Le
Juge
Marceau:—Cette
action—prise
à
l’encontre
d’une
décision
de
la
Commission
de
Revision
de
l'impôt
qui
a
rejeté
l’appel
de
la
demanderesse
contre
la
cotisation
d’impôt
dont
celle-ci
avait
été
l’objet,
le
21
mars
1972—ne
met
en
cause
aucune
question
d’appréciation
de
faits.
Ceux-ci
ont
tous
été
l’objet
d’admissions
formelles
ou
sont
attestes
par
des
documents
dûment
produits
qui
parlent
par
eux-mêmes.
Le
problème
soulevé—sur
lequel
la
Commission,
pour
un
motif
que
j’ignore,
ne
s’est
pas
prononcée—en
est
un
de
droit
que
l’exposé
des
faits
mettra
aisément
en
lumière
mais
qu'il
convient
de
formuler
dès
maintenant:
l’ordonnance
de
libération
rendue
en
faveur
de
la
demanderesse,
le
4
janvier
1972,
conformément
aux
dispositions
de
la
Loi
sur
la
faillite,*
a-t-elle
eu
pour
effet
de
la
libérer
des
redevances
d’impôts
sur
le
revenu
qui
seraient
dues
par
elle
pour
des
années
d’imposition
antérieures,
soit
1967
et
1968?
Le
26
mai
1970,
la
demanderesse,
corporation
légalement
constituée,
se
prévalait
des
dispositions
de
l’article
32
de
la
Loi
sur
la
faillite
et
faisait
à
ses
créanciers
une
proposition
concordaire
que
ceux-ci
devaient
accepter
et
qui
fut
dûment
ratifiée
par
la
cour
supérieure,
district
d’Arthabaska,
Québec,
le
13
octobre
suivant.
Le
19
novembre
1971,
un
avis
de
dividende
définitif
était
donné
aux
créanciers
et
le
25
le
syndic
était
dûment
libéré.
Le
4
janvier
1972,
la
demanderesse
se
voyait
accorder
elle-même,
par
ordonnance,
sa
propre
libération.
Il
n’est
pas
contesté
que
les
dispositions
de
la
Loi
sur
la
faillite
ont
toutes
été
intégralement
respectées;
que
tous
les
avis
requis
par
la
loi
ont
été
donnés;
que
le
Receveur
général
du
Canada
et
le
ministre
du
Revenu
national
étaient
inscrits
comme
créanciers
au
bilan
déposé
entre
les
mains
du
syndic.
La
défenderesse,
il
est
vrai,
allègue
dans
ses
procédures
écrites
que
le
ministre
du
Revenu
national
n’a
pas
reçu
l’avis
de
30
jours
prévu
à
l’article
108
du
chapitre
14
(120
du
chapitre
B-3)
pour
le
dépôt
et
la
preuve
des
réclamations,
mais
il
est
établi,
au
contraire,
que
le
Receveur
général
du
Canada
et
le
ministre
du
Revenu
national
ont
été
dûment
avisés
et
qu’à
la
suite
de
ces
avis
le
bureau
du
ministère
du
Revenu
national
pour
la
division
de
Sherbrooke,
de
qui
relève
administrativement
le
district
d’Arthabaska,
a
effectivement
procédé
à
une
audition
des
livres
de
la
compagnie
débitrice
et
produit
une
réclamation
qui
fut
d’ailleurs
acceptée.
Bien
sur,
la
défenderesse
n’a
pas
reçu
d’avis
en
tant
que
créancière
d’une
dette
d’impôts
sur
le
revenu
pour
des
années
de
cotisations
antérieures,
puisqu’à
ce
moment
aucune
des
cotisations
dont
la
compagnie
avait
été
l’objet
n’étaient
en
souffrance,
et
on
se
rend
compte
au
surplus
que
les
avis
destinés
à
la
défenderesse
n’ont
pas
tous
été
adressés
de
la
même
manière
et
au
même
endroit.
Je
ne
vois
pas
pour
autant
cependant
comment
la
défenderesse
pourrait
prétendre
n’avoir
pas
été
avisée
et
mise
au
courant
de
toutes
et
chacune
des
procédures
de
concordat
dûment
produites
par
ou
au
nom
de
la
demanderesse.
Le
procureur
de
la
défenderesse
n’a
d’ailleurs
pas
insisté
sur
ce
point.
C'est
donc
postérieurement
au
jugement
de
libération
que
fut
émise
la
nouvelle
cotisation
dont
il
est
question
ici.
Cette
nouvelle
cotisation,
il
n’est
pas
utile
de
s’attarder
à
l’analyser,
la
demanderesse
ayant
admis
sa
validité
au
strict
point
de
vue
de
la
Loi
de
l’impôt
sur
le
revenu-,
la
demanderesse
avait
en
effet,
sans
droit,
traite
comme
dépenses
déductibles
de
ses
revenus,
en
1967
et
1968,
des
montants
de
taxes
de
vente
dont
elle
s’était
rendue
comptable
au
cours
des
années
1964,
1965,
1966
et
1967
mais
qu’elle
ne
remboursa
qu’en
1968
sur
réclamation
spéciale
de
la
Division
des
Douanes
et
Accises
du
ministère
du
Revenu
datée
du
21
août
1968.
Ce
qu’il
importe
de
noter
c’est
que
la
nouvelle
cotisation
ne
se
réfère
pas
à
une
première
cotisation
fondée
sur
des
déclarations
incomplètes
ou
fausses:
il
n’est
pas
question
de
fraude
mais
de
déductions
non
autorisées'
et
de
données
comptables
traitées
de
façon
non
conforme
à
certaines
prescriptions
de
la
Loi
de
l’impôt
sur
le
revenu.
On
voit
maintenant
comment
se
pose
la
question
que
je
formulais
au
début.
La
demanderesse
soutient
que
cette
dette
d’impôts
que
le
ministre
lui
réclame
a
été
éteinte
par
l’ordonnance
de
libération
rendue
en
sa
faveur
le
4
janvier
1972
en
vertu
de
la
Loi
sur
la
faillite.
La
défenderesse
soutient
au
contraire
qu’une
telle
ordonnance
de
libération
ne
pouvait
affecter
la
dette
dont
elle
réclame
paiement.
Aussi
étonnant
que
cela
puisse
paraître,
le
problème
soulevé
ne
semble
pas
avoir
fait
l’objet
de
décisions
judiciaires
et
je
n’ai
pu
trouver
d’auteurs
qui
en
aient
directement
traité.
Sa
solution
toutefois
me
paraît
facilitée
par
l’existence
incontestable
de
trois
données
fondamentales:
1)
Les
dispositions
de
la
Loi
sur
la
faillite
lie
la
Couronne
du
chef
du
Canada
(article
172
du
chapitre
14
devenu
l’article
187
du
chapitre
B-3).
2)
Une
ordonnance
de
libération
à
la
suite
d’une
proposition
concordataire
faite
en
vertu
de
la
Partie
III
de
la
Loi
sur
la
faillite
a
la
même
portée
et
le
même
effet
qu’une
ordonnance
de
libération
à
la
suite
d’une
faillite
pure
et
simple
(article
38
du
chapitre
14
devenu
l’article
46
du
chapitre
B-3).
3)
Une
ordonnance
de
libération
libère
le
débiteur
de
toutes
“réclamations
prouvables”
en
vertu
de
la
Loi
sur
la
faillite
(article
35(2)
du
chapitre
14
devenu
42(2)
du
chapitre
B-3)
sauf
celles
expressément
réservées
(article
135
du
chapitre
14
devenu
article
148
du
chapitre
B-3),*
parmi
lesquelles
n’est
mentionnée,
ni
directement
ni
implicitement,
une
dette
d’impôts
‘‘ne
résultant
pas
de
fraude”,
qu’elle
ait
ou
non
fait
l’objet
d’une
cotisation
en
vertu
de
la
Loi
de
l’impôt
sur
le
revenu.
Ces
trois
données
de
base
montrent
que
le
problème
posé
soulève
en
definitive
une
seule
question:
la
somme
exigible
d’un
contribuable
en
vertu
de
la
Loi
de
l’impôt
sur
le
revenu
est-elle
objet
d’une
“réclamation
prouvable”
au
sens
de
la
Loi
sur
la
faillite
avant
que
ne
soit
émise
une
cotisation
la
concernant.
C'est
l’article
83(1)
du
chapitre
14
(article
95
du
chapitre
B-3)
qui
donne
la
définition
d’une
réclamation
prouvable.
Il
se
lit
comme
suit:
95.
(1)
Toutes
créances
et
tous
engagements,
présents
ou
futurs,
auxquels
le
failli
est
assujetti
à
la
date
de
la
faillite,
ou
auxquels
il
peut
devenir
assujetti
avant
sa
libération,
en
raison
d’une
obligation
contractée
antérieurement
à
la
date
de
la
faillite,
sont
réputés
des
réclamations
prouvables
dans
des
procédures
entamées
en
vertu
de
la
présente
loi.
Le
procureur
de
la
défenderesse
reconnaît
spontanément
le
principe
que
les
impôts
sont
dus
au
moment
où
sont
perçus
les
revenus.
Mais
il
soutient,
si
je
comprends
bien
sa
prétention,
que
le
contribuable
n’y
est
pas
“assujetti”,
au
sens
de
cet
article
83(1)
que
nous
venons
de
lire,
avant
l’émission
d’une
cotisation
qui
en
établit
la
quotité.
La
cotisation
serait
un
acte
administratif
nécessaire
pour
créer
l’assujettissement
du
débiteur,
ie
la
possibilité
pour
lui
d’être
contraint
de
payer,
car
auparavant,
non
seulement
le
ministre
ne
connaît
pas
l’existence
de
la
créance,
mais
il
ne
lui
est
pas
permis
d’en
requérir
en
justice
le
paiement.
Une
telle
these
ne
me
paraît
pas
acceptable.
La
cotisation
est
un
acte
administratif
spécifiquement
réglementé
mais
rien
ne
permet
de
dire,
à
mon
avis,
qu’elle
est
plus
que
l’établissement
d’une
créance
d'impôt
et
sa
réclamation
dans
les
formes
voulues
par
la
loi.
Pour
prouver
sa
créance,
le
ministre
doit
cotiser,
mais
sa
créance
existe
et
elle
est
certes
prouvable
en
elle-même
avant
la
cotisation,
au
même
titre
que
toute
autre
créance
présente
et
future.
Le
seul
fait
que
la
preuve
requise
du
ministre
soit
différente
au
point
de
vue
forme
de
celle
requise
des
autres
créanciers—qui,
eux-mêmes,
d’ailleurs
peuvent
être
soumis
à
des
exigences
de
preuves
diverses,—ne
permet
pas,
à
mon
avis,
de
soustraire
sa
créance
à
l’application
des
dispositions
de
la
Loi
sur
la
faillite.
Il
est
vrai
qu’il
peut
être
difficile
en
pratique
pour
le
ministre
d’agir
à
l’intérieur
des
délais
impartis
par
l’article
108
(chapitre
14)
dans
les
cas
de
tous
les
contribuables
qui
ont
recours
à
la
Loi
sur
la
faillite,
mais
c’est
la
une
considération
dont
le
Parlement
pouvait
tenir
compte
en
faisant
la
loi,
mais
dont
le
juge,
chargé
strictement
d’appliquer
cette
loi,
ne
saurait
se
préoccuper.
Au
reste,
il
convient
de
noter
que
le
législateur
s’est
préoccupé
de
cette
situation
particulière
du
ministre,
comme
en
témoigne
spécialement
le
paragraphe
(3)
de
l’article
108
du
chapitre
14
(120
du
chapitre
B-3),*
et
le
juge
ne
saurait,
par
une
interprétation
fantaisiste,
chercher
à
aller
au-delà
de
ce
qu’il
a
sur
ce
plan
voulu
et
clairement
exprimé.
Le
procureur
de
la
défenderesse
croit
inadmissible
qu'une
loi
comme
la
Loi
sur
la
faillite
puisse
avoir
pour
résultat
d’accorder
à
un
contribuable
un
avantage
considérable
auquel
nul
autre
ne
saurait
prétendre:
celui
d’être
à
l’abri,
avant
l’écoulement
du
délai
de
quatre
ans
de
l’article
46(4)
de
la
Loi
de
l’impôt
sur
le
revenu,
de
toute
réclamation
supplémentaire
pour
des
impôts
dus
mais
non
payés,
s’il
ne
s’est
rendu
coupable
d’aucune
fraude.
Il
me
semble
au
contraire
qu’un
tel
résultat
reste
for
compréhensible
si
on
tient
compte
de
ce
que
l’un
des
objectifs
essentiels
de
la
législation
actuelle
en
matière
de
faillite
est
de
permettre
à
un
citoyen
honnête
mais
malheureux
en
affaires
d’obtenir
une
libération
de
ses
dettes
qui
lui
donne
la
chance
d’un
nouveau
départ
et
soit
en
conséquence
la
plus
complète
possible.
L’action
de
la
demanderesse
me
parait
bien
fondée,
et
jugement
sera
rendu
en
conséquence.