Le juge Pinard:—Il s’agit d'un appel, sous forme d’action, en vertu des paragraphes 172(2) et 175(3) de la Loi de l'impôt sur le revenu, Statuts du Canada de 1970-71-72, c. 63 et amendements, interjeté par le contribuable Louis Vaillancourt à l'encontre d'un avis de nouvelle cotisation par le ministre du Revenu du Canada, relativement à l’année d'imposition 1980.
Le 20 novembre 1979, SODEFIM ENR., société formée de Gilles Gaumont, Denis Bradet, Martin Racine, France Thibault, Jean Morin, et du demandeur, Louis Vaillancourt, a acquis de Château Mont Ste-Anne Inc., un immeuble désigné comme suit:
A — LA PARTIE EXCLUSIVE connue et désignée comme étant la subdivision QUARANTE du lot originaire SIX CENT CINQUANTE-HUIT (658-40) du cadastre officiel pour la paroisse de Ste-Anne, division d'enregistrement de Montmorency.
B — LA QUOTE-PART des droits indivis dans les parties communes afférantes à la partie exclusive désignée au paragraphe “K” ci-dessus ...
Ce contrat d'acquisition réfère spécifiquement à une déclaration de copropriété relative au lot numéro SIX CENT CINQUANTE-HUIT (658) dont la destination y est définie comme suit:
4.1 l'immeuble plus haut désigné, sur lequel est érigé un ensemble de maisons en rangées, comprend quarante-quatre (44) unités ou parties exclusives destinées à l'habitation et des parties communes.
4.2 tel qu’établi au chapitre suivant, certaines parties communes seront à l’usage commun de tous les copropriétaires et d’autres parties communes seront à l’usage exclusif d’un propriétaire de fraction.
Les parties communes auxquelles réfèrent tant le contrat d'acquisition que la déclaration de copropriété ci-dessus sont connues et désignées comme étant la subdivision UN du lot originaire SIX CENT CINQUANTE- HUIT (658-1) du cadastre concerné, sauf et à distraire la partie de ladite subdivision cédée à la Ville de Beaupré comme assiette de rue.
En réalité, le demandeur a ainsi acheté, au prix de $85 000, une seule unité de condominium destinée à l'habitation, comprise dans un immeuble en comportant plusieurs autres, plus une quote-part des parties communes à l’ensemble de ces unités de condominium, telles les cours, jardins, patios, espaces de stationnement, etc.
Le 28 décembre 1977, soit préalablement à l'achat concerné par SODEFIM ENR., la Société centrale d'hypothèques et de logement avait émis, par l'entremise de ses officiers, un certificat attestant de la mise en chantier d'un immeuble résidentiel à logements multiples, selon les catégories 31 et 32 de l'annexe II du Règlement de l'impôt sur le revenu; ce certificat a été émis pour l'ensemble des unités de condominium et non pas pour chaque unité individuellement; en effet, ce certificat référait globalement aux lots “658-1 à 658-45, C.P. 398,Beaupré, Qué.", indiquant un espace résidentiel total de 67,660 pieds carrés; il précisait que l’immeuble comportait quatre unités du type D-2, dix-huit unités des types A-2, B-2 et B-3, et 22 unités des types C-2 et C-3; finalement, le certificat illustrait le dessin des dimensions extérieures de chacun de ces six types d'unités. C'est une unité du type C-3, soit l’unité numéro 29, qui a été ici acquise par la Société SODEFIM ENR. dont fait partie le demandeur.
Le demandeur a produit une déclaration fédérale d'impôt sur le revenu des particuliers pour l’année 1980 dans laquelle il a réclamé une déduction pour amortissement et dans laquelle il a fait état d’une perte nette de loyer relativement à l’immeuble faisant l’objet du contrat d'acquisition ci-dessus par SODEFIM ENR.; en ce faisant, le demandeur appliquait à son profit les dispositions de la catégorie 31 de l'annexe II du Règlement de l'impôt sur le revenu.
Le 16 septembre 1983, la défenderesse a émis un avis de nouvelle cotisation à l’égard du demandeur pour l’année d'imposition 1980; ainsi, la défenderesse avisait le demandeur qu'elle refusait la déduction pour amortis- sement demandée au motif que l’immeuble concerné ne constituait pas un bien de la catégorie 31 ou 32 de l’annexe II du Règlement de l’impôt sur le revenu, mais constituait plutôt un bien de la catégorie 3; plus précisément, en cotisant ainsi le demandeur, le ministre du Revenu national prenait pour acquis que l’immeuble concerné n’était pas “un immeuble résidentiel à logements multiples” au sens des catégories 31 et 32 ci-dessus.
Il importe maintenant de reproduire les dispositions pertinentes suivantes tant de la Loi que du Règlement de l’impôt sur le revenu:
LOI
20. Déductions admises lors du calcul des revenus d’une entreprise ou d’un bien. (1) Nonobstant les dispositions des alinéas 18(1)(a), (b) et (h), lors du calcul du revenu tiré par un contribuable d’une entreprise ou d’un bien pour une année d’imposition, peuvent être déduites celles des sommes suivantes qui se rapportent entièrement à cette source de revenus ou la partie des sommes suivantes qui peut raisonnablement être considérée comme s’y rapportant:
(a) Coût en capital des biens. — la partie, si partie il y a, du coût en capital des biens supporté par le contribuable ou le montant, si montant, il y a, du coût en capital des biens, supporté par le contribuable, que le règlement autorise
221. Règlements
(1) Le gouverneur un conseil peut établir des règlements
(a) prescrivant tout ce qui, en vertu de la présente loi, doit être prescrit, ou doit être décidé ou réglé par règlement ...
REGLEMENT
Déductions permises
1100(1) Aux fins de l’alinéa 20(1)(a) de la Loi, il est alloué au contribuable dans le calcul de son revenu d’une entreprise ou de biens, selon le cas, des déductions pour chaque année d’imposition égales
Taux
(a) sous réserve du paragraphe (2), au montant qu’il peut réclamer à l’égard de biens de chacune des catégories suivantes de l’annexe II, sans dépasser, à l’égard des biens
(iii) de la catégorie 3, 5 pour cent,
(xxii) de la catégorie 31, 5 pour cent,
de la fraction non amortie du coût en capital, pour lui, des biens de la catégorie, à la fin de l’année d’imposition (avant toute déduction en vertu du présent paragraphe pour l’année d’imposition) . . .
Biens locatifs
(11) Nonobstant le paragraphe (1), en aucun cas le total des déductions, dont chacune est une déduction à l’égard de biens d’une catégorie prescrite possédés par un contribuable, qui comprend les biens locatifs possédés par lui, que le contribuable peut déduire par ailleurs en vertu du paragraphe (1) en calculant son revenu pour une année d’imposition, ne doit excéder la fraction, si fraction il y
(a) du total des sommes dont chacune représente
(i) son revenu pour l’année tiré de la location, à bail ou non, d’un bien locatif possédé par lui, calculé en faisant abstraction de l’alinéa 20(1)(a) de la Loi, ou
(ii) le revenu d’une société pour l’année tiré de la location, à bail ou non, d’un bien locatif de la société, dans la mesure de la participation du contribuable à un tel revenu,
qui est en sus
(b) du total des sommes dont chacune représente
(i) sa perte pour l'année de la location, à bail ou non, d'un bien locatif possédé par lui, calculé en faisant abstraction de l'alinéa 20(1)(a) de la Loi, ou
(ii) la perte subie par une société pour l’année de la location, à bail ou non, d’un bien locatif de la société, dans la mesure de la participation du contribuable à une telle perte.
(14) Dans le présent article et l’article 1101, “bien locatif” d’un contribuable ou d'une société désigne
(a) un bâtiment, autre qu'un bien de la catégorie 31 ou 32 de l'annexe II, dont le contribuable ou la société était propriétaire, soit conjointement avec une autre personne soit autrement, ou
(b) une tenure à bail sur biens immeubles, si la tenure à bail porte sur des biens de la catégorie 3, 6 ou 13 de l'annexe II et est la propriété du contribuable ou de la société,
si, dans l’année d'imposition à l’égard de laquelle l'expression s'applique, le bien a été utilisé par le contribuable ou la société principalement aux fins de gagner ou de produire un revenu brut qui constitue un loyer, mais, pour plus de précision, n'inclut pas un bien donné à bail à un locataire par le contribuable ou la société, dans le cours ordinaire de l’entreprise du contribuable ou de la société consistant à vendre des marchandises ou à rendre des services, en vertu d'un contrat par lequel le locataire s'engage à utiliser le bien pour exercer son activité de vente ou de promotion des ventes de marchandises ou de services fournis par le contribuable ou la société.
Annexe II
CATEGORIE 3 (5 pour cent)
Les biens non compris dans aucune autre catégorie constitués par
(a) un édifice ou autre structure, y compris les parties constituantes, notamment les fils électriques, la tuyauterie, les réseaux extincteurs, le matériel pour la climatisation, les appareils de chauffage, l'agencement pour l'éclairage, les ascenseurs et escaliers roulants;
CATEGORIE 31 (5 pour cent)
Un bien qui est un immeuble résidentiel à logements multiples au Canada, qui autrement serait compris dans la catégorie 3 ou 6 et à l'égard duquel
(a) une attestation a été délivrée par la Société canadienne d'hypothèques et de logement portant que
(i) à l'égard d'un immeuble qui autrement serait compris dans la catégorie 3, l’installation de semelles ou de toute autre assise du bâtiment a débuté
(A) après le 18 novembre 1974 et avant 1980, ou
(B) après le 28 octobre 1980 et avant 1982,
selon le cas, et
(ii) à l’égard d’un immeuble qui autrement serait compris dans la catégorie 6, l’installation des semelles ou de toute autre assise du bâtiment a débuté après le 31 décembre 1977 et avant 1979,
et que selon les plans et devis du bâtiment, les logements autonomes et l’espace affecté au stationnement, à la récréation, aux services et à l’entreposage représentent au moins 80% de l’aire de plancher,
(b) au plus 20% de l’aire de plancher est utilisée à une fin autre que celles visées à I’ alinéa a),
(c) l’attestation visée à l’alinéa a) a été délivrée au plus tard à la dernière des deux dates suivantes:
(i) le 31 décembre 1981, et
(ii) le jour qui tombe 18 mois après la date du début de l’installation des semelles ou de toute autre assise du bâtiment; et
(d) la construction de l’immeuble se poursuit après 1982 sans retard indu, compte tenu des cas fortuits, des conflits de travail, des indendies, des accidents ou des retards inhabituels causés par des transporteurs ou des fournisseurs de matériaux ou d’équipement.
Ainsi, d'une part, le demandeur réclame une déduction pour amortissement en se basant sur l’article 20(1)(a) de la Loi sur le règlement 1100(1)(a)(xxii) et sur la catégorie 31 de l'annexe II du Règlement: d'autre part, la défenderesse plaide que la catégorie 31 de l'annexe II du Règlement ne saurait, dans le présent cas, s'appliquer au profit du demandeur et qu'en conséquence la déduction pour amortissement réclamée doit être refusée vu les paragraphes 1100(11) et 1100(14)du Règlement. Incidemment, it est clair que si l'immeuble acquis par la société du demandeur s'avère ne pas être celui décrit dans la catégorie 31 de l'annexe II du Règlement, il est par ailleurs compris dans la catégorie 3 de la même annexe.
Même si le pourcentage du montant réclamé à titre d'amortissement est le même selon que l’on réfère à la catégorie 3 ou à la catégorie 31 de l'annexe II du Règlement, l'intérêt de la distinction entre les deux catégories résulte des dispositions du paragraphe 1100(11) du Règlement qui, à toute fin pratique, limitent le montant de la déduction pour amortissement à l'égard d'un bien locatif au revenu tiré de sa location; or compte tenu des dispositions du paragraphe 1100(14) du Règlement, une telle restriction ne s'applique pas à un bien de la catégorie 31 de l’annexe II du Règlement, vu qu’il s'agit alors d’un bien qui n'est pas un “bien locatif”.
Il importe donc de considérer et d'interpréter les termes de la catégorie 31 de l’annexe II du Règlement pour déterminer si l’immeuble acquis par la société dont fait partie le demandeur constitue véritablement le bien qui y est visé.
En l'occurrence, il y a lieu de suivre la règle moderne d'interprétation des textés législatifs telle que définie par l’auteur E.A. Dreidger et rapportée ainsi par la Cour suprême du Canada, appelée à interpréter les dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu, dans Stubart Investments Limited v. The Queen, [1984] C.T.C. 294 à la page 316; 84 D.T.C. 6305, à la page 6323:
While not directing his observations exclusively to taxing statutes, the learned author of Construction of Statutes, 2nd ed., (1983), at 87, E.A. Dreidger, put the modern rule succinctly:
Today there is only one principle or approach, namely, the words of an Act are to be read in their entire context and in their grammatical and ordinary sense harmoniously with the scheme of the Act, the object of the Act, and the intention of Parliament.
Référant à cette décision, M. le juge MacGuigan de la Cour fédérale du Canada dans Lor-Wes Contracting Limited v. The Queen, [1985] 2 C.T.C. 79, affirmait à la page 83; 85 D.T.C. 5310 à la page 5313;
The only principle of interpretation now recognized is a words-in-total-context approach with a view to determining the object and spirit of the taxing provisions.
Dans cette dernière cause, la Cour fédérale référait en outre au discours sur le budget du ministre des Finances du Canada, en date du 23 juin 1975, pour exposer et examiner le besoin auquel un amendement à la Loi de l'impôt sur le revenu devait répondre.
Or, dans la présente cause, il est de l'essence même de la disposition contenue dans la catégorie 31 que le bien visé constitue “un immeuble résidentiel à logements multiples au Canada”. À mon point de vue, il importe de lire tous ces mots et de les appliquer ensemble au bien que la catégorie définit. Ainsi, on doit exclure de la définition un immeuble résidentiel au Canada qui consiste en un seul logement; de la même façon, on doit exclure de la définition chacun des logements multiples, pris séparément, d'un immeuble résidentiel au Canada.
Cette interprétation me semble non seulement conforme à la règle moderne d'interprétation à laquelle réfère la Cour suprême du Canada dans l’affaire Stubart Investments Limited ci-dessus, mais elle me semble en outre répondre parfaitement à l'objectif défini par le ministre des Finances du Canada dans son discours sur le budget, en date du 18 novembre 1974 (Débats de la Chambre des communes, 1ère session-30e législature, volume Il 1974, page 1419), lorsqu'il affirme à la page 1426:
Pour des raisons que j’ai déjà exposées, il me tarde particulièrement d’offrir un stimulant rapide et vigoureux à la construction de nouvelles habitations à loyer. Je propose donc d’assouplir pendant un certain temps la règle selon laquelle les amortissements ne sont pas déductibles des revenus provenant d’autres sources.
Plus précisément, cette règle ne s’appliquera pas aux nouveaux immeubles à loyers multiples qui seront mis en chantier entre ce soir et le 31 décembre 1975. Cela signifie que le propriétaire d’un immeuble de rapport admissible pourra déduire n’importe quand l’amortissement des revenus de n’importe quelle source. Je suis persuadé que cette mesure attirera un volume considérable de capitaux privés dans le secteur de la construction de nouveaux immeubles à usage locatif.
Comme dans la présente cause le demandeur ne réclamait pas une déduction pour amortissement à l’égard d'un immeuble résidentiel à logements multiples au Canada, mais bien plutôt à l'égard de l’un des logements multiples, soit l’unité 29, d'un immeuble plus considérable en comportant quelque quarante-quatre, il ne saurait en conséquence profiter de la disposition stipulée à la catégorie 31 de l'annexe II du Règlement.
En effet, la preuve révèle, rappelons-le, que les membres de la Société SODEFIM ENR., dont le demandeur, étaient les propriétaires exclusifs d'un seul logement d'un immeuble en comportant plusieurs; ce logement, l'unité 29, constituait la partie exclusive connue et désignée comme étant la subdivision 40 du lot originaire 658 du cadastre concerné; en même temps, les mêmes sociétaires étaient copropriétaires, jusqu'à concurrence d'une quote-part établie dans une déclaration de copropriété, avec les propriétaires des autres logements ou unités du même immeuble, de parties communes connues et désignées comme étant la subdivision 1 du lot originaire 658 du même cadastre.
On se rend bien compte que même en supposant qu'il s'agissait en l'occurrence d'un immeuble “résidentiel”, ce que je n’ai pas à décider vu mes conclusions, le demandeur était alors tout au plus copropriétaire d'une quote-part des droits indivis dans les parties communes seulement d'un immeuble résidentiel à logements multiples au Canada.
Finalement, de toute façon, le montant de la déduction pour amortissement réclamée par le demandeur, pour l'anée d'imposition 1980, a été calculé strictement en fonction de l’unité 29, sans considération du coût en capital ni des revenus du loyer des autres logements ou unités compris dans l'immeuble à logements multiples. Il eut été nécessaire pour le véritable copropriétaire d'un “immeuble à logements multiples au Canada” de cal- culer l'amortissement en fonction de sa part dans tout l'immeuble et aussi en considération du coût en capital et des revenus de loyer de l’ensemble des logements et des parties communes compris dans cet immeuble.
En conséquence, le demandeur a fait défaut d’établir l'application à son profit des dispositions de la catégorie 31 de l’annexe II du Règlement et son action doit être rejetée avec dépens.
Action rejetée.