Le
juge
Denault:—Le
18
décembre
1984,
le
juge
Rouleau
a
accordé
une
requête
pour
ordonnance
provisoire
de
constitution
de
charge
immobilière,
en
vertu
de
la
Règle
2400
des
Règles
de
la
Cour
fédérale
dans
les
termes
suivants:
IT
IS
ORDERED
that
unless
sufficient
cause
to
the
contrary
be
shown
before
the
Court,
sitting
in
Montreal
at
1
Notre-Dame
Street
East
on
the
25th
day
of
January,
1985
at
10:00
am,
that
a
one
half
undivided
interest
in
the
undivided
half
(or
a
one
quarter
undivided
interest)
of
the
said
immoveable
shall
stand
charged
with
the
payment
of
$17,583.56
remaining
due
on
said
certificate
as
well
as
the
supplementary
interest
at
the
annual
rate
provided
for
time
to
time
by
section
161(1)
of
the
Income
Tax
Act
on
the
sum
of
$10,307.60
as
of
the
2nd
day
of
August
1984
until
the
date
of
complete
payment
together
with
the
costs
of
this
application
and
it
is
further
ordered
that
said
charge
subsists
until
the
hearing
of
aforesaid
reasons.
Bref,
on
veut
constituer
une
charge
définitive
sur
un
immeuble
appartenant
pour
le
quart
à
l'intimé
Harold
Wayne
Mullins.
Sa
grand-mère,
Blanche
Eva
Drummond
Mullins,
a
formulé
une
opposition
à
cette
constitution
de
charge
et
son
procureur
a
déclaré
qu’il
agissait
tant
pour
le
compte
de
l'opposante
que
pour
l'intimé
lui-même,
en
faisant
valoir
les
raisons
de
s'opposer
à
cette
demande.
Le
procureur
de
la
requérante
conteste
l'opposition
quant
à
la
forme
d'abord
et
prétend
qu'on
aurait
dû
plutôt
procéder
par
une
intervention,
selon
les
dispositions
des
articles
208
et
suivants
du
Code
de
procédure
civil
auquel
on
peut
référer
par
le
biais
de
la
Règle
5
des
Règles
de
la
Cour
fédérale.
A
la
lecture
de
l'opposition,
il
appert
clairement
qu'elle
est
faite
par
une
tierce
personne
ayant
un
intérêt
certain
dans
l'immeuble
qu'on
veut
grever
d'une
charge,
étant
propriétaire
d'une
demie
indivise
de
cet
immeuble.
Comme
le
jugement
liquidant
la
créance
a
déjà
été
rendu
et
qu'on
en
est
au
stade
de
l'exécution,
l'opposante
se
devait
de
procéder
comme
elle
l’a
fait
plutôt
que
par
une
intervention,
laquelle
n'a
lieu
qu'en
cours
d'instance
et
avant
jugement.
Quant
au
fond
de
la
question,
il
faut
comprendre
la
véritable
portée
de
la
Règle
2400
visant
à
constituer
une
charge
sur
un
immeuble.
Le
juge
Marceau,
dans
l'affaire
Couillard
*
s'exprimait
ainsi
dans
une
affaire
semblable:
Il
ne
s’agit
pas
ici
d’une
saisie-exécution
immobilière,
mais
l’ordonnance
de
constitution
de
charge
recherchée
aura
une
portée
plus
grande
que
n’en
a
l’enregistrement
d’une
hypothèque
judiciaire
comme
le
prévoit
le
Code
civil
de
la
province
de
Québec
(art
2034
et
s
et
art
2121
cc).
«Une
charge
constituée
par
une
ordonnance
en
vertu
du
paragraphe
1,
rendue
définitive
en
vertu
de
cette
règle,
dit
en
effet
le
paragraphe
9
de
la
règle
de
pratique
2400,
a
le
même
effet
que
s’il
s’agissait
d’une
charge
valide
accordée
en
réalité
par
le
débiteur,
et
la
personne
créancière
aux
termes
du
jugement
en
faveur
de
laquelle
elle
est
accordée
possède
les
mêmes
recours
pour
la
faire
valoir.»
Une
requête
sous
la
règle
de
pratique
2400
participe
à
mon
avis
à
la
fois
à
un
enregistrement
d'hypothèque
judiciaire
et
à
une
action
hypothécaire
qui
se
limiterait
à
des
conclusions
en
déclaration
d’hypothèque
.
.
.
Ainsi
donc,
en
se
prévalant
de
la
Règle
2400,
la
créancière
ne
procède
pas
immédiatement
à
la
saisie
de
l'immeuble
—
elle
pourra
le
faire
éventuellement
—
mais
elle
veut
le
grever
de
l'équivalent
d'une
hypothèque
judiciaire
pour
assurer
la
protection
de
ses
droits.
Or
il
appert
que
cet
immeuble
ne
peut
faire
l’objet
d'une
saisie
ou
d'une
charge
qu'avec
la
volonté
de
son
propriétaire,
et
ce
selon
son
titre
même
d'acquisition.
En
effet,
l'intimé
a
hérité
de
cet
immeuble
de
son
grand-père,
décédé
le
15
octobre
1958,
et
dans
son
testament,
il
disposait
de
ses
biens
en
faveur
de
ses
deux
petits-fils
dont
Harold.
La
clause
9
dudit
testament
se
lit
ainsi:
I
hereby
declare
that
all
of
the
bequests
hereinabove
made
by
me
are
intended
for
the
alimentary
support
of
my
said
Legatees
and
to
each
of
them
and
consequently
such
bequests
and
the
revenues
thereof
shall
not
be
liable
to
seizure
or
attachment
for
any
debt
or
debts
they
may
contract
except
in
the
case
of
voluntary
hypothecation
of
immoveables,
and
in
which
event
such
immoveables
shall
be
liable
for
such
hypothecation.
I
hereby
further
declare
that
the
said
bequests
and
the
revenues
thereof
shall
not
fall
into
or
form
part
of
any
community
of
property
which
may
be
held
to
exist
in
consequence
of
any
marriage
contracted
by
my
said
Legatees
...
[Les
italiques
sont
les
miens.]
Cette
disposition
testamentaire,
librement
exprimée
par
le
donateur,
favorise
le
légataire
d'une
partie
d'immeuble
insaisissable
et
non
sujet
à
une
charge,
sauf
de
son
propre
gré.
Cette
condition,
valide
en
soi,
est
opposable
aux
tiers,
y
compris
la
requérante.
Comme
il
ne
s'agit
pas
en
l'occurrence
d'une
saisie-exécution,
la
Cour
n’a
pas
à
se
prononcer
sur
la
portée
de
l’insaisissabilité
décrétée
par
l’article
553(3)
du
Code
de
procédure
civil
ni
sur
la
juridiction
d'un
juge
de
la
Cour
fédérale
d'entendre
une
demande
visée
par
cet
article.
Pour
le
même
motif,
la
Cour
n'entend
pas
se
prononcer
sur
la
portée
des
articles
7
et
8
de
la
Charte
canadienne
des
droits
et
libertés.
Par
ailleurs,
en
adoptant
la
Règle
2400
on
a
voulu
prendre
certaines
précautions
avant
de
grever
un
immeuble
de
charges
somme
toutes
fort
encombrantes
et
possiblement
préjudiciables,
et
prévoir
un
«examen
plus
poussé
de
l'affaire»
(2400.7)
pour
permettre
au
débiteur
de
faire
valoir
les
motifs
suffisants
de
ne
pas
rendre
une
ordonnance
définitive.
Même
si
la
règle
ne
prévoit
pas
le
présent
cas
de
façon
explicite,
à
plus
forte
raison
doit-on
permettre
à
une
tierce
personne,
propriétaire
d'une
demie
indivise
de
l'immeuble,
d'exposer
ses
motifs
d'opposition
à
la
constitution
d'une
telle
charge
définitive.
L'affidavit
de
l'opposante
expose
des
motifs
largement
suffisants
qui
justifient
la
Cour,
selon
les
sous-paragraphes
7
et
8
de
la
Règle
2400
d'annuler
cette
ordonnance.
En
conséquence,
la
Cour
maintient
l’opposition,
rejette
la
requête
et
ordonne
la
radiation
de
l'ordonnance
provisoire
de
constitution
de
charge,
avec
dépens
en
faveur
de
l'opposante.
Objection
maintained.