Le
Juge
Marceau:—J’ai
eu
l’occasion
de
lire
les
notes
de
mon
collègue,
le
juge
Hugessen,
et
malheureusement
je
suis
incapable
de
souscrire
à
sa
façon
de
voir.
Aussi,
me
permetterai-je,
avec
respect,
de
faire
valoir
une
opinion
contraire
à
la
sienne.
Je
ne
crois
pas
que
la
Commission
ait
erré
en
déclarant
que
l’article
1,
Partie
I
de
l’Annexe
III
de
la
Loi
sur
la
taxe
d’accise
n'avait
pas
pour
effet
de
soustraire
les
marchandises
en
cause
(soit
des
pots
à
fleurs,
en
plastique,
destinés
à
être
vendus
vides
à
des
consommateurs)
de
la
taxe
de
vente
imposée
par
le
paragraphe
27(1)
de
ladite
Loi.
Ma
conclusion
ne
repose
nullement
sur
les
motifs
invoqués
par
la
Commission
dans
sa
décision,
car
en
fait,
tel
que
je
lis
cette
décision,
elle
n’en
fait
valoir
aucun.
Elle
est
tirée
de
l’interprétation
stricte
de
la
disposition
exonératoire
invoquée
qui,
je
le
rappelle,
se
lit
comme
suit:
Enveloppes
ordinaires
ou
contenants
ordinaires
devant
servir
exclusivement
à
envelopper
ou
à
contenir
des
marchandises
non
assujetties
à
la
taxe
de
consommation
ou
de
vente
mais
à
l’exclusion
des
enveloppes
ou
contenants
conçus
pour
la
distribution
de
marchandises
lors
de
la
vente
ou
conçus
pour
un
usage
répété
.
.
.
Le
sens
ordinaire
et
courant
du
mot
«marchandises»
est
celui
de
biens
en
circulation
sur
le
marché
commercial,
biens
destinés
à
être
vendus.
Le
dictionnaire
Robert
définit
«marchandise»:
«Chose
mobilière
pouvant
faire
l’objet
d’un
commerce,
d’un
marché»,
mais
ajoute
tout
de
suite:
«et
spécial!.
..
.
Tout
objet
mobilier
destiné
à
la
vente
à
l’exclusion
des
produits
alimentaires
(dits
denrées)»,
alors
que
le
dictionnaire
Larousse
(1966)
définit
directement
«marchandise»:
Ce
qui
se
vend
et
s’achète:
Avoir
ses
magasins
pleins
de
marchandises.
(Les
produits
alimentaires
portent
plutôt
le
nom
de
denrées).
Objets,
matières
ou
fournitures
acquis
par
l’entreprise
et
destinés
à
être
revendus
sans
avoir
subi
aucune
transformation»,
de
même
que
Quillet
(1948):
«Se
dit
de
tout
ce
qui
se
vend
et
se
débite,
en
gros
ou
en
détail,
dans
les
boutiques
et
magasins,
sur
les
foires,
marchés,
etc».
Marchandise
est
ce
qui
fait
l’objet
d’un
«marchée»
que
vend
un
«marchand»,
au
sujet
de
quoi
«marchande».
Nul
ne
penserait
dire
que
sa
femme
a
acheté
des
pots
pour
y
mettre
certaines
«marchandises»
auxquelles
elle
tient
spécialement
ou
qu’elle
a
cueillies
dans
son
jardin,
soit
des
fleurs.
En
utilisant
le
mot
«marchandise»
et
non
un
mot
plus
général
comme
le
mot
«article»
(un
mot
qu'il
utilise
ailleurs
dans
la
Loi)
ou
encore
le
mot
«bien»,
le
législateur
a,
a
mon
sens,
voulu
indiquer
que
l’exemption
ne
pourrait
viser
que
les
contenants
devant
recevoir
des
biens,
des
objets
en
circulation
sur
le
marché
commercial
et
destinés
à
être
vendus,
des
biens
mis
en
vente.
C’est
d’ailleurs
la
seule
interprétation
qui
puisse
être
en
pleine
harmonie
avec
le
contexte
où
la
disposition
s’insère
et
avec
le
but
que
manifestement
elle
vise,
puisqu’il
s’agissait
de
compléter
l’exemption
de
taxe
de
vente
que
le
législateur
entendait
accorder
à
certains
biens
de
consommation.
Il
est
évident
que
les
pots
à
fleurs
vendus
vides
à
des
consommateurs
ne
sont
pas
destinés
à
recevoir
des
«marchandises»,
au
sens
de
biens
en
circulation
sur
le
marché
commercial
et
destinés
à
être
vendus.
Je
rejetterais
l’appel
avec
dépens.
Le
Juge
Le
Dain:—J’ai
eu
l’avantage
de
lire
les
motifs
du
jugement
de
mes
collègues,
les
juges
Marceau
et
Hugessen.
Je
partage
l’opinion
de
mon
collègue,
le
juge
Marceau
et
je
disposerais
de
l’appel
comme
il
suggère.
A
mon
avis,
les
mots
«marchandises
non
assujetties
à
la
taxe
de
consommation
ou
de
vente»
dans
l'article
1,
Partie
I
de
l’Annexe
III
de
la
Loi
sur
la
taxe
d’accise,
telle
qu’elle
existait,
veulent
dire
marchandises
qui,
sans
l’existence
de
l’exclusion
ou
de
l’exemption
auraient
été
sujettes
à
la
taxe
de
vente
parce
qu’elles
auraient
fait
l’objet
d’une
transaction
qui
donne
lieu
à
la
taxe.
Les
pots
à
fleurs
destinés
à
être
vendus
vides
à
des
consommateurs
n'étaient
clairement
pas
destinés
à
contenir
de
telles
marchandises.
Le
Juge
Hugessen:—Il
s’agit
d’un
appel
d’une
déclaration,
par
la
Commission
du
tarif,
que
les
pots
de
fleurs
en
plastique
mince
fabriqués
par
l’appelante
et
vendus
à
des
grossistes
ou
à
des
détaillants
pour
revente
au
public
ne
sont
pas
couverts
par
l’exemption
de
la
taxe
de
vente
décrétée
à
l’article
1
de
la
Partie
I
de
l’Annexe
III
de
la
Loi
sur
la
taxe
d’accise,
SR,
chapitre
E-13).
A
l’époque
pertinente,
le
texte
de
l’exemption
en
question
se
lisait
comme
Suit:
Enveloppes
ordinaires
ou
contenants
ordinaires
devant
servir
exclusivement
à
envelopper
ou
à
contenir
des
marchandises
non
assujetties
a
la
taxe
de
consommation
ou
de
vente
mais
à
l’exclusion
des
enveloppes
ou
contenants
conçus
pour
la
distribution
de
marchandises
lors
de
la
vente
ou
conçus
pour
un
usage
répété
..
.
.
Pour
les
fins
du
présent
dossier,
ce
texte
comprend
trois
éléments
distincts:
a.
Contenants
ordinaires;
b.
Devant
servir
exclusivement
à
contenir
des
marchandises
non
assujetties
à
la
taxe;
c.
Non
conçus
pour
un
usage
répété.
Lors
de
l’audience
devant
la
Commission,
l’intimé
a
formellement
reconnu
que
les
pots
en
question
sont
des
contenants
ordinaires
«de
fleurs
ou
de
plantes»
et
que
ces
dernières
sont
exempts
[sic]
de
la
taxe
d’accise
en
raison
des
dispositions
de
la
Partie
IV
de
l’Annexe
III
de
la
Loi.
(Mémoire
du
Sous-ministre
à
la
Commission,
Dossier,
p
47.)
Le
Sous-ministre
a
prétendu,
tant
devant
la
Commission
que
devant
nous,
que
l’exemption
s’applique
seulement
lorsque
les
pots
en
question
sont
destinés
à
être
vendus
contenant
des
fleurs
ou
des
plantes.
Cette
prétention
n’a
pas
été
acceptée
par
la
Commission
et
n’est
pas
conforme
au
texte
précité.
La
Commission,
toutefois,
a
donné
raison
au
Sous-ministre
pour
un
autre
motif,
soit
que
le
libellé
de
la
Partie
I
de
l’Annexe
III
se
rapporte
exclusivement
à
«l’usage
commercial».
Cette
interprétation
non
plus
n’est
pas
conforme
au
texte
précité.
Pour
appuyer
sa
position,
la
Commission
a
cité
sa
propre
décision,
rendue
le
10
juin
1966,
dans
l’appel
numéro
829,
The
Canadian
Horticultural
Council.
Or,
dans
cette
dernière
décision,
la
Commission
ne
considérait
que
les
mots
«conçus
pour
un
usage
répété»,
qu’on
trouve
à
la
fin
du
texte
précité,
et
décidait,
à
bon
droit
d’ailleurs,
que
ces
mots
ne
visaient
pas
un
usage
occasionnel
par
un
non-commerçant.
L’on
propose
maintenant
un
troisième
argument
à
l’appui
de
la
position
du
Sous-ministre,
soit
que
l’emploi
du
mot
«marchandises»,
dans
le
texte
précité,
pour
désigner
les
choses
à
envelopper
ou
à
contenir,
implique
nécessairement
une
limitation
à
des
choses
qui
sont
en
circulation
sur
le
marché
commercial
ou
destinées
à
être
vendue.
Comme
l’appelante
vend
une
proportion
de
sa
production
à
des
grossistes
ou
à
des
détaillants,
qui
les
revendent
vides
à
des
particuliers,
et
comme
les
plantes
et
les
fleurs
que
ces
derniers
vont
mettre
dans
les
pots
ne
sont
pas
nécessairement
destinées
à
être
vendues,
l’exemption
ne
s’applique
pas.
Avec
respect
pour
l’opinion
contraire,
je
considère
cette
interprétation
incompatible
avec
le
sens
ordinaire
du
mot
«marchandise»,
qui,
selon
Robert,
désigne:
1°
Chose
mobilière
pouvant
faire
l’objet
d’un
commerce,
d’un
marché.
(soulignés
ajoutés).
Or,
il
ne
fait
aucun
doute
que
des
fleurs
et
des
plantes
peuvent
faire
l’objet
d’un
commerce.
L’intimé
l’admet
d’ailleurs
car
il
accepte
que
les
pots
produits
par
l’appelante
et
vendus
à
des
producteurs
de
fleurs
et
de
plantes
(serres,
pépinières,
etc)
sont
exempts.
Donc,
si
les
fleurs
et
les
plantes
sont
susceptibles
de
faire
l’objet
d’un
commerce,
elles
sont
des
marchandises
aux
yeux
de
la
Loi.
A
mon
avis,
elles
ne
cessent
pas
de
l’être
selon
que
leur
propriétaire
décide
de
les
vendre
ou
pas.
C’est
le
caractère
intrinsèque
de
la
chose,
et
non
pas
l’intention
de
son
propriétaire,
qui
en
détermine
la
nature.
A
mon
sens,
le
mot
«marchandise»
comprend
tout
objet
mobilier
qui
n’est
pas
hors
du
commerce.
(Comparer
avec
l’article
1486
Cc).
Cette
interprétation,
d’ailleurs,
est
compatible
avec
le
texte
anglais,
où
le
mot
employé,
«goods»,
n’est
sûrement
pas
limité
à
des
choses
qui
sont
réellement
dans
le
commerce
(vg
«household
goods»)
mais
seulement
à
celles
qui
sont
susceptibles
de
l’être*.
Dans
mon
opinion,
la
Commission
a
commis
une
erreur
de
droit.
Je
ferais
donc
droit
à
l’appel
et
je
renverrais
l’affaire
à
la
Commission
pour
qu’elle
la
réentende
et
rende
jugement
en
conformité
avec
les
présents
motifs.
Je
fe-
rais
également
droit
a
la
requête
de
l’appelante
pour
que
le
titre
de
la
présente
affaire
réflète
son
changement
de
nom
et
j’ordonnerais
que
l'intitulé
de
la
cause
soit
dorénavant
tel
qu'il
figure
au
début
des
présents
motifs.