DUMOULIN,
J.:—Pourvoi
devant
cette
Cour
de
la
décision
rendue
le
11
février
1957,
par
la
Commission
d’Appel
de
l’Impôt,
déboutant
l’appelant
de
ses
conclusions
à
l’encontre
des
cotisations
imposées
par
l’intimé
pour
les
années
1950,
1951,
1952,
et
mentionnées
au
préambule
de
l’avis
d’appel.
Les
faits
sont
simples;
leur
interprétation
légale,
par
contre,
l’est
moins.
En
1946,
Edouard
Latreille
qui,
depuis
quelques
années,
exerçait
le
métier
de
garagiste,
résolut
d’exploiter
par
surcroît
une
entreprise
de
taxis
à
Montréal.
Dès
lors,
il
acquit,
selon
les
besoins
de
l’heure
et
au
gré
d’occasions
favorables,
quelques
autos
pour
les
fins
susdites.
Au
début
de
mars
1950,
sa
flotte
de
voitures-taxis
comprenait
vingt
et
une
(21)
unités.
De
1946
à
1950,
tout
voiturier
public
devait
satisfaire
à
certaines
conditions:
être
inscrit
dans
une
association
régulière
autorisée
à
émettre
un
contrat
par
taxi;
obtenir
de
l’autorité
civique
le
permis
réglementaire;
puis,
réunir
la
triple
qualité
de
propriétaire
du
véhicule,
de
détenteur
du
permis
municipal
et
du
contrat
d’association.
Edouard
Latreille
devint
membre
de
‘‘Diamond
Taxicab’’,
une
société
du
métier
qui,
en
1946,
attribua
gratuitement
à
ses
adhérents
un
certain
nombre
de
contrats.
Quelques
mois
après,
une
seconde
allocation
de
permis
eut
lieu
au
coût
de
$200
pièce.
Il
convient
de
noter
les
conditions
de
gratuité
ou
de
prix
modique
auxquelles
furent
faites,
en
1946,
ces
répartitions
dont
la
valeur
unitaire
atteindra
mille
dollars
cinq
ans
plus
tard.
A
la
fin
de
1946,
Latreille
possédait
sept
taxis
et,
nous
l’avons
dit,
21
au
début
de
1950.
Il
semble
bien
cependant
que
l’occupation
principale
de
l’appelant
fut
et
demeura
celle
de
garagiste,
qu’il
exerçait
sous
la
raison
sociale
de:
‘‘Garage
Ed.
Latreille’’.
Disons
encore
que,
le
16
septembre
1950,
l’appelant
obtenait
de
la
firme
Jarry
&
Fréres
Ltée,
une
sous-agence
pour
la
vente
d’automobiles
Ford
et
Monarch,
incident
sans
grande
importance
sur
la
décision
du
litige.
Quatre
ou
cinq
années
durant,
Latreille
continua
d’exploiter
ce
service
de
taxis,
jusqu’à
ce
que
le
tableau
financier
de
l’entreprise
pour
l’exercice
fiscal
1er
janvier-31
décembre
1949
(pièce
A),
lui
révélât,
en
noir
sur
blanc,
un
état
de
choses
précaire,
à
savoir,
des
recettes
au
montant
de
$137,171,35,
des
dépenses
de
$136,880.56,
soit
un
minime
surplus
de
$290.79.
La
troisième
et
dernière
feuille
de
ce
bilan
attribue
une
valeur
résiduaire
de
$20,320.51
aux
voitures
dépourvues
de
taximètre,
et
une
autre
de
$3,485.44,
aux
autos
avec
taximètre,
une
évaluation
comptable
de
$23,805.95.
Il
s’agit
là
d’immobilisations
de
capital
que
la
récapitulation
du
passif,
à
la
première
page
de
la
pièce
A,
a
tôt
fait
d’englober.
Nous
verrons
ci-après
que
les
aléas
de
la
liquidation
compliqueraient
singulièrement
l’élucidation
du
profit
de
revente
de
ces
21
taxis,
complétée
le
31
juillet
1951,
si,
par
ailleurs,
Latreille,
à
l’article
12
de
son
avis
d’appel,
ne
consignait
que:
“12.
Le
contribuable-appelant
réalisa
de
la
disposition
de
ses
automobiles
taxis,
avec
leurs
permis
respectifs,
les
profits,
en
capital,
suivants:
1950
|
$28,579.84
|
1951
|
18,394.48
|
1952
|
6,078.06”?
|
Par
ailleurs,
l’intimé
clot
ce
chapitre
du
différend
en
demandant
acte
de
cette
admission,
au
paragraphe
7
de
sa
réponse.
Le
piètre
résultat
révélé
par
le
bilan
de
1949,
cet
excédent
de
$290.79,
rendait
impérieux
l’abandon
du
service
de
taxis.
Mais
comment
devait-on
procéder,
en
l’occurrence,
à
disposer
des
21
voitures
et
des
contrats
afférents,
afin
d’obtenir
le
plus
favorable
rendement
?
Edouard
Latreille
rapporte
qu’il
essaya
de
vendre
en
bloc,
au
prix
de
$50,000,
ce
matériel
roulant,
permis
et
contrats
compris,
et
que
des
annonces
à
cet
effet
furent
insérées
dans
les
Journaux.
Une
offre
de
$42,000,
fut
soumise
par
un
certain
Soudeyns.
Le
propriétaire,
espérant
davantage,
refusa
et
résolut
de
liquider
sa
flotte
par
unités.
D’autres
annonces
en
ce
sens
parurent
dans
les
papiers-nouvelles,
et
ce
fut
dans
ces
conditions
que
l’affaire
s’amorça.
Cette
liquidation
s’échelonna
sur
une
période
de
deux
ans
et
demi
environ,
plus
exactement
vingt-neuf
mois,
du
1er
mars
1950
au
31
juillet
1952.
Voici
le
résumé
ou
tableau
de
l’opération,
année
par
année,
selon
qu
’établi
par
la
preuve
:
L’appelant
vint
à
la
conclusion
qu’il
lui
fallait
maintenir
ses
taxis
en
activité
afin
d’éviter
de
trop
lourdes
dépenses.
En
d’autres
termes,
il
persista
dans
l’exploitation
normale
de
son
commerce
attendant
de
trouver
preneur
pour
une
ou
plusieurs
de
ses
autos.
Force
lui
fut
aussi,
entre
1950
et
1952,
de
substituer
de
nouveaux
taxis
à
ceux
que
l’usure
avait
rendu
impraticables
et
cela
pour
ne
point
se
soustraire
à
l’attention
des
chalands.
Les
ventes
effectuées
rendaient
nécessaires
des
reprises
en
échange,
des
repossessions
faute
de
paiement,
et
la
rétention
par
Latreille
de
droits
de
propriété
comme
garantie
additionnelle.
Certaines
ventes
furent
annulées,
obligeant
le
vendeur
impayé
à
rechercher
une
meilleure
occasion
et,
dans
l’intervalle,
à
demeurer
titulaire
du
contrat
avec
la
Diamond
Taxicab
Association.
1950—1er
mars,
Latreille
possède
|
21
unités
|
1950—
31
décembre,
il
lui
reste
|
7
unités
|
1951—
31
décembre,
il
lui
reste
|
2
unités
|
1952—
31
juillet,
il
ne
lui
en
reste
|
aucune.
|
A
titre
d’exemple,
je
citerai
ce
passage
commençant
au
bas
de
la
page
7
du
mémoire
de
l’appelant
:
“
Ainsi,
en
1950,
cinq
des
contrats
et
taxis
vendus
durent
être
repris,
dont
deux
de
ces
contrats
deux
fois;
en
1951,
six
durent
être
repossédés,
enfin,
en
1952,
deux
furent
repris.”
La
cédule
‘‘A’’,
un
appendice
de
la
pièce
de
même
cote,
comprend
47
transactions
et
elle
en
particularise
les
incidents,
avec
la
plus-value
à
$1,000,
en
1951,
des
contrats
dans
la
société
de
taxis.
Il
est
en
preuve
que
le
voiturier
de
métier,
dont
les
moyens
pécuniaires
sont
habituellement
très
modiques,
et
qui,
à
l’époque,
devait
acheter
véhicule
et
contrat,
préférait
consolider
cette
double
dette
entre
les
mains
d’un
créancier
unique.
Enfin,
une
preuve
incontestée
établit
qu’un
taxi
remisé
entraîne
une
dépense
quotidienne
de
$6,
licence,
permis,
cotisation,
assurances.
Cette
entreprise
était
l’objet
d’une
comptabilité
propre,
tout
à
fait
distincte
et
séparée
de
la
tenue
de
livres
relative
aux
autres
négoces
d’Edouard
Latreille.
Acception
faite
de
cet
état
de
choses,
l’appelant,
aux
articles
17
et
19
de
l’avis
d’appel,
soumet
que:
“17.
Toutes
les
transactions
faites
par
le
contribuable-
appelant
ont
été
uniquement
dans
le
but
de
disposer
d’un
commerce
qu’il
avait
opéré
jusque
là
et
qu’il
voulait
cesser
d’opérer
pour
l’avenir
;
19.
Ces
profits
constituent
un
gain
capital
et
ils
ne
doivent
pas
en
conséquence
être
cotisés
contre
le
contribuable-appelant
pour
les
années
d’imposition
1950-1951
et
1952.”
L’intimé,
référant
aux
articles
3
et
4
de
la
Loi
de
l’impôt
sur
le
Revenu
1948,
puis
à
l’alinéa
(e)
du
paragraphe
(1)
de
l’article
127
de
ladite
loi
(S.C.
1948,
11-12
Geo.
VI,
c.
52),
répond:
“11.
.
.
.
que
les
profits
découlant
des
susdites
ventes
et
plus
particulièrement
ceux
réalisés
par
l’appelant
durant
les
années
d’imposition
1950,
1951
et
1952,
soit
$28,579.84,
$18,394.48
et
$6,078.06
respectivement,
constituaient
un
revenu
de
l’appelant
pour
lesdites
années
au
sens
des
articles
3
et
4
de
ladite
loi.
’
’
A
l’audition,
les
procureurs
de
l’intimé
convinrent,
et
c’était
un
truisme,
que
l’appelant,
comme
tout
contribuable,
pouvait
disposer
avantageusement
de
ses
21
taxis,
et
que
la
conjoncture
d’un
profit
ou
d’une
perte
n’informait
pas,
au
regard
du
statut,
la
nature
d’une
transaction.
Il
fut
admis
aussi
que
la
vente
globale
ou
même
échelonnée
par
unité
n’outrepasserait
pas
les
limites
d’une
mutation
de
capitaux
si,
par
ailleurs,
aucun
achat
de
véhicules
ne
se
fut
produit
durant
la
période
de
liquidation.
Cette
restriction,
Je
pense,
ne
saurait
peser
sur
les
quelques
voitures
usagées,
non
point
achetées
par
l’appelant,
mais
forcément
acceptées
en
acquit
partiel
du
prix
de
ses
propres
taxis,
ni
sur
certaines
reprises
rendues
obligatoires
par
défaut
de
paiement.
Exception
faite
de
deux
autos,
cédées
à
Latreille
pour
comptes
de
garage,
et
qu’il
aurait
adjointes
à
ses
autres
taxis,
la
preuve
testimoniale
et
la
cédule
A
font
voir
que
les
transactions
accessoires
consistèrent
précisément
dans
les
inéluctables
repossessions
indiquées
au
paragraphe
précédent.
Et
la
preuve
parait
démontrer
encore
que,
pendant
les
deux
années
en
question,
Latreille
poursuivit
sans
interruption
le
dessein
de
vendre
ses
taxis,
que
spécifiquement
il
n’en
acquit
aucun,
puisque
les
repossessions
incidentes
qui
lui
furent
imposées,
ne
peuvent
influer
sur
la
réalité
même
de
son
intention
persistante.
Ces
deux
dations
en
paiement,
si
ma
mémoire
est
fidèle,
furent
portées
aux
états
de
comptabilité
du
garage
Latreille
et
au
rapport
des
revenus
de
cette
entreprise
pour
l’année.
Puis,
la
dation
en
paiement
n’équivaut
à
vente
(Code
civil,
art.
1592)
qu’en
fonction
de
son
incommutabilité;
à
l’égard
du
donataire
ou
acquéreur,
elle
compense
d’ordinaire
un
manquement
à
une
obligation
principale
et
antécédente.
Elle
ne
constitue
pas,
selon
la
pleine
acception
du
terme,
une
vente
libre;
aussi
le
Code
civil
l’a-t-il
rangée
sous
la
rubrique
‘‘Des
Ventes
Forcées”.
De
ce
côté,
encore,
je
ne
décèle
rien
qui
imprime
nécessairement
un
caractère
de
spéculation
aux
actes
sous
examen.
Posons
maintenant
quelques
principes
de
jurisprudence
qui
faciliteront,
en
l’éclairant,
ma
tâche
de
départager
les
thèses
rivales
dont
l’une,
celle
de
l’appelant,
voit
un
accroissement
de
capital
dans
les
gains
réalisés;
l’autre,
celle
de
l’intimé,
un
revenu
corollaire
à
‘‘une
initiative
ou
affaire
d’un
caractère
commercial’’
selon
le
langage
du
sous-paragraphe
(l)(e)
de
l’article
127
de
la
loi,
texte
de
1948.
Une
décision
britannique
fréquemment
invoquée:
Californian
Copper
Syndicate
v.
Harris
(1904),
5
T.C.
159,
aux
pages
169
et
166,
suggère
des
normes
concises
d’appréciation,
je
cite:
‘It
is
quite
a
well
settled
principle
in
dealing
with
questions
of
assessment
of
Income
Tax,
that
where
the
owner
of
an
ordinary
investment
chooses
to
realise
it,
and
obtains
a
greater
price
for
it
than
he
originally
acquired
it
at,
the
enhanced
price
is
not
profit
.
.
.
assessable
to
Income
Tax.
But
it
is
equally
well
established
that
enhanced
values
obtained
from
realisation
or
conversion
of
securities
may
be
so
assessable,
where
what
is
done
is
not
merely
a
realisation
or
change
of
investment,
but
an
act
done
in
what
is
truly
the
carrying
on,
or
carrying
out,
of
a
business.
.
.
.
What
is
the
line
which
separates
the
two
classes
of
cases
may
be
difficult
to
define,
and
each
case
must
be
considered
according
to
its
facts;
the
question
to
be
determined
being—
Is
the
sum
of
gain
that
has
been
made
a
mere
enhancement
of
value
by
realising
a
security,
or
is
it
a
gain
made
in
an
operation
of
business
in
carrying
out
a
scheme
for
profit-making?”
De
ces
lignes,
trois
notions
se
dégagent:
la
revente
d’une
valeur
de
placement
est
d’ordinaire
une
mutation
de
capital
dont
la
plus-value
n’est
pas
imposable;
inversement
tout
gain
découlant
‘‘d’une
initiative
ou
affaire
d’un
caractère
commercial’’,
ayant
comme
objectif
essentiel
l’obtention
de
profits,
est
imposable;
enfin,
chaque
cas
soumis
en
est
un
d’espèce,
qu’il
importe
d’analyser
à
la
lumière
des
faits
concomitants.
L’empirisme
relatif
de
cette
décision
ne
prétend
pas
exclure,
cela
va
de
soi,
l’influence
du
facteur
intentionnel,
révélé,
moins
par
le
témoignage
de
la
partie,
que
par
l’attestation
plus
convaincante
des
circonstances.
Il
suffira,
je
crois,
de
deux
citations
pour
accréditer
ce
sentiment.
Parlant
au
nom
de
la
Cour
Suprême,
M.
le
juge
Kerwin,
maintenant
Juge
en
chef
du
Canada,
dans
l’instance
Atlantic
Sugar
Refineries
Ltd.
v.
M.N.R.,
[1949]
S.C.R.
706,
à
la
page
707;
[1949]
C.T.C.
196,
à
la
page
198,
disait
que:
“The
Court
of
Appeal
in
England
decided
in
Imperial
Tobacco
Co.
v.
Kelly
that
the
intention
with
which
a
transaction
was
entered
into
is
a
feature
that
should
be
considered
under
the
British
Income
Tax
Act.
That
is
an
important
matter
under
our
Act
but
the
whole
sum
of
the
circumstances
must
be
taken
into
account
in
determining
whether
a
profit
arose
as
part
of
the
taxpayer’s
business.”
Le
Président
de
cette
Cour,
décidant
la
cause
de
Cragg
V.
M.N.R.,
[1952]
Ex.
C.R.
40,
aux
pages
45
et
46;
[1951]
C.T.C.
322,
à
la
page
327,
met
en
relief
l’apport
du
climat
moral
et
matériel
de
l’opération.
Il
écrit
:
.
the
Court
must
be
careful
before
it
decides
that
a
series
of
profits,
each
one
of
which
would
by
itself
have
been
a
capital
gain,
has
become
profit
or
gain
from
a
business.
Such
a
decision
cannot
depend
solely
on
the
number
of
transactions
in
the
series,
or
the
period
of
time
in
which
they
occurred,
or
the
amount
of
profit
made,
or
the
kind
of
property
involved.
Nor
can
it
rest
on
statements
of
intention
on
the
part
of
the
taxpayer.
The
question
in
each
case
is
what
is
the
proper
deduction
to
be
drawn
from
the
taxpayer’s
whole
course
of
conduct
viewed
in
the
light
of
all
the
circumstances.
The
conclusion
in
each
case
must
be
one
of
fact.”
Il
n’est
guère
douteux
que
l’entreprise
de
voiturier
public,
montée
par
Latreille
de
1946
à
1949,
sans
confusion
avec
son
commerce
de
garagiste,
ne
constitue,
au
même
titre
que
ce
dernier
négoce,
une
initiative
distincte,
comportant
un
investissement
de
capitaux
concrétisé
par
le
matériel
roulant.
L’intimé
même
n’en
disconvient
pas.
L’ensemble
circonstanciel,
à
partir
du
négligeable
ou
même
périlleux
excédent
de
$290
pour
l’exercice
1949,
jusqu’à
la
disparition
absolue
du
service,
le
31
juillet
1952
;
puis
la
réduction
continue
des
unités
dans
la
période
intermédiaire,
tout
corrobore
raisonnablement
l’explication
de
Latreille
et
de
son
comptable
au
chapitre
de
l’abandon
des
affaires.
Toute
chose
a
ses
modalités
propres,
et
disposer
de
21
taxis
est
plus
complexe,
on
l’admettra,
que
la
revente
d’actions
de
banque
ou
de
valeurs
d’Etat.
Dans
cet
ordre
d’idées,
il
est
notoire
que
la
vente
d’automobiles
entraîne,
presque
toujours,
la
nécessité
d’en
reprendre
de
plus
usagées.
L’appelant,
comme
tout
autre,
devait
subir
cette
pratique
coutumière,
afin
d’échapper
à
l’alternative
peu
alléchante
d’une
vente
globale
à
prix
moindre.
Nous
avons
présentement,
je
pense,
une
application
littérale
de
l’opinion
de
M.
le
juge
Thorson,
que
la
fréquence
des
transactions,
considérées
isolément,
n’est
pas
un
facteur
décisif,
si
d’autres
indices
repoussent
l’hypothèse
de
la
commercialité.
Et
encore,
la
vente
en
vrac
des
21
taxis,
solution
que
l’intimé
eut
exonoré
de
tout
reproche,
aurait
vraisemblablement
astreint
le
vendeur
à
des
échanges.
Advenant
cette
plausible
éventualité,
quelle
eût
été
la
distinction
juridique
entre
ces
reprises
en
gros
et
des
échanges
dispersés?
Je
dois
conclure
que
la
ligne
de
conduite
suivie,
en
l’occur-
rence,
par
l’appelant
n’a
pas
dévié
de
l’intention
réelle
de
disposer
d’une
entreprise
peu
rentable
et
qu’il
y
procéda
selon
la
pratique
inhérente
à
l’espèce.
Soutenir
le
contraire
équivaudrait
à
dire
que
Latreille,
astreint
à
des
modalités
opposées
à
l’usage,
devait
se
résoudre
à
subir
une
perte.
Je
ne
sache
pas
que
le
statut
ou
la
jurisprudence
ait
pareille
sévérité.
Edouard
Latreille
rapporta
que
son
banquier
lui
avait
vivement
conseillé,
en
1950,
‘‘de
laisser
là
sa
ligne
de
taxis”.
Or,
son
débit
bancaire
de
$12,500,
à
cette
époque,
atteignait
peu
après,
le
ciffre
de
$24,575.
L’intimé
s‘arroge
de
ce
fait
pour
révoquer
en
doute
la
sincérité
de
Latreille.
La
réplique
fut
assez
probante
:
la
revente
des
taxis
facilitait
le
transport
à
la
banque
de
créances
en
collatéral
au
montant
de
$58,895.
La
confiance
renaissait
parce
que
les
motifs
de
crainte
s’atténuaient.
A
Latreille,
disant
que
l’entreposage
de
ses
taxis
eut
entraîné
des
dépenses
quotidiennes
de
$6
chacun,
l’intimé
oppose
des
pertes
d’exploitation
de
$22,774.07
pour
l’année
1950;
de
$15,154.78
en
1951
et
de
$4,213.44
en
1952.
L’appelant
répond
que
21
véhicules
inutilisés,
coûtant
$6
de
faux
frais
par
jour,
auraient
creusé
un
déficit
annuel
de
$45,990,
et
qu’entre
deux
maux
il
importe
de
choisir
le
moindre.
Sans
insister
plus
que
de
raison,
j’inclinerais
à
croire
que
pareil
reproche
dessert
ses
auteurs
autant
qu’il
ne
les
aide:
l’exploitant
encourt
des
risques
sérieux
pour
donner
effet
à
sa
décision
de
se
défaire
d’une
entreprise
onéreuse.
Et
n’oublions
pas
que
la
transaction,
tout
compte
fait,
se
solda
par
d’appréciables
bénéfices,
en
fonction
desquels
le
ministère
réclame
paiement
d’impôts.
A
l’appui
de
sa
prétention,
l’intimé
invoqua
trois
décisions
que
j’examinerai
succintement.
La
première,
Gloucester
Railway
Carriage
and
Wagon
Co.
Lid.
v.
C'.I.R.,
[1925]
A.C.
469,
offre
le
cas
d’une
firme
anglaise
qui
manufacturait
des
wagons
de
chemin
de
fer.
Pendant
la
première
guerre
cette
compagnie,
au
lieu
de
vendre
ses
wagons,
en
pratiqua
la
location
à
différents
réseaux
ferroviaires.
Les
hostilités
terminées,
Gloucester
Company
décida
de
disposer
de
la
totalité
des
voitures
naguère
louées,
au
nombre
de
1622,
opé-
ration
commerciale
qui
valut
aux
intéressés
un
profit
de
148,651
livres
ou,
en
devises
canadiennes,
environ
$700,000.
Le
Comité
judiciaire
de
la
Chambre
des
Lords
confirma
la
décision
des
Commissaires
de
l’impôt,
à
l’effet
que
les
profits
ainsi
obtenus
étaient
de
nature
commerciale,
puisque
la
raison
d’existence
de
la
compagnie
consistait
à
fabriquer
et
à
vendre
des
wagons.
La
location
des
voitures
n’avait
été
qu’un
incident
commercial.
Latreille
ne
fut
jamais
fabricant
d’automobiles
mais
simplement
un
voiturier
public,
dont
les
revenus
commerciaux
provenaient
de
locations
de
services.
Lorsqu’il
résolut
de
liquider
l’affaire,
son
capital
se
composait
de
la
flotte
de
taxis.
Dans
l’instance
Cragg
v.
M.N.R.,
[1952]
Ex.
C.R.
40;
[1951]
C.T.C.
322,
précédemment
citée,
l’appelant,
comptable
d’une
compagnie
d’assurances,
acheta
dix
propriétés
ou
conciergeries,
entre
1946
et
1949,
dans
le
dessein,
expliqua-t-il,
d’augmenter
le
chiffre
de
ses
revenus.
Le
juge
Thorson
décida,
après
une
analyse
circonstanciée
des
incidents,
que
Cragg
avait
spéculé
sur
le
marché
des
immeubles.
Il
convient
de
signaler
que
le
26
mai
1947,
ce
même
Cragg
déclarait
solenellement,
dans
un
document
officiel,
que,
depuis
le
mois
de
juillet
1943,
il
faisait
affaires
en
qualité
de
courtier
ou
d’agent
d’immeubles.
Cela
étant,
il
eut
fallu
un
gosier
singulièrement
extensible
pour
ravaler
pareille
contradiction.
Quant
à
l’instance
M.N.R.
v.
James
A.
Taylor,
[1956]
C.T.C.
189,
il
m’est
impossible
d’y
apercevoir
la
moindre
analogie
avec
l’actuel
problème.
Taylor,
gérant
d’usine,
sous
contrôle
américain,
ne
pouvait
obtenir
du
bureau
chef
qu’en
de
faibles
proportions
le
plomb
requis
à
la
fabrication
de
ses
produits.
Il
décida
d’acheter
en
son
propre
nom
une
forte
quantité
de
ce
métal
qu’il
revendit
à
sa
compgnie
par
personnes
interposées,
touchant
ainsi
des
bénéfices
considérables.
La
Cour
conclut
que
cette
transaction
était
une
spéculation
et
je
m’expliquerais
mal
une
solution
différente.
Pour
les
motifs
qui
précèdent,
je
suis
d’avis
que
l’appelant
a
repoussé
la
présomption
qui
militait
a
priori
en
faveur
des
cotisations
ministérielles
et
prouvé
les
allégations
de
son
pourvoi.
En
conséquence,
je
maintiens
l’appel
et
annule
la
décision
rendue
par
la
Commission
d’Appeal
de
l’impôt
sur
le
Revenu,
le
11
février
1957.
Le
dossier
sera
référé
au
Ministre
du
Revenu
National
pour
que
soit
effectué
le
dégrèvement
fiscal
requis.
L’appelant
aura
droit
de
recouvrer
ses
dépens
taxables.
Jugement
en
conséquence.