Le
Juge
Dubé,
DJ:—La
défenderesse
exploite
une
entreprise
de
transport
d’écoliers
dans
la
région
de
Farnham,
PQ.
A
la
suite
d’une
soumission
en
date
du
31
juillet
1974
pour
l’obtention
du
contrat
de
transport
d’écoliers
des
circuits
U-36,
U-37
et
U-38,
la
défenderesse
et
la
Commission
Scolaire
d’Avignon
concluaient
un
contrat
d’une
durée
de
trois
ans,
renouvelable
pour
trois
autres
années,
avec
rémunération
annuelle
de
$36,898.
Le
même
jour,
soit
le
10
septembre
1974,
la
défenderesse
cédait
ce
contrat
de
transport
à
Philippe
Dorais,
un
autre
entrepreneur
de
transport
d’écoliers,
pour
la
somme
de
$31,500.
Le
Ministre
du
Revenu
national
refusa
de
considérer
ce
bien
comme
un
bien
en
immobilisation
admissible
et
imposa
la
défenderesse
pour
son
année
d’imposition
1975
sur
la
totalité
du
produit
de
disposition.
Le
Ministre
a
considéré
que
l’intention
de
la
défenderesse
au
moment
de
la
soumission
était
de
revendre
le
contrat
à
profit
et
que
le
contrat
en
question
ne
constituait
aucunement
de
l’achalandage
ou
quelqu’autre
bien
en
immobilisation
admissible:
selon
le
Ministre
la
somme
de
$31,500
est
la
réalisation
d’un
profit
anticipé
sur
un
contrat
conclu
dans
le
cours
normal
de
l’entreprise
du
contribuable.
Le
24
avril
1978
la
défenderesse
en
appella
de
la
cotisation
du
Ministre
devant
la
Commission
de
révision
de
l'impôt,
laquelle
accueillit
son
appel.
Dans
le
but
de
déterminer
si
la
vente
des
trois
circuits
en
question
constitue
un
profit
à
compte
de
revenu,
comme
le
prétend
le
Ministre,
ou
une
vente
de
biens
en
immobilisation
admissible,
tel
qu’allégué
par
la
défenderesse,
il
est
opportun
de
faire
un
rappel
succinct
des
faits
pertinents.
Léopold
Lague
exerçait
avec
son
frère
une
entreprise
de
transport
d’écoliers
depuis
1956
et
il
s’est
incorporé
en
1966.
Au
cours
de
la
période
qui
nous
intéresse
la
défenderesse
détenait
des
contrats
de
deux
commissions
scolaires
dans
la
région
de
Farnham,
soit
dix-neuf
circuits
de
la
Commission
Scholaire
Honoré
Mercier
et
trois
de
la
Commission
d’Avignon.
En
général
ces
circuits
de
transport
sont
desservis
par
les
mêmes
transporteurs
à
la
suite
de
soumissions
périodiques
et
en
pratique
un
transporteur
soumissionne
rarement
dans
le
circuit
d’un
autre.
L’acheteur
des
trois
circuits
en
question,
Philippe
Dorais,
desservait
déjà
les
autres
circuits
de
la
Commission
d’Avignon.
Son
centre
d’opération
était
situé
à
un
mille
de
la
polyvalente
nourrie
par
ces
trois
circuits.
Par
contre
la
base
d’opération
de
la
défenderesse
se
trouvait
à
quelque
six
ou
sept
milles
de
ladite
polyvalente.
En
1974
Léopold
Lague
souffrait
de
diabète
et
son
épouse
était
en
chaise
roulante.
De
plus,
il
préférait
oeuvrer
au
service
d’une
seule
commission
scolaire
plutôt
que
de
deux.
Les
jours
de
congé
et
les
heures
de
classe
n’étaient
pas
nécessairement
les
mêmes
pour
les
deux
commissions:
ce
doublage
créait
des
problèmes
additionnels
d’administration.
C’est
donc
qu'il
était
intéressé
à
vendre
les
trois
circuits
d’Avignon
et
que
Dorais
lui-même
désirait
les
acheter.
Les
deux
hommes
se
connaissaient
bien
d’ailleurs
et
avaient
voyagé
ensemble
au
cours
de
l’été.
Deux
ans
auparavant;
Philippe
Dorais
avait
discuté
avec
Léopold
Lague
la
possibilité
d’acheter
ses
circuits:
il
n’y
avait
pas
eu
d’entente
à
l’époque.
Le
Ministre
s’appuie
sur
les
articles
3,
9(1),
14
et
248(1)
de
la
Loi
et
l’impôt
sur
le
revenu,
SC
1970-71-72,
c.
63.
Il
se
reporte
également
à
un
certain
nombre
de
décisions*
à
l’effet
qu’une
compensation
monétaire
reçue
pour
la
perte
ou
la
vente
d’une
contrat
ne
peut
être
de
nature
capitale,
à
moins
qu’il
ne
s’agisse
d’un
contrat
fondamental
à
l’existence
même
de
l’entreprise
dont
la
perte
en
entraînerait
l’anéantissement.
La
Commission
de
révision
n’a
pas
retenu
cette
prétention:
“Il
est
evident
que
sur
cette
base,
l’appelante
n’ayant
pas
vendu
la
totalité
des
ses
circuits,
l’appel
à
premiere
vue
devrait
être
rejeté.
La
Commission
croit
cependant
que
ce
qui
constitue
une
permanence
dans
une
entreprise
n’est
pas
nécessairement
la
totalité
de
l’entreprise.”**
Il
ne
s’agit
pas
ici,
bien
sûr,
d’une
perte
de
contrat
comportant
compensation
monétaire,
mais
de
la
vente
volontaire
d’une
partie
importante
de
la
structure
productrice
de
l’entreprise
du
contribuable.
Cette
vente
n’est
pas
non
plus
un
contrat
passé
dans
le
cours
normal
de
l’exploitation
de
l’entreprise,
puisque
la
défenderesse
n’est
pas
dans
le
commerce
de
la
vente
de
contrats
de
circuits
de
transport;
était
la
première
transaction
du
genre
qu’elle
effectuait.
L’entreprise
de
la
défenderesse
repose
fondamentalment
sur
les
contrats
de
transport.
La
cession
de
tous
les
contrats
détenus
par
elle
dans
une
des
deux
commissions
scolaires
qu'elle
desservait
constitue,
à
mon
avis,
la
disposition
d’un
bien
de
nature
durable,
d’actif
qui
procurera
à
l’acquéreur
des
recettes
pendant
les
trois
années
du
contrat
et,
normalement,
au
cours
des
trois
années
de
renouvellement.
De
plus,
vu
la
tradition
chez
les
entrepreneurs
de
ne
pas
s’immiscer
à
l’intérieur
des
territoires
déjà
desservis
par
d’autres,
l’actif
peut
prendre
encore
plus
de
valeur
et
de
permanence
(voir
Lord
Cave
dans
British
Insulated
and
Helsby
Cables
Ltd
v
Atherton,
[1926]
AC
205).
Il
n’y
a
pas
lieu
non
plus
de
conclure
que
l’intention
du
contribuable
au
moment
de
la
soumission
était
simplement
de
revendre
le
contrat
à
profit.
Léopold
Lague
desservait
déjà
ces
circuits
depuis
quelques
années.
Il
savait,
bien
sûr,
que
son
ami
Dorais
était
intéressé
à
arrondir
son
propre
réseau
à
la
Commission
d’Avignon,
mais
la
preuve
démontre
que
les
deux
hommes
n’en
étaient
pas
arrivés
à
un
prix,
que
l’affaire
n'était
pas
bâclée.
D'ailleurs,
au
moins
une
tentative
d’achat
de
circuits
entre
les
deux
hommes
avait
déjà
échoué.
Si
les
deux
entrepreneurs
n’en
étaient
pas
arrivés
à
une
entente
en
1974,
il
aurait
fallu
que
la
défenderesse
remplisse
le
contrat
qu’elle
détenait
et
continuer
l’exploitation
de
son
entreprise
au
service
des
deux
commissions.
Par
ces
motifs
l’action
est
rejetée
avec
frais.