LeBel,
J.A.:
—
La
Couronne
se
pourvoit
contre
des
jugements
prononcés
par
la
Cour
supérieure,
à
Québec,
les
11
novembre
et
13
décembre
1985,
par
l'honorable
juge
en
chef
Pierre
Côté
(m.a.
pp.
60
à
67).
Ce
dernier
rejetait
alors
son
pourvoi
contre
un
jugement
prononcé
par
un
juge
de
la
Cour
des
sessions
de
la
paix,
l'honorable
Jean
Dutil.
Celui-ci,
sur
objection
préliminaire,
renvoyait
des
plaintes
de
fraude
fiscale
portés
en
vertu
de
l’article
239
de
la
Loi
de
l'impôt
sur
le
revenu
du
Canada
(S.C.
1970-71-72,
c.
63)
(m.a.
p.
67
aux
p.
191
et
ss.).
L'intimée,
Les
Habitations
Périgord
Inc.,
était
une
compagnie
de
construction
immobilière.
Dionne,
Bellavance
et
Moreau
agissaient
comme
ses
administrateurs
ou
officiers
pendant
l'année
d'imposition
visée
par
les
plaintes
du
Ministère
du
revenu.
Drolet
avait
été
son
conseiller
juridique.
Devant
la
Cour
des
sessions
de
la
paix,
la
Couronne
reprochait
aux
intimés
d'avoir
éludé
des
impôts
en
1977,
entre
autres,
par
des
déclarations
de
dépenses
fictives.
Dès
le
début
du
procès,
les
avocats
des
intimés
présentèrent
une
série
de
moyens
préliminaires.
L'honorable
juge
Dutil
en
a
retenu
un
seul,
basé
sur
l'article
244
de
la
Loi
de
l'impôt
sur
le
revenu
(m.a.
p.
166).
Les
jugements
de
la
Cour
supérieure
confirment
les
motifs
de
cette
première
décision.
Les
premiers
juges
ont
conclu
tous
deux
que
les
plaintes
étaient
prescrites
et
que
la
Couronne
n'avait
pas
utilisé,
de
façon
valable,
l'article
244
de
la
Loi
de
l'impôt
sur
le
revenu.
L'on
sait
que,
généralement,
en
vertu
de
cette
loi,
les
plaintes
portées
par
voie
de
sommation
doivent
être
déposées
dans
les
cinq
années
de
l'infraction.
Le
paragraph
4
de
l'article
244
contient
toutefois
une
exception
qui
reporte
le
délai
de
prescription
de
la
plainte
à
un
an
de
la
date
à
laquelle
le
Ministre
du
Revenu
atteste
avoir
pris
connaissance
des
faits
en
litige:
Une
dénonciation
on
une
plainte
en
vertu
des
dispositions
du
Code
criminel
relative
aux
déclarations
sommaires
de
culpabilité
à
l'égard
d'une
infraction
à
la
présente
loi,
peut
être
déposée
au
plus
tard
cinq
ans
après
la
date
où
le
sujet
quia
donné
lieu
à
la
dénonciation
ou
la
plainte
a
pris
naissance,
ou
dans
l'année
qui
suit
le
jour
ou
une
preuve
suffisante,
de
l'avis
du
Ministre,
pour
justifier
une
poursuite
relative
à
l'infraction
est
venue
à
sa
connaissance
et
le
certificat
du
Ministre
quant
au
jour
où
cette
preuve
est
venue
à
sa
connaissance
en
est
une
preuve
contraire.
L'appelante
reconnaît
que
les
plaintes
seraient
prescrites
si
elle
ne
peut
invoquer
avec
succès
l'article
244.
Elles
n'ont
été
portées
que
le
2
mai
1983,
par
poursuite
sommaire
et
non
par
acte
d'accusation
et
plus
de
cinq
ans
après
l'infraction.
Si
les
certificats
émis
en
vertu
de
l’article
244
attestant
la
connaissance
de
l'infraction
sont
nuls,
la
plainte
doit
être
rejetée.
Le
certificat
en
litige
se
lit:
EN
VERTU
du
paragraphe
244(4)
de
la
Loi
de
l'impôt
sur
le
revenu,
Statuts
révisés
du
Canada
1952,
chapitre
148,
je
soussigné
H.
Doyon,
Directeur-Impôt,
du
bureau
du
district
de
Québec,
du
ministrère
du
Revenu
national,
Impôt,
certifie
par
les
présentes
que,
une
preuve
suffisante
de
l'avis
du
Ministre,
pour
justifier
la
poursuite
de
Les
Habitations
Périgord
Inc.,
Claude
Bellavance,
Magella
Dionne,
Bé-
rangère
L.
Moreau,
Paul
Moreau
et
Gaétan
Drolet,
tous
de
Québec,
province
de
Québec,
pour
les
infractions
telles
que
montrées
à
la
pièce
A
ci-annexée,
est
venue
à
ma
connaissance
le
26ième
jour
de
juillet
1982.
DONNE
sous
mon
seing
en
la
ville
de
Québec,
province
de
Québec,
ce
31ième
jour
de
mai
1983.
(m.a.
p.
209)
La
poursuite
a
déposé
au
dossier
deux
certificats
successifs,
rédigés
de
même
façon,
émis
à
des
dates
différentes,
par
le
même
fonctionnaire.
Le
juge
des
sessions
de
la
paix
et
de
la
Cour
supérieure
ont
considéré
ces
certificats
comme
nuls.
Ils
ont
déclaré
se
baser
principalement
sur
un
arrêt
de
notre
Cour,
dans
Procureur
général
du
Canada
c.
Marcotte,
[1975],
C.A.
570).
Selon
ce
jugement,
le
certificat
doit
attester
la
connaissance
du
Ministre.
Celle-ci
serait
un
fait
mais
non
une
fonction
délégable
à
un
fonctionnaire
du
revenu.
La
connaissance
devrait
être
celle
du
Ministre.
En
plus
de
la
légalité
du
certificat,
les
procureurs
des
intimés
Bellavance,
Moreau
et
Drolet
ont
soulevé
un
moyen
additionnel
de
procédure,
soit
l'absence
de
signification
personnelle
de
l'avis
d'appel
devant
la
Cour
supérieure.
Je
ne
m'attarderai
pas
à
ce
moyen.
Si
problème
il
y
avait,
le
jugement
de
la
Cour
supérieure,
accordant
une
extension
de
délais
et
la
correction
du
vice
de
procédure,
a
réglé
le
problème.
Je
n'aurai
à
considérer
que
le
seule
question
de
la
validité
du
certificat
émis
en
vertu
de
l'article
244
et
de
ses
conséquences.
Dans
ses
moyens
d'appel,
la
poursuite
tente
d'abord
de
distinguer
la
présente
affaire
du
cas
étudié
dans
l'arrêt
Marcotte.
Elle
soutient
que
les
certificats
produits
dans
ce
dossier
ont
été
rédigés
de
manière
différente
de
ceux
qu'examinait
notre
Cour
dans
cette
affaire
Marcotte.
Les
certificats
invoqués
ici
renverraient
expressément
à
l'avis
du
Ministre.
Le
fonctionnaire
agirait
comme
l'"alter
ego"
de
celui-ci.
L'appelante
soulève
un
moyen
alternatif.
Si
elle
ne
peut
distinguer
le
présent
cas
de
l'arrêt
Marcotte,
elle
soutient
que
le
précédent
posé
par
celui-ci
ne
vaudrait
plus,
en
raison
de
l’évolution
rapide
du
problème
de
la
délégation
des
fonctions
administratives
depuis
quelques
années.
D'abord,
les
dispositions
de
l'article
220
de
la
Loi
de
l'impôt
sur
le
revenu
et
le
règlement
d'application
no
900
comporteraient
une
délégation
portant
à
la
fois
sur
l'émission
du
certificat
et
l'attestation
de
la
connaissance
par
le
fonctionnaire
autorisé.
Le
Directeur
des
impôts,
au
bureau
du
district
du
revenu
de
Québec
détiendrait
une
telle
délégation
en
vertu
du
règlement
no
900.
De
plus,
en
raison
des
besoins
propres
à
l'administration
publique,
la
théorie
de
la
délégation
implicite
serait
de
plus
en
plus
reconnue
par
la
jurisprudence.
A
cet
égard,
notre
Cour
devrait
s'inspirer,
pour
l'avenir,
des
principes
posés
par
l'arrêt
La
Reine
c.
Harrison,
[1977]
1
R.C.S.
238.
Ainsi,
ou
bien
l'arrêt
Marcotte
ne
serait
pas
un
précédent
applicable,
ou
qu'il
n'était
plus
valable
et
devrait
être
mis
de
côté
en
raison
de
l’évolution
du
droit
administratif
depuis
1985.
Les
mémoires
des
intimés
s'appuient
principalement
sur
les
motifs
exposés
dans
le
jugement
de
monsieur
le
juge
Dutil.
Selon
eux,
l'arrêt
Marcotte
lierait
la
Cour
et
enfin,
la
seule
délégation
qu'autoriseraient
la
loi
et
la
réglementation
serait
celle
de
l'émission
du
certificat
lui-même
et
non
de
l'attestation
de
la
connaissance.
II
faudrait
toujours
que
l'on
atteste
que
le
Ministre
ait
pris
connaissance
lui-même
des
faits
pertinents.
Malgré
les
changements
apportés
à
la
législation
et
à
la
réglementation
et
certaines
variantes
entre
les
rédactions
des
certificats
étudiés,
l'arrêt
Marcotte
paraît
bien
avoir
tranché
la
question
qui
nous
est
soumise.
Le
certificat
reproduit
dans
l'opinion
de
monsieur
le
juge
Mayrand,
se
lisait:
En
vertu
du
paragraphe
(4)
de
l'article
244
de
la
Loi
de
l'impôt
sur
le
revenu,
Statuts
révisés
du
Canada
1952,
chapitre
148,
je
soussigné
S.E.
Bernier,
Sous-
ministre
Adjoint
du
Revenu
national
pour
l'impôt,
certifie
par
les
présentes
que
le
14
mars
1972,
il
est
venu
à
ma
connaissance
une
preuve
suffisante,
de
mon
avis,
pour
justifier
la
poursuite
de
Maurice
R.
Marcotte
.
.
.
(loc.cit.
p.
15)
Le
juge
Mayrand
écartait
alors
l'argument
d'après
lequel
le
fonctionnaire
agissait
comme
l'"alter
ego"
du
Ministre.
Il
rejetait
finalement
le
certificat
en
se
fondant
sur
la
distinction
entre
le
fait
et
le
pouvoir,
la
connaissance
étant
un
fait
et
non
une
fonction
ou
un
pouvoir
délégable:
Cette
connaissance
acquise
par
le
ministre,
point
de
départ
de
la
prescription
annale,
est
un
fait
et
non
un
"pouvoir"
ou
une
"fonction";
on
ne
peut
donc
lui
substituer
la
connaissance
acquise
par
le
sous-ministre
ou
par
l'un
des
sous-
ministres
adjoints.
Comme
le
juge
de
la
Cour
supérieure
le
dit:
Il
serait
inconcevable
que
le
sous-ministre
adjoint
ayant
pris
connaissance
d'une
preuve
qui
était
dans
son
opinion,
suffisante
et
n'ayant
rien
fait
pendant
plus
d'un
an,
le
sous-ministre
ou
le
ministre
pourraient
de
nouveau
prendre
connaissance
de
la
même
preuve,
en
arriver
à
la
même
opinion
et
faire
renaître
une
deuxième
(ou
même
une
troisième)
fois
une
prescription
déjà
deux
(ou
trois)
fois
acquise.
En
attestant
"que
le
14
mars
1972,
il
est
venu
à
ma
connaissance
une
preuve
suffisante,
de
mon
avis,
pour
justifier
la
poursuite",
le
sous-ministre
adjoint
n’a
pas
attesé
“que
le
14
mars
1972,
il
est
venu
à
la
connaissance
du
ministre
une
preuve
suffisante
pour
justifier
la
poursuite”.
(loc.cit.
p.
16)
A
la
fin
de
son
opinion,
le
juge
Mayrand
avait
mentionné
qu'une
rédaction
différente
de
la
loi
ou
du
certificat
aurait
pu
changer
les
données
du
problème.
Cependant,
il
n'avait
pas
précisé
les
modalités
de
ces
changements.
Il
ne
m'apparaît
nullement
que
les
modifications
apportées
au
texte
du
certificat
qui
est
aient
bonifié
la
situation
de
l'appelante,
bien
au
contra-
ite,
comme
nous
le
verrons.
Par
ailleurs,
la
these
de
la
distinction
entre
le
pouvoir
et
l'absence
de
délégation
quant
au
fait
que
comporterait
la
connaissance,
a
été
repris
par
les
tribunaux
de
l'Alberta,
y
compris
la
Cour
d'appel,
dans
l'affaire
Medicine
Hat
Greenhouses
Limited
and
Neil
German
v.
The
Queen,
[1980]
C.T.C.
114;
79
D.T.C.
5091.
Enfin,
un
obiter
d'une
opinion
de
monsieur
le
juge
Chouinard
l'utilisait,
dans
Fee
et
al.
c.
Bradshaw,
[1982],
1
R.C.S.
608;
[1982]
C.T.C.
201:
Quant
à
la
première
hypothèse,
l'affirmation
quant
au
jour
où
la
preuve
est
venue
à
la
connaissance
du
Ministre
ne
peut,
à
mon
avis,
en
aucune
façon
être
assimilée
à
une
décision
administrative
ou
à
l'exercice
d'un
pouvoir
discrétionnaire.
Ce
n'est
pas
une
décision
que
le
Ministre
prend,
ce
n'est
pas
un
pouvoir
discrétionnaire
qu'il
exerce.
C'est
de
sa
part
témoigner
d'un
fait.
Il
n'a
pas
à
prendre
position
en
faveur
d'une
conduite
à
suivre
plutôt
qu'une
autre.
Il
n’a
pas
de
discrétion
à
exercer
pour
déterminer
quand
une
preuve
est
venue
à
sa
connaissance.
C'est
un
fait.
Il
ne
lui
appartient
pas
de
la
déterminer
à
sa
guise.
Comme
l'exprime
le
procureur
des
intimés
“il
atteste
tout
simplement
d'un
fait.”
(loc.cit.
p.
617:
C.T.C.
206)
L'article
244,
tel
qu'il
se
lit
maintenant,
reconnaît
la
possibilité
de
suspendre
un
délai
de
prescription
à
condition
qu'une
attestation
soit
émise
confirmant
la
connaissance
du
Ministre.
L'arrêt
Marcotte
insiste
sur
la
nécessité
que
la
connaissance
même
du
Ministre
soit
attestée.
Cette
règle
demeure
valable
et
détermine
la
solution
du
présent
litige.
En
l'espèce,
le
certificat
produit
atteste
simplement
qu'une
preuve
suffisante
est
venue
à
la
connaissance
du
directeur
régional
des
impôts.
Bien
que
le
certificat
l'affirme
suffisante
"de
l'avis
du
Ministre”,
elle
serait
venue
à
la
connaissance
non
pas
de
celui-ci,
mais
du
fonctionnaire
autorisé.
Rien
n'atteste
que
le
Ministre
n'ait
connu
la
preuve
que
le
26
juillet
1982.
Ajoutons
que
le
certificat
n'indique
pas
que
le
26
juillet
1982
était
bien
le
jour
où
une
preuve
suffisante
était
venue
à
la
connaissance
du
Ministre.
Il
mentionne
simplement
qu'à
cette
date,
il
possédait
une
preuve
suffisante
pour
justifier
des
poursuites.
L'article
244
exigeait
davantage.
II
aurait
fallu
identifier
le
jour
où
avait
lieu
une
première
prise
de
connaissance.
Si
l'on
veut
donner
à
l'article
244
un
effet
qui
assure
une
certaine
diligence
dans
l'exercice
des
droits
du
Ministrère
et
le
respect
de
ceux
des
contribuables,
la
date
de
connaissance
attestée
doit
être
celle
où
est
acquise
la
première
connaissance.
Autrement,
des
poursuites
pourraient
être
engagées
n'importe
quand
et
à
l'initiative
de
n'importe
qui.
Le
certificat
produit
ici
peut
être
interprété
comme
visant
l'un
des
jours
où
la
connaissance
aurait
pu
être
acquise.
Cela
ne
suffit
pas:
en
utilisant
le
terme
"le
jour",
que
l'on
atteste
qu'il
s'agit
bien
du
premier
moment
auquel
cette
connaissance
du
fait
a
été
acquise.
Par
ailleurs,
les
arguments
relatifs
à
l’évolution
du
droit
et
de
la
jurisprudence
sur
la
délégation
de
pouvoir
implicte
n'affectent
pas
l'issue
de
cette
affaire.
Comme
on
l’a
vu,
tant
qu'il
est
impossible
de
distinguer
cette
affaire
de
l'arrêt
Marcotte,
la
question
soulevée
n'est
pas
celle
d'une
délégation
de
pouvoirs
mais
tout
simplement
d'identification
de
la
personne
qui
devait
confirmer
l'existence
d'un
fait.
L'on
peut
admettre
qu'un
fonctionnaire
autorisé
par
le
règlement
aurait
pu
déposer
le
certificat.
Il
devait
toutefois
se
baser
sur
la
connaissance
même
du
Ministre
et
attester
celle-ci,
ce
qui
n'a
pas
été
fait.
Cette
solution
ne
remet
pas
en
cause
les
principes
posés
par
l'arrêt
Harrison
ou
par
la
jurisprudence
postérieure.
Les
contraintes
propres
à
l'administration
publique
sont
connues,
les
difficultés
d'interprétation
de
certaines
dispositions
législatives
également,
ainsi
que
le
besoin
parfois
de
les
interpréter
avec
une
certaine
souplesse,
de
façon
à
permette
l'exécution
rationnelle
de
certaines
fonctions
administratives.
Sans
nier
que
la
jurisprudence
et
le
droit
administratif
se
montrent
de
plus
en
plus
conscients
de
ces
caractéristiques
de
l’administration
publique,
j'estime
que
l'arrêt
antérieur
de
notre
Cour,
dans
l'affaire
Marcotte,
pose
un
problème
distinct
et
que
sa
conclusion
nous
lie
à
l'égard
d'une
attestation
non
conforme
au
texte
de
l'article
244
de
la
Loi
de
l'impôt
sur
le
revenu.
L'honorable
juge
Dutil,
confirmé
par
la
Cour
supérieure,
a
exposé
de
façon
détaille
ses
motifs
de
jugement.
L'appelante
n'est
pas
parvenue
à
établir
que
ceux-ci
étaient
erronés.
Au
contraire,
j'estime
ses
motifs
conformes
au
droit
et
en
conséquence,
le
pourvoi
doit
échouer.
Ceci
me
dispense
de
traiter
de
certains
problèmes
additionnels
soulevés
par
les
intimés
lors
de
l'audition,
notamment
à
propos
de
l'application
de
la
Charte
canadienne
des
droits
et
libertés.
Pour
ces
motifs,
je
rejetterais
le
pourvoi.
A
titre
de
dépens
et
honoraires,
tant
en
Cour
des
sessions
de
la
paix
qu'en
Cour
supérieure
et
devant
notre
Cour,
j'accorderais
à
chacun
des
procureurs
qui
ont
occupé,
une
somme
de
2
000,000$
plus
les
déboursés.
Beauregard,
J.A.:
—Relativement
à
la
prescription
d'une
poursuite
par
déclaration
sommaire
de
culpabilité
pour
une
infraction
à
la
Loi
de
l'impôt
sur
le
revenu,
l'article
244(4)
de
la
Loi
dispose:
Une
dénonciation
ou
une
plainte
en
vertu
des
dispositions
du
Code
criminel
relative
aux
déclarations
sommaires
de
culpabilité
à
l'égard
d'une
infraction
à
la
présente
Loi
peut
être
déposée
ou
faite
au
pous
tard
5
ans
après
la
date
ou
le
sujet
qui
a
donné
lieu
à
la
dénonciation
ou
à
la
plainte
a
pris
naissance,
ou
dans
l'année
qui
suit
le
jour
où
une
preuve
suffisante,
de
l'avis
du
Ministre,
pour
justifier
une
poursuite
relative
à
l'infraction,
est
venue
à
sa
connaissance,
et
le
certificat
du
Ministre
quant
au
jour
où
cette
preuve
est
venue
à
sa
connaissance
en
est
une
preuve
concluante.
[Les
italiques
sont
de
moi.]
De
cet
article
on
pourrait
croire
que
seul
le
ministre
peut
signer
le
certificat
de
l'article
244(4)
et
que
c'est
lui
personnellement
qui
doit
juger
de
la
suffisance
de
la
preuve
qui
sert
de
fondement
à
une
poursuite.
Mais
l'article
220(1)
de
la
Loi
dispose
que
le
sous-ministre
du
Revenu
national
pour
l'impôt
peut
exercer
tous
les
pouvoirs
et
remplir
toutes
le
fonctions
dévolues
au
ministre
en
vertu
de
la
Loi.
Vu
la
délégation
très
générale
de
l’article
220(1),
on
ne
saurait
prétendre
que,
lorsque
l'article
244(4)
réfère
à
deux
reprises
au
“Ministre”,
il
ne
réfère
pas
en
même
temps
au
sous-ministre.
En
d'autres
mots,
le
sous-ministre
a
non
seulement
la
compétence
pour
signer,
pour
et
au
nom
du
ministre,
le
certificat
de
l’article
244(4),
mais
il
a
également
la
compétence
pour
juger
de
la
suffisance
de
la
preuve
qui
sert
de
fondement
à
une
poursuite.
D'autre
part,
en
application
de
l'article
221(1)(f)
de
la
Loi,
le
gouverneur
en
conseil,
par
l’article
900(2)
des
Règlements
de
l'impôt
sur
le
revenu,
a
disposé
que
le
directeur
de
l'impôt
auprès
d'un
Bureau
de
district
du
ministère
du
Revenu
national,
Impôt,
peut
exercer
les
pouvoirs
et
remplir
les
fonctions
qui
sont
attribuées
au
ministre
par
l’article
244(4)
de
la
Loi.
Etant
donné
que
cette
délégation
des
pouvoirs
du
ministre
en
vertu
de
l'article
244(4)
au
directeur
de
l'impôt
est
aussi
générale
que
celle
faite
au
sous-ministre
par
l'article
220(1),
on
ne
saurait
prétendre
non
plus
que,
lorsque
l'article
244(4)
réfère
à
deux
reprises
au
“Ministre”,
il
ne
réfère
pas
en
même
temps
au
directeur
de
l'impôt.
En
d'autres
mots,
le
directeur
de
l'impôt
a
non
seulement
la
compétence
pour
signer
pour
et
au
nom
du
ministre,
le
certificat
de
l’article
244(4),
mais
il
a
également
la
compétence
pour
juger
de
la
suffisance
de
la
preuve
qui
sert
de
fondement
à
une
poursuite.
En
d'autres
mots,
le
sous-ministre
est
l'alter
ego
du
minister
dans
le
cadre
de
toute
la
Loi
et
le
directeur
de
l'impôt
est
l’alter
ego
du
ministre
et
du
sous-ministre
dans
le
cadre,
en
particulier,
de
l'article
244(4).
Le
législateur
a
évidement
voulu
soulager
le
ministre
en
déléguant
au
sous-ministre
la
compétence
des
pouvoirs
et
des
fonctions
du
premier,
et
le
gouverneur
en
conseil
a
lui
aussi
voulu
soulager
le
ministre
et
le
sous-
ministre
en
déléguant
au
directeur
de
l'impôt
la
compétence,
dans
le
cadre
de
l’article
244(4),
des
pouvoirs
et
des
fonctions
de
ceux-ci.
Mais
en
voulant
soulager
le
ministre
et
le
sous-ministre,
on
a
de
fait
imposer
à
l'appelante
un
fardeau
de
preuve
supplémentaire
lorsque
l'appelante
désire
invoquer
la
prescription
spéciale
d'un
an
de
l’article
244(4).
En
effet,
de
la
façon
que
la
Loi
et
l’article
900(2)
des
Règlements
sont
rédigés,
il
fallait
en
l'espèce
que
l'appelante
prouve
que
ni
le
ministre,
ni
le
sous-ministre,
ni
le
directeur
de
l'impôt
n'avait
eu,
plus
d'un
an
avant
le
dépôt
des
dénonciations,
une
connaissance
personnelle
de
l'existence
d'une
preuve
suffisante,
quant
à
lui,
pour
justifier
les
pour-suites.
En
l'espèce,
le
certificat
produit
est
curieusement
libellé.
Le
certificat
est
celui
du
directeur
de
l'impôt
qui
affirme
qu'une
preuve
suffisante,
de
l'avis
du
ministre,
pour
justifier
les
poursuites,
est
venue
à
sa
connaissance
dans
l'année
qui
a
précédé
le
dépôt
des
dénonciations.
L'appelante
nous
propose
que,
vu
la
délégation
de
pouvoirs,
le
directeur
de
l'impôt,
dans
son
certificat,
ne
réfère
pas
à
l'avis
du
ministre
mais
à
l'avis
du
directeur
comme
délégué
du
ministre.
C'est
une
façon
de
voir
les
choses
mais,
pour
constituer
une
preuve
concluante
aux
termes
de
l'article
244(4),
le
certificat
ne
peut
être
ambigu
et,
dans
les
circonstances,
le
certificat
n’a
aucune
valeur.
Je
ne
sais
pas
si
l'appelante
aurait
eu
le
droit,
lors
des
procès,
de
faire
la
preuve,
viva
voce
ou
par
la
production
de
plusieurs
certificats
émanant
du
ministre,
du
sous-ministre
et
du
directeur
de
l'impôt
ou
d'un
certificat
général
de
l'un
d'eux,
qu'en
réalité
ni
le
ministre,
ni
le
sous-ministre,
ni
le
directeur
de
l'impôt
n'avait
eu,
plus
d'un
au
avant
le
dépôt
des
dénonciations,
une
connaissance
personnelle
d'une
preuve
suffisante,
quant
à
lui,
pour
justifier
les
poursuites.
Nous
n'avons
pas
à
décider
cela
puisqu'en
première
instance,
lorsque
le
certificat
fut
annulé,
l'avocat
de
l'appelante
n'a
pas
offert
une
telle
preuve
quoiqu'il
semblât
acquis
que
le
ministre
lui-
même
n'avait
pas
eu
une
telle
connaissance.
Je
rejetterais
le
pourvoi
et
j'accorderais,
à
titre
d'honoraires
au
procureur
de
chacun
des
intimés,
une
somme
de
2
000,00$
plus
les
déboursés
en
guise
d'honoraires
extra-judiciaires.
Nichols,
J.A.:
—Enoncée
dans
un
article
qui
commence
par
déterminer
la
prescription
habituelle,
la
prescription
d'un
an
qu'on
retrouve
à
l'article
244(4)
de
la
Loi
de
l'impôt
sur
le
revenu
m'apparaît
clairement
comme
une
prescription
exceptionnelle.
D'autant
plus
exceptionnelle
qu'il
ne
s'agit
pas
simplement
d'une
extension
de
la
prescription
de
cinq
ans
mais
d'une
prescription
d'une
élasticité
peu
commune.
L'article
244(4)
dispose:
(4)
Prescription
des
poursuites.
Une
dénonciation
ou
une
plainte
en
vertu
des
dispositions
du
Code
criminel
relative
aux
déclarations
sommaires
de
culpabilité
à
l'égard
d'une
infraction
à
la
présente
Loi
peut
être
déposée
ou
faite
au
plus
tard
5
ans
après
la
date
où
le
sujet
qui
a
donné
lieu
à
la
dénonciation
ou
à
la
plainte
a
pris
naissance,
ou
dans
l’année
qui
suit
le
jour
où
une
preuve
suffisante,
de
l'avis
du
Ministre,
pour
justifier
une
poursuite
relative
à
l'infraction,
est
venue
à
sa
connaissance,
et
le
certificat
du
Ministre
quant
au
jour
où
cette
preuve
est
venue
à
sa
connaissance
an
est
une
preuve
concluante.
Si
le
législateur
a
voulu
d'une
part
accorder
à
l'autorité
publique
un
moyen
efficace
de
poursuivre
ceux
qui
se
rendent
coupables
de
fraude
fiscale,
il
a
aussi
voulu
que
le
justiciable
ne
reste
pas
indéfiniment
sous
la
menace
de
poursuites.
Il
fallait
donc
fixer
un
point
de
départ
à
cette
prescription
exceptionnelle.
Non
pas
un
point
de
départ
que
l'administration
pourrait
fixer
à
sa
guise
mais
un
point
de
depart
que
le
justiciable
pourrait
lui-même
connaître
avec
certitude.
Car
à
quoi
servirait
une
prescription
si
celui
en
faveur
de
qui
elle
est
édictée,
ne
peut
savoir
quand
elle
commence.
Pour
fixer
ce
point
de
départ
il
fallait
donc
se
replier
sur
un
fait
certain.
Le
législateur
a
choisi
de
l'arrêter
au
jour
où
le
Ministre,
selon
qu'en
attesterait
un
certificat
juridiquement
concluant,
aurait
acquis
la
conviction,
à
sa
connaissance,
que
la
preuve
est
suffisante
pour
intenter
des
poursuites.
Si
le
pouvoir
général
de
délégation
permettait
aux
officiers
et
fonctionnaires
du
Ministère
d'agir
au
lieu
et
place
du
Ministre,
le
point
de
départ
de
la
prescription
pourrait
varier
aux
caprices
de
la
conviction
personnelle
de
tous
ceux
qui
sont
autorisés
par
la
Loi
à
agir
au
nom
du
Ministre.
Lorsque
la
loi
exprime
un
pouvoir
exceptionnel
et
lorsqu'il
s'agit
par
surcroît
d'une
matière
de
prescription,
je
ne
puis
me
convaincre
qu'il
faille,
comme
le
propose
l'appelante,
recourir
à
des
principes
d'interprétation
larges
et
généreux.
Il
est
possible
que
le
législateur
n'ait
pas
eu
l'intention
d'imposer
personnellement
au
Ministre
le
fardeau
d'évaluer
dans
tous
les
dossiers
de
fraude
fiscale
la
qualité
de
la
preuve
détenue
par
le
personnel
de
son
ministère,
mais
si
telle
n'était
pas
son
intention,
il
lui
fallait
s'exprimer
clairement.
À
mon
avis
le
texte
de
l’article
ne
se
prête
pas
à
une
autre
interprétation
que
celle
qui
a
déjà
été
retenue
antérieurement
dans
différentes
décisions
et
l'appelante
ne
m'a
pas
convaincu
qu'il
y
avait
lieu
de
reconsidérer
la
question
à
la
lumière
de
principes
nouveaux
ou
différents.
Je
partage
l'opinion
de
mon
collègue
monsieur
le
juge
LeBel
et
pour
les
motifs
qu'il
exprime,
je
disposerais
du
pourvoi
comme
il
le
propose.
Appel
rejeté.