DUMOULIN, J.:—Le 19 mars 1963, la Commission de l’impôt maintenait une cotisation du 14 juillet 1960 par laquelle le Ministre du Revenu national exigeait de Claude Belle-Isle, l’appelant, pour l’année d’imposition 1958, un impôt de $37,730.80, plus un montant d’intérêt de $2,641.10, couvrant l’augmentation de taxe du contribuable pendant la période du 14 juillet 1960 au 19 mars 1963. L’appelant se pourvoit en appel de cette décision.
Les Faits :
Le 23 juillet 1951, Claude Belle-Isle se portait acquéreur de l’hôtel “Brunswick” dans la ville de Richmond, province de Québec, pour un prix de $175,000, et en continua l’exploitation pendant environ sept ans.
Le 6 août 1958, Belle-Isle prétendait disposer de cet hôtel pour un prix de vente de $111,280 comprenant l’émission, en son nom, de 9,896 actions ordinaires de la compagnie 4 ‘ Gérard Dessert, Limitée’’, acquéreur de l’immeuble, qui assumait aussi une hypothèque de $81,800. Autrement dit, les actions ordinaires mises au nom de Belle-Isle étaient alors évaluées à $29,480, comme il appert à la pièce A-1, datée le 6 août 1958, reçue devant le notaire Georges Sylvestre de Sherbrooke.
Notons de suite que l’appelant admit, devant la Commission d’appel de l’impôt et en Cour de l’Echiquier, que cette première transaction ne fut pas faite à distance (at arm’s length) puisqu’il contrôlait personnellement la compagnie Gérard Dessert Limitée, dont il s’était engagé à obtenir l’incorporation, tel que dit à la pièce A-4, paragraphe 4, ainsi rédigé:
“4. Le vendeur obtiendra des lettres patentes constituant en corporation une compagnie qui achètera du vendeur son commerce ci-haut désigné pour des actions entièrement libérées et qui prendra à sa charge les dettes qui suivent: . . .”?
Le même jour, 6 août 1958, par un second acte notarié, reçu par le même officier public, Georges Sylvestre, Claude Belle-Isle revendait à Gérard Dessert personnellement les 5,896 actions ordinaires, sans valeur au pair, et entièrement libérées, du capital social de la compagnie Gérard Dessert Limitée, pour un prix sensiblement supérieur à celui de leur prétendue acquisition, soit $121,700 (cf. pièce A-2). Belle-Isle, dans ce même acte, reconnaissait avoir reçu au comptant un versement de $50,000 dont il donnait quittance à Gérard Dessert.
L’appelant, selon toute apparence, entendait faire un placement à long terme, puisque le remboursement de l’hypothèque de $81,800 ne devait s’effectuer qu’à partir du ler septembre 1958, à raison de versements mensuels de $400, et le solde de la revente des actions à Gérard Dessert, soit $71,700, était aussi soumis à des conditions identiques de remboursement, à compter de l’extinction totale de l’hypothèque, ce qui prorogeait à 1991 le complément définitif de la transaction.
Le 14 juillet 1960, le Ministère du Revenu national, par une seconde cotisation, réclamait de Belle-Isle la taxe afférente au profit supposément réalisé sur la revente de 5,896 actions de la compagnie Gérard Dessert, Limitée, soit l’écart entre leur sup- posé prix d’achat, $29,480, et celui de leur cession à Gérard Dessert personnellement, $121,700, ou un gain de $92,220.
L’intimé, toutefois, ne persista pas dans cette prétention et, lors de l’enquête devant la Commission d’appel de l’impôt, amenda considérablement sa position juridique en ne postulant rien autre chose que la remise de la dépréciation consentie à Claude Belle-Isle durant les sept ans d’exploitation de l’hôtel Brunswick, s’élevant à $70,884.26.
Dès lors, les moyens de droit soulevés par chacune des parties deviennent assez manifestes ; d’un côté, l’intimé désire récupérer la dépréciation ($70,884.26) allouée à un immeuble commercial dont le prix de vente aurait été d’environ $203,000 et, par contre, l’appelant fait valoir qu ’il a vendu un fonds de commerce valant $3,500, et un hôtel au prix de $111,280, selon que stipulé au contrat notarié du 6 août 1958, pièce A-l, vente qui, nous l’avons vu, fut conclue arbitrairement en ce qui concerne, du moins, la valeur alors attribuée par Claude Belle-Isle aux 5,896 actions de la compagnie Gérard Dessert, Limitée. Il s’agit done d’établir logiquement le prix de vente de l’hôtel Brunswick.
Et d’abord, s’il ne m’est pas loisible d’attacher une signification probante à la valeur unilatéralement attribuée dans le contrat, pièce A-1, par l’appelant, à ses actions de la compagnie Gérard Dessert, Limitée, cet acte indique bien, par ailleurs, les facteurs qui rendent vraisemblable la créance hypothécaire de $81,800 mise au compte de la compagnie précitée.
Le second contrat, pièce A-2, dont la simultanéité avec le précédent est parfaite, établit, de façon concluante, Je crois, la valeur réelle attribuée aux actions par les parties contractantes, vendeur et acquéreur : un élément essentiel de toute vente, mais qui fait défaut dans ce que la pièce A-1 consigne. Si cette opinion est fondée, il resterait que Claude Belle-Isle aurait disposé de son hôtel et du fonds commercial contre une hypothèque de $81,800 acceptée par la compagnie Gérard Dessert, Limitée, plus $121,700, dont $50,000 versés au comptant, en compensation des actions acquises par Gérard Dessert; au total, un coût d’achat de $203,500.
Cela étant, les modalités de paiement de l’hypothèque et des actions sociales, réparties sur 33 ans, n’influent guère sur le contexte juridique de l’affaire, à moins qu’une disposition de la loi n’en autorise la considération. L’appelant n’a pas rapporté de texte justifiant cette prétention de l’article 20, sous-paragraphes (1) et (5)(c) de la Loi de l’impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, ch. 148, ne paraît guère accréditer une telle interprétation ; je cite :
“20.(1) Lorsque, dans une année d’imposition, il a été disposé de biens d’un contribuable, susceptibles de dépréciation et appartenant à une catégorie prescrite, et que le produit de la disposition excède le coût en capital non déprécié, pour lui, des biens susceptibles de dépréciation de cette catégorie, immédiatement avant leur aliénation, le moindre
(a) du montant de l’excédent, ou
(b) du montant de ce que serait l’excédent s’il avait été disposé des biens pour ce qu’ils ont coûté en capital au contribuable
doit être inclus dans le calcul de son revenu pour l’année.
(9)
(c) ‘produit d’une disposition’ de biens comprend
(i) le prix de vente des biens qui ont été vendus . . .’’
Au surplus, l’apurement différé de ces dettes ne crée aucun préjudice éventuel à l’appelant-vendeur advenant la déconfiture financière de l’acheteur, puisque l’article 11 (3d) de la Loi de l’impôt sur le revenu, dont le texte suit, assure au premier une mesure suffisante de p :
“11. (3d) Lorsqu’un montant dû à un contribuable au titre ou au compte du produit de la disposition de biens susceptibles de dépréciation du contribuable et appartenant à une catégorie prescrite, déterminé aux fins de l’article 20, est établi par lui comme étant devenu une mauvaise créance dans une année d’imposition, on peut déduire, dans le calcul de son revenu pour l’année, le moindre des deux montants suivants:
(a) le montant ainsi dû au contribuable, ou
(b) le montant, s’il en est, par lequel ce qu’il lui en a coûté en capital pour ces biens, déterminé aux fins de l’article 20, excède l’ensemble des montants, s’il en est, qu’il a réalisés au compte du produit de la disposition.’’
La Cour est d’avis que ces deux prescriptions statutaires suffisent à résoudre le problème sans qu’il soit besoin de recourir à l’article 137, dont l’applicabilité est plus que douteuse en l’occurrence. Elle estime également que l’intimé, comme il l’allègue au paragraphe 12 de sa réponse à l’avis d’appel “. . . était en droit de taxer la récupération de l’allocation du coût en capital réclamée par l’appelant dans les années antérieures à l’année de la vente’’.
Pour peu que cette citation, d’une rédaction aussi vague qu’im- précise, signifie que l’intimé postule la reprise de la dépréciation consentie à l’appelant, soit une somme de $70,884.26, la Cour, estimant fondée cette demande, l’accorde.
PAR CES MOTIFS, l’appel est rejeté et l’intimé aura droit de recouvrer tous ses frais après leur taxation.
Jugement conforme.