent
à
monsieur
Thibault?
R.
J’ai
demandé
plusieurs
fois
à
monsieur
Thibault
de
me
prêter
de
l’argent
et
il
m’en
a
prêté
plusieurs
fois.
D.
Pour
signer
l’affidavit?
R.
Non,
je
n’ai
jamais
demandé
d’argent
à
monsieur
Thibault
pour
signer
quelque
chose.
Seulement,
j’ai
pu
lui
demander
de
me
prêter
de
l’argent.
Entre
demander
un
paiement
et
emprunter,
c’est
une
autre
affaire.”
L’intimé,
Albani
Thibault,
entendu
à
la
suite
de
Mongrain,
affirme
ce
que
nous
savons
déjà:
une
prétendue
stipulation
à
l’effet
que
Richard
Gagnon
lui
verserait
de
la
main
à
la
main
$12,000
outre
le
chiffre
de
$68,000
indiqué
au
contrat.
Ce
déposant
dit
encore
que,
pendant
le
trajet
de
retour
à
son
domicile,
il
aurait
remis
$800
à
Mongrain,
après
d’être
remboursé
de
$200
que
ce
dernier
lui
devait.
Puis
l’argent
aurait
été
minutieusement
recompté
chez
Thibault
en
présence
de
son
épouse
qui
témoigne
au
même
effet.
Cette
vérification
révélant
un
moins
payé
de
$20,
Gagnon
en
fut
informé
et
vint
parfaire
ce
reliquat.
Gagnon
reconnaît
cette
prestation
d’un
dernier
billet
de
$20,
afin
de
corriger
une
méprise
involontaire,
mais
persiste
toutefois
à
dire
que
la
somme
ainsi
complétée
n’en
était
pas
une
de
$12,000,
mais
bien
de
$500,
pour
l’acquisition
d’un
droit
de
pêche
au
lac
des
Ha
!
Ha!
Mentionnons
qu’un
second
recomptage
des
billets
de
banque
se
serait
effectué
en
présence
de
jeune
fils
de
Thibault.
Enfin,
deux
jours
plus
tard,
le
21
juin,
Thibault
déposait
à
la
banque
de
Montréal,
succursale
de
Port-Alfred,
52
billets
de
$10,
459
de
$20,
10
de
$10
et
12
de
$100,
au
total
$11,000.
Le
bordereau
du
dépôt
et
la
feuille
du
régistre
bancaire,
où
se
lit
la
position
de
compte
de
l’intimé
ont
été
produits
sous
les
cotes
respectives
de
I-3
et
A-4.
Durant
les
48
heures
qui
précédèrent,
les
liasses
de
papier-
monnaie
furent
placées
dans
le
coffre-fort
que
l’intimé
gardait
chez-lui
pour
les
fins
de
ses
affaires.
La
présence
de
ce
meuble
de
sûreté
permet
de
supposer
la
réception
occasionnelle
par
Thibault
de
sommes
considérables
d’argent.
Aurions-nous
là
une
indication
de
la
provenance
réelle
des
$11,000?
Cette
conjecture
ne
me
paraît
pas
insoutenable
dans
les
circonstances
du
cas.
Les
affirmations
de
Thibault,
même
étayées
en
apparence,
et
après
l’évènement,
sur
la
corroboration
de
sa
femme
et
de
son
fils,
qui
n’étaient
pas
présents
chez
l’officier
public,
puis
sur
l’entrée
à
son
compte
de
banque
de
billets
au
montant
de
$11,000,
me
laissent
perplexe
si
je
les
confronte
avec
l’unique
motif
puéril
et
dérisoire
que
ce
témoin
rapporte
comme
mobile
déterminant
de
l’entente
accessoire
au
contrat.
Cette
explication
se
trouve
au
bas
de
la
page
76,
la
voici:
“Richard
Gagnon
a
dit
:‘
Je
vais
te
donner
douze
mille
piastres
en
argent
et
je
vais
te
faire
un
contrat
de
$68,000,
par
rapport
que
ça
coûte
moins
cher
de
contrat
quand
le
contrat
est
moins
haut.
Quand
la
vente
est
moins
haute,
ça
coûte
moins
cher.
’
’
’
Nous
savons
déjà
que
Richard
Gagnon,
le
témoin
suivant,
nie
énergiquement
le
prétendu
paiement
de
$12,000.
Il
convient
du
paiement
à
Thibault,
chez
le
notaire
Gauthier,
de
$500
pour
les
fins
ci-après
(aux
pages
103
et
104)
:
“R.
.
.
.
Je
suis
allé
voir
monsieur
Thibault
chez
lui
et
je
lui
ai
demandé
de
me
faire
bénéficier,
par
le
fait
que
j’étais
amateur
de
pêche,
d’un
droit
de
club.
Il
m’a
proposé
de
me
vendre
un
droit
avec
chalet
pour
$3,000.
Monsieur
Mongrain
et
monsieur
Thibault
étaient
là.
J’ai
refusé
parce
que
j’ai
dit
que
c’était
trop
cher
pour
moi.
Lorsque
nous
nous
sommes
entendus
sur
le
prix
définitif
de
l’immeuble,
j’ai
demandé
à
monsieur
Thibault
‘Est-ce
que
vous
accepteriez
de
me
vendre
un
part
du
club
?
’
D.
Quel
était
le
prix
convenu?
R.
$68,000.
Et
monsieur
Thibault
m’a
dit,
exactement,
en
autant
que
je
puisse
me
rappeler
de
ses
paroles,
et
je
crois
m’en
rappeler
pas
mal,
monsieur
Thibault
m’a
dit:
‘Pour
ce
droit
de
pêche-là,
je
peux
bien
te
l’accorder,
mais
comme
il
n’y
a
pas
de
comptant
sur
l’immeuble
.
.
.
parce
qu’il
y
avait
trois
mille
piastres
que
le
devais
verser,
selon
l’entente,—’
.
.
.
il
faudrait
que
tu
me
payes
parce
qu’il
faut
que
je
paye
la
commission
de
l’agent
d’im-
meuble,
et
ce
serait
normal
que
je
te
demande
une
somme
de
cinq
cent
piastres.”
Il
importe
de
préciser
que
ce
versement
de
$3,000
ne
devenait
dû
que
le
1er
juillet
1957
et
ne
portait
pas
intérêt.
Point
n’est
besoin
de
longs
commentaires
à
l’endroit
de
ce
témoignage
qui,
je
le
répète,
fut
la
contrepartie
absolue
de
celui
de
l’intimé.
Je
soulignerai
cependant
un
dernier
passage
où
Richard
Gagnon
rapporte
une
demande
que
lui
aurait
faite
le
vendeur
Thibault
(aux
pages
106
et
107):
.
Il
m’avait
expliqué
alors
que
sur
son
bilan
d’impôt
de
1956
il
manquait
une
somme
de
dix
mille
dollars
pour
être
capable
de
justifier
son
rapport
d’impôt.
Alors,
il
m’a
demandé
si
j’avais
objection
à
ce
que
je
déclare
la
vente
de
l’immeuble
qu’il
m’avait
vendu
au
prix
de
$78,000.00
au
lieu
de
$68,000.
Il
m’a
dit:
‘Tu
n’as
pas
même
la
peine
de
t’occuper
de
la
chose.
Moi,
ça
va
me
donner
une
grosse
chance
et
ça
ne
lie
personne.’
”’
Pour
peu
que
l’on
compare
cette
raison
qui,
eut-elle
produit
le
résultat
espéré,
épargnait
à
Thibault
une
taxe
de
$3,259.60,
comme
on
le
constate
à
la
lecture
de
l’article
9
de
l’avis
d’appel,
ne
doit-on
pas
logiquement
lui
reconnaître
beaucoup
plus
de
plausibilité
qu’à
l’hypothèse
d’une
réduction
de
quelques
dollars
des
honoraires
du
notaire
Gauthier,
selon
la
prétention
de
l’intimé.
A
ce
stade
de
mes
notes,
il
me
faut
apporter
certains
éclaircissements
quant
à
la
façon
dont
la
cause
me
fut
présentée
par
les
procureurs
des
parties.
Le
débat
se
déroula
presque
tout
entier
dans
le
champ
clos
de
l’article
1284
du
Code
Civil,
sans
analyse
contradictoire
de
la
preuve
testimoniale.
Autrement
dit,
j’eus
l’impression
très
nette
que
l’unique
noeud
à
trancher
n’était
autre
que
l’admissibilité
de
la
preuve
orale
et,
advenant
une
solution
affirmative,
que
la
prépondérance
de
la
preuve
favorisait
l’intimé.
Ce
sentiment
que
d’une
part,
la
preuve
devant
la
Commission
d’Appel
de
l’impôt
n’était
pratiquement
pas
remise
en
question,
et,
d’autre
part,
mon
opinion
assez
tôt
formée
de
l’inopposabilité,
en
l’occurence,
de
l’article
1234,
me
causèrent
une
impression
très
différente
de
celle
à
laquelle
j’en
arrive
au-
jourd
’hui.
Au
début
de
mes
remarques,
j’ai
mentionné
une
longue
controverse
soutenue
devant
le
commissaire
de
l’impôt
et
reprise
lors
de
la
re-audition
de
cette
affaire
en
ma
présence.
Ce
débat
se
résume
à
peu
de
choses;
quelques
mots
en
disposeront.
L’appe-
lant
invoque,
à
l’encontre
de
toute
preuve
testimoniale,
l’article
1234,
qui
interdit
de
recourir
à
la
preuve
verbale
pour
contredire
ou
changer
les
termes
d’un
écrit
valablement
fait.
Il
paraît
élémentaire
de
rappeler
que
ce
texte
restrictif
ne
vaut
qu’entre
les
parties
à
l’acte
et
ne
s’applique
nullement
aux
tiers
pour
qui
tel
écrit
tombe
dans
la
catégorie
de
la
res
inter
alios
acta.
Or,
en
l’occurence,
les
parties
ne
sont
plus
Gagnon
et
Thibault,
mais
celui-ci
et
le
Ministère
du
Revenu
national
du
Canada.
Et
encore,
il
ne
s’agit
point
de
contredire
ni
changer
un
iota
à
l’acte
authentique
de
vente,
mais
de
tenter
d’établir
l’existence
d’une
convention
séparée,
savoir
le
paiement
au
comptant
de
$12,000.
Toutefois,
je
n’insiste
pas
sur
ce
point
et
je
me
limiterai
à
citer
deux
lignes
de
Mignault,
Droit
Civil
Canadian—P.
B.
Mignault,
Vol.
VI,
à
la
page
86,
qui
me
paraissent
concluantes
sur
le
sujet,
les
voici:
‘‘Ajoutons
que
les
tiers
peuvent
prouver
à
l’encontre
d’un
écrit
qu’on
leur
oppose
par
tout
genre
de
preuve.”
Gagnon
seul
était
recevable
à
se
prévaloir
de
l’article
1234,
contre
Thibault.
Conséquemment,
s’il
est
exact
de
tenir
que
l’appelant
soit
un
tiers,
à
l’égard
de
cet
acte
authentique,
il
ne
saurait
s’insinuer
au
lieu
et
place
des
signataires
pour
se
réclamer
des
fins
de
non-
recevoir
dont
ceux-ci
pouvaient
faire
état.
Je
ne
vois
donc
pas
que
la
recevabilité
de
la
preuve
orale
soit
en
rien
restreinte
ici.
Il
reste
que
je
dois
opter
pour
l’une
ou
l’autre
des
thèses
divergeantes.
Bien
que
la
loi
fiscale
qualifie
officiellement
d’appel
l’excipa-
tion
devant
cette
Cour
d’une
décision
de
la
Commission
d’Appel
de
l’impôt,
plusieurs
jugements
ont
reconnu
à
telle
procédure
le
caractère
d’un
nouveau
procès
(trial
de
novo).
Qu’il
me
suffise
de
référer
les
parties
à
la
cause
suivante
:
M.N.R.
v.
Simpson’s
Limited,
[1953]
Ex.
C.R.
93;
[1953]
C.T.C.
203,
où
l’honorable
J.
T.
Thorson,
président
de
cette
Cour,
décrit
ainsi
la
position
des
litigants
dans
les
instances
d’appel
des
décisions
de
la
Commission
de
l’impôt
sur
le
revenu:
‘HELD
:
That
the
hearing
of
an
appeal
from
a
decision
of
the
Income
Tax
Appeal
Board
to
this
Court
is
a
trial
de
novo
of
the
issues
of
the
fact
and
law
that
are
involved
and
the
hearing
in
this
Court
must
proceed
without
regard
to
the
case
made
before
the
Board
or
the
Board’s
decision.”
Le
langage
même
de
la
Loi
de
l’Impôt
sur
le
revenu,
R.S.C.
1952,
c.
148,
à
l’article
100,
sous-paragraphe
(3),
prend
soin
de
spécifier
que
:
“(3)
Sur
production
des
pièces
mentionnées
aux
paragraphes
(1)
ou
(2)
et
de
la
réplique
requise
par
l’article
99,
l’affaire
est
réputée
une
action
devant
le
cour
et,
à
moins
que
cette
dernière
n’en
ordonne
autrement,
prête
pour
audition.”
Les
normes
d’appréciation
auxquelles
défèrent
les
tribunaux
d’appel
et
ceux
de
première
instance
diffèrent
considérablement.
Dans
le
premier
cas,
le
ou
les
juges
n’ont
qu’à
se
demander
si
un
jury,
correctement
éclairé
sur
les
questions
de
droit,
oût
été
fondé
à
rendre
tel
verdict
en
fonction
de
la
preuve,
quelle
que
soit
leur
opinion
personnelle.
Mais
le
juge
qui
préside
à
un
nouveau
procès
demeure
l’arbitre
absolu
de
la
preuve
et
doit
baser
sa
décision
sur
la
version
qui
lui
semble
offrir
une
crédibilité
prépondérante.
Quel
avantage
pratique
Richard
Gagnon,
acquéreur
de
l’immeuble,
pouvait-il
entrevoir
en
dissimulant
le
prix
réel
de
cette
transaction?
Je
m’interroge
vainement
à
ce
sujet
et
j'incline
a
penser
qu'il
lui
eût
mieux
valu
admettre
un
cout
d’achat
de
$80,000
afin
de
réclamer,
annuellement,
une
dépréciation
proportionnée.
Par
ailleurs,
Albani
Thibault
évitait
une
imposition
supplémentaire
de
$3,259.60,
si
l’indice
de
cette
mutation
de
propriété
était
fixé
à
la
somme
de
$80,000.
C’est
un
puissant
facteur;
il
s’en
trouve
d’autres
que
je
pense
avoir
précédemment
mis
en
lumière,
et
qui
consistent
dans
le
quasi-mutisme
du
notaire
instrumentant,
dans
les
incohérences,
les
réticences
et
les
contradictions
du
témoin
Mongrain.
Le
prêt
d’argent
que
Thibault
consentit
à
Mongrain
quand
celui-ci
souserivit
l’affidavit,
pièce
I-l,
n’ajoute
certes
pas
à
la
valeur
de
ce
témoignage.
Finalement,
Gagnon
déclare
qu’au
moment
de
son
acquisition
de
l’immeuble
il
était
âgé
de
26
ans
et
ne
possédait
pas
alors,
et
n’a
point
réalisé
depuis,
des
économies
de
$12,000,
et
qu’il
n’a
contracté
aucun
emprunt
à
l’occasion
de
cette
transaction
immobilière.
Par
tous
ces
motifs,
Je
suis
d’avis
que
l’intimé,
auquel
incombait
le
soin
de
repousser
la
présomption
militant
en
faveur
de
la
cotisation
ministérielle,
n’a
pas
réussi
à
soumettre
une
preuve
plus
satisfaisante
que
celle
de
son
adversaire,
et
n’a
pas
dissipé
le
doute
sérieux
que
j’éprouve
à
l’endroit
de
ses
prétentions.
En
conséquence
je
dois
accueillir
l'appel,
et
déclarer
bien
fondée
la
recotisation
du
9
décembre
1958,
qui
ajoute
une
somme
de
$12,000
au
revenue
de
l’intimé
pour
l’année
d’imposition
1956.
L’appelant
aura
droit
de
recouvrer
ses
dépens
de
Cour
après
taxation.
Jugement
conforme.