Chouinard, J:—Ce pourvoi comporte deux stades:
Dans un premier temps, il s’agit de déterminer si est susceptible d’appel à la Cour d’appel du Québec, l’agrément donné par un juge de la Cour supérieure en vertu du par. (4) de l’art. 231 de la Loi de l’impôt sur le revenu 1970-71-72 Can, c 63, à une autorisation par le Ministre du Revenu national de procéder à une perquisition et de saisir des documents se rapportant a une infraction à la loi.
Advenant une réponse affirmative, l’appelant dans un deuxième temps plaide, en bref, l’illégalité et l’irrégularité de l’agrément de même que de l’autorisation du Ministre et demande d’infirmer le jugement de la Cour d’appel ainsi que l’agrément du juge de la Cour supérieure, de casser l’autorisation du Ministre d’effectuer la perquisition et la saisie et d’ordonner que tous les documents saisis lui soient rendus.
La Cour d’appel ayant sur la premiere question décidé qu'il n’y a pas d’appel, elle ne s’est évidemment pas prononcée sur la deuxième. Il va sans dire qu’il en ira de même pour cette Cour si la réponse à la premiere question est negative.
Le paragraphe 231(4) se lit:
(4) Lorsque le Ministre a des motifs raisonnables pour croire qu’une infraction à cette loi ou à un règlement a été commise ou sera probablement commise, il peut, avec l’agrément d’un juge d’une cour supérieure ou d’une cour de comté, agrément que le juge est investi par ce paragraphe du pouvoir de donner sur la présentation d’une demande ex parte, autoriser par écrit tout fonctionnaire du ministère du Revenue national ainsi que tout membre de la Gendarmerie royale du Canada ou tout autre agent de la paix à l’assistance desquels il fait appel et toute autre personne qui peut y être nommée, à entrer et à chercher, usant de la force s’il le faut, dans tout bâtiment, contenant ou endroit en vue de découvrir les documents, livres, registres, pièces ou choses qui peuvent servir de preuve au sujet de l’infraction de toute disposition de la présente loi ou d’un règlement et à saisir et à emporter ces documents, livres, registres, pièces ou choses et à les retenir jusqu’à ce qu'ils soient produits devant la cour.
En l’espèce, comme le résume le juge Bernier qui a rendu le jugement de la Cour d’appel:
La perquisition visait à recueillir de la preuve documentaire d’infractions présu- mément commises par Goodman à titre de contribuable (concernant ses propres déclarations d'impôt) ou à titre de partie à celles qu’auraient commises des contribuables pour qui, comme comptable agréé, il s’occupait de préparer les états financiers et déclarations d’impôt.
L’affidavit à l’appui de la demande d’agrément a été fourni par un fonctionnaire du ministère qui, au cours d’une vérification conduite au bureau d’affaires de Goodman, avait, de son propre chef, sans autorisation judiciaire, de par les pouvoirs de saisie dont il était investi (paragraphe 231(1)(d) ), saisi certains documents concernant des infractions qu'il avait découvertes. La demande d’agrément portait sur une autorisation du fondé de pouvoir du Ministre (art. 900) pour perquisition et saisie de preuves documentaires aux domicile, bureau d’affaires et automobiles de Goodman, au bureau d’affaires d’une firme effectuant de la tenue de livres pour Goodman et pour des clients de celui-ci, à titre de sous-traitant, ainsi qu’à l’étude de son conseiller juridique.
et de dire l’appellant:
On 3 December 1980, the authorization to enter and search was used to enter and search the premises described therein and to seize, take away and retain all books, records, documents, papers and things relating not only io the Appellant’s personal affairs for the 1977, 1978 and 1979 taxation years but also those relating to prior and subsequent years, all his client files, minute books, documents, papers and things whatsoever relating to his professional practice totalling approximately seventy-nine boxes.
Ce pourvoi présente une facette de la recherche par les contribuables de ce que le juge Bernier a appelé «... la façon de se pourvoir contre l’usage abusif de ces dispositions exorbitantes mais d’intérêt public, ou du pouvoir de perquisition et de saisie exercé en vertu d’une autorisation . . .».
Dans Le ministre du Revenu national c Coopers and Lybrand, [1979] 1 RCS 495, cette Cour a décidé que l’agrément du juge ne peut faire l’objet d’un recours à la Cour d’appel fédérale en vertu de l’art 28 de la Loi sur la Cour fédérale, SRC 1970, 2e supp, c 10. La Cour cependant ne s’est pas prononcée sur le droit d’appel à une Cour d’appel provinciale non plus que sur la possibilité d’autres remèdes.
Le juge Dickson qui a rendu le jugement de la Cour écrit aux 509 et 510:
A mon avis, la Cour d’appel fédérale n’avait pas de droit d’examen en l’espèce. Je préfère ne pas me prononcer sur la question de savoir si l’autorisation du Ministre et l’approbation d’un juge, conformément au par. 231(4) de la Loi de l’impôt sur le revenu, peuvent faire l’objet d’un appel devant les cours provinciales, car cette question n’est pas soulevée par ce pourvoi. Je préfère également que soit tranchée en une autre occasion la question de savoir si l’on peut recourir à une demande de mainlevée ou à l’un des brefs de prérogative.
L’appelant s’appuie sur les art 25 et 26 Cpc et subsidiairement sur le pouvoir inherent que posséderait la Cour d’appel de réformer un jugement de la Cour supérieure lorsque celle-ci excède sa juridiction.
ll est reconnu que la Loi de l’impôt sur le revenu (supra) ni aucune autre loi fédérale ne confère un droit d’appel de l’agrément aux Cours d’appel provinciales.
Selon les intimés, le droit d’appel est un droit d’exception et il ne peut être exercé que dans le cadre de la loi qui l’autorise. Il n’y a pas de droit d’appel sans texte de loi qui le confère. Voir Welch v The King, [1950] RCS 412, à la p 428.
Les intimés soumettent encore que le droit d’appel n’est pas une simple question de procédure (voir Ville de Jacques Cartier c Lamarre, [1958] RCS 108, à la p 111; Ace Holdings c Ecoles Catholiques de Montréal, [1972] RCS 268, à la p 275), qu’il doit être conféré expressément et que dans une matière fédérale il ne peut être conféré que par une loi fédérale. Conséquemment, le droit d’appel en matière d’impôt fédéral ne peut être donné par le législateur provincial.
Cette dernière question a été considérée par cette Cour, mais sans qu’elle soit décidée, dans Deputy Attorney General of Canada v Brown, [1965] RCS 84 où le juge Martland écrit au nom de la Cour, à 87:
In so far as the latter application is concerned, despite the fact that the application for leave has been made, counsel for both parties submitted that no appeal did lie to the Court of Appeal of British Columbia because, this being a statute enacted by the Federal Parliament, a right of appeal to the Court of Appeal of British Columbia could only have been given by the terms of a Federal statute and no such right has been provided. Whether or not that submission is sound was not determined in the Court of Appeal of British Columbia, which reached its decision for different reasons, and, for the reasons hereinafter given, I do not think it is necessary to decide it here.
Serait-ce donc que comme l’a soumis le procureur des intimés, en matière fédérale seule une législation fédérale peut conférer un droit d’appel? Ou serait-ce que lorsque la législation fédérale en dispose ce sont les règles édictées par celle-ci qui s’appliquent et que lorsque la législation fédérale est muette les dispositions provinciales trouvent leur application”? Et lorsque comme en l’espèce la loi fédérale prévoit certains appels (vg art 169 et suivants) mais est muette quant à l’agrément, les dispositions provinciales s’appliquent-elles dans le cas de celui-ci ou le sujet se trouve-t-il épuisé?
Une fois de plus il ne sera pas nécessaire de répondre à ces questions puisqu’à mon avis même à supposer que les dispositions de la loi provinciale s’appliquent il n’y a pas d’appel. En effet aucun droit d’appel n’est accordé dans l’affaire sous étude, ni par les art 25 et 26 Cpc, ni en vertu du pouvoir inherent qu’aurait la Cour d’appel de réformer un jugement de la Cour supérieure lorsque celle-ci excède sa juridiction, sur lesquels l’appelant doit nécessairement se fonder et se fonde effectivement.
Je reproduis ci-après le texte de l’art 25 et des par 1 et 4 de l’art 26 Cpc:
25. La Cour d’appel est le tribunal général d’appel pour le Québec; elle connaît de l’appel de tout jugement sujet a ce recours, à moins d’une disposition expresse au contraire.
26. Sont sujets à appel, à moins d’une disposition contraire:
1. les jugements finals de la Cour supérieure, sauf dans les causes où la valeur de l’objet du litige en appel est inférieure à six mille dollars;
4. avec la permission d’un juge de la Cour d’appel, les autres jugements finals de la Cour supérieure et de la Cour provinciale, lorsque la question en jeu en est une qui devrait être soumise à la Cour d’appel;
A la lecture de l’art 26, il apparaît que tant sous le par 1, appels de piano, que sous le par 4, appels avec la permission d’un juge de la Cour d’appel, ce qui est le cas en l’espèce, il doit s’agir d’un jugement final. Or, à mon avis, l’agrément ne constitue pas un jugement final de la Cour supérieure.
ll est maintenant établi qu’en donnant ou refusant son agrément le juge de la Cour supérieure exerce des fonctions judiciaires. Dans l’affaire Coopers and Lybrand, (supra) le juge Dickson écrit à 508:
. .. Les pouvoirs exercés par le juge sont judiciaires lorsqu'il examine la décision administrative discrétionnaire du Ministre.
Mais il faut voir aussi le cadre dans lequel le juge exerce ces pouvoirs judiciaires et quelle en est la portée. A ce sujet je crois utile de citer le passage suivant du juge Dickson dans la même affaire Coopers and Lybrand, (supra), à la p 506. Dans ce passage le juge Dickson examine la question de savoir si les termes utilisés pour conférer la fonction au Ministre ou le contexte général dans lequel cette fonction est exercée donnent à entendre que l’on envisage la tenue d’une audience avant qu’une décision soit prise par le Ministre. S’y trouvent toutefois exposés interrelation entre le rôle du juge et celui du Ministre et l’objet de l’intervention judiciaire:
(1) Rien dans les termes utilisés dans la définition des fonctions du Ministre ou dans le contexte général n’indique une obligation d’informer le contribuable ou une autre personne ou de tenir une audience avant de faire approuver l’autorisation d’entrer, de chercher et de saisir. Au contraire, le Parlement a substitué aux règles de justice naturelle le critère objectif selon lequel le Ministre, avant d’agir, doit avoir des motifs raisonnables pour croire qu’une infraction à la Loi ou à un règlement a été commise ou sera probablement commise. Voir lord Reid dans l’arrêt Ridge v Baldwin, [1964] AC 40 (HL), 78.
Reconnaissant qu’un droit de perquisition déroge aux principes de la common law et donne ouverture à des abus, le Parlement a également introduit dans la loi un examen immédiat de la décision du Ministre en faisant intervenir un juge entre le fisc et le contribuable. Le juge doit scruter [avec le plus grand soin] l’exercice envisagé du pouvoir discrétionnaire ministériel. A défaut d’approbation judicaire, la décision ministérielle n’a aucun effet. Le texte du par 231(4), selon lequel le juge a le pouvoir de donner son agrément sur présentation d’une demande ex parte, indique bien l’intention du Parlement de ne pas accorder au contribuable le droit d’être entendu à ce stade des procédures.
Selon moi, le Parlement a conclu, peut-être non sans raison, que l’imposition de procédures en sus de celles énoncées au par 231(4) aurait pour effet de frustrer l’objectif de l’article qui accorde le pouvoir et d’empêcher une enquête efficace. Il a évidemment tenu compte de l’intérêt public qui requiert les sanctions et des intérêts privés touchés par la perquisition et la saisie et il a conclu que par sa rédaction, l’article assure la justice des procédures. Pour ma part, je ne vois pas comment une protection procédurale supplémentaire pourrait être ajoutée sans frustrer l’intention du Parlement.
Le juge Dickson dira plus loin (p 508) que «l’approbation du juge est un moyen de contrôle de la decision du Ministre ...».
Dans le Manuel de la Cour d’appel de Rivard, le jugement final est défini comme suit au numéro 167, p 92:
Le jugement final est proprement le jugement qui termine un procès, dispose du débat et met fin à l’instance. Il est prononcé quand tous les incidents ont été vidés, ou il les décide en même temps qu'il clôt le débat sur le fond, par quoi le tribunal se trouve dessaisi et sa juridiction épuisée.
M'inspirant de cette définition je constate qu’en l’espèce il n’y a pas encore de procès, ni de débat, ni d’instance. Peut-être même n’y en aura-t-il jamais. L’agrément ne peut être un jugement qui «termine un procès», ni qui «dispose du débat», ni qui «met fin à l’instance» ni qui «clôt le débat sur le fond».
Dans Di Zazzo c Cité de Saint-Léonard, [1976] CA 509, la Cour d’appel sur une requête en irrecevabilité a rejeté un appel inscrit à l’encontre d’un jugement de la Cour supérieure ordonnant la tenue d’une enquête en vertu de la Loi sur la fraude et la corruption dans les affaires municipales, SRQ 1964, c 173, maintenant LRQ 1977, c F-6. Le juge Montgomery, au nom de la Cour, écrit à 501:
The judgement a quo decides nothing final; it merely authorizes certain further proceedings.
Dans Fonds d’indemnisation c Langlois, [1974] CA 535 le juge Mayrand écrit au nom de la Cour, à 536:
Il semble donc que dans le language utilisé par notre législateur, le jugement qui ne dispose pas de tout le litige n’est pas considéré comme final ou définitif. Par conséquent il n’y aurait dans une même affaire qu’un seul jugement définitif: celui qui met fin à toute l'instance.
Certes la jurisprudence apporte certains tempéraments à cette règle lorsque la décision rendue statue définitivement après l’instance principale sur une instance distincte de l’instance principale, ou au cours d’instance principale sur un droit tenu pour distinct. Le juge Pigeon dans Ace Holdings c Ecoles catholiques de Montréal, (supra) passe en revue, à la p 272, la jurisprudence qui a, pour ce motif, reconnu comme finals divers jugements rendus après la fin de l’instance principale ou au cours de l’instance principale.
Dans la première catégorie on trouve les cas suivants: révocation d’un sursis d’exécution; ordre de vente en bloc des immeubles; condamnation pour outrage au tribunal; contrainte par corps pour désobéissance à un bref d'habeas corpus’, refus d’une requête civile; jugement fixant la valeur de services rendus à un tiers-saisi.
La deuxième catégorie comprend les cas suivants: péremption d’instance; droit au procès par jury; injonction interlocutoire.
L’arrêt Ace Holdings lui-même n'a aucune portée sur le présent litige. il s’agissait du droit d’appel du jugement d’un juge en révision de la taxation d’un mémoire de frais lequel n’était pas susceptible d’appel par l’interprétation de l’art 480 Cpc et au regard de la jurisprudence séculaire à cet effet.
Le présent cas ne s’apparente à aucun des cas reconnus par la jurisprudence et je ne crois pas que l’on puisse dire que la perquisition et la saisie constituent une instance en soi et que par conséquent l’agrément constitue un jugement final. La Cour d’appel a eu l’occasion de se prononcer de nouveau en matière d’outrage au tribunal dans Syndicat des employés de transport Dumont (CSN) c Nap. Dumont Ltée, [1978] CA 530. Des syndiqués pour avoir transgressé une injonction avaient été condamnés à l’amende et a défaut de paiement à l’emprisonnement. La Cour d’appel a décidé une fois de plus que l’outrage au tribunal est un litige en soi pouvant survenir pendant une instance ou même après une instance et qu’un jugement condamnant pour outrage au tribunal est un jugement final. L’agrémént en l’espèce ne comporte ni condamnation contre l’appelant, ni determination de ses droits. Il ne fait que permettre que la perquisition et la saisie autorisées par le Ministre soient effectuées.
L’appelant s’en est tenu à faire valoir qu’il s’agissait d’un jugement final. Aucun argument n’a été présenté à l’effet qu'il puisse, subsidiairement, s’agir d’un jugement interlocutoire susceptible d’appel en vertu de l'art. 29 Cpc. Je doute qu’un tel argument eut pu réussir de toute façon et il n’y a pas lieu d’élaborer sur cette question qui n’est pas soulevée.
L’usage même enfin du terme «agrément» confirme à mon avis qu'il ne s’agit pas d’un jugement final.
Je cite à ce propos le passage suivant des motifs du juge Bernier:
Il y a aussi l’usage dans cette disposition législative d’un terme inusité «agrément». Les règles de l’interprfétation veulent que lorsque dans une même loi le législateur utilise des termes différents, c’est qu'il entend se référer à des situations, des concepts différents. Or, dans le même article, au paragraphe (2) qui prévoit une demande d’extension du délai de 120 jours pour la garde de documents saisis par le fonctionnaire-enquêteur en vertu du pouvoir de saisie dont ce dernier est investi par le sous-paragraphe 231 (1 )(d), que peut faire le Ministre à un juge de la Cour supérieure (ou de comté), se référant à la décision du juge le législateur emploie le terme usuel «ordonnance».
L’agrément (en anglais «approval») que le petit Robert, 1979, définit: «permission, approbation émanant d’une autorité», constitue une certaine mesure de protection contre les abus possibles «en faisant intervenir un juge entre le fisc et le contribuable», «un moyen de contrôle de la décision du Ministre» et qui s’insère à l'intérieur de l’enquête administrative du Ministre en vue de déterminer si des poursuites seront intentées. Avec égard ce n’est pas à mon avis un jugement final et il n’y a pas d’appel en vertu de l'art 26 Cpc.
Il reste le pouvoir inhérent qu’aurait la Cour d’appel de réformer un jugement de la Cour supérieure lorsque celle-ci excède sa juridiction. Au sujet de l’existence de ce pouvoir inhérent l’appelant a cité les arrêts suivants: Cité de Montréal c Hénaut, (1920) 26 DLR 270; Dostalerc Lalonde, (1920) 29 BR 195; Le Roi c Labrie et Malépart, (1921), 31 BR 47; Desrochers c Perron, (1930) 48 BR 427; et Cité de Montréal c Dame Macintyre, (1948) BR 412; Lévesque c Benoit, [1952] BR 430; Educateurs de Chicoutimi c Ecoles de Chicoutimi, [1964] BR 282.
Ce pouvoir toutefois n’est pas universellement reconnu. II est nié par l’arrêt qui fait l’objet de ce pourvoi. Le juge Bernier écrit:
La Cour d’appel, contrairement à la Cour de droit commun, la Cour supérieure dans la province de Québec, n’a aucun pouvoir inhérent sauf ceux communs à toutes les Cours, dont il est question à l’article 46 CP, i.e. ceux «nécessaires a l’exercice de leur juridiction».
Elle n’a pas de pouvoirs inhérents de surveillance et de contrôle sur la Cour supérieure et ses juges; ses pouvoirs ne sont que ceux dont elle est expressément et explicitement investie par un texte législatif habilitant.
Le juge Bernier cite en outre Rose c R, [1972] CA 823, où, avec l’appui de deux de ses collègues, le juge Deschênes, alors juge à la Cour d’appel, écrit à 825:
L’appelant a d’abord soumis que notre Cour doit chercher à étendre sa compétence, qu’aucun mal ne doit demeurer sans remède et qu’en l’absence d’un texte de loi précis, notre Cour doit exercer, en particulier sur la Cour du Banc de la Reine, juridiction criminelle, un droit de surveillance et de réforme analogue à celui que l’article 33 CP confère à la Cour supérieure sur les tribunaux qu'il mentionne. Cependant, l’appelant n’a pu nous indiquer aucune base légale sur laquelle nous pourrrions nous appuyer pour prétendre assumer ce rôle réformateur.
La compétence de notre Cour, d’entendre un appel dérive de la loi, en l’espèce du Code criminel et non d’une juridiction d’équité qui serait extensible au gré du moment ou au caprice des individus qui la composent. Le droit d’appel est un droit d’exception et il ne peut donc être exercé que dans le cadre de la loi qui l’autorise.
Ce pouvoir n’existerait de toute manière qu’au cas d’excès de juridiction de la Cour supérieure.
Etant d’avis qu'il n’existe pas de tel pouvoir inhérent la Cour d’appel n’a pas élaboré sur la question de savoir si le juge avait excédé sa compétence. Pour ma part je suis d’opinion que même à supposer que ce pouvoir existe il est sans application en l’espèce car il n’y a pas eu d’excès de competence.
L’appelant a invoqué plusieurs moyens se rapportant, en bref, à l’insuffisance de la preuve des «motifs raisonnables» du Ministre pour croire qu’une infraction «a été commise ou sera probablement commise», au manque de spécificité quant à l'infraction et au manque de spécificité quant aux documents à saisir.
ll y a lieu de reproduire ici le par (5) de l’art 231 de la Loi de l’impôt sur le revenu, (Supra):
(5) Une demande faite a un juge en vertu du paragraphe (4) sera appuyée d’une preuve fournie sous serment et établissant la véracité des faits sur lesquels est fondée la demande.
En l’espèce la preuve fournie sous serment consiste en un affidavit de quelque dix pages.
Dans l’affaire Les Equipements Rocbec Inc. et al c Le Ministre du revenu national dans laquelle jugement est rendu en même temps que celui-ci, le juge Dugas de la Cour supérieure a eu à examiner des moyens analogues à ceux soulevés ici. Dans cette dernière affaire le juge Dugas a donné son agrément à une autorisation de perquisitionner et de saisir de la même nature que celle à l’étude. Par la suite il lui a été demandé de réviser son agrément en vue de restreindre l’autorisation. Après s’être reconnu le pouvoir de procéder à la révision de son propre agrément il a étudié les griefs invoqués et rendu une décision par laquelle il a refusé de réviser son agrément.
S’appuyant notamment sur un arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario in re MNR v Paroian, Courey, Cohen & Houston, [1980] CTC 131; 80 DTC 6077 et sur un arrêt de la Cour d’appel de l’Alberta Royal Craft Products Ltd et al v MNR, [1980] CTC 97; 80 DTC 6143, le juge Dugas conclut:
En somme, l’autorisation d’entrée et de perquisition appartient à une procédure d’investigation et non a une procédure d’accusation, ce qui devrait éliminer le besoin de nommer l’infraction reprochée. Le but de l’investigation est de découvrir toute preuve qui révélerait quelqu’infraction à la loi de l'impôt et non pas seulement la preuve de l’infraction révélée par les preuves déposées selon 231(5).
Les notes des juges d’appel Morden en Cour d’appel d’Ontario et Clement en Cour d’appel d’Alberta me convainquent qu'il n’y a pas lieu, ici, de restreindre le mandat.
C’est en vue de déterminer s’il y avait lieu pour lui de réviser son agrément et de restreindre l’autorisation du Ministre que le juge Dugas a examiné les moyens invoqués et s’est inspiré des arrêts Paroian et Royal Craft. Ce sont cependant les mêmes moyens qui sont invoqués ici pour plaider excès de juridiction du juge de la Cour supérieure et ce sont ces mêmes moyens qu’ont étudiés la Cour d’appel de l’Ontario et celle de l’Alberta.
Ces arrêts des Cours d’appel de l’Ontario et de l’Alberta s’expliquent du fait que l’agrément dans chaque cas avait été obtenu, comme le permet le par 231(4), d’un juge d’une Cour de comté, soumis donc au pouvoir de surveillance et de contrôle de la Cour suprême de la province, avec appel à la Cour d’appel du jugement de la Cour suprême. Dans chaque cas l’agrément du juge fut confirme.
Dans Paroian le juge Morden qui rend le jugement de la Cour d’appel, écrit aux 6083 et 6084:
... He [the judge] has a duty to consider the cogency of the evidence put before him in determining what facts it “establishes”. He surely has a discretion, in a proper case, to withhold his approval, if he considers that the facts do not justify it. It would not be possible or helpful to say anything more on the subject of the exercise of his discretion, except with respect to one point: although the provision, as I have said, does not require the authorization to be particularized as to specific offences, I would not wish in these reasons to foreclose the possibility that in some cases, depending upon his view of the facts established, a judge could, as part of a residual discretion, and as an alternative to refusing approval outright, approve an authorization that contained some limitation as to its scope. I express no concluded opinion on this point.
Apart from the matter as to whether the violations in respect of which the search is authorized are required to be particularized, there is the question whether it is necessarily implicit in the legislation that the premises to be searched and the persons in respect of whose violations the search is authorized are required to be identified. There can be no doubt that the premises have to be described in the authorization. They are described in the authorization before us. Further, I would think that in most cases, particularly where the premises to be searched are those of third parties, such as lawyers’ offices or banks, it is necessarily implicit that the persons be identified. They were identified in the authorization in the present case
— “for documents, books, records, papers or things pertaining or relating to Colla- vino Brothers Construction Company Limited that may afford evidence ...” I need not, therefore, pursue the point further.
Il ajoute à 6085:
On the basis of the foregoing, I consider the form of the authorization before us to be proper. Further, it cannot be said that there was no evidence capable of supporting its approval by the judge. The affidavit sufficiently covered the matters of reasonable and probable grounds of belief that a violation of the Act had been committed and furnished reasons justifying the inclusion of the premises in question in the authorization.
Dans Royal Craft (supra), le juge Clement, après avoir cite abondamment les motifs du juge Dickson dans l’affaire Coopers and Lybrand ( supra), écrit au nom de la Cour d’appel, aux 6147 et 6148:
In the passage from the judgment of Dickson, J. quoted above, he views proceedings under subsection 231(4) as part of an effective investigatory action. The investigating process, for the present purposes, commences with section 230 in the requirement to keep records and books of account, and to retain them until the Minister gives written permission for their disposal. No time limit is set on the performance of this duty. The prescribed retention may extend over many years and there is no provision for review by the courts. It is the whole of such records and books of account and related documents that may be audited or examined under paragraph 231(1)(a) and again there is no time limit. Under paragraph (1)(d) the examiner may seize and take away any such “that may be required as evidence as to the violation of any provision of this Act or a regulation”. Again, there is no limitation as to the taxation years for which such seizure may be made. It is part of the investigative process leading, if so warranted by the documents seized, to charge or charges. Subsection (2) provides for the return of such documents unless their retention is ordered by a judge on an ex parte application: a safeguard against abuse paralleled in subsection (4). Subsection (4) takes the matter a step further. Documents audited or examined under paragraph (1)(a) may point to further relevant documentation any or all of which may ground a reasonable and probable belief by the Minister that a violation has been committed. This is the motivation for the Minister in issuing an authorization. But the authorization still remains part of the investigation process, as much so as the preceding provisions I have noted. The search is for evidence of any violation of the Act or regulation. The public interest in the proper assessment and payment of income taxes is, in my view, offended if the courts are to hold that the investigative power plainly given to the Minister by Parliament is to be curtailed by a judicial technique of statutory interpretation. I can see no more reason for limiting the investigation under subsection (4) than under subsection (2) which in turn embraces all the documents required to be retained by a taxpayer under section 230.
In this view, I can find no error in the approval given by the judge under subsection 231(5). The authorization was in order: it named the officers to execute the search and seizure, and identified the persons and the places. The scope of the seizure was not greater than that contemplated by the Act in the progression of investigation. There was thus nothing before the judge on which he could judicially withhold his approval of the “intended exercise of ministerial discretion”. The validity of that exercise of discretion was demonstrated to Dechene, J. and the appellants filed no material to refute it.
Nous n’avons pas ici à nous demander si le juge a commis des erreurs en donnant son agrément. Car dans la mesure où il existe, ce n’est qu’au cas d’excès de juridiction que le pouvoir inhérent de la Cour d’appel lui permettrait d'intervenir.
Le juge de la Cour supérieure a donné son agrément en ces termes:
After having considered the application made by the Chief, Judicial Processes Section, special Investigations Division, based on the affidavit of Guy Drolet, I hereby approve of the above authorization, which approval is also indicated on the preceding pages by my initials.
Le juge a eu à examiner une autorisation analogue à celles dont il est question dans Paroian et Royal Craft. Dans cette dernière affaire le juge Clement, référant à Coopers and Lybrand (supra), écrit à 6146: “The substance of the matter brought to court was essentially the same as here. The Minister’s authorization was in the same terms and I am given to understand the same for is used in all cases of this nature.” Le juge avait devant lui un affidavit très circonstancié quant aux motifs raisonnables du Ministre de croire à des infractions et comprenant les éléments indiqués dans le résumé des faits du juge Bernier de la Cour d’appel cité au début de ces motifs. C’est à la lumière de cette preuve que le juge a donné son agrément et à mon avis il n’a pas été démontré qu’en ce faisant il a excédé sa compétence.
Cet agrément n’est pas susceptible d’appel à la Cour d’appel du Québec ni en vertu de l’art 26 Cpc, ni en vertu du pouvoir inhérent que, selon l’appelant, la Cour d’appel posséderait au cas d’excès de juridiction de la Cour supérieure. En conséquence il n’y a pas lieu d’examiner la deuxième question soulevée par l’appelant.
Pour ces motifs je suis d’avis que ce pourvoi doit être rejeté avec dépens.