Le
juge
Pinard:—Il
s’agit
d’un
appel,
sous
forme
d'action,
en
vertu
du
paragraphe
172(2)
de
la
Loi
de
l'impôt
sur
le
revenu,
Statuts
de
1970-71-72,
c.
63
et
amendements,
interjeté
par
la
contribuable
Brault-Clément
Inc.
à
l'encontre
d’avis
de
nouvelle
cotisation
par
le
ministre
du
Revenue
du
Canada
ayant
trait
à
ses
années
d'imposition
1977,
1978,
1979
et
1980.
Dans
sa
notification
de
confirmation
desdits
avis
de
cotisation,
le
ministre
du
Revenu
national
a
notamment
exprimé
la
raison
suivante:
La
déduction
de
3%
pour
inventaire
a
été
déterminée
en
conformité
de
l’alinéa
20(1)(gg)
de
la
Loi
pour
les
années
1977
à
1980
inclusivement.
Il
s'agit
donc
de
considérer
ici
l'application
des
articles
10(1),
20(1)(gg)
et
248(1
)(c)
de
la
Loi
de
l'impôt
sur
le
revenu,
lesquels
stipulent:
10.
Evaluation
des
biens
figurant
dans
un
inventaire.
(1)
Aux
fins
du
calcul
du
revenu
tiré
d’une
entreprise,
les
biens
figurant
dans
un
inventaire
sont
évalués
au
coût
supporté
par
le
contribuable
ou
à
leur
juste
valeur
marchande,
le
moins
élevé
de
ces
deux
éléments
étant
à
retenir,
ou
de
toute
autre
façon
permise
par
les
règlements.
20(1)(gg)
Déduction
pour
inventaire.
Une
somme
au
titre
de
toute
entreprise
exploitée
par
le
contribuable
pendant
l’année,
égale
au
produit
de
3%
du
coût
indiqué,
pour
le
contribuable,
au
début
de
l’année,
des
biens
corporels
(autres
que
des
biens
immeubles
ou
des
intérêts
dans
ceux-ci)
qui
étaient
(i)
décrits
dans
l’inventaire
du
contribuable
au
titre
de
l’entreprise
exploitée
par
ce
dernier,
et
(ii)
détenus
par
lui
en
vue
d'être
vendus
ou
encore
d'être
transformés,
fabriqués,
manufacturés,
incorporés
ou
annexés
à
des
biens
destinés
à
être
vendus
dans
le
cours
normal
de
l'exploitation
de
l’entreprise,
ou
autrement
convertis
en
ce
genre
de
biens
ou
utilisés
dans
l’emballage
de
ce
genre
de
biens
multiplié
par
le
rapport
entre
le
nombre
de
jours
dans
l’année
et
365;
248(1)
Dans
la
présente
loi,
“coût
indiqué”
—
“coût
indiqué",
pour
un
contribuable,
de
tout
bien
à
une
date
quelconque
signifie,
sauf
dispositions
contraires
dans
la
présente
loi,
(c)
lorsque
le
bien
était
un
bien
figurant
dans
un
inventaire
du
contribuable,
sa
valeur
à
cette
date,
déterminée
aux
fins
du
calcul
de
son
revenu.
Pendant
les
quatre
années
d'imposition
concernées,
la
demanderesse
faisait
le
commerce
de
vente
en
gros
de
confiserie,
tabac
et
produits
alimentaires.
Suite
à
des
ententes
écrites
avec
le
ministre
du
Revenu
du
Québec,
elle
a
effectué
à
ce
dernier
des
remises
mensuelles,
relativement
à
ses
produits
du
tabac,
pour
tenir
lieu
de
la
taxe
imposée
aux
consommateurs
en
vertu
de
la
Loi
de
l'impôt
sur
le
tabac,
S.R.Q.
1964,
c.
72.
Ces
remises
permettaient
à
la
demanderesse
de
bénéficier
d'une
commission
ou
d'une
indemnité
correspondant
à
un
pourcentage
(d'abord
3%,
puis
2%)
des
montants
ainsi
payés
au
ministre
du
Revenu
du
Québec.
L'année
fiscale
de
la
demanderesse
commençait
le
1er
août
pour
se
terminer
au
31
juillet
suivant.
La
première
entente
pertinente
a
été
signée
par
la
demanderesse
le
23
décembre
1968
et
par
le
ministre
du
Revenu
du
Québec,
le
21
janvier
1969;
cette
entente
est
demeurée
en
vigueur
jusqu'au
mois
d'avril
1978.
Subséquemment,
les
mêmes
parties
ont
été
régies
par
une
nouvelle
entente
ayant
le
même
objectif
fondamental
mais
comportant
quelques
nouveaux
éléments,
les
plus
notoires
ayant
trait
aux
obligations
additionnelles
imposées
à
la
demanderesse
et
aux
remises
mensuelles
basées
sur
les
acquisitions
de
tabac
par
la
demanderesse
plutôt
que
sur
ses
ventes.
Précisons
tout
de
suite
qu'à
toute
fin
pratique
la
demanderesse
a
toujours
effectué
ses
remises
mensuelles
en
fonction
de
ses
acquisitions
de
tabac,
et
ce,
même
si
elle
n'en
était
pas
requise
par
la
première
entente.
Quant
à
la
deuxième
entente,
elle
a
été
signée,
en
même
temps
qu'un
autre
document
de
transition,
pour
entrer
en
vigueur
le
1er
avril
1978.
Finalement,
la
dernière
entente
pertinente
a
été
signée
par
les
parties
pour
entrer
en
vigueur
le
30
juin
1979
et
elle
comportait
essentiellement
les
mêmes
dispositons
que
celles
contenues
dans
l'entente
qui
la
précédait
immédiatement.
Cependant,
pour
les
fins
de
la
présente
cause
et
des
présentes
raisons,
vu
la
similarité
des
ententes
sur
l'essentiel,
il
n'y
aura
pas
lieu
de
distinguer
davantage,
sauf
si
le
contexte
le
requiert.
La
demanderesse
reproche
donc
au
ministre
du
Revenu
national
de
ne
pas
avoir
accepté
que
ses
remises
mensuelles,
pour
tenir
lieu
de
la
taxe
imposée
aux
consommateurs
en
vertu
de
la
Loi
de
l'impôt
sur
le
tabac,
soient
considérées
dans
le
calcul
du
coût
indiqué
des
produits
du
tabac
décrits
dans
son
inventaire,
pour
fin
de
la
déduction
fiscale
stipulée
à
l'article
20(1
)(gg)
de
la
Loi
de
l'impôt
sur
le
revenu.
La
demanderesse
soutient
essentiellement
que
l’absence
de
mandat
véritable
entre
les
parties
fait
que
les
ententes
relatives
à
ses
remises
mensuelles
constituent
des
contrats
innommés
qui
lui
imposent
une
obligation
personnelle
qu’on
ne
saurait
distinguer
de
ses
autres
obligations
rattachées
au
coût
de
ses
produits
du
tabac.
Plus
particulièrement,
la
demanderesse
soutient
que
malgré
les
termes
et
expressions
utilisés
dans
ses
ententes
écrites
avec
le
ministre
du
Revenu
du
Québec,
il
n'existait
pas
entre
eux
de
véritable
mandat,
vu
qu'on
y
stipulait
à
l'encontre
de
l'essence
même
du
mandat
défini
au
Code
civil
de
la
pro-
vince
de
Québec.
Pour
justifier
sa
prétention,
la
demanderesse
réfère
aux
limites
de
remboursement
qui
lui
sont
imposées
au
cas
de
perte
des
produits
du
tabac
ou
du
défaut
de
paiement
par
leur
acheteur;
elle
réfère
en
outre
à
l’absence
d’obligation
de
rendre
compte
de
sa
perception
de
l'impôt
sur
le
tabac;
puis
elle
insiste
sur
le
manque
de
corrélation
entre
l'impôt
à
percevoir
en
vertu
de
la
Loi
de
l'impôt
sur
le
tabac
et
ses
remises
mensuelles.
Finalement,
en
plus
d'invoquer
de
façon
générale
la
lourdeur
des
obligations
qui
lui
sont
imposées
par
les
ententes,
ce
qui,
selon
elle,
va
à
l'encontre
du
mandat,
la
demanderesse
plaide
qu’en
vertu
de
l’article
11
de
la
Loi
sur
le
tabac,
seul
le
vendeur
au
détail
peut
agir
comme
mandataire
du
ministre
du
Revenu
du
Québec
pour
la
perception
de
l'impôt
sur
le
tabac.
Il
faut
noter
ici
l’admission
faite
à
l'audition,
par
le
savant
procureur
de
la
demanderesse,
à
l'effet
que
si
les
ententes
concernées
constituaient
de
véritables
mandats
au
sens
du
Code
civil
de
la
province
de
Québec,
le
montant
des
remises
ne
saurait
faire
partie
du
"coût
indiqué”
des
produits
du
tabac
dans
l'inventaire
de
sa
cliente
et
ne
saurait
donc
être
considéré
pour
fin
de
la
déduction
fiscale
stipulée
à
l’article
20(1)(gg)
de
la
Loi.
Pour
sa
part,
le
savant
procureur
de
la
défenderesse
a
expressément
reconnu
que
si
le
tribunal
en
venait
à
la
conclusion
que
les
ententes
ne
créaient
pas
de
véritable
relation
de
mandant
à
mandataire,
entre
le
ministre
du
Revenu
du
Québec
et
la
demanderesse,
pour
fin
de
perception
de
l'impôt
sur
le
tabac,
mais
que
par
ailleurs
ces
ententes
étaient
légales,
les
remises
mensuelles
devraient
être
considérées
pour
fin
de
cette
déduction
fiscale.
La
question
du
mandat,
en
l'occurrence,
est
donc
cruciale
et
il
importe
de
considérer
les
termes
des
ententes
tant
en
fonction
de
la
Loi
de
l'impôt
sur
le
tabac
qu'en
fonction
des
dispositions
du
Code
civil
de
la
province
de
Québec.
Il
importe
de
reproduire
ici
les
dispositions
suivantes
de
la
Loi
de
l'impôt
sur
le
tabac
en
vigueur
au
cours
des
années
d'imposition
pertinentes:
Art.
2.
Dans
la
présente
loi,
à
moins
que
le
contexte
ne
comporte
un
sens
différent:
15°
"vendeur”
comprend
le
vendeur
en
gros
de
même
que
le
vendeur
en
détail;
Art.
8.
Chaque
consommateur
doit,
lors
de
l’achat
de
tabac
en
cette
province,
pour
fins
de
consommation
par
lui-même
ou
par
tout
autre,
payer
à
Sa
Majesté
du
chef
de
la
province
un
impôt
de
consommation
du
tabac
au
taux
de
vingt-
cinq
pour
cent
du
prix
de
vente
en
détail.
Dans
le
cas
d’achat
de
cigarettes,
l'impôt
de
consommation
ainsi
payable
est
de
quatre
cinquièmes
d’un
cent
par
cigarette.
Dans
le
cas
d’achat
de
cigares
dont
le
prix
de
vente
en
détail
n’excède
pas
dix
cents
l’unité,
l’impôt
ainsi
payable
est
d’un
cent
par
cigare.
(A
noter
qu’en
vertu
d’un
amendement
législatif
sanctionné
le
22
décembre
1978,
le
taux
stipulé
au
premier
paragraphe
de
l’article
8
a
été
augmenté
à
"trente
pour
cent
du
prix
de
vente
en
détail’’,
l’impôt
stipulé
au
deuxième
paragraphe
a
été
augmenté
à
‘‘un
cent
et
huit
centièmes
par
cigarette’’,
et
l’impôt
payable
au
troisième
paragraphe
a
été
augmenté
à
"deux
cents
par
cigare”.
Art.
11.
L’impôt
exigible
de
l’acheteur
au
moment
de
son
achat,
doit
être
perçu
par
le
vendeur
qui
en
tient
compte
et
le
remet
au
ministère
du
revenu
de
la
manière
indiquée
par
le
lieutenant-gouverneur
en
conseil.
Le
vendeur
doit
agir
en
ce
cas
comme
mandataire
du
ministre,
tenir
et
rendre
compte
des
montants
ainsi
perçus
et
les
lui
transmettre
au
ministère
du
revenu,
dans
les
quinze
jours
suivant
immédiatement
le
mois
de
calendrier
durant
lequel
toute
vente
s’est
effectuée.
Art.
24.
Dans
le
but
de
faciliter
la
perception
et
la
remise
de
l’impôt
établi
par
la
présente
loi,
ou
de
prévenir
le
double
paiement
de
cet
impôt
sur
le
même
tabac,
le
ministre
peut
faire
avec
un
vendeur
telles
conventions
qu’il
jugera
à
propos
et
telles
conventions
seront
sujettes
à
la
présente
loi.
Art.
28(1)
Pour
mettre
à
exécution
les
dispositions
de
la
présente
loi
selon
leur
sens
véritable
ou
en
vue
de
suppléer
à
toute
omission,
le
lieutenant-gouverneur
en
conseil
peut
faire
tout
règlement
non
incompatible
avec
la
présente
loi
et
jugé
nécessaire.
(2)
.
.
.
(3)
Le
lieutenant-gouverneur
en
conseil
peut
aussi
faire
des
règlements
pour
(a)
autoriser
le
ministre
à
faire
des
arrangements
avec
tout
manufacturier
ou
vendeur
en
gros
de
tabac
afin
de
faciliter
la
perception
de
l’impôt
établi
par
la
présente
loi;
Or,
les
ententes
entre
la
demanderesse
et
le
ministre
du
Revenu
du
Québec,
dans
leur
préambule,
réfèrent
spécifiquement
aux
objectifs
des
articles
24
et
28
ci-dessus.
En
outre,
le
deuxième
paragraphe
des
ententes
stipule
expressément
que
la
demanderesse
agit
en
qualité
de
mandataire
du
ministre
du
Revenu
du
Québec
pour
la
perception
de
l’impôt
prélevée
en
vertu
de
la
Loi
de
l'impôt
sur
le
tabac;
cette
disposition
précise
en
outre
que
ledit
impôt
doit
être
perçu
de
toute
personne,
y
compris
tout
autre
vendeur
en
gros,
à
qui
la
demanderesse
vend
ou
livre
du
tabac
au
Québec.
Pour
le
reste,
les
ententes
définissent
les
droits
et
obligations
des
parties
en
fonction
de
ces
objectifs.
Tout
cela
me
semble
conforme
à
la
nature
du
mandat
défini
à
l’article
1701
du
Code
civil
de
la
province
de
Québec:
1701.
Le
mandat
est
un
contrat
par
lequel
une
personne,
qu’on
appelle
le
mandant,
confie
la
gestion
d’une
affaire
licite
à
une
autre
personne
qu’on
appelle
mandataire,
et
qui,
par
le
fait
de
son
acceptation,
s’oblige
à
l’exécuter.
Pour
bien
saisir
le
caractère
de
représentation
qu’implique
le
mandat,
il
est
intéressant
de
lire
ce
qu’écrivent
Planiol
et
Ripert,
lorsqu’ils
font
la
distinction
du
contrat
de
travail
(nom
sous
lequel
ils
désignent
le
louage
de
service)
et
du
mandat,
dans
le
Traité
pratique
de
droit
civil
français,
2e
éd.,
t.
11
(1954),
n.
774B.,
p.
18:
Distinction
du
contrat
de
travail
et
du
mandat.
—
Principe.
—
Le
contrat
de
travail
est
parfois
assez
difficile
à
distinguer
du
mandat
salarié.
Le
lien
de
subordination
que
la
jurisprudence
reconnaît
comme
caractéristique
du
contrat
de
travail
n’existe
pas,
au
même
degré
dans
les
rapports
du
mandataire
et
du
mandant,
mais
il
peut
n’être
pas
complètement
étranger
à
ces
rapports,
lorsque
le
mandataire
agit
sur
l’ordre,
et
quelquefois
sous
la
direction
du
mandat.
Il
y
a
alors
une
simple
différence
de
degré
dans
la
subordination.
Mais
il
est
impossible
de
s’en
tenir
à
cette
seule
différence
pour
distinguer
les
deux
contrats.
Il
faut
y
joindre
un
autre
critérium
résultant
de
l’objet
qu’ils
concernent.
Le
mandat
est
essentiellement
un
contrat
de
représentation,
destiné
à
permettre
à
une
personne
de
faire
un
acte
juridique
ou
une
série
d'actes
pour
le
compte
d'une
autre
personne,
[les
italiques
sont
les
miens],
tandis
que
le
contrat
de
travail
à
pour
objet
l’accomplissement
d’un
travail
indépendamment
de
toute
idée
de
représentation.
Sans
doute,
la
passation
d’un
acte
juridique
pour
autrui
peut
être
considérée
elle
aussi
comme
un
travail,
et
cette
remarque
explique
que
le
mandat
puisse
comporter
une
rémunération.
Mais
ce
travail
n’est
qu’un
accessoire
de
l’opération;
ce
que
les
parties
envisagent,
c'est
le
résultat
juridique,
c'est
la
création
directe
d'un
droit
au
profit
du
mandataire
par
/'intermédiaire
du
mandant
[les
italiques
sont
les
miens].
Au
contraire,
dans
le
contrat
de
travail,
le
but
envisagé
par
les
parties
est
le
travail
lui-même,
dont
le
patron
entend
tirer
un
profit
matériel
ou
intellectuel.
C’est
pourquoi
la
jurisprudence
décide
que
le
mandataire
ne
peut
recevoir
qu'une
indemnité
strictement
proportionnelle
à
ses
frais,
tandis
qu’elle
ne
limite
en
aucune
manière
le
montant
de
la
rémunération
allouée
sous
forme
de
salaire
au
travailleur.
Il
importe
donc
de
rappeler
non
seulement
que
les
ententes
désignent
la
demanderesse
expressément
comme
mandataire
du
ministre
pour
la
perception
d'un
impôt
de
consommation
du
tabac,
mais
qu'elles
permettent
à
la
demanderesse
d'être
rémunérée
sous
forme
d'indemnité
limitée
d’abord
à
trois
pour
cent,
puis
à
deux
pour
cent
de
ses
remises
mensuelles.
Ce
genre
d'indemnité,
compte
tenu
de
toutes
les
obligations
assumées
par
la
demanderesse
dans
les
ententes
concernées,
est
permis
à
l’article
1702
du
Code
civil,
lequel
stipule:
1702.
Le
mandat
est
gratuit
s’il
n’y
a
une
convention
ou
un
usage
reconnu
au
contraire.
En
effet,
je
ne
peux
accepter
la
prétention
de
la
demanderesse
à
l'effet
que
généralement
les
obligations
à
elle
imposées
par
les
ententes
sont
trop
onéreuses,
qu'il
s'agisse
de
la
rendre
responsable
du
changement
du
taux
de
l'impôt
ou
de
l'assujettir
au
paiement
de
l'intérêt
et
de
dommages-
intérêts
au
cas
de
retard
des
versements
des
remises
mensuelles.
Encore
une
fois,
ces
obligations
assumées
par
la
demanderesse
ne
répugnent
absolument
pas
à
l'essence
du
mandat
rémunéré.
D'ailleurs,
même
une
dispense
absolue
de
rendre
compte,
malgré
les
dispositions
de
l’article
1713
du
Code
civil
qui
oblige
le
mandataire
à
rendre
compte
de
sa
gestion,
n'invalide
pas
le
mandat;
à
ce
sujet,
Migneault
dans
le
Droit
Civil
Canadien,
t.
8e,
pp.
28
et
29,
écrit:
Cependant,
la
question
que
nous
sommes
posée
envisage
l’hypothèse
d’une
dispense
absolue
de
rendre
compte.
Et
il
s’agit
de
rechercher,
non
pas
si
une
telle
convention
est
licite,
car
il
est
évident
qu'elle
ne
blesse
ni
l'ordre
public
ni
les
bonnes
moeurs,
mais
si
elle
répugne
tellement
à
l'essence
du
mandat
que
le
contrat
ne
sera
plus
un
mandat
mais
un
contrat
d'un
autre
genre.
[Les
italiques
sont
les
miens.]
J'ai
rencontré
une
question
semblable
lorsque
j’ai
expliqué
l’article
916,
aux
termes
duquel
le
testateur
peut
limiter
l’obligation
qu’a
l’exécuteur
testamentaire
de
faire
inventaire
et
de
rendre
compte
de
sa
gestion,
ou
même
l’en
dispenser
entièrement.
Et
l’article
916
ajoute
que
cette
décharge
n’emporte
pas
celle
de
payer
ce
qui
lui
reste
entre
les
mains,
à
moins
que
le
testateur
n’ait
voulu
lui
remettre
la
disposition
des
biens
sans
responsabilité,
le
constituer
légataire,
ou
que
les
termes
du
testateur
ne
comportent
autrement
la
décharge
de
payer.
Cette
disposition
me
permettra
de
répondre
à
la
question
posée
plus
haut.
Elle
est
une
conséquence
de
la
liberté
de
tester,
et
nous
pouvons
admettre
la
même
solution
dans
le
cas
du
mandat,
comme
étant
la
conséquence
de
la
liberté
des
conventions,
et
cela
sans
que
le
contrat
cesse
d'être
un
contrat
de
mandat.
[Les
italiques
sont
les
miens.]
Il
n’est
pas
douteux
donc
que
le
mandant
peut
dispenser
le
mandataire
de
l’obligation
de
rendre
compte.
Cela
devrait
suffire
pour
rejeter
l'argument
de
la
demanderesse
basée
sur
la
nature
et
l'importance
des
obligations
qu’elle
a
assumées
dans
le
cadre
des
ententes
concernées.
Cependant,
il
faut
préciser
qu’en
l'occurrence
la
demanderesse
n'était
pas
dispensée
de
rendre
compte
au
ministre
du
Revenu
du
Québec;
au
contraire,
l’article
24
de
la
Loi
de
l'impôt
sur
le
tabac
a
non
seulement
permis
ces
ententes,
mais
il
les
a
assujetties
aux
autres
dispositions
de
la
même
loi;
or,
les
articles
14,
15
et
19
de
cette
loi
prescrivent
que
la
demanderesse
“doit
tenir
compte
de
l'impôt
perçu
et
en
rendre
compte",
et
indiquent
en
outre
la
manière
de
le
faire
et
les
sanctions,
en
cas
de
défaut;
en
outre,
les
ententes
elles-mêmes
assujettissent
la
demanderesse
à
des
rapports
détaillés
au
ministre
du
Revenu
du
Québec.
Quant
à
l'argument
basé
sur
la
sévérité
des
limites
au
remboursement
des
remises
versées
par
la
demanderesse,
en
cas
de
faillite
ou
d’insolvabilité
de
son
acheteur
ou
au
cas
de
feu,
vol,
ou
autre
perte
non
imputable
à
sa
faute,
il
importe
de
rappeler
que
la
preuve
démontre
que
dans
tous
les
cas
où
la
demanderesse
a
réclamé
semblable
remboursement
au
ministre
du
Revenu
du
Québec,
elle
a
obtenu
satisfaction;
de
plus,
dans
les
rares
cas
où
elle
a
subi
une
perte,
elle
n’avait
pas
cru
bon
soumettre
de
réclamation
au
ministre
provincial,
faisant
ainsi
défaut
d’établir
clairement
qu’elle
n'aurait
pu
obtenir
remboursement,
compte
tenu
des
termes
des
ententes
et
des
dispositions
de
l’article
1725
du
Code
civil
relatives
à
l'obligation
du
mandant
d'indemniser
le
mandataire
qui
n'est
pas
en
faute.
De
toute
façon,
encore
la,
ces
dispositions
licites
sont
la
conséquence
de
la
liberté
des
conventions
et
elles
ne
répugnent
pas
tellement
à
l'essence
du
mandat
que
l'entente
qui
les
comporte
ne
constitue
plus
un
mandat
mais
un
contrat
d'un
autre
genre.
Quant
à
l'argument
par
la
demanderesse
à
l'effet
que
le
vendeur
en
gros
ne
saurait
être
le
mandataire
du
ministre
du
Revenu
du
Québec
vu
l'article
11
de
la
Loi
de
l'impôt
sur
le
tabac,
qu’il
suffise
de
référer
encore
une
fois
à
l’article
24
de
la
même
loi,
qui,
en
corrélation
avec
ses
articles
2(15)
et
28(3)(a),
permet
on
ne
peut
plus
clairement
qu’un
vendeur
en
gros
puisse
agir
comme
mandataire
du
ministre
provincial
dans
le
but
de
faciliter
la
perception
et
la
remise
de
l'impôt
concerné.
Ensuite,
il
est
vrai
que
pour
les
produits
du
tabac
autres
que
les
cigarettes
et
certains
cigares,
la
demanderesse
devait
effectuer
des
remises
mensuelles
en
se
basant
sur
un
prix
de
détail
suggéré
par
le
manufacturier
et
sans
connaître
de
façon
certaine
le
prix
de
détail
précis
ultimement
payé
par
le
consommateur.
Cela
fait
dire
à
la
demanderesse
que
dans
ce
cas
elle
ne
saurait
exercer
le
mandat
de
percevoir
un
impôt
de
consommation
du
tabac,
puisque
le
ministre
du
Revenu
du
Québec
est
en
fait
indifférent
au
prix
de
vente
au
détail,
lequel
doit
servir
de
critère
au
taux
de
la
taxe.
Cet
argument
est
peu
convaincant.
D'abord,
il
s'infère
de
la
preuve
que
ces
autres
produits
du
tabac
représentaient
une
proportion
bien
moindre
que
les
cigarettes
au
sujet
desquelles
la
taxe
effectivement
payée
par
le
consommateur
correspondait
nécessairement
au
même
montant
que
celui
remis
par
le
vendeur
en
gros
au
ministre
provincial.
Ensuite,
même
si
en
réalité
il
pouvait
arriver
que
les
autres
produits
du
tabac
soient
vendus
au
détail
à
un
prix
différent
de
celui
suggéré
par
le
manufacturier,
il
n'en
reste
pas
moins
que
le
ministre
provincial
reconnaissait
ce
prix
suggéré
par
le
manufacturier
comme
critère
raisonnable
et
qu’il
acceptait
cette
façon
de
procéder.
Ainsi,
lorsque
le
prix
au
détail
était
inférieur
au
prix
suggéré
par
le
manufacturier,
la
demanderesse
se
trouvait
avoir
remis
plus
qu'il
ne
fallait
au
ministre
provincial.
Or,
cela
ne
va
pas
à
l'encontre
de
l'essence
du
mandat,
puisque
le
Code
civil
lui-même
stipule,
au
titre
du
mandat:
1713.
Le
mandataire
est
tenu
de
rendre
compte
de
sa
gestion,
et
de
remettre
et
payer
au
mandant
tout
ce
qu’il
a
reçu
sous
l’autorité
de
son
mandat,
même
si
ce
qu'il
a
reçu
n’était
pas
dû
au
mandant;
.
.
.
1718.
Il
n’est
pas
censé
avoir
excédé
les
bornes
de
son
mandat,
lorsqu’il
l’a
rempli
d’une
manière
plus
avantageuse
au
mandant
que
celle
qui
était
indiquée
par
ce
dernier.
Quant
à
l'acheteur,
il
jouissait
alors
de
la
protection
accordée
au
tiers
par
l’article
1716
du
Code
civil:
1716.
Le
mandataire
qui
agit
en
son
propre
nom
est
responsable
envers
les
tiers
avec
qui
il
contracte,
sans
préjudice
aux
droits
de
ces
derniers
contre
le
mandant.
Si
par
contre
le
prix
au
détail
était
plus
élevé
que
le
prix
suggéré
par
le
manufacturier,
la
demanderesse
se
trouvait
ne
pas
avoir
suffisamment
remis
au
ministre
provincial,
ce
que
ce
dernier,
de
façon
licite,
avait
alors
expressément
ou
tacitement
accepté.
Rien
donc
ne
répugne
à
ce
qu'en
raison
d’un
véritable
mandat
de
perception,
le
ministre
du
Revenu
du
Québec
puisse
se
faire
payer
une
taxe
par
un
vendeur
en
gros
avant
même
qu'elle
ne
soit
due
par
l'acheteur
au
détail.
La
doctrine
et
les
dispositions
relatives
au
mandat,
au
Code
civil,
couvrent
très
bien
le
cas.
Finalement,
‘a
demanderesse
fait
état
du
fait
que
les
ententes,
à
leur
paragraphe
3,
stipulent
qu'elle
“se
rend
personnellement
responsable
de
la
remise
intégrale
de
l’impôt
afférant
à
tout
tabac
qu'elle
pourra
acheter",
soulignant
qu'il
s’agit
là
d'un
engagement
contraire
à
l'esprit
du
mandat.
La
demanderesse,
à
l'audition,
ayant
expressément
renoncé
à
plaider
l'incons-
titutionnalité
des
ententes,
basée
sur
l’imposition
d'une
taxe
indirecte
au
vendeur
en
gros,
il
faut
alors
interpréter
la
disposition
comme
soulignant
simplement
la
responsabilité
personnelle
de
la
demanderesse
dans
l'exécution
de
l'une
des
obligations
lui
résultant
du
mandat;
en
l'occurrence,
elle
se
rendait
personnellement
responsable
d'effectuer
des
remises
mensuelles,
lesquelles
étaient
d’ailleurs
expressément
mentionnées
dans
le
même
paragraphe
3
des
ententes.
Il
faut
donc
conclure
que
chacune
des
ententes
entre
la
demanderesse
et
le
ministre
du
Revenu
du
Québec,
selon
ses
propres
termes,
se
veut
un
mandat
formel
et
que
dans
les
circonstances,
la
demanderesse
a
fait
défaut
de
démontrer
que
les
conventions
licites
y
incluses
répugnent
tellement
à
l'essence
du
mandat,
comme
le
dit
Migneault
plus
haut,
qu'on
ne
soit
plus
en
face
d'un
mandat
mais
d'un
contrat
d'un
autre
genre.
Ainsi,
ces
mandats
ont
expressément
été
convenus
pour
satisfaire
aux
objectifs
de
la
Loi
de
l'impôt
sur
le
tabac;
cette
loi
vise
particulièrement
à
faciliter
la
perception
et
la
remise
de
la
taxe
qu'elle
impose
au
consommateur
et
elle
autorise
les
conventions
nécessaires
à
cette
fin
entre
le
ministre
du
Revenu
du
Québec
et
les
vendeurs
de
tabac
en
gros.
En
conséquence,
les
remises
mensuelles
effectuées
par
la
demanderesse
au
ministre
du
Revenu
du
Québec
ne
sauraient
être
considérées
ou
incluses
dans
le
calcul
du
coût
indiqué
des
produits
du
tabac
décrits
dans
son
inventaire,
pour
fin
de
la
déduction
fiscale
stipulée
à
l’article
20(1
)(gg)
de
la
Loi
de
l'impôt
sur
le
revenu.
Un
jugement
est
donc
rendu
pour
rejeter
l’action
de
la
demanderesse
avec
dépens.
Action
dismissed.