Le
juge
Desjardins:
—La
seule
question
en
litige
est
celle
de
déterminer
si
le
juge
de
première
instance
a
erré
en
droit
lorsque,
dans
un
jugement
en
date
du
19
novembre
1982,
il
a
décidé
qu'un
montant
de
171
496,13
$
reçu
par
l'appelante
à
titre
de
récupération
de
l'allocation
du
coût
en
capital
relative
aux
biens
de
la
catégorie
19
était
imposable
dans
l'année
d'imposition
1975,
et
non
dans
celle
de
1969.
Les
faits
Les
faits
ont
été
admis
par
les
parties
dans
un
document
intitulé
"Entente
sur
les
faits"
que
reproduit
en
entier
le
juge
de
première
instance.
(D.A.
75)
En
bref,
ces
faits
sont
les
suivants.
Au
cours
de
l'année
1969,
l'intimée,
représentée
par
le
ministère
des
Travaux
publics,
expropriait
les
biens
existants
de
l'appelante
aux
fins
de
construction
des
installations
aéroportuaires
de
Mirabel.
Aucune
poursuite,
appel
ou
quelque
autre
procédure
ne
fut
engagé
par
l'appelante
devant
une
cour
ou
un
tribunal
compétent
afin
de
faire
fixer
l'indemnité
pour
les
biens
expropriés.
Au
cours
de
l'année
1975,
une
entente
intervenait
entre
l'intimée
et
l'appelante
fixant
l'indemnité
en
raison
de
l'expropriation
à
un
montant
de
954
282
$.
Par
résolution
en
date
du
9
octobre
1975,
l'appelante
ratifiait
l'entente.
De
ce
montant,
une
somme
de
171
496,13
$
représentait
la
récupération
de
l'allocation
du
coût
en
capital
relative
à
des
biens
de
la
catégorie
19.
Le
dernier
paragraphe
de
I’
"Entente
sur
les
faits”
se
lit
comme
suit:
La
seule
question
en
litige
consiste
à
déterminer
dans
quelle
année
d'imposition
est
imposable
le
montant
de
$171,496.13
à
titre
de
récupération
de
l'allocation
du
coût
en
capital
relative
aux
biens
de
la
catégorie
19
de
la
demanderesse,
à
savoir
dans
l'année
d'imposition
1969
ou
dans
l'année
d'imposition
1975.
Les
textes
legislatifs
applicables
L’alinéa
44(2)(a)
de
la
Loi
de
l'impôt
sur
le
revenu,
qui
a
été
ajouté
à
cette
loi
par
l'article
18
du
chapitre
26
des
Statuts
du
Canada,
1974-75-76,
se
lit
en
partie
comme
suit:
44(2)
Aux
fins
de
la
présente
loi,
le
jour
où
un
contribuable
a
disposé
d'un
bien,lorsque
le
produit
de
la
disposition
est
un
produit
visé
au
sous-alinéa
13(21)(d)
.
.
.
(iv),
.
.
.
et
le
jour
où
une
somme
est
devenue
un
montant
à
recevoir
par
le
contribuable
à
titre
de
produit
de
la
disposition
d'un
tel
bien,
est
réputé
être
(a)
le
jour
où
le
contribuable
a
convenu
d'un
montant
devant
lui
être
versé
à
titre
d'indemnité
totale
pour
le
bien
.
.
.
pris
.
.
.
et
le
contribuable
est
réputé
avoir
possédé
le
bien
jusqu’au
jour
ainsi
déterminé.
L'alinéa
13(21)(c)
de
la
Loi
se
lit
comme
suit:
13(21)
Dans
le
présent
article
et
dans
tous
règlements
établis
en
application
de
l'alinéa
29(1)(a),
(c)
la
“disposition
de
biens"
comprend
toute
opération
ou
événement
donnant
droit
au
contribuable
au
produit
de
la
disposition
de
biens;
Le
sous-alinéa
13(21)(d)(iv)
de
la
Loi
se
lit
comme
suit:
13(21)
Dans
le
présent
article
et
dans
tous
réglements
établis
en
application
de
l'alinéa
20(1)(a),
(d)
le
"produit
de
la
disposition”
de
biens
comprend,
(iv)
toute
indemnité
afférente
aux
biens
pris
en
vertu
d'une
loi
ou
le
prix
de
vente
des
biens
vendus
à
une
personne
ayant
donné
un
avis
de
son
intention
de
les
prendre
en
vertu
d'une
loi,
L’article
18
du
chapitre
26
des
Statuts
du
Canada,
1974-75-76,
contient
cependant
en
son
paragraphe
2
une
disposition
transitoire
qui
se
lit
comme
suit:
18(2)
Le
présent
article
s'applique
aux
montants
qui
deviennent
recevables
après
le
6
mai
1974.
Appreciation
Je
suis
d'avis
que
le
juge
de
première
instance
n'a
pas
erré
en
droit
dans
son
interprétation
de
l'alinéa
44(2)(a)
de
la
Loi
de
l'impôt
sur
le
revenu
et
de
la
disposition
transitoire
prévue
au
paragraphe
18(2)
du
chapitre
26
des
Statuts
de
1974-75-76.
L'alinéa
44(2)(a)
établit
une
présomption
qui
retarde
au
jour
où
un
contribuable
a
convenu
d'un
montant
de
l'indemnité
ce
qui
serait
autrement
le
jour
où
une
personne
a
disposé
d'un
bien
et
le
jour
où
une
somme
est
devenue
un
montant
à
recevoir
a
titre
de
produit
de
la
disposition
d'un
tel
bien.
Cette
présomption,
qui
couvre
les
deux
cas
prévus
par
le
paragraphe
introductif
du
paragraphe
44(2)
(à
savoir
le
jour
où
une
personne
a
disposé
d'un
bien
et
le
jour
où
une
somme
est
devenue
un
montant
à
recevoir
à
titre
de
produit
de
la
disposition
d'un
tel
bien)
s'applique,
selon
la
disposition
transitoire,
"aux
montants
qui
deviennent
recevables
après
le
6
mai
1974”.
Les
décisions
de
la
Cour
suprême
du
Canada
dans
M.N.R.
v.
Benaby
Realties
Limited,
[1967]
C.T.C.
418;
67
D.T.C.
5275;
Vaughan
Construction
Company
Limited
v.
M.N.R.
[1970]
C.T.C.
350;
70
D.T.C.
6268;
Maple
Leaf
Mills
Limited
v.
M.N.R.
[1977]
R.C.S.
558;
[1976]
C.T.C.
324;
ne
laissent
aucun
doute
quant
au
sens
qu'il
faut
donner
aux
mots
"montants
qui
deviennent
recevables"
("amounts
that
have
become
receivable"),
dans
le
contexte
d'une
indemnité
provenant
d'une
expropriation.
Dans
l'affaire
Benaby,
supra,
la
Couronne
aux
droits
du
Canada
avait
exproprié
le
7
janvier
1954
deux
terrains
appartenant
à
la
Compagnie
Benaby
Realties
Limited.
L'année
fiscale
1954
de
la
compagnie
avait
pris
fin
le
30
avril
1954.
Suite
à
une
entente
en
date
du
9
novembre
1954,
la
Couronne
avait
payé
une
somme
de
371
260
$
à
titre
de
compensation,
soit
durant
l'année
fiscale
1955
de
la
compagnie,
laquelle
année
fiscale
se
terminait
le
30
avril
1955.
Le
Ministre
taxa
le
profit
durant
l'année
fiscale
1955
de
la
compagnie.
L’alinéa
85B(1)(b)
de
la
Loi
de
l'impôt
sur
le
revenu
de
l'époque
se
lisait
comme
suit:
85B.(1)
In
computing
the
income
of
a
taxpayer
for
a
taxation
year,
(b)
every
amount
receivable
in
respect
of
property
sold
or
services
rendered
in
the
course
of
the
business
in
the
year
shall
be
included
notwithstanding
that
the
amount
is
not
receivable
until
a
subsequent
year
unless
the
method
adopted
by
the
taxpayer
for
computing
income
from
the
business
and
accepted
for
the
purposes
of
this
Part
does
not
require
him
to
include
any
amount
receivable
in
computing
his
income
for
a
taxation
year
unless
it
has
been
received
in
the
year.
Le
juge
Judson,
au
nom
de
la
Cour,
s'exprima
ainsi
(pages
419-20;
D.T.C.
5276):
The
Crown's
argument
is
that
the
general
rule
under
the
Income
Tax
Act
is
that
taxes
are
payable
on
income
actually
received
by
the
taxpayer
during
the
taxation
period;
that
there
is
an
exception
in
the
case
of
trade
receipts
under
Section
85B(1)(b),
which
include
not
only
actual
receipts
but
amounts
which
have
become
receivable
in
the
year;
that
the
taxpayer's
profit
from
this
expropriation
did
not
form
part
of
its
income
for
the
year
1954
because
it
was
not
received
in
that
year
and
because
it
did
not
become
an
amount
receivable
in
that
year.
In
my
opinion,
the
Minister’s
submission
is
sound.
It
is
true
that
at
the
moment
of
expropriation
the
taxpayer
acquired
a
right
to
receive
compensation
in
place
of
the
land
but
in
the
absence
of
a
binding
agreement
between
the
parties
or
of
a
judgment
fixing
the
compensation,
the
owner
had
no
more
than
a
right
to
claim
compensation
and
there
is
nothing
which
can
be
taken
into
account
as
an
amount
receivable
due
to
the
expropriation.
Ces
principes,
appliqués
dans
l'affaire
Vaughan,
supra,
furent
repris
en
ces
termes
par
le
juge
de
Grandpré,
au
nom
d'une
majorité
de
la
Cour,
dans
l'affaire
Maple
Leaf
Mills
Limited,
supra
R.C.S.
à
la
page
566
(C.T.C.
pages
330-331):
Ce
critère
est
celui
que
cette
Cour
a
appliqué
aux
affaires
fiscales
découlant
d'expropriations;
pour
qu'un
montant
soit
considéré
comme
une
somme
à
recevoir
au
cours
d'une
année
d'imposition,
il
y
a
deux
conditions
à
remplir:
(1)
un
droit
à
l'indemnité;
(2)
un
accord
obligatoire
entre
les
parties
ou
un
jugement
fixant
le
montant.
Le
principe
est
énoncé
dans
Le
ministre
du
Revenu
national
v.
Benaby
Realties
Limited
et
dans
Vaughan
Construction
Company
Limited
v.
Le
ministre
du
Revenu
national’.
[Les
italiques
sont
de
moi.]
Bien
que
l'expropriation,
en
l'espèce,
ait
eu
lieu
en
1969,
la
somme
représentant
le
produit
de
la
disposition
n'a
été
fixée
qu'en
1975.
Le
montant
représentant
l'indemnité
est
donc
devenu
recevable
après
le
6
mai
1974.
Par
l'effet
de
cette
présomption,
la
disposition
transitoire
du
paragraphe
18(2)
n'a
aucun
effet
rétroactif
puisque
l'entente
de
1975,
qui
fait
jouer
la
présomption,
est
postérieure
à
l'amendement.
Par
l'effet
de
cette
présomption,
il
ne
saurait
y
avoir
double
imposition.
Le
contribuable
n'a
pas
été
imposé
en
1969.
Par
l'effet
du
paragraphe
18(2)
de
la
disposition
transitoire,
il
ne
le
sera
jamais
plus
pour
l'année
d'imposition
1969.
L'année
correcte
d'imposition
est
celle
de
1975.
Je
serais
donc
d'avis
de
rejeter
l'appel
avec
frais.
Appel
rejeté.