Vallerand,
JA:—L’appelante
qui
a
déposé
deux
plaintes
contre
l’intimé
se
pourvoit
ici
contre
le
jugement
de
la
Cour
supérieure
qui,
confirmant
celui
du
tion
sur
la
première.
magistrat,
a
statué
|
chose
jugée
|
quant
à
la
seconde
par
l’effet
de
la
condamna
|
Les
plaintes
relèvent
de
l’application
des
articles
231(3)
et
238(2)
de
la
Loi
de
l'impôt
sur
le
revenu*
qui
disposent:
231(3).
Pour
toute
fin
relative
à
l’application
ou
à
l’exécution
de
la
présente
loi,
le
Ministre
peut,
par
lettre
recommandée
ou
par
demande
signifiée
à
personne
exiger
de
toute
personne
(a)
tout
renseignement
ou
tout
renseignement
supplémentaire,
y
compris
une
déclaration
de
revenu
ou
une
déclaration
supplémentaire,
ou
(b)
la
production
ou
la
production
sous
serment
de
livres,
lettres,
comptes,
factures,
états
(financiers
ou
autres)
ou
autres
documents,
dans
le
délai
raisonnable
qui
peut
y
être
fixé.
238(2).f
Quiconque
a
omis
d’observer
ou
a
enfreint
les
dispositions
des
paragraphes
116(3),
127(3.1)
ou
(3.2),
153(1),
227(5),
230.1(1)
ou
230.1(2)
ou
de
l’article
230
ou
231,
est
coupable
d’une
infraction
.
.
.
Le
ministre
a
fait
une
première
demande.
Le
contribuable
a
fait
défaut
de
s’y
rendre
dans
le
délai
raisonnable
imparti.
Le
ministre
a
fait
une
seconde
demande
qui
avait
très
précisément
le
même
objet
et
le
contribuable
a
de
nouveau
fait
défaut
de
s’y
rendre
dans
le
délai.
On
a
porté
deux
plaintes
distinctes,
une
pour
chacun
des
deux
défauts.
Après
avoir
trouvé
l’accusé
coupable
quant
au
premier
défaut,
le
magistrat
a
rejeté
la
plainte
quant
au
second
au
motif
«
.
.
.
qu’il
y
a
déjà
chose
jugée
sur
la
même
demande
concernant
les
mêmes
faits
dans
le
dossier
.
.
.
».
La
Cour
supérieure
saisie
de
l’appel
a
statué
de
la
même
façon
et,
quoique
moins
sommairement,
essentiellement
pour
les
mêmes
motifs.
La
question
que
soulève
ce
pourvoi
me
paraît
fort
simple.
La
réponse
l’est
moins.
M
le
juge
Jacques
Ducros
de
la
Cour
supérieure
du
Québec,
discutant
le
jugement
ici
entrepris,
a,
dans
un
jugement
complètement
motive,]:
posé
ainsi
le
problème
et
disposé
de
certains
moyens
de
défense
qu’on
a
aussi
soulevés
devant
nous:
La
seule
question
en
litige,
à
mon
avis,
est
la
suivante:
Le
Ministre
a
le
droit
de
faire
une
deuxième
demande,
après
avoir
fait
une
première
demande
à
laquelle
on
n’a
pas
répondu
et
pour
laquelle
on
a
été
trouvé
coupable.
Je
considère,
à
tort
ou
à
raison,
...
qu’il
n’y
a
absolument
rien
dans
la
Loi
sur
l’impôt
qui
empêche
le
Ministre
de
présenter
une
nouvelle
demande
et
que
l’infraction
consiste
à
ne
pas
donner
suite
à
cette
nouvelle
demande;
et
qu’on
ne
peut
opposer
à
cette
nouvelle
demande,
faite
à
une
date
différente,
plusieurs
semaines
après
un
jugement
sur
une
première
demande,
le
jugement
de
culpabilité
sur
la
première
demande.
Dans
les
circonstances,
ni
le
principe
res
judicata
»,
ni
le
principe
estopel
»,
ni
l’arrêt
Kienapple,
et
ni
les
dispositions
de
l’article
11
h)
de
la
Charte
ne
s’appliquent.
Avec
égards,
je
partage
l’avis
de
M
le
juge
Ducros
quant
à
l’identification
de
la
question
en
litige
de
même
que
quant
à
la
non-pertinence
des
principes,
de
l’arrêt
ainsi
que
des
dispositions
de
la
Charte
canadienne
des
droits
et
libertés.
*
Mais
non
pas,
quoiqu’avec
tout
autant
d’égards,
quant
à
ses
conclusions.
La
loi
sanctionne-t-elle
le
refus
(ou
l’omission)
pur
et
simple,
unique,
de
satisfaire
le
ministre
et
il
n’y
aura
alors
qu’un
seul
refus,
une
seule
infraction,
une
seule
condamnation,
quel
que
soit
le
nombre
de
demandes,
de
rappels
de
la
part
de
celui-ci.
La
loi,
au
contraire,
sanctionne-t-elle
distinctement
le
refus
(ou
l’omission)
de
satisfaire
à
chaque
demande
distincte
et
il
y
aura
alors
autant
de
refus,
d’infractions
et
de
condamnations
qu’il
y
aura
eu
de
demandes
insatisfaites.
A
mon
avis,
la
notion
de
refus
ou
d’omission
s’accommode
tout
aussi
bien
d’une
interprétation
que
que
de
l’autre.
En
effet,
on
refuse
une
seule
fois
et
définitivement
une
invitation
nonobstant
qu’elle
soit
réitérée,
alors
qu’on
refuse
tout
autant
chaque
invitation
renouvelée.
Laquelle
retenir
ici.
Exiger
par
lettre
.
..
dans
le
délai
raisonnable
qui
peut
y
être
fixé»
invité,
à
prime
abord,
l’interprétation
selon
laquelle
l’infraction
consiste
à
ne
pas
satisfaire
à
la
demande
dans
le
délai
imparti,
une
toute
nouvelle
infraction
résultant
du
défaut
de
se
rendre
à
une
nouvelle
demande
dans
un
nouveau
délai.
C’est
cette
notion
de
délai
qui
paraît
déterminante.
Sans
elle,
il
n’y
aurait
qu’une
seule
infraction.
Mais
pareil
raisonnement
se
heurte
à
l’obstacle
que
si
on
enlève
la
notion
de
délai
de
l’article
231(3),
non
seulement
n’y
a-t-il
plus
d’infractions
répétées,
mais
il
n’y
a
pas
non
plus
d’infraction
unique.
On
ne
pourra
en
effet
jamais
dire
que
le
contribuable
qui
ignore
et
continue
d’ignorer
la
demande
a
fait
défaut
de
s’y
rendre
puisqu’il
lui
est
encore
et
toujours
loisible
de
la
faire.
Il
faudra
alors,
au
mieux,
faire
intervenir
la
notion
du
délai
raisonnable
laquelle
on
retrouve
précisément
à
notre
article
mais,
cette
fois,
venue
au
secours
de
l’application
de
la
loi
au
refus
(ou
omission),
à
l’infraction
et
à
la
condamnation
uniques.
C’est
donc
dire
que
la
loi
est
fort
équivoque.
L’appelante
a
voulu
prendre
appui
sur
un
arrêt
de
la
Cour
suprême
de
l’Onta-
riof
où
on
a
statué
que
l’article
238(1)
de
notre
loi
qui
prescrit
une
peine
de
25
$
pour
chaque
jour
du
défaut
de
se
rendre
à
une
demande
de
produire
sa
déclaration
d’impôt
crée
une
infraction
distincte
pour
chaque
jour
du
défaut.
Soit
dit
avec
respect,
je
partage
l’avis
qu’exprime
pour
la
Cour
M
le
juge
Martin
quant
à
son
dispositif
mais
non
pas
quant
à
ses
raisons,
du
moins
comme
je
les
comprends.
Je
tiens
pour
ma
part
que
l’article
238(1)
crée
une
offence
distincte
pour
chaque
jour
parce
qu’il
prescrit
une
amende
distincte
pour
chaque
jour.
Bref
pas
de
pénalité
sans
infraction
et
qui
dit
pénalité
dit
nécessairement
infraction.
Mais
je
ne
suis
en
revanche
pas
particulièrement
sensible
à
cette
phrase
du
juge
en
chef
McRuert
que
signale
le
juge
Martin,
selon
laquelle
serait
contraignant
le
principe
qu’il
énonce
ainsi:
To
hold
otherwise
would
put
a
construction
on
the
section
that
would
defeat
its
purpose.
Its
purpose
is
to
compel
persons
coming
within
its
scope
to
file
income
tax
returns.
That
purpose
could
not
be
accomplished
if,
after
conviction,
the
offender
should
be
immune
from
prosecution
although
continuing
to
fail
to
file
the
income
tax
return
required
by
the
section.
Ce
principe,
que
l’appelante
a
d’ailleurs
soutenu
devant
nous,
me
paraît
se
heurter
au
fait
que
tout
abord
l’objet
de
la
Loi
de
l'impôt
sur
le
revenu
est
de
percevoir
des
impôts
et
non
pas
de
recevoir
des
déclarations
et
que
la
loi
prévoit
bien
d’autres
moyens
d’atteindre
ses
fins
premières.
Puis
ensuite
que
nous
sommes
ici
en
matière
pénale
où
la
loi
équivoque
doit
recevoir
une
interprétation
favorable
à
l’accusé*
et
ce,
je
le
dis
avec
égards,
quel
que
soit
l’objet
de
nature
autre
que
pénale
qu’elle
poursuit.
Il
est
de
tradition
juridique
bien
établie
qu’on
ne
doit
pas
rechercher
des
fins
civiles
par
la
menace
de
procédures
pénales.
Que
le
législateur
puisse
autoriser
tel
ministre
à
le
faire
au-delà
de
la
simple
répression,
soit!
Mais
encore
faut-il
qu’il
le
dise
clairement
ce
qui,
je
pense,
exclut
qu’on
le
lui
fasse
dire
par
interprétation
et
projection.
Je
retiens,
en
revanche
mais
à
l’avantage
de
notre
intimé,
ce
propos
du
juge
Martin
dans
R
c
Subacious:^
We
think
it
is
quite
clear
that
under
the
Income
Tax
Act,
each
day
of
default
constitutes
a
separate
matter
or
delict
and
hence
the
principle
in
Kienapple
v
The
Queen,
does
not
apply.
Dean
Freidland,
in
his
well
known
work
Double
Jeopardy
(Oxford:
Clarendon
Press,
1969)
says
at
p
217:
As
pointed
out
above,
the
rule
preventing
multiple
convictions
must
give
way
to
a
clear
legislative
intent',
and
there
are
numerous
statutes
which
provide
specifically
for
cumulative
penalties,
such
as
a
certain
penalty
for
each
day
that
the
offence
continues.
(Les
italiques
sont
du
soussigné.)
Bref,
et
je
le
rappelle,
on
doit
interpréter
une
loi
pénale
équivoque,
favorablement
à
l’accusé.
Et
cela
encore
plus
lorsque
l’interprétation
contraire
débouche
sur
une
entorse
à
un
principe
bien
établi:
en
l’espèce
celui
qui
proscrit
les
condamnations
multiples
pour
une
même
offense,
ce
à
quoi
l’intimé
serait
exposé
si
son
refus
s’avérait
être
unique
et
définitif.
La
loi
peut
certes
déroger
au
principe
mais,
si
telle
est
son
intention
elle
doit,
là
encore,
le
faire
clairement.
Or,
je
l’ai
dit,
la
disposition
qui
nous
concerne
est
équivoque
et
c’est
l’accusé
qui
doit
en
bénéficier
Je
suis
donc
d’avis
de
rejeter
l’appel.
Monet,
JA:
Nulla
poena
sine
lege.
Le
texte
de
loi
qu’aurait
violé
l’intimé
se
trouve
dans
une
loi
essentiellement
fiscale,
la
Loi
de
l'impôt
sur
le
revenu.
Nul
n’ignore
que
cette
loi
réglemente
notamment
le
revenu
imposable
et
les
exemptions.
Dans
notre
système,
c’est
le
contribuable
qui,
en
principe,
établit
lui-même
les
impôts
à
payer.
A
cette
fin,
il
doit
déposer
une
déclaration
conforme
aux
exigences
légales.
La
loi
édicte
et
sanctionne
ce
devoir
dans
un
texte:
Art.
238.
(1)
Quiconque
a
omis
de
faire
une
déclaration,
selon
la
manière
et
à
l’époque
prescrites
en
vertu
de
la
présente
loi
ou
d’un
règlement,
est
coupable
d’une
infraction
et,
en
plus
de
toute
autre
peine
prévue
par
ailleurs,
est
passible,
sur
déclaration
sommaire
de
culpabilité,
d’une
amende
d’au
moins
25
$
par
jour
de
manquement.
(Les
italiques
sont
du
soussigné.)
Par
contre,
la
loi
accorde
au
ministre
des
pouvoirs
et,
en
contrepartie,
restreint
dans
une
certaine
mesure
les
droits
des
contribuables.
Par
exemple,
on
peut
songer
aux
pouvoirs
de
recherches
(art
231(1))
et
de
fouilles
(art
231(4))
par
rapport
au
droit
au
respect
du
domicile
(art
231(10)).
Ce
dernier
article
se
lit
ainsi:
Acquiescement.
Nul
ne
doit
entraver,
rudoyer
ou
contrecarrer
une
personne
qui
fait
une
chose
qu’elle
est
autorisée
à
faire
en
vertu
et
en
conformité
du
présent
article,
ni
empêcher
ou
tenter
d’empêcher
une
personne
de
faire
toute
semblable
chose
et,
nonobs-
tant
quelque
autre
loi
contraire,
toute
personne
doit,
à
moins
qu’elle
n’en
soit
incapable,
faire
tout
ce
qu’elle
est
tenue
de
faire
en
vertu
et
en
conformité
du
présent
article.
Ces
pouvoirs
du
ministre,
souvent
exorbitants
du
droit
commun,
présentent
une
certaine
gradation.
Dans
le
présent
cas,
le
dossier
montre
que
ce
sont
ceux
de
l’article
231(3)
qu’il
a
exercés.
Art
231(3)
Pour
toute
fin
relative
à
l’application
ou
à
l’exécution
de
la
présente
loi,
le
Ministre
peut,
par
lettre
recommandée
ou
par
demande
signifiée
à
personne
exiger
de
toute
personne
(a)
tout
renseignement
ou
tout
renseignement
supplémentaire,
y
compris
une
déclaration
de
revenue
ou
une
déclaration
supplémentaire,
ou
(b)
la
production
ou
la
production
sous
serment
de
livres,
lettres,
comptes,
factures,
états
(financiers
ou
autres)
ou
autres
documents,
dans
le
délai
raisonnable
qui
peut
y
être
fixé.
Face
au
refus
ou
à
la
négligence
du
contribuable,
le
ministre
peut
être
justifié
d’exercer
d’autres
pouvoirs,
qui
peuvent
être
plus
efficaces
en
raison
de
leur
rigueur.
Toutefois,
ce
qu’il
a
fait
en
l’espèce,
comme
l’indique
monsieur
le
juge
Vallerand,
c’est
de
réitérer
sa
demande
et
exiger
une
deuxième
fois
exactement
la
même
chose
de
la
même
manière
dans
un
délai
identique.
Cette
manifestation
du
ministre
—
qu-il
lui
est
loisible
de
multiplier
à
sa
guise
—
est-elle
créatrice
d’une
infraction
au
même
titre
qu’un
texte
législatif
adopté
par
le
parlement,
par
exemple
l’article
238(1)?
Je
ne
le
crois
pas.
En
l’absence
d’un
texte
clair,
je
crois
juste
d’appliquer,
ne
serait-ce
que
par
analogie,
la
règle
exprimée
par
l’adage
cité
plus
haut.
Dans
le
présent
cas,
à
mon
avis,
la
condamnation
relativement
à
la
première
plainte
met
fin
à
la
transaction
criminelle
».
Selon
moi,
le
pourvoi
doit
être
rejeté.
M
le
juge
Beauregard
partage
les
opinions
exprimées
par
messieurs
les
juges
Vallerand
et
Monet.