Rouleau,
J:—Il
s’agit
d’un
appel
d’un
jugement
rendu
par
la
Commission
de
Révision
de
l’impôt,
[1983]
CTC
2559;
83
DTC
501,
le
3
décembre
1982,
rejetant
l’appel
que
le
contribuable
a
logé
suite
aux
avis
de
nouvelles
cotisations
d’impôt
sur
le
revenu
pour
les
années
d’imposition
1977,
1978
et
1979.
Exposé
des
faits
En
juin
1943,
dans
la
province
de
Québec,
le
demandeur
s’est
marié
à
dame
Rose-Yvonne
Morin,
sans
passer
par
les
formalités
d’un
contrat
de
mariage.
Par
conséquent,
les
époux
se
sont
soumis
au
régime
matrimonial
légal
de
l’époque
et
la
communauté
légale
de
biens
a
donc
existé
entre
eux.
Le
8
février
1977,
devant
notaire,
le
demandeur
et
son
épouse
décident
de
changer
de
régime
matrimonial.
Ils
ont
donc
dressé
un
inventaire
des
biens
de
la
communauté
et
adoptèrent,
par
contrat
de
mariage,
le
régime
de
séparation
de
biens,
enregistré
le
26
juillet
1977.
Le
Ministre
du
Revenu
National
a,
par
avis
de
cotisation,
cotisé
le
demandeur
pour
les
années
d’imposition
1977-1978-1979,
sur
les
dividendes
et
intérêts
reçus
par
son
épouse
et
des
gains
en
capital
imposables
réalisés
par
elle
au
cours
desdites
années,
sur
des
biens
qui
lui
avaient
été
remis
lors
du
partage
de
la
communauté
de
biens.
Le
demandeur,
après
s’être
opposé
auxdites
cotisations
dans
les
délais
requis
et
après
leurs
confirmations,
en
a
appelé
à
la
Commission
de
Révision
de
l’impôt.
Décision
de
la
Commission
La
Commission
décida
que
le
contribuable
avait
transféré
des
biens
à
son
épouse
lors
du
changement
de
régime
matrimonial
en
1977.
Durant
la
communauté
de
biens,
le
contribuable
avait
un
droit
supérieur
à
celui
de
son
épouse,
droit
qu’il
lui
a
transféré
en
adoptant
le
régime
de
séparation
de
biens.
Par
conséquent,
la
Commission
décida
que
les
règles
de
l’article
74(1)
et
(2)
de
la
Loi
sur
F
impôt
sur
le
Revenu
*
régissant
des
cas
de
transfert
sont
applicables.
L’article
74(1)
et
(2)
se
lit
ainsi:
Art
74
Transfert
de
biens
au
conjoint.
(1)
Lorsqu’une
personne
a
transféré
des
biens,
directement
ou
indirectement,
le
1er
août
1917
ou
après,
par
un
acte
de
fiducie
ou
par
tout
autre
moyen
que
ce
soit
à
son
conjoint,
ou
à
une
personne
qui
est
depuis
devenue
son
conjoint,
tout
revenu
ou
toute
perte,
le
cas
échéant,
pour
une
année
d’imposition,
provenant
des
biens
ou
de
biens
y
substitués,
est
réputée,
durant
la
vie
de
l’auteur
du
transfert,
tandis
qu’il
réside
au
Canada
et
que
le
bénéficiaire
du
transfert
est
son
conjoint,
être
un
revenu
ou
une
perte,
le
cas
échéant,
de
l’auteur
du
transfert
et
non
de
celui
à
que
le
transfert
a
été
fait.
(2)
Gain
ou
perte
présumé
de
l’auteur
du
transfert.
Lorsqu’une
personne
a,
après
1971,
transféré
des
biens,
directement
ou
indirectement,
par
acte
de
fiducie
ou
par
tout
autre
moyen
que
ce
soit
à
son
conjoint,
ou
à
une
personne
qui
depuis
devenue
son
conjoint,
(lesdits
biens
étant
désignés
au
présent
paragraphe
comme
les
“biens
transférés’’),
les
règles
suivants
s’appliquent:
(a)
la
fraction,
si
fraction
il
y
a,
(i)
du
total
des
gains
en
capital
imposables
du
bénéficiaire
du
transfert
pour
l’année,
tirés
de
la
disposition
de
biens
transférés,
sauf
les
biens
personnels
désignés,
et
de
la
disposition
de
biens
(sauf
les
biens
personnels
désignés)
substitués
aux
biens
transférés,
qui
est
en
sus
(ii)
du
total
des
pertes
en
capital
déductibles
du
bénéficiaire
du
transfert
pour
l’année,
provenant
de
la
disposition
de
biens
transférés,
sauf
les
biens
personnels
désignés,
et
de
la
disposition
de
biens
(sauf
les
biens
personnels
désignés)
substitués
aux
biens
transférés,
est
réputée,
durant
la
vie
de
l’auteur
du
transfert,
tandis
que
ce
dernier
réside
au
Canada
et
que
le
bénéficiaire
du
transfert
est
son
conjoint,
être
un
gain
en
capital
imposable
de
l’auteur
du
transfert,
pour
l’année,
tiré
de
la
disposition
de
biens,
sauf
les
biens
personnels
désignés;
(b)
la
fraction,
si
fraction
il
y
a,
du
total
déterminé
en
vertu
du
sous-alinéa
(a)(ii)
qui
est
en
sus
du
total
déterminé
en
vertu
du
sous-alinéa
(a)(i)
est
réputée,
durant
la
vie
de
l’auteur
du
transfert,
tandis
que
ce
dernier
réside
au
Canada
et
que
le
bénéficiaire
du
transfert
est
son
conjoint,
être
une
perte
en
capital
déductible
de
l’auteur
du
transfert,
pour
l’année,
provenant
de
la
disposition
de
biens,
sauf
les
biens
personnels
désignés;
(c)
la
fraction,
si
fraction
il
y
a,
(i)
du
montant
que
représenterait
le
total
des
gains
du
bénéficiaire
du
transfert
pour
l’année,
tirés
de
la
disposition
de
biens
personnels
désignés,
si
le
bénéficiaire
du
transfert
n’avait
à
aucun
moment
été
propriétaire
des
biens
personnels
désignés
autres
que
des
biens
personnels
désignés
qui
étaient
des
biens
transférés
ou
des
bien
y
substitués
qui
est
en
sus
(ii)
du
montant
que
représenterait
le
total
des
pertes
du
bénéficiaire
du
transfert
pour
l’année,
provenant
de
la
disposition
de
biens
personnels
désignés,
si
le
bénéficiaire
du
transfert
n’avait
à
aucun
moment
été
propriétaire
des
biens
personnels
désignés
autres
que
des
biens
personnels
désignés
qui
étaient
des
biens
transférés
ou
des
biens
y
substitués
est
réputée,
durant
la
vie
de
l’auteur
du
transfert,
tandis
que
ce
dernier
réside
au
Canada
et
que
le
bénéficiaire
du
transfert
est
son
conjoint,
être
un
gain
de
l’auteur
du
transfert,
pour
l’année,
tiré
de
la
disposition
des
biens
personnels
désignés;
(d)
la
fraction,
si
fraction
il
y
a,
du
total
déterminé
en
vertu
du
sous-alinéa
(c)(ii)
qui
est
en
sus
du
total
déterminé
en
vertu
du
sous-alinéa
(c)(i)
est
réputée,
durant
la
vie
de
l’auteur
du
transfert,
tandis
que
ce
dernier
réside
au
Canada
et
que
le
bénéficiaire
du
transfert
est
son
conjoint,
être
une
perte
de
l’auteur
du
transfert
pour
l’année,
provenant
de
la
disposition
de
biens
personnels
désignés;
et
(e)
tout
gain
en
capital
imposable
ou
perte
en
capital
déductible
ou
tout
gain
ou
perte
inclus
dans
le
calcul
d’une
somme
visée
à
l’alinéa
(a),
(b),
(c)
ou
(d)
est
réputé,
sauf
en
ce
qui
concerne
ces
alinéas,
dans
la
mesure
où
la
somme
ainsi
visée
est
réputée,
en
vertu
du
présent
paragraphe,
un
gain
en
capital
imposable
ou
une
perte
en
capital
déductible
ou
un
gain
ou
une
perte
de
l’auteur
du
transfert,
ne
pas
être
un
gain
imposable
ou
une
perte
en
capital
déductible
ou
un
gain
ou
une
perte,
selon
le
cas,
du
bénéficiaire
du
transfert.
L’appel
de
Irénée
Garant
fut
alors
rejeté.
Arguments
des
parties
Le
Ministre
du
Revenu
National
souligne
que
le
mari,
en
communauté
de
biens,
est
l’administrateur
des
biens
de
cette
communauté
et
qu’en
vertu
de
l’article
1292
du
Code
Civil
(CC),
il
a
un
contrôle
absolu
sur
ces
biens
meubles.
La
loi
sur
l'impôt
sur
le
revenu
imposant
le
bénéficiaire
d’un
bien
et
non
la
propriété*,
le
demandeur
a
transféré
des
biens
à
son
conjoint
pendant
l’année
d’imposition
1977
par
le
truchement
d’un
changement
de
régime
matrimonial.
Par
conséquent,
l’article
74(1)
et
(2)
s’applique
et
les
gains
en
capital
ainsi
que
les
revenus
des
biens
transférés
sont
imposables
dans
les
mains
de
l’auteur
du
transfert.
Le
demandeur
plaide
la
non-applicabilité
de
l’article
74(1)
et
(2)
consécutivement
à
un
changement
de
régime
matrimonial
de
la
communauté
légale
de
biens
à
la
séparation
de
biens.
L’article
74
vise
le
transfert
de
propriété
des
biens.
La
propriété
des
biens
communs
étant
indéterminée
pendant
l’existence
de
la
communauté,
l’article
74
ne
peut
être
applicable.
La
question
de
droit
Le
changement
de
régime
matrimonial
provoque
une
dissolution
du
régime
préexistant
(articles
1266
r
et
1310,
CC).
L’effet
de
cette
dissolution
est
un
partage
entre
époux,
après
inventaire
(articles
1266
et
s,
et
1266
s
et
s,
CC).
Le
partage
est-il
translatif
ou
déclaratif
de
propriété?
La
réponse
à
cette
question
nous
permettra
de
résoudre
le
problème
qui
nous
est
soumis.
S’il
transmet
la
propriété
à
l’autre
conjoint,
l’article
74(1)
et
(2)
est
applicable
au
contribuable.
Les
revenus
et
les
gains
en
capital
imposables
des
biens
transmis
doivent
être
inclus
dans
le
calcul
du
revenu
de
l’auteur
du
transfert.
S’il
déclare
le
conjoint
du
contribuable
propriétaire,
les
conditions
d’applicabilité
de
l’article
74
ne
sont
pas
retrouvées
et
nous
devons
en
écarter
les
effets.
Raisonnement
de
la
Cour
Le
mariage
est
un
acte
de
volonté
des
deux
parties
(article
116,
CC,
B-C;
article
400,
CC,
Q).
La
conséquence
de
cet
acte,
lors
de
l’absence
de
contrat
matrimonial
précédant
le
mariage,
est
l’application
à
l’égard
des
nouveaux
époux
du
régime
légal
qui
prend
effet
au
jour
de
la
célébration
du
mariage
(article
1261,
CC).
Dans
le
cas
qui
nous
occupe,
le
demandeur
a
convolé
en
justes
noces
en
1943
avec
Mlle
Morin.
Le
régime
légal
à
cette
époque
est
celui
de
la
communauté
de
biens
(article
1268,
CC).
Pour
déterminer
le
sort
réservé
aux
biens
affectés
par
un
partage
à
la
dissolution
du
régime
légal
de
communauté,
il
est
essentiel
d’examiner
leur
statut
avant
le
partage,
soit
au
niveau
de
la
communauté
de
biens.
Il
est
établi
dans
la
jurisprudence
et
la
doctrine
que
les
époux
mariés
sous
le
régime
de
communauté
de
biens
sont
“copropriétaires”
des
biens
de
la
communauté!.
Dans
l’arrêt
Sura
v
MNR,
[1961]
SCR
65
à
la
page
70;
[1962]
CTC
1
à
la
page
6;
62
DTC
1005,
dont
les
conclusions
ont
été
endossées
par
cette
même
Cour
dans
MNR
v
Dame
Lucie
Simon
et
Trust
Général
du
Canada,
[1977]
2
SCR,
812;
[1977]
CTC
34;
77
DTC
5228,
le
juge
Taschereau,
tel
qu’il
était
alors,
exprime
de
la
façon
suivante,
l’état
du
droit
en
question:
Que
le
mari
et
la
femme
soient
“copropriétaires”
des
biens
de
la
communauté,
ne
peut
faire,
il
me
semble,
aucun
doute
dans
l’esprit
des
juristes.
Malgré
les
hésitations
qu’ont
pu
entretenir
certains
auteurs,
je
crois
qu’il
est
maintenant
universellement
admis
que
c’est
bien
là
la
règle
qui
doit
nous
régir.
Les
époux
sont
saisis
des
biens
de
la
communauté
et
détiennent
en
“copropriété”
l’ensemble
des
actifs
et
des
passifs
de
cette
communauté.
Aucun
des
deux
époux
ne
possède
un
titre
exclusif
par
rapport
à
l’autre,
sur
un
bien
déterminé.
P
B
Mignault
écrit
dans
Droit
Civil
Canadien,
vol
6,
à
la
page
148:
Tout
les
biens
des
époux
appartiennent
à
la
communauté,
soit
en
pleine
propriété,
soit
en
jouissance
seulement.
Ceux
qui
lui
appartiennent
en
pleine
propriété
s’appellent
“biens
de
la
communauté”;
les
autres,
“biens
personnels
aux
époux”,
“propres
de
communauté”
ou,
plus
brièvement,
“propres”.
La
communauté,
tant
qu’elle
dure,
possède
tous
les
biens,
tant
les
biens
de
communauté
que
les
propres.
Lors
donc
qu’un
époux
prétend,
à
la
dissolution
de
la
communauté,
qu’un
bien
lui
est
personnel,
c’est
à
lui
de
le
prouver
en
justifiant
de
la
cause
qui
le
lui
a
attribué
en
propre.
En
se
rattachant
à
la
fiction
juridique,
que
la
communauté
de
biens
est
propriétaire
des
biens
de
la
communauté,
il
est
alors
possible
de
concevoir
que
les
époux
sont
saisis
des
biens
de
cette
communauté,
non
pas
comme
propriétaires
exclusifs
de
biens
particuliers
l’un
envers
l’autre,
mais
comme
“copropriétaires”
de
l’ensemble
de
biens
qu’ils
mettent
en
commun
pour
faire
fructifier
la
masse.
Malgré
la
“copropriété”,
les
droits
des
époux
sont
différents.
L’homme,
administrateur
du
fond
commun
en
raison
de
la
volonté
du
législateur
(article
1292
CC),
détient
des
pouvoirs
et
droits
supérieurs
à
ceux
de
son
épouse.
Disposer,
aliéner,
dans
les
limites
de
l’article
1292,
des
biens
de
la
communauté,
sans
consulter
son
épouse,
entraîne
également
des
obligations.
Le
mari,
en
communauté
de
biens,
est
tenu
de
déclarer
les
revenus
procurés
par
les
biens
de
la
communauté.
En
vertu
du
principe
que
ce
n’est
pas
la
propriété
d’un
bien
qui
est
taxable,
mais
que
la
taxe
est
imposée
sur
un
contribuable,
(supra,
note
2),
le
bénéficiaire
légal
des
biens
de
la
communauté
c’est-à-dire
le
mari
est
astreint
à
déclarer
les
revenus
du
fond
commun.
En
1977,
le
demandeur
et
son
épouse
changent
de
régime
matrimonial
et
passent
de
la
communauté
légale
de
biens
à
la
séparation
de
biens
(articles
1265,
1266,
CC).
Cette
modification
de
statut
est
un
choix
des
époux
comme
le
souligne
Me
Roger
Comtois
dans
son
analyse
de
l’article
1265,
CC.
(Commentaires
du
Bill
10,
Loi
concernant
les
régimes
matrimoniaux,
dans
Manuel
du
Notaire,
[1970],
vol
1,
83,
à
la
page
98):
La
condition
essentielle
du
changement
est
donc
de
façon
positive,
la
volonté
des
parties.
Par
leur
volonté,
les
époux
ont
provoqué
l’anéantissement
d’un
état
juridique.
De
ce
changement
volontaire
découle
une
conséquence
importante:
la
dissolution
du
régime
préexistant
soit,
dans
le
cas
qui
nous
préoccupe,
celui
de
la
communauté
légale
de
biens
(articles
1310
et
1266
r,
CC).
L’administration
du
mari,
accessoire
au
régime
légal,
commença
à
la
date
du
mariage
(article
1292,
CC)
et
prend
fin
à
la
dissolution
du
régime.
Un
bilan
de
l’actif
et
du
passif
de
la
communauté
doit
être
établi
et
le
changement
de
régime
doit
être
homologué
par
le
tribunal
du
domicile
des
époux
(article
1266,
CC).
En
raison
de
cette
dissolution,
le
couple
procède
à
l’etablissement
de
propres,
à
la
reconnaissance
des
droits
et
reprises
des
époux
et
au
partage
final
des
biens
communs
ou
acquêts
(articles
1266
s
et
ss,
1338
et
ss,
CC).
Le
demandeur
et
la
défenderesse
ont
admis
que
les
biens
en
litige,
ceux
qui
ont
produit
des
revenus
et
des
gains
en
capital
faisaient
partie
de
la
communauté
de
biens.
Nous
devons
souligner
que
la
conclusion
du
présent
litige
eut
été
différente
si
les
biens
avaient
été
détenus
en
propre
par
le
demandeur.
Le
demandeur
et
son
épouse
ont
dressé
un
inventaire
du
patrimoine
commun,
qu’ils
ont
fait
suivre
par
un
partage.
Tout
comme
la
séparation
judiciaire
des
biens,
le
changement
conventionnel
de
régime
doit
être
suivi
d’un
partage.
Les
époux
ne
se
donnent
pas
des
biens
qui
étaient
communs,
ils
les
partagent
entre
eux.
Ce
partage
permet
la
détermination
des
biens
inclus
dans
la
part
de
chacun.
La
“copropriété”
n’est
plus.
L’effet
du
partage
est
d’établir
un
titre
exclusif
par
rapport
à
un
ensemble
de
biens
exclusifs.
Dans
l’arrêt
Sura,
déjà
cité,
Monsieur
le
juge
Taschereau,
après
avoir
analysé
et
accepté
les
propos
de
Mignault
sur
la
“copropriété”
des
époux,
écrit
à
la
page
71
du
jugement:
S’il
en
était
autrement,
et
si
la
femme
n’était
pas
copropriétaire
des
biens
communs,
elle
aurait
à
payer,
lors
de
la
dissolution
de
la
communauté,
des
droits
de
succession,
car
il
s’agirait
alors
d’une
transmission
de
biens
lui
venant
de
son
mari.
Mais,
il
n’en
est
pas
ainsi,
car
il
n’y
a
pas
de
transmission
mais
un
partage,
où
elle
prend
la
part
qui
lui
revient
et
qui
lui
appartient
depuis
le
mariage.
Ce
qu’elle
reçoit
ne
provient
pas
du
patrimoine
de
son
époux.
Vide
également
les
autorités
suivantes
qui
sont
au
même
effet:
—
LAURENT,
Principes
de
Droit
Civil,
vol
21,
pp
224-225;
PLANIOL
et
RIPERT,
(Boulanger)
Traité
Pratique
de
Droit
Civil,
[1957],
vol
8,
pp
328,
331,
704;
JOS-
SERAND,
Cours
de
Droit
Civil,
[1933],
vol
3,
no
14;
HUC,
Code
Civil,
[1896],
vol
9,
no
72;
MARCADE,
Droit
Civil,
7
éd,
vol
5,
page
444;
DURANTON,
Cours
de
Droit
Français,
vol
14,
page
105.
Le
juge
Brossard
dans
Dame
Leclerc
v
Leclerc,
[1969]
BR
327,
nous
rapporte
l’état
du
droit
à
l’égard
du
partage,
à
la
page
330
de
sa
décision:
L’article
1363,
CC,
et,
entre
autres,
l’article
746,
CC,
que
le
premier
article
déclare
s’appliquer
énoncent
clairement
qu’au
cas
de
partage
des
biens,
soit
d’une
communauté,
soit
d’une
succession,
chaque
copartageant
est
censé
n’avoir
jamais
eu
la
propriété
des
biens
qui
ne
sont
pas
compris
dans
son
lot.
Dans
ses
commentaires
sur
l’article
746,
Mignault*
rappelle
que,
chez
les
Romains,
le
partage
était
translatif
de
propriété,
mais
que
Sous
l’empire
du
code,
le
partage
n’est
pas
un
échange;
ce
n’est
ni
un
titre
d’acquisition,
ni
un
titre
d’aliénation:
aucune
partie
n’acquiert,
aucune
partie
n’aliène.
Le
partage
n’a
d’autre
effet
que
de
déterminer
les
objets
relativement
auxquels
chaque
héritier
est
censé
avoir
succédé
seul
au
défunt.
Aussi
dit-on
qu’il
est
non
pas
translatif,
mais
simplement
déclaratif
de
propriété.
Nous
pouvons
donc
le
définir:
l’acte
qui
fait
cesser
l’indivision
en
déterminant,
en
faisant
connaître
les
biens
à
l’égard
desquels
chaque
héritier
est
censé
avoir
succédé
seul
au
défunt.
Dans
ses
commentaires
sur
l’article
1363
du
Code
civil,
le
même
auteurf
affirme:
Les
effets
du
partage
de
la
communauté
sont
les
mêmes
que
ceux
d’un
partage
de
succession.
L’article
746
reçoit
donc
ici
son
application.
Chaque
époux
est
censé
avoir
toujours
été
seul
propriétaire
des
objets
compris
dans
son
lot,
et
étranger
aux
objets
échus
à
son
conjoint.
Faribault{,
dans
ses
commentaires
sur
les
deux
articles,
réitère
les
mêmes
principes;
sur
l’article
1361,
il
affirme:
Comme
le
partage
est
déclaratif
et
non
translatif
du
droit
de
propriété,
chaque
copartageant
est
censé
avoir
toujours
été
propriétaire
des
objets
tombés
dans
son
lot,
à
compter
de
la
dissolution
de
la
communauté,
et
n’avoir
jamais
eu
de
droits
dans
ceux
qui
font
partie
du
lot
de
son
conjoint.
Tels
sont
les
mandements
incontestables
de
notre
droit.
Le
partage
de
la
communauté
subit
le
même
sort
et
produit
les
mêmes
effets
qu’un
partage
de
succession,
c’est-à-dire
qu’il
est
purement
déclaratif
et
non
translatif
de
propriété.
Nous
croyons
que
cette
règle
peut
être
étendue
au
partage
entre
conjoints
par
suite
d’un
changement
de
régime
matrimonial.
L’épouse
obtient,
grace
au
partage,
un
titre
de
propriété
exclusif
et
complet
en
égard
aux
biens
qui
composent
sa
part.
Elle
en
a
l’administration,
l’usus,
le
fructus
et
l’abusus.
Nous
n’avons
pas
à
nous
prononcer
sur
la
date
d’entrée
en
vigueur
du
nouveau
régime
entre
les
conjoints.
Il
en
est
autrement
à
l’égard
de
la
défenderesse,
qui
est
un
tiers.
La
seule
indication
que
nous
donne
le
législateur
est
à
l’effet
que
la
convention
modifiant
le
régime
des
époux
“‘[.
.
.]
n’a
d’effet
à
l’égard
des
tiers
que
par
l’enregistrement
d’un
avis,
au
Régistre
central
des
régimes
matrimoniaux”
(article
1266
b,
CC).
D’après
la
preuve
produite
au
dossier,
le
demandeur
et
son
épouse
ont
procédé
à
l’enregistrement
de
leur
nouveau
régime
matrimonial,
le
26
juillet
1977.
Par
conséquent,
le
changement
n’est
opposable
à
la
défenderesse
qu’à
compter
de
cette
date.
La
défenderesse
prétend
que
le
changement
de
régime
matrimonial
a
entraîné
un
transfert
de
biens
du
demandeur
à
son
épouse.
Nous
reproduisons
ici
la
définition
qu’a
choisi
Lord
Radcliffe
dans
St
Aubyn
v
Attorney-General,
[1952]
AC
15,
à
la
page
53:
If
the
word
“transfer”
is
taken
in
its
primary
sense,
a
person
makes
a
transfer
of
property
to
another
person
if
he
does
the
act
or
executes
the
instrument
which
divests
him
of
the
property
and
at
the
same
time
vests
it
in
that
other
person.
Nous
retrouvons
les
mêmes
termes
dans
les
définitions
offertes
par
le
juge
Thorson
dans
Fasken
Estate
v
MNR,
[1948]
Ex
CR
580
à
la
page
592;
[1948]
CTC
265
à
la
page
279;
49
DTC
491,
et
le
juge
Thurlow
dans
Dunkelman
v
MNR,
[1959]
CTC
375
à
la
page
380;
59
DTC
1242
à
la
page
1244.
La
personne
qui
fait
le
transfert
doit
se
désaisir
des
biens
dont
elle
était
saisi
et
en
même
temps
en
saisir
la
personne
à
qui
elle
fait
le
transfert.
L’élément
caractéristique
du
transfert
est
l’élément
de
contrôle
unilatéral.
L’auteur
du
transfert
décide
de
procéder
au
transfert
et
choisit
le
bénéficiaire.
Ce
raisonnement
nous
guide
vers
le
rejet
de
la
notion
de
transfert
dans
le
cas
présent.
Le
partage,
acte
bilatéral,
est
déclaratif
de
propriété.
Le
transfert,
par
contre,
est
un
acte
unilatéral
et
translatif.
Le
demandeur
détient
en
communauté
la
jouissance
et
l’administration
des
biens
de
cette
communauté.
Lors
du
partage,
les
biens
dévolus
à
la
part
de
l’épouse
ne
proviennent
pas
du
patrimoine
du
mari.
Ce
dernier
est
départi
de
la
jouissance
qui
lui
était
réservée
et
il
est
désaisi
de
l’administration
de
ces
biens.
Le
demandeur
ne
transmet
rien
puisqu’il
ne
détient
plus
la
jouissance
et
l’administration
des
biens
lors
du
partage.
La
communauté
n’étant
plus,
les
droits
et
obligations
du
demandeur
vis-à-vis
elle
n’existent
plus.
Le
mari
ne
peut
pas
se
désaisir
de
biens
pour
en
saisir
son
épouse
qui
était
déjà
saisie
de
ces
biens.
Pour
conclure,
nous
nous
permettons
de
citer
Me
J
M
Tétreault,
Les
changements
de
régimes
matrimoniaux,
[1975]
CP
du
No
205,
à
la
page
222,
qui,
en
faisant
référence
aux
lois
fédérales
et
provinciales
sur
l’impôt,
écrit:
Ces
lois
parlent
de
transfert
de
biens,
de
cédant
et
de
cessionnaire.
Or
nous
avons
vu
plus
haut
qu’un
partage
de
biens
de
communauté
a
un
effet
déclaratif
et
non
translatif
de
propriété.
Cet
effet
du
partage
est
appuyé
par
une
doctrine
et
une
jurisprudence
importantes.
L’effet
déclaratif
ferait
remonter
au
début
de
la
communauté
d’origine,
le
droit
de
propriété
exclusive
de
chacun
des
époux
des
différents
biens
tombés
dans
leur
lot
respectif.
Il
n’y
a
donc
pas
de
transfert
de
biens
ni
de
cédant
ou
de
cessionnaire.
Nous
soumettons
ici
que
nos
percepteurs
d’impôts
doivent
tenir
compte
d’un
principe
de
droit
civil
aussi
solidement
établi.
L’article
74(1)
et
(2)
n’est
pas
applicable.
Nous
annulons
les
cotisations
d’impôt
pour
les
années
d’imposition
1977-78-
79,
le
tout
avec
dépens
contre
la
défenderesse.