FOURNIER,
J.:—Dans
cette
affaire,
il
s’agit
d’un
appel
de
la
décision
rendue
le
9
juillet
1957
par
la
Commission
d’Appel
de
l’impôt
sur
le
Revenu,
accueillant
l’appel
de
l’intimée,
La
Société
Coopérative
Agricole
du
Canton
de
Granby,
de
cotisations
d’impôt
sur
le
revenu
pour
les
années
1947,
1948,
1949,
1950,
1951,
1952
et
1953.
L’intimée,
se
basant
sur
les
dispositions
de
la
Loi
de
l’Impôt
de
guerre
sur
le
revenu
et
de
la
Loi
de
l’Impôt
sur
le
revenu,
a
réclamé
en
déduction
de
son
revenu
pour
les
années
1947
à
1953
les
montants
de
$15,516.47,
$18,324.71,
$18,714.91,
$23,396.12,
$13,719.30,
$11,256.99
et
$9,364.70
respectivement
comme
intérêts
payés
à
ses
détenteurs
d’actions
privilégiées
sur
du
capital
emprunté
et
employé
dans
le
commerce
pour
produire
le
revenu.
Le
Ministre
du
Revenu
national,
en
cotisant
l’intimée
pour
les
années
en
question,
refusa
de
reconnaître
à
l’intimée
le
droit
de
déduire
de
son
revenu
les
montants
réclamés
à
titre
d’intérêt
payé
sur
capital
emprunté.
L’intimée
en
appela
de
cette
décision
et
la
Commission
d’Appel
de
l’impôt
sur
le
Revenu
accueillit
en
partie
cet
appel
et
permit
la
déduction
des
montants
susmentionnés
du
revenu
de
l’intimée
pour
les
années
d’imposition
1947
à
1953.
L’appel
de
ce
jugement
par
le
Ministre
du
Revenu
national
a
été
déféré
à
cette
Cour.
L’appelant
soumet
que
les
montants
payés
par
l’intimée
à
ses
détenteurs
d’actions
privilégiées
pour
les
années
1947
à
1953
ne
sont
pas
des
montants
payés
pour
intérêt
sur
capital
emprunté
mais
des
dividendes
sur
actions
privilégiées
et
que
ses
cotisations
d’impôt
sur
le
revenu
sont
bien
fondées.
A
l’appui
de
ses
prétentions
l’appelant
invoque
les
dispositions
de
l’article
5(1)
(b)
de
la
Loi
de
l’impôt
de
guerre
sur
le
revenu
et
de
l’article
11(1)
(c)
de
la
Loi
de
l’impôt
sur
le
revenu.
A
l’encontre
des
prétentions
de
l’appelant
l’intimée
soumet
que
l’intérêt
payé
fut
remis
à
des
personnes
lui
ayant
fait
des
avances
de
fonds
sous
forme
de
prêts
et
qui
reçurent
en
échange
des
certificats
décrits
comme
‘certificats
d’actions
privilégiées’’.
Ces
certificats
conféraient
aux
détenteurs
tous
les
droits
d’un
créancier
mais
aucun
des
droits
d’un
actionnaire.
Au
soutien
de
ses
allégués
l’intimée
invoque
les
mêmes
articles
des
lois
d’impôt
sur
le
revenu
que
l’appelant.
Les
dispositions
de
ces
articles
se
lisent
comme
suit
:
Income
War
Tax
Act
“Sec.
5.
Exemptions
and
deductions.—1.
“Income
as
hereinbefore
defined
shall
for
the
purposes
of
this
Act
be
subject
to
the
following
exemptions
and
deductions
:—
(b)
Interest
on
borrowed
capital.—Such
reasonable
rate
of
interest
on
borrowed
capital
used
in
the
business
to
earn
the
income
as
the
Minister
in
his
discretion
may
allow
notwithstanding
the
rate
of
interest
payable
by
the
taxpayer,
but
to
the
extent
that
the
interest
payable
by
the
taxpayer
is
in
excess
of
the
amount
allowed
by
the
Minister
hereunder,
it
shall
not
be
allowed
as
a
deduction
and
the
rate
of
interest
allowed
shall
not
in
any
case
exceed
the
rate
stipulated
for
in
the
bond,
debenture,
mortgage,
note,
agreement
or
other
similar
document,
whether
with
or
without
security,
by
virtue
of
which
the
interest
is
payable;’’
Income
Tax
Act
“11.
(1)
Notwithstanding
paragraphs
(a),
(b)
and
(h)
of
subsection
(1)
of
section
12,
the
following
amounts
may
be
deducted
in
computing
the
income
of
a
taxpayer
for
a
taxation
year:
(c)
an
amount
paid
in
the
year
or
payable
in
respect
of
the
year
(depending
upon
the
method
regularly
followed
by
the
taxpayer
in
computing
his
income),
pursuant
to
a
legal
obligation
to
pay
interest
on
(i)
borrowed
money
used
for
the
purpose
of
earning
income
from
a
business
or
property
(other
than
property
the
income
from
which
would
be
exempt),
Voyons
si
dans
cette
cause
la
preuve
offerte
rencontre
les
exigences
des
articles
précités
permettant
au
contribuable
de
déduire
de
son
revenu
les
montants
payés
à
titre
d’intérêts
sur
les
emprunts
effectués
en
vue
de
réaliser
des
profits
dans
ses
opérations
d’affaires.
L’intimée
est
une
société
coopérative
agricole
qui
fut
organisée
en
1938
et
qui,
pendant
les
années
qui
nous
intéressent,
était
régie
par
les
dispositions
de
la
Loi
des
coopératives
agricoles,
S.R.Q.
1941,
c.
120
et
ses
amendements.
C’est
une
entreprise
de
ventes,
d’achats
et
de
service
pour
le
bénéfice
de
ses
membres,
organisée
dans
le
but
de
travailler
à
la
satisfaction
des
besoins
spéciaux
de
ces
derniers.
Se
conformant
aux
dispositions
de
la
loi,
elle
a
commencé
par
se
créer
un
capital
au
moyen
de
l’émission
et
de
la
vente
d’actions
ordinaires,
puis
en
1941
elle
a
augmenté
ce
capital
en
émettant
des
actions
privilégiées,
qu’elle
offrait
à
ses
membres,
et
ce
en
vertu
de
l’article
5(1)
qui
se
lit
ainsi:
“5.
1.
.
.
.
La
société
a
le
droit
d’émettre
des
actions
privilégiées.
Le
bureau
de
direction
peut
en
fixer
la
dénomination
et
déterminer
le
taux
d’intérêt,
lequel
ne
doit
pas
dépasser
sept
pour
cent.
Ces
actions
privilégiées
sont
rachetables
par
la
société
aux
conditions
fixées
par
le
bureau
de
direction
et
indiquées
dans
le
certificat
d’émission.
Les
porteurs
d’actions
privilégiées
n’ont
pas
le
droit
d’assister
ni
de
voter
aux
assemblées
de
la
société.
’
’
Kn
1944,
vu
que
la
société
progressait,
il
fut
décidé
d’étendre
ses
activités
et
d’entreprendre
la
fabrication
du
lait
en
poudre.
Pour
ce
faire
il
fallait
construire
une
usine
et
y
installer
des
machines
spéciales.
Afin
d’acquitter
certaines
dettes
et
réaliser
ce
projet,
la
société
avait
besoin
d’un
montant
de
$275,000.
Elle
fit
un
appel
à
ses
membres
pour
obtenir
cette
somme
mais
sans
succès.
Elle
proposa
ensuite
d’émettre
des
actions
privilégiées
qui
seraient
remises
à
ses
membres
pour
chaque
montant
de
$50
qu’elle
retiendrait
de
chacun
d’eux
à
raison
de
100
par
100
lbs
de
lait
qu’ils
lui
vendraient.
Elle
ne
put
obtenir
les
fonds
requis
de
cette
manière.
Par
résolution,
il
fut
subséquemment
décidé
de
faire
une
émission
d’obligations
et
des
démarches
furent
faites
à
cette
fin
auprès
de
courtiers
en
placements.
A
cette
époque-la,
l’émission
d’obligations
était
impossible
parce
que,
pour
se
conformer
aux
exigences
de
ceux
qui
s’engageraient
à
vendre
ces
obligations,
il
lui
aurait
fallu
hypothéquer
ses
immeubles
en
garantie
de
l’emprunt,
la
loi
défendant
aux
sociétés
coopératives
agricoles
de
fournir
une
telle
garantie
pour
des
dettes
obligataires.
N’ayant
pu
réussir
à
obtenir
les
fonds
nécessaires
par
les
moyens
précités,
la
société,
après
discussion,
chargea
le
notaire
Jacques
Noiseux
de
trouver
le
capital
dont
elle
avait
besoin.
Il
accepta
de
trouver
une
solution
au
problème.
A
cet
effet,
il
élabora
un
projet
qui
fut
incorporé
dans
un
contrat
sous
seing
privé
en
date
du
10
mai
1946,
signé
par
des
mandataires
dûment
autorisés
à
ce
faire
par
résolution
de
l’intimée
et
par
le
notaire
Noiseux.
Copie
de
ce
document
forme
partie
du
dossier.
Je
crois
utile
à
l’étude
de
la
cause
d’énumérer
brièvement
les
conventions
et
obligations
de
l’intimée
qui
sont
contenues
dans
ce
contrat.
L’intimée
s’engage
à
emprunter
une
somme
capitale
de
$275,000
par
voie
d’émission
d’actions
privilégiées
aux
taux
et
conditions
spécifiées—Durée,
10
ans
du
15
juillet
1946—Taux,
0%
l’an
payable
semi-annuellement—Remboursement,
$27,500
annuellement,
l’intérêt
sur
toutes
les
actions
privilégiées
émises
devant
courir
à
compter
du
jour
de
leur
souscription
jusqu’au
Jour
de
leur
remboursement.
L’intimée
s’oblige
à
permettre
que
la
partie
de
deuxième
part
engage
qui
elle
voudra
pour
l’aider
dans
la
vente
de
la
dite
émission
d’actions
privilégiées.
Elle
s’oblige
à
payer
tous
les
frais
de
publicité,
impression
ou
autres
découlant
ou
non
du
dit
emprunt,
l’autre
partie
ne
s’engageant
qu’à
assumer
ses
frais
de
déplacement
pour
la
vente
des
actions.
Elle
s’oblige
à
donner
tous
les
pouvoirs
ordinaires
et
extraordinaires
nécessaires
à
la
vente
des
actions.
Le
contrat
tout
entier
est
à
lire;
je
n’en
cite
que
les
clauses
qui
me
semblent
essentielles
à
l’étude
de
la
question
en
litige.
Après
la
signature
du
contrat,
l’intimée
fit
imprimer
des
certificats
d’actions
privilégiées
dont
le
texte
contient
la
phrase
suivante
:
‘Les
dites
actions
privilégiées
sont
émises
conformément
à
une
résolution
du
Bureau
de
direction
en
date
du
10
mai
1946,
et
sont
sujettes
aux
dispositions
énoncées
au
verso
du
présent
certificat.”
La
résolution
décrétait
que
le
contrait
serait
signé
par
le
président
et
le
secrétaire-trésorier
de
la
société.
Il
n’y
a
pas
de
doute
que
cette
résolution
approuvait
le
contrat,
donnait
instruction
à
ses
mandataires
de
le
signer
et
autorisait
une
émission
d’actions
privilégiées
aux
conditions
convenues.
Quelques
jours
plus
tard
commençait
une
campagne
de
souscription.
Le
mercredi
22
mai
1946,
le
journal
“Le
Revue
de
Granby’’
publiait
une
nouvelle
intitulée
:
‘‘NOTRE
SOCIETE
COOPERATIVE
LANCE
UN
EMPRUNT
DE
$275,000’’,
avec
sous-titres:
‘‘Les
garanties
sont
exceptionnelles;
le
taux:
5%”,
suivis
de:
‘‘Garanties:
$416,000
de
valeurs
immobilières
non
hypothécables
;
515
coopérateurs;
remboursement
assuré.’’
Dans
le
texte
de
l’article
se
trouvent
les
paragraphes
suivants:
‘‘Pendant
cette
campagne
d’emprunt
qui
débutera
le
1er
juin
1946
pour
prendre
fin
vers
le
1er
octobre
de
la
même
année,
la
Société
Coopérative
Agricole
du
Canton
de
Granby
émettra
pour
la
somme
de
$275,000
de
parts
privilégiées
dont
la
valeur
nominale
au
pair
sera
de
$50
la
part,
portant
intérêt
non
cumulatif
au
taux
de
5
%.
Cet
intérêt
non
cumulatif,
c’est-à-dire
qui
ne
peut
être
ajouté
au
capital
déjà
investi,
mais
qui
doit
plutôt
être
nécessairement
accepté
par
de
prêteur,
sera
remboursable
deux
fois
l’an,
.
.
.””
La
campagne
de
sollicitation
fut
continuée
jusqu’à
ce
que
l’intimée
réussisse
à
réaliser
son
objectif
ou
du
moins
une
somme
jugée
suffisante
pour
rencontrer
ses
obligations
et
continuer
les
travaux
nécessaires
à
l’expansion
de
ses
opérations.
Sommairement,
ces
faits
établissent
que
l’intimée
avait
besoin
de
fonds
et
qu’elle
essaya
plusieurs
moyens
pour
les
prélever.
J’énumère:
contributions
des
membres;
émission
d’actions
privilégiées
aux
membres
;
décision
de
lancer
un
emprunt
sous
forme
d’obligations
et
pourparlers
à
cet
effet
avec
des
courtiers
en
valeurs;
garantie
d’un
emprunt
par
la
Province.
Comme
ces
moyens
de
réussissaient
pas,
elle
décida
d’emprunter
par
voie
d’une
émission
d’actions
privilégiées
aux
conditions
stipulées
au
contrat
intervenu
entre
l’intimée
et
le
notaire
Noiseux.
Cette
manière
de
procéder
eut
plus
de
succès
que
les
moyens
tentés
précédemment.
Comme
on
peut
le
voir,
ce
n’est
pas
tant
la
méthode
à
suivre
qui
semble
avoir
été
importante,
mais
plutôt
le
fait
de
trouver
un
moyen
qui
permettrait
à
l’intimée
de
ce
procurer
les
fonds
nécessaires.
Elle
a
décidé
que
ce
moyen
serait
l’émission
d’actions
privilégiées.
L’intimée
a
été
formée
sous
l’autorité
de
la
Loi
des
sociétés
coopératives
agricoles,
S.R.Q.
1941,
c.
120,
et
ses
amendements.
Voyons
les
dispositions
pertinentes
de
cette
loi.
L’intimée
est
une
société
de
la
nature
d’une
société
par
actions,
la
responsabilité
de
ses
membres
ou
actionnaires
étant
limitée
au
montant
de
leurs
mises
respectives
(voir
article
4).
L’article
3
indique
la
composition
de
la
société.
Elle
se
compose
de
producteurs
actionnaires,
elle
peut
s’adjoindre
des
producteurs
affiliés
et
peut
comprendre
des
actionnaires
privilégiés.
L’article
5(1)
déjà
cité,
lui
donne
le
droit
d’émettre
des
actions
privilégiées.
L’article
5(6)
dit:
5.
6.
Aucun
sociétaire
ne
peut
souscrire
et
détenir
plus
de
dix
actions
du
capital
de
la
société.”
Les
articles
8,
9,
14,
19,
20,
22
et
24
décrètent:
“8.
La
société
se
compose
des
personnes
qui
ont
signé
la
déclaration
mentionnée
dans
l’article
3
et
de
toutes
celles
qui,
par
la
suite,
souscrivent
des
actions
ordinaires
dans
cette
société.
9.
A
compter
de
la
date
de
la
publication
dans
la
Gazette
officielle
de
Québec,
cette
société
devient
une
corporation
sous
le
nom
qui
lui
est
donné
dans
cet
avis.
14.
Dans
le
cas
où
un
producteur
actionnaire
néglige
ou
refuse
de
remplir
les
clauses
du
contrat
qui
le
lie
à
la
société
coopérative
dont
il
fait
partie
ou
si,
à
l’expiration
de
ce
contrat,
il
néglige
ou
refuse
d’en
passer
un
autre
pour
une
nouvelle
période
de
trois
ans,
le
bureau
de
direction
peut,
s’il
le
juge
à
propos,
rayer
ce
producteur
actionnaire
de
la
liste
des
membres
de
la
coopérative
et
convertir
ses
actions
ordinaires
en
actions
privilégiées.
Ces
actions
privilégiées
ne
peuvent
redevenir
actions
ordinaires.
Pour
se
faire
réadmettre
membre
de
la
coopérative,
le
porteur
de
ces
actions
sera
tenu
de
souscrire
de
nouvelles
actions
ordinaires
tout
comme
s’il
n’avait
jamais
appartenu
à
cette
coopérative.
19.
L’assemblée
générale
se
compose
de
tous
les
producteurs
actionnaires
.
.
.
Elle
élit
les
membres
du
bureau
de
direction
et
un
vérificateur.
.
.
.
20.
Un
producteur
actionnaire
n’a
qu’un
seul
vote,
quelque
soit
le
nombre
de
ses
actions.
.
.
.
22.
Les
comptes
de
la
société
sont
tenus
par
le
secrétaire-
trésorier
sous
le
contrôle
du
bureau
de
direction
et
sont
vérifiés
par
le
vérificateur.
.
..
Après
la
clôture
de
l’exercice
et
pendant
la
première
semaine
de
janvier,
un
état
des
affaires
de
la
société
est
préparé
et
attesté
par
le
secrétaire-trésorier.
.
.
.
24.
Cet
état
doit
être
approuvé
par
le
vérificateur
et
contenir
:
lo
La
liste
des
sociétaires
existant
au
31
décembre,
le
nombre
d’actions
souscrites
et
le
montant
payé
par
chaque
actionnaire
;
Zo
Un
état
succinct
de
l’actif
et
du
passif
de
la
société;
30
Un
état
des
opérations
de
l’année
avec
indication
des
profits
et
pertes;”
2
2
Avant
1947,
l’article
25
se
lisait
ainsi:
“25.
L’assemblée
générale,
se
basant
sur
ce
compte
rendu,
détermine
le
montant
des
bénéfices
dont
elle
fait
la
répartition.
Après
paiement
du
dividende
en
faveur
des
actions
privilégiées
et
du
montant
à
être
versé
au
fonds
de
réserve,
la
société
peut
distribuer
le
surplus
aux
producteurs
actionnaires
7?
Depuis
1947,
cet
article
se
lit
comme
suit
:
“25.
L’assemblée
générale
détermine
en
se
basant
sur
cet
état
le
montant
d’opérations
à
répartir.
Elle
affecte
ce
montant
à
la
constitution
de
réserves
ainsi
qu’à
l’attribution
de
ristournes
aux
membres.”
Après
avoir
résumé
les
faits
importants
révélés
par
la
preuve
et
cité
les
dispositions
de
la
loi
pertinentes
au
litige,
je
poserai
la
question
qui
est
soumise
à
la
Cour.
Les
montants
payés
par
l’intimée
à
ses
détenteurs
d’actions
privilégiées
sont-ils
des
montants
payés
pour
intérêt
sur
capital
emprunté
et
déductibles
de
son
revenu
pour
fins
d’impôt
en
vertu
de
l’article
5(1)
(b)
de
la
Loi
de
l’impôt
de
guerre
sur
le
revenu
et
de
l’article
11(1)
(c)
de
la
Loi
de
l’impôt
sur
le
revenu
?
Le
capital
de
la
société—laquelle,
d’après
l’article
9,
est
une
corporation
légale—est
composé
des
argents
réalisés
par
la
vente
d’actions
ordinaires
et
d’actions
privilégiées
ainsi
que
d’une
réserve.
C’est
la
description
donnée
dans
ses
bilans.
Seuls
les
membres
de
la
société,
désignés
par
la
loi
(article
3)
comme
producteurs
actionnaires,
peuvent
être
détenteurs
d’actions
ordinaires,
mais
ils
ne
devront
pas
être
porteurs
de
plus
de
dix
actions.
Ces
actionnaires
ont
le
droit
d’assister
aux
assemblées
générales,
voter,
élire
le
bureau
de
direction,
prendre
des
décisions
et
faire
des
règlements
pour
l’administration
générale
de
la
société.
C’est
la
disposition
se
rapportant
à
l’administration
de
la
société.
Le
public
en
général
et
les
membres
peuvent
souscrire
au
capital
en
se
portant
acquéreurs
des
actions
privilégiées
émises
conformément
aux
dispositions
de
l’article
5.
Toutefois,
leur
qualité
d’actionnaires
privilégiés
ne
leur
donne
ni
le
droit
d’assister
aux
assemblées,
ni
de
prendre
part
aux
délibérations,
ni
de
voter.
Par
contre,
ils
jouissent
de
certains
privilèges
et
préférences
que
les
actionnaires
ordinaires
ne
possèdent
pas.
Cette
disposition
traite
de
la
constitution
du
capital
de
la
corporation.
Cette
interprétation
de
la
constitution
du
capital-actions
des
sociétés
coopératives
agricoles
est
exprimée
clairement
dans
les
articles
33
et
37
de
la
loi,
lesquels
traitent
des
compagnies
qui
sont
constituées
en
corporation
en
vertu
des
dispositions
de
la
première
partie
de
la
Loi
des
compagnies
de
Québec
(c.
276)
et
qui
sont
converties
en
sociétés
coopératives
agricoles.
Je
cite:
‘
37.
La
nouvelle
société
coopérative
agricole
doit
répartir
son
capital-actions
conformément
au
paragraphe
7
de
l’article
5
de
la
présente
loi,
sur
une
base
de
cinq
actions
de
dix
dollars
ou
de
dix
actions
de
dix
dollars.
Le
surplus
du
montant
d’actions
possédées
par
tout
producteur
actionnaire
de
la
nouvelle
coopérative
est
converti
en
actions
privilégiées
prévues
par
les
dispositions
du
paragraphe
1
de
l’article
5
de
la
présente
loi.
Quant
aux
actions
possédées
par
des
non-producteurs,
elles
sont
totalement
converties
en
actions
privilégiées.’’
La
seule
différence
entre
la
formation
du
capital-actions
d’une
compagnie
et
celle
d’une
société
coopérative
agricole,
c’est
qu’une
compagnie
ne
limite
pas
le
nombre
d’actions
ordinaires
que
les
actionnaires
peuvent
posséder,
tandis
que
les
sociétés
coopératives
limitent
à
leurs
seuls
membres
(producteurs
actionnaires)
la
possession
des
actions
ordinaires,
dont
le
nombre
est
fixé
à
cinq
ou
dix,
suivant
le
cas,
pour
chaque
membre.
Dans
le
cas
des
deux
corporations,
il
n’y
a
pas
de
limite
quant
au
nombre
d’actions
privilégiées
qu’une
personne
peut
détenir.
Le
détenteur
d’actions
ordinaires
reçoit
des
ristournes
sur
sa
mise
de
fonds
et
son
apport
aux
activités
de
la
société
quant
il
y
a
excédents
d’opérations
à
répartir.
Le
porteur
d’actions
privilégiées
reçoit
un
intérêt
déterminé
par
résolution
et
mentionné
sur
le
certificat
d’actions.
Il
a
priorité
pour
le
paiement
de
cet
intérêt
sur
les
montants
versés
à
la
réserve
et
les
ristournes
payables
aux
actionnaires
ordinaires.
En
termes
généraux,
l’intérêt
est
le
loyer
de
l’argent;
le
bénéfice
reçu
de
l’argent
prêté;
un
droit
éventuel
à
des
bénéfices.
Lorsque
le
législateur
emploie
le
mot
“intérêt”
dans
l’article
5,
au
deuxième
paragraphe,
il
n’y
a
pas
de
doute
qu’il
parle
du
droit
éventuel
qu’un
détenteur
d’actions
privilégiées
a
sur
les
bénéfices
de
la
société
et
non
de
loyer
ou
bénéfice
à
recevoir
sur
de
l’argent
prêté.
Le
certificat
d’actions
privilégiées
n’est
pas
une
reconnaissance
d’un
prêt
ou
d’une
créance,
mais
un
titre
de
propriété
d’une
partie
du
capital
d’une
société
constituée
en
corporation.
Le
capital-actions
de
l’intimée
est
employé
dans
une
entreprise
déjà
décrite.
Ce
capital-actions
et
les
biens
de
la
corporation
sont
le
gage
de
ses
créanciers.
Les
propriétaires
des
actions
ont
droit
aux
excédents
des
opérations,
si
excédents
il
y
a.
Quant
à
leur
responsabilité
elle
est
limitée
à
leurs
mises
de
fonds.
Au
soutien
de
sa
prétention
à
l’effet
qu’il
s’agit
d’argent
emprunté,
l’intimée
invoque
les
conditions
mentionnées
à
l’endos
du
certificat
d’actions
privilégiées.
L’engagement
de
la
société
de
verser
un
intérêt
de
5%
aux
détenteurs,
à
dates
déterminées,
et
de
rembourser
le
montant
payé
pour
les
actions
par
versements
annuels,
sont
des
conventions
entre
l’intimée
et
ses
actionnaires
qui
ne
peuvent
affecter
l’opération
des
dispositions
de
la
Loi
de
l’impôt
sur
le
revenu.
D'ailleurs,
le
terme
“intérêt”,
employé
dans
le
sens
de
droit
éventuel
sur
les
bénéfices
de
la
société,
représente
ni
plus
ni
moins
les
dividendes
payables
aux
détenteurs
d’actions
sur
les
profits
réalisés
comme
résultat
des
activités
de
la
corporation.
Avant
1947,
la
loi
mentionnait
que
le
dividende
en
faveur
des
actions
privilégiées
serait
payé
avant
les
ristournes
et
le
montant
à
être
versé
à
la
réserve.
Comme
l’émission
des
actions
privilégiées
est
antérieure
à
l’amendement,
je
considère
que
c’est
la
disposition
qui
était
en
force
avant
1947
qui
s’applique
au
cas
actuel.
Depuis,
vu
qu’il
est
mentionné
et
déterminé
par
résolution
ou
contenu
à
l’endos
du
certificat
sous
la
désignation
“intérêt”,
il
est
entré
au
bilan
qui
établit
l’état
des
opérations
de
l’année.
Le
taux
de
cet
intérêt
ayant
déjà
été
fixé,
il
n’y
a
pas
lieu
de
le
déterminer
à
l’assemblée
générale,
comme
il
est
fait
pour
la
réserve
et
les
ristournes.
Il
me
semble
opportun
de
citer
un
passage
des
notes
du
juge
Audette
dans
la
cause
de
Dupuis
Frères
Ltée.
v.
The
Minister
of
Customs
and
Excise,
[1927]
Ex.
C.R.
207,
210;
[1917-27]
C.T.C.
326,
328,
où
il
dit:
“It
would
be
doing
violence
to
the
language
of
the
Company’s
Act,
to
the
letters
patent,
and
I
might
add,
to
the
custom
of
trade
and
of
experience
to
call
these
preferred
shares
‘borrowed
capital’,
because
of
some
alleged
analogy,
if
any,
to
a
bond,
in
that
at
the
maturity,
in
1936,
the
shareholder,
whose
share
has
not
been
in
the
meantime
redeemed,
can
claim,
as
against
the
company—but
after
the
creditors—his
share
at
$110
and
interest.
The
mere
existence
of
some
feature
which
might
in
such
respect
make
it
resemble
a
bond
or
debenture
is
not
sufficient
to
make
this
preferred
share,
which
is
an
actual
part
of
the
authorized
capital
of
the
company,
a
bond
or
debenture
or
anything
like
it,
and
thereby
transform
it
into
‘borrowed
capital’
for
the
purpose
of
assessment.”
Je
ne
puis
accepter
l’argument
des
procureurs
de
l’intimée
que
la
mention
à
l’endos
du
certificat
que
le
détenteur
aurait
droit
à
un
intérêt
au
taux
de
5%
l’an,
payable
semi-annuelle-
ment,
à
dates
fixes,
et
que
les
actions
seraient
rachetables
par
versements,
sur
une
période
de
dix
ans,
a
eu
pour
effet
de
changer
la
nature
du
certificat
d’actions
privilégiées
et
d’en
faire
un
document
équivalent
à
une
reconnaissance
de
dette,
ou
d’un
emprunt
de
la
part
de
la
société,
ou
d’une
créance
en
faveur
du
détenteur
du
certificat.
Le
capital
d’une
société
par
actions
ne
se
constitue
pas
avec
du
capital
emprunté,
mais
bien
par
la
vente
de
ses
actions
et
l’accumulation
de
ses
profits
non
distribués
à
ses
actionnaires.
Vouloir
payer
les
intérêts
convenus
entre
l’intimée
et
ses
actionnaires
privilégiés
autrement
qu’à
même
les
revenus
de
la
société
viendrait
à
l’encontre
des
dispositions
de
la
Loi
des
coopératives
agricoles
et
des
nombreuses
décisions
rendues
à
ce
sujet.
Je
suis
d’opinion
que
le
mot
“intérêt”
employé
dans
le
statut
quand
il
s’agit
d’actions
privilégiées
veut
dire
‘‘dividende’’
et
qu’un
dividende
est
payable
à
même
les
profits
et
non
à
même
le
capital
de
la
société.
Dans
la
cause
de
In
re
National
Funds
Assurance
(1878-7
9),
10
Ch.
D.
118,
127,
bien
que
le
mot
“intérêt”
ait
été
employé,
il
fut
décidé
que
ce
terme
avait
le
même
sens
que
le
mot
dividende”.
Le
juge
Jessel,
M.R.,
fait,
entre
autres,
les
observations
suivantes
:
‘The
directors
had
no
authority
under
the
articles
of
association
to
declare
a
dividend
which
would
be
a
return
of
capital.
The
limited
company
trades
upon
the
representation
of
being
a
limited
company
with
a
paid-up
capital
to
meet
its
liabilities.
It
is
wholly
inconsistent
with
that
representation
that
the
company,
having
its
capital
paid
up,
should
pay
it
back
to
its
shareholders,
and
give
the
creditors
nothing
at
all.’’
Voir
aussi
Angus
v.
Pope
(1897),
R.J.Q.
6
B.R.
45,
où
le
sommaire
du
jugement
décrète
:
‘‘Le
capital
de
la
compagnie
doit
demeurer
intact
lorsque
les
actionnaires
reçoivent
une
rémunération
sur
leur
capital
placé
dans
la
compagnie.”
Dans
Hyde
v.
Scott
(1919),
R.J.Q.
28
B.R.
80,
le
sommaire
du
Jugement
se
lit
en
partie
comme
suit:
“Dividends
have
to
be
paid
out
of
profits
actually
earned
by
the
company
and
a
dividend
declared
and
paid
by
a
company
before
it
is
actually
earned
and
which
infringes
upon
and
lessens
its
capital
is
illegal.”
Enfin,
dans
la
cause
de
Denault
v.
Stewart
(1918),
R.J.Q.
54
C.S.
209,
il
a
été
décidé:
“Si
un
dividende
est,
par
le
conseil
d’administration,
déclaré
à
même
le
capital
ou
le
fonds
de
réserve,
la
résolution
adoptée
à
cette
fin
est
illégale
et
rend
les
directeurs
personnellement
responsables.”
Lorsque
la
société
désire
emprunter
elle
est
sujette
à
une
procédure
particulière
comprise
dans
l’article
13,
laquelle
n’a
aucune
application
dans
le
cas
d’une
émission
d’actions
privilégiées.
Même
la
société
est
limitée
dans
ses
emprunts,
puisqu’ils
ne
peuvent
dépasser
le
montant
des
actions
souscrites,
qu’elles
soient
ordinaires
ou
privilégiées.
Par
conséquent,
lorsque
l’intimée
dit
vouloir
emprunter
par
voie
d’une
émission
d’actions
privilégiées,
dans
mon
opinion
elle
ne
fait
que
déclarer
qu’elle
émettra
des
actions
privilégiées
pour
obtenir
un
capital-actions
additionnel
lui
permettant
de
rencontrer
ses
obligations
et
de
continuer
l’expansion
de
son
entreprise.
Toute
la
preuve
indique
que
l’intimée
a
fait
une
émission
d’actions
privilégiées
qui
ont
été
souscrites
par
des
détenteurs
de
ses
actions
ordinaires
et
par
le
public
en
général;
qu’elle
a
déterminé
à
l’avance
le
taux
d’intérêt
ou
dividende
qu’elle
paierait
aux
actionnaires;
qu’elle
a
déclaré
que
les
actions
seraient
rachetables.
Tout
ce
que
l’intimée
a
fait
semble
avoir
été
basé
sur
les
dispositions
de
la
loi
qui
la
régit
et
sur
ce
qui
se
fait
régulièrement
par
les
corporations
désireuses
d’augmenter
leur
capital-actions.
De
plus,
les
dividendes
qu’elle
a
payés
à
ses
actionnaires
privilégiés
provenaient
des
profits
réalisés
par
suite
de
ses
activités.
Je
suis
d’opinion
que
l’intimée
avait
le
pouvoir
en
vertu
de
la
loi
de
faire
tout
cela,
mais
qu’elle
ne
pouvait,
par
la
mention,
au
dos
du
certificat,
du
taux
d’intérêt,
des
dates
de
paiement
et
des
conditions
de
rachat
des
actions,
changer
la
nature
de
cette
opération
financière
qui
était
l’émission
d’actions
privilégiées.
Les
montants
qu’elle
a
reçus
pour
ses
actions
privilégiées
font
partie
de
son
capital-actions
et
les
paiements
effectuées
pendant
les
années
1947
à
1953
aux
actionnaires
privilégiés
sont
des
intérêts
ou,
mieux
encore,
des
dividendes
sur
du
capital
investi
par
ces
actionnaires
et
proviennent
des
profits
de
son
entreprise.
Le
détenteur
d’actions
privilégiées
étant
propriétaire
partiel
du
capital
de
la
société
est
done
débiteur,
jusqu’à
concurrence
de
sa
mise
de
fonds,
à
l’égard
des
créanciers
de
la
société.
Le
débiteur
peut-il
être
son
propre
débiteur
et,
partant,
participer
dans
le
gage
des
créanciers,
et
ce
à
leur
détriment?
Je
ne
le
crois
pas.
Pour
ces
raisons,
je
suis
d’opinion
que
les
dispositions
de
l’article
5(1)
(b)
de
la
Loi
de
l’impét
de
guerre
sur
le
revenu
et
de
l’article
11(1)
(c)
de
la
Loi
de
l’impôt
sur
le
revenu
ne
reçoivent
pas
d’application
dans
la
présente
cause,
puisqu’il
ne
s’agit
pas
de
paiements
sur
un
emprunt
mais
de
paiements
faits
sur
du
capital
investi
et
qui
résultent
des
profits
de
la
société.
Je
maintiens
le
présent
appel
et
déclare
que
les
sommes
de
$15,516.47,
$18,324.71,
$18,714.91,
$23,396.12,
$13,719.30,
$11,256.99
et
$9,364.70
pour
les
années
1947
à
1953
inclusivement
sont
sujettes
à
l’impôt
sur
le
revenu
de
l’intimée.
Le
tout
avec
dépenses.
Jugement
en
conséquence.