Marceau,
J:—A
la
présente
action
a
été
jointe
celle
portant
le
N
T-4258-77,
entre
Dame
Afife
Kurdi-Alepin,
Jean
Alepin
et
Dieudonné
Alepin
agissant
en
leur
qualité
d’exécuteurs
testamentaires
de
la
succession
Joseph
Alepin
et
Sa
Majesté
la
Reine.
Le
demandeur
ici
conteste
la
cotisation
d’impôt
que
le
ministre
du
Revenu
national
a
émise
contre
lui
en
incluant
dans
son
revenu
pour
l’année
d’imposition
1970
une
somme
de
$93,702.12
qu'il
aurait
reçue
au
cours
de
l’année
à
titre
d’intérêts.
Dans
l’autre
action,
les
héritiers
du
frère
du
demandeur
contestent
de
leur
côté
une
cotisation
identique
émise
contre
leur
auteur,
en
même
temps,
dans
les
mêmes
circonstances
et
pour
les
mêmes
raisons.
Les
deux
actions
appelaient
naturellement
la
même
solution.
Pour
définir
le
problème,
il
faut
se
référer
à
une
série
d’actes
notaries
longs
et
complexes.
Reproduire
dans
le
texte
les
nombreux
passages
de
ces
actes
qui
peuvent
présenter
quelqu’intérêt
serait
peut-être
plus
satisfaisant
mais
ne
me
paraît
pas
nécessaire.
J’en
dégagerai
uniquement
la
substance
et
dans
la
seule
mesure
où
cela
me
paraîtra
nécessaire
pour
expliquer
mes
conclusions.
Voici
ce
dont
il
s’agit.
Le
4
septembre
1969,
le
demandeur
et
ses
deux
frères
vendaient
à
une
compagnie
du
nom
de
Jar
Investments
Limited
(“Jar
Ltd”),
un
vaste
terrain
situé
à
Ville
La
Salle,
Québec,
dont
ils
étaient
co-propriétaires.
La
vente
était
faite
pour
un
montant
de
$9,000,000.
Partie
du
prix
de
vente,
soit
$968,390,
était
versée
comptant,
la
balance
avec
les
intérêts
étaient
payables
par
versements
différés
comme
suit:
en
1970,
un
premier
versement
d’intérêts
deviendrait
dû
le
1er
juillet
et
un
nouvel
acompte
sur
le
prix
de
vente,
au
montant
de
$531,610,
serait
exigible
le
1er
septembre;
en
1971
et
au
cours
des
années
subséquentes,
les
intérêts
devraient
être
payés
semi-annuellement
alors
qu’un
versement
de
capital
de
$1,000,000
ou
$1,500,000
deviendrait
échu
le
1er
septembre.
En
garantie
du
paiement
de
ces
versements
différés,
les
vendeurs
se
faisaient
reconnaître
à
l’acte
un
“privilège
de
bailleur
de
fonds”
et
une
hypothèque
sur
l’ensemble
du
terrain
vendu,
auxquels
s’ajoutait,
aux
termes
d’une
clause
résolutoire,
le
droit
de
requérir
résolution
de
la
vente
en
cas
de
défaut.
Ces
droits
accessoires
garantissant
le
paiement
du
solde
du
prix
de
vente
constituaient
naturellement
des
obstacles
aux
transactions
susceptibles
d’être
complétées
par
l’acheteur
et
c’est
pourquoi
une
clause
de
main-levée
éventuelle
était
formulée
prévoyant:
d’une
part,
évidemment,
la
possibilité
pour
les
vendeurs
de
renoncer
à
leurs
droits
aux
conditions
qu’ils
jugeraient
appropriées,
ce
relativement
à
toute
parcelle
de
terrain
qu’ils
pourraient
désigner,
mais
surtout,
d’autre
part,
le
droit
de
l’acheteur
de
requérir
telle
renonciation
pour
une
parcelle
de
terrain
d’une
étendue
minima
prévue,
sur
paiement
par
lui,
en
acompte
sur
la
balance
du
prix
de
vente,
d’un
prix
déterminé
au
pied
carré.
Entre
le
moment
de
cette
vente
du
4
septembre
1969
et
le
1er
juillet
1970,
Jar
Ltd
se
prévalut
de
la
clause
du
contrat
lui
permettant
de
requérir
mainlevée
pour
trois
parcelles
de
terrains
vendus
à
des
tiers,
versant
à
cette
fin
la
somme
totale
de
$136,578.
Le
1er
juillet,
cependant,
Jar
Ltd
omettait
de
faire
le
paiement
d’intérêts
qui
devenait
échu.
A
ce
moment,
toutefois,
la
situation
ne
paraissait
pas
pour
autant
critique
car
deux
transactions
importantes
pour
la
vente
de
vastes
emplacements
étaient
en
cours
de
négociation:
l’une
avec
le
gouvernement
du
Québec
qui
projetait
la
construction
d’un
collège
d’enseignement,
l’autre
avec
la
compagnie
Palmyra
Realties
Ltd
en
vue
de
l’érection
d’un
centre
d’achat.
La
première
de
ces
transactions
devait
finalement
échouer,
mais
l’autre
au
contraire
fut
complétée
et
c’est
à
son
sujet
que
le
litige
qui
nous
concerne
ici
se
soulève.
Le
prix
offert
par
Palmyra
Realties
Ltd
(“Palmyra”)
pour
l’acquisition
de
l’emplacement
qu’elle
désirait
obtenir
était
inférieur
à
celui
prévu
à
l’acte
du
4
septembre
1969
comme
donnant
droit
à
Jar
Ltd
de
requérir
de
la
part
des
frères
Alepin
main-levée
de
leur
privilège,
hypothèque
et
droit
de
résolution.
Ceux-ci
devaient
donc
consentir
librement
à
accorder
la
main-levée
sans
laquelle
la
transaction
ne
pouvait
être
complétée,
et
effectivement
ils
y
consentirent.
Le
24
juillet,
un
acte
notarié
confirmait
la
vente
par
Jar
Ltd
à
Palmyra
d’un
emplacement
décrit
pour
la
somme
de
$1.00
et
une
considération
addi-
tionelle
de
$1,000,000
payable
dans
un
délai
imparti.
A
l’acte
intervenaient
les
frères
Alepin.
Il
était
prévu
que
le
prix
d’acquisition
avec
les
intérêts
accumulés
depuis
la
date
du
contrat
jusqu’au
paiement
effectif
serait
verse
directement
aux
frères
Alepin
qui
s’engageaient
à
accorder,
une
fois
le
paiement
effectué,
main-levée
pure
et
simple
de
tous
leurs
droits
sur
le
terrain
vendu.
Par
un
autre
acte
notarié
exécuté
le
même
jour,
Jar
Ltd
cédait
et
transportait
aux
frères
Alepin
la
créance
qu’elle
avait
contre
Palmyra
en
vertu
de
l’acte
qui
venait
d’être
souscrit,
les
parties
prenant
soin
de
préciser
dans
un
troisième
acte
intitulé
“convention”
que
tel
transport
de
créance
ne
constituait
nullement
un
paiement
partiel
de
la
balance
du
prix
de
vente
dû
par
Jar
Ltd
aux
termes
de
l’acte
du
4
septembre
1969
mais
était
exécuté
en
vue
de
fournir
une
‘‘garantie
additionnelle”
pour
les
“sommes
dues”
par
cette
dernière
en
vertu
dudit
acte.
Le
24
novembre
1970,
Palmyra
était
en
mesure
de
remplir
ses
engagements.
Un
acte
notarié
fut
alors
exécuté
dans
lequel
les
frères
Alepin:
reconnaissaient
avoir
reçu
de
Palmyra,
à
l’acquis
de
Jar
Ltd,
la
somme
de
$1,000,000
plus
les
intérêts
accumulés
sur
cette
somme
depuis
le
24
juillet;
accordaient
main-levée
de
tous
leurs
droits
sur
le
terrain
vendu
et
donnaient
quittance
partielle
à
Jar
Ltd
pour
le
montant
qu'ils
avaient
ainsi
touché.
Le
problème
qui
se
pose
ici
est
maintenant
facile
à
identifier.
Il
s’agit
de
savoir
si
ce
montant
de
$1,000,000
plus
intérêts,
reçu
par
les
frères
Alepin
ce
24
novembre
1970,
doit
être
imputé
totalement,
comme
le
soutient
le
demandeur,
en
déduction
du
prix
de
vente
dû
par
Jar
Ltd
en
vertu
de
l’acte
du
4
septembre
1969
(auquel
cas
il
s’agirait
d’un
paiement
de
capital
dont
aucune
partie
ne
saurait
être
considérée
comme
revenu
et
taxée
comme
tel)
ou
au
contraire
doit
être
imputé,
pour
une
part,
au
paiement
des
intérêts
dus
par
Jar
Ltd
depuis
le
1er
juillet
précédent
(part
qui
évidemment
doit
être
taxée
comme
revenu
dans
les
mains
des
trois
frères
pour
la
somme
reçue
par
chacun
d’eux)
(articles
3,
4,
6(1
)(b)
et
24(1)
de
la
Loi
de
l’impôt
sur
le
revenu
telle
qu’elle
existait
alors
(SRC
1952,
c
148)).
Au
soutien
de
la
cotisation,
la
défenderesse,
rappelant
qu’au
moment
du
paiement
en
novembre
1970,
Jar
Ltd
devait
aux
frères
Alepin,
depuis
le
1er
juillet,
un
versement
d’intérêts
et,
depuis
le
1er
septembre,
un
versement
de
capital
de
$531,610
et
que
c’était
là
d’ailleurs
les
seules
dettes
exigibles
en
vertu
du
contrat
du
4
septembre,
s’en
remet
directement
aux
dispositions
du
Code
civil
de
la
province
de
Québec
relatives
à
l’imputation
des
paiements
(nécessairement
applicables
en
l’espèce,
toutes
les
transactions
ayant
eu
lieu
au
Québec),
et
spécialement
à
celles
contenues
aux
articles
1159
et
1161
cc
qui
disposent
comme
suit:
1159.
Le
débiteur
d’une
dette
qui
porte
intérêt
ou
produit
des
arrérages,
ne
peut
point,
sans
le
consentement
du
créancier,
imputer
le
paiement
qu'il
fait
sur
le
capital
de
préférence
aux
arrérages
ou
intérêts;
le
paiement
fait
sur
le
capital
et
intérêts,
mais
qui
n’est
point
intégral,
s’impute
d’abord
sur
les
intérêts.
1161.
Lorsque
la
quittance
ne
comporte
aucune
imputation,
le
paiement
doit
être
imputé
sur
la
dette
que
le
débiteur
avait
pour
lors
le
plus
d’intérêt
d’acquitter
entre
celles
qui
étaient
pareillement
échues;
si
de
plusieurs
dettes
une
seule
est
exigible,
le
paiement
s’impute
sur
la
dette
échue,
quoique
moins
onéreuse
que
celles
qui
ne
sont
pas
encore
échues.
Si
les
dettes
sont
de
même
nature
et
également
onéreuses,
l’imputation
se
fait
sur
la
plus
ancienne.
Toutes
choses
égales,
elle
se
fait
proportionnellement.
Le
demandeur
de
son
côté
conteste
et
s’oppose
à
la
cotisation
en
invoquant
deux
moyens.
II
prétend
d’abord
et
principalement
que
même
si
les
actes
écrits,
faisant
état
des
transactions
entre
les
parties,
ne
contiennent
aucune
disposition
formelle
relativement
à
l’imputation
dudit
paiement
de
$1,000,000
fait
à
l’acquis
de
Jar
Ltd,
une
convention
verbale
existait
entre
elles
à
l’effet
que
la
totalité
du
montant
devait
être
attribuée
au
capital
dû
sur
le
prix
de
vente
du
contrat
du
4
septembre.
Il
soutient
subsidiairement
que
de
toute
façon,
convention
verbale
ou
non,
la
totalité
du
montant
doit
être
traitée
comme
paiement
capital,
parce
qu’en
1975,
dans
l’exercice
de
leur
droit
de
résolution
au
cas
de
défaut
de
l’acheteur,
les
frères
Alepin
(pour
Joseph,
décédé
entre-temps,
il
s’agissait
de
ses
ayants
droit)
se
faisaient
rétrocéder
le
terrain
par
dation
en
paiement,
avec
effet
rétroactif
à
la
date
de
la
vente
initiale;
comme
il
était
en
effet
prévu
à
l’acte
du
4
septembre
1969,
qu’advenant
résolution
de
la
vente,
tous
les
paiements
reçus
jusque-là
seraient
considérés
comme
des
dommages
liquidés
pour
bris
de
contrat,
les
sommes
reçues,
et
notamment
les
$1,000,000
en
cause,
doivent
être
traités
sur
le
plan
fiscal
comme
l’immeuble
lui-même
et
constituent
en
conséquence
des
paiements
de
nature
“capital”.
Ces
moyens
d’opposition
du
demandeur
ne
m-apparaissent
pas
comme
devant
être
retenus.
Quant
au
moyen
principal,
je
dirai
simplement
que
la
preuve
fournie
à
l’effet
qu’une
convention
verbale
était
intervenue
relativement
à
l’imputation
du
paiement
ne
m’a
pas
convaincu.
Il
est
vrai
que
le
demandeur
lui-
même
et
son
notaire
ont
témoigné
à
l’effet
qu’au
cours
des
négociations
la
question
d’imputation
avait
été
soulevée,
qu’ils
avaient
réalisé
l’avantage
qu’il
pouvait
y
avoir
pour
eux
de
prévoir
que
le
paiement
porterait
sur
le
capital,
et
que
cet
avantage
ils
étaient
en
mesure
de
se
l’assurer
étant
donné
la
situation
de
force
dans
laquelle
ils
se
trouvaient.
Mais,
contrairement
aux
prétentions
du
procureur,
je
ne
vois
rien
dans
les
actes
qui
donnent
quelqu’indication
à
l’effet
qu’une
entente
ferme
à
cet
effet
avait
été
conclue,
rien
qui
permette
de
confirmer
que
les
frères
Alepin
avaient
cherché
à
réduire
leur
créance
en
capital
avant
de
recevoir
le
paiement
des
intérêts
qui
leur
étaient
dus
et
que
Jar
Ltd
de
son
côté
avait
accepté
de
payer
une
dette
future
plutôt
que
de
couvrir
un
défaut
qui
la
plaçait
à
la
merci
de
ses
vendeurs.
Et
surtout
je
n’arrive
pas
à
penser
que
des
hommes
d’affaires
aussi
avertis
que
les
frères
Alepin
et
un
notaire
aussi
compétent
que
leur
notaire
auraient
négligé
de
confirmer
dans
l’un
ou
l’autre
des
nombreux
actes
passés
l’existence
d’une
convention
susceptible
d’avoir
des
conséquences
aussi
importantes.
A
mon
avis,
les
parties
se
fiaient
toutes
à
ce
moment
sur
la
transaction
si
avantageuse
négociée
avec
le
gouvernement
du
Québec,
qui
semblait
alors
définitivement
acquise,
et
elles
ne
virent
pas
la
nécessité
d’arriver
à
une
entente
ferme
sur
la
question
d’imputation.
Quant
au
moyen
subsidiaire
tiré
de
la
rétroactivité
de
la
dation
en
paiement
survenue
en
1975,
je
n’en
vois
pas
la
portée.
Le
contrat
sous
condition
résolutoire
acquiert
force
juridique
complète
dès
l’instant
où
il
est
conclu
et,
avant
que
ne
survienne
l’événement
prévu,
il
produit
tous
ses
effets.
Lorsque
fut
reçu
le
paiement
en
1970,
une
partie
de
ce
paiement
couvrait
des
intérêts
dus
en
vertu
du
contrat
et
était
immédiatement
taxable,
et
cette
situation
juridique
ne
saurait
être
ultérieurement
modifiée
ou
anéantie
par
l’effet
d’une
résolution
ultérieure
du
contrat
lui-même.
L’avènement
de
la
condition
résolutoire
à
laquelle
est
soumis
un
contrat
peut
bien
anéantir
les
obligations
résultant
du
contrat
mais
elle
ne
peut
affecter
les
tiers
qui
ont
acquis
des
droits
entre-temps
sur
la
base
du
contrat
que
dans
la
mesure
où
ces
droits
ont
eux-mêmes
pris
naissance
conditionnellement.
Au
reste,
la
résolution
en
l’espèce
ne
devait
pas
survenir
indépendamment
des
parties;
elle
requérait
un
acte
volontaire
et
libre
de
l’une
d’elles
et
en
fait
elle
fut
opérée
par
un
contrat
de
dation
en
paiement
librement
souscrit:
peut-on
raisonnablement
penser
qu’une
résolution
opérée
ex
post
facto
en
1975
puisse
modifier
la
destination
de
paiements
faits
en
1970
et
en
anéantir
les
conséquences
face
au
fisc.
(Comp
Malkin
v
MNR,
[1942]
Ex
CR
113;
[1942]
CTC
135;
2
DTC
587).
A
mon
avis.
le
ministre
avait
raison,
dans
les
circonstances,
d’invoquer
les
dispositions
du
Code
civil
québécois
ci-haut
citées
et
de
considérer
qu’une
partie
du
paiement
reçu
par
le
demandeur
et
ses
frères
en
novembre
1970
était
imputable
aux
intérêts
dus
et
constituait
alors
un
revenu
taxable.
Aucun
des
deux
moyens
d’opposition
du
demandeur
ne
me
paraît
valable.
L’action
sera
donc
rejetée.
Néanmoins
le
dossier
sera
référé
au
ministre.
Il
s’est
en
effet
révélé
au
cours
de
l’audition
que,
dans
le
calcul
des
intérêts
dus
par
Jar
Ltd
le
1er
juillet
1970,
une
légère
erreur
s’était
glissée
due
au
fait
que
n’avaient
pas
été
considérés
certains
paiements
faits
antérieurement
par
la
compagnie
en
acompte
sur
le
capital
du.
Le
demandeur
a
déclaré
ne
pas
vouloir
tenir
compte
formellement
de
cette
erreur
dans
ses
conclusions
vu
son
peu
d’importance.
Je
crois
néanmoins
que
le
ministre
doit
en
tenir
compte
et
corriger
la
cotisation.